[ Les gens ]



lundi 1 décembre 2008


Je ne vais pas me faire que des amis, mais…
posté par Professor Ludovico

…bon, oserais-je dire que j’approuve la loi sarkoziste sur la suppression de la publicité sur France Télévisions ? Que je la soutiens, tout simplement, parce que je l’ai toujours soutenu ? Car qui veut une télé de qualité doit accepter une télé sans pression de l’Audimat, et donc sans publicité.

Qu’avons-nous à perdre, sincèrement, d’une France Télévisions au rabais ? La suppression des animateurs-producteurs (Delarue, Drucker, Sébastien) ? Les séries américaines au kilomètre (Cold case, FBI Portés Disparus, Urgences ? On les aura ailleurs, non ?) Les séries françaises pour retraités ? les sagas de l’été ? Fort Boyard ?

Moi ça me va ! Il y a bien longtemps que je ne regarde plus France 2, ses émissions, ses séries, ses variétés idiotes, son journal « pensée unique », aussi mauvais (peut être plus, si on réfléchit bien), que celui de TF1.

Donc je serais ravi de voir la grille de Janvier de France 2 -France 3, même si je ne m’attend pas à grand’ chose, du moins dans un premier temps. Mais dans 3, 4 ans, qui sait ? Peut-être qu’une Arte populaire et franco-française renaître des cendres du soi-disant Service Public…

PS : je précise qu’en revanche je n’approuve pas le volet Napoléonien de la loi (nomination du PDG par le Président de la République, ou comment retricoter en 2 ans ce que Pompidou, Giscard et Mitterrand avaient mis 25 ans à détricoter…)




vendredi 7 novembre 2008


Quantum of Solace
posté par Professor Ludovico

« James Bond will return » nous informe le dernier plan du générique de fin ; comme si nous étions inquiets ! Comme si, après 22 films de la franchise, la famille Broccoli s’était lassée de se faire des Goldenballs !

Mais pour le Professore, James Bond vient de naître ! Depuis Dr No, le Professore a vu 4 films brocolis*; depuis Casino Royale, il les a tous vu !

Cet article pourrait d’une certaine manière se retrouver dans la rubrique « Pour en Finir Avec », qui, je le rappelle, est l’appareil critique sophistiqué où CineFast démonte les boursouflures cinématographiques. Mais comme il n’y a pas consensus au sein du conseil d’administration de CineFast, et notamment à cause de la motion A (dite « Framekeeper ») fait ressembler cette noble institution à un avatar du Parti Socialiste. Donc je ne m’exprime ici qu’en mon nom, bien sûr.

Je n’aime pas James Bond parce que j’adore les vraies histoires d’espionnage : La Maison Russie, Scorpio (un film des années 70 avec Delon et Burt Lancaster), Spy Game, Raisons d’Etat. Bref peu d’action, mais des coups tordus, de la manipulation, du cynisme. Pas de gadget, pas d’Aston Martin, et pas de roucoulade au champagne comme générique de fin.

Mais force est de constater, depuis le virage Casino Royale, que la franchise a pris un énorme coup de jeune. Moins de gadget, un contexte géopolitique crédible, des scènes d’action qui font physiquement peur, et le tout – miracle ! – sans perdre son âme. Mais surtout, c’est le personnage qui y a énormément gagné : un très bon comédien, Daniel Craig, qui incarne parfaitement l’ambiguïté de la virilité et de la fracture interne…

Ce Quantum of Solace (moment de répit) n’en est pas vraiment un, puisque ça bastonne de bout en bout. Il y a bien sûr quelques invraisemblances, mais globalement on ne s’ennuie pas une seule seconde.

Alors, quand est ce qu’il return, ce Bond 23 ?

*James Bond contre Dr NO, Dangereusement Vôtre, L’Espion Qui M’aimait, Rien Que Pour Vos Yeux




samedi 1 novembre 2008


Le « pauvre » cinéma français face à l’Ogre Américain
posté par Professor Ludovico

Il est une légende française bien répandue, et qu’il nous plait beaucoup à CineFast de démolir : celle du pauvre cinéma français, qui manque traditionnellement de moyens, face au bulldozer américain, qui lui « aurait tout ». Comme si le cinéma n’était qu’affaire de gros sous ! On le sait, pour n’observer que la planète Hollywood de notre petit observatoire, que c’est déjà faux : un Lynch de 15M$ vaut souvent mieux que trois blockbusters à 100M$. C’est l’équation que cherche à résoudre au quotidien les executives d’Hollywood ; trouver la formule, le coup sûr ! Julia Roberts+George Clooney+le réalisateur qui monte+le mec des effets spéciaux de matrix+la BO de Britney Spears, ben oui, mais ça marche pas ; quoiqu’on en dise, le cinéma reste un art, avec son lot de ratés, et aussi sa magie.

Juste deux chiffres pour illustrer ce faux débat (© FrameKeeper) : deux films sortis en 1995 : à ma droite, Usual Suspects, blockbuster américain virtuose, superbe musique, comédiens excellents, action, suspense. A ma gauche, Le Garçu, de Maurice Pialat, drame intime à la française, Depardieu, Géraldine Pailhas, et une cuisine et une salle de bains.

Budgets : Usual Suspects 6M$, Le Garçu, 10M€.

Je ne comparerai pas les box offices respectifs, parce qu’évidemment, ce n’est pas le même cinéma, la même ambition, le même public. Disons simplement que Usual Suspects est, et reste un énorme succès public et critique, et que Le Garçu fut un succès critique et un échec public. On peut même dire que c’est un film quasi oublié aujourd’hui, ce qui n’est pas le cas de tous les Pialat. Mais là n’est pas la question : derrière l’argent, où est le travail ? La créativité ? Avec 6M$, la production des Suspects tire le meilleur de cet argent, en termes de talents : scénariste, décorateur, musicien, acteurs… mais où sont les 10M€ du Garçu, à part dans la poche de Gérard ?

Ce qui est intéressant, ici, ce n’est pas un échec, mais bien que les moyens existent dans le cinéma français, il y a de l’argent, et notamment l’argent de l’Etat, notre argent. La question, c’est comment est-il employé ? Qu’en fait-on ? Pour éviter, à l’avenir, l’argent fainéant, comme ici…

PS Dans la série « Les Chiffres Qui Font Plaisir », il y a aussi ça.




mardi 14 octobre 2008


Halte au marketing, on veut des scénarios !
posté par Professor Ludovico

Ma copine Alex me disait hier qu’elle était passée devant l’affiche de La Loi et l’Ordre, avait hésité dix secondes, et passé son chemin. « Je savais à l’avance que c’était mauvais », conclut-elle. Venant de quelqu’un qui abandonnerait sans hésiter ses enfants si le Grand Al le lui demandait, cette remarque n’est pas innocente. Elle a du voir tous les De Niro et tous les Pacino, et l’idée de les voir à nouveau ensemble, je ne vous en parle même pas ! Pourquoi ne pas y aller, alors ? Tout simplement, parce que ce film pue le marketing ! Quel est le projet ? Où est le scénario ? N’a-t-on rien de mieux à proposer à ces deux montagnes qu’une énième cop story, peu crédible de surcroît, quand on connaît l’âge des capitaines ?

Non, le cinéma actuel meurt de cela : malade en fin de vie de la photocopieuse Pixar, des projets bodybuildés sans âme (Voyage au Centre de la Terre, Pirates des Caraïbes II et III, Star Wars I, II, III), des auteurs qui se répètent (Les Promesses de l’Ombre (Cronenberg), Noces Funèbres (Burton), des films prétentieux et pourtant intellectuellement peu épais (L’Illusionniste, La Nuit Nous Appartient, Gomorra)…

Quoi de commun à tous ces films ? Absence de scénario, absence d’écriture, absence de style…

Certes, nous sommes vieux, notre coeur est sec, nous avons vu trop de films, nous avons perdu notre âme d’enfant, nous avons la nostalgie mal placée… Mais pourtant ! Il y en a, du talent, à la télé ou même dans le jeu vidéo…

Lâchez les commandes, amis tâcherons d’Hollywood et d’ailleurs! Laissez travailler les professionnels, les vrais conteurs d’histoire ! Laissez Aaron Sorkin, David Simon, Marc Cherry faire les films qu’ils méritent et que nous méritons…

PS : Un ami commun, Guillaume, avait des places pour l’avant-première avec les deux géants. Tous les deux, sans s’être concertés, et pourtant fans transis, avions mieux à faire. Lassitude, snobisme ? Sûrement pas. Nous aimons trop ces deux-là derrière l’écran pour prendre le risque d’être déçu devant.




mercredi 24 septembre 2008


Richard Avedon, Photographies 1946-2004
posté par Professor Ludovico

Richard Avedon au Jeu de Paume, c’est comme Leibovitz : c’est l’histoire du plus grand portraitiste de sa génération. Sauf que c’est comme Leibovitz, mais en plus vieux, en plus noir et blanc, en plus mort, et surtout, en plus fort. Pendant que la petite Annie soigne ses mises en scène, Avedon, c’est la rigueur Joy Division : un fond blanc, photo noir&blanc, regardez l’objectif siouplai !

Exemple pervers : pour The Family, série réalisé pour Rolling Stone de la campagne électorale 1976, il demande à ses modèles (les 69 personnes les plus influentes des Etats-Unis) de s’habiller « comme ils veulent » Et qui a l’air malin, trente ans après, en costume synthétique et cravate à pois ? Le jeune Donald Rumsfeld, secrétaire d’Etat à la défense, le quadra George Bush père, chef de la CIA !

Et puis il y a une superbe série sur l’amérique de l’ouest, des decent american people, mineurs, SDF, truckers… Fond blanc, netteté parfaite : l’Amérique vous regarde dans les yeux.

Richard Avedon, Photographies 1946-2004 au Jeu de Paume jusqu’au 27/9 (oui, je sais, je sais)




samedi 13 septembre 2008


Annie Leibovitz
posté par Professor Ludovico

J’ai un problème : je vais toujours voir les expos à la dernière minute ; il y a donc peu de chances que vous ayez le temps d’aller voir Annie Leibovitz, A photographer’s Life 1990-2005, à la Maison Européenne de la photo.

Ce n’est pas grave, car les photos de Leibovitz sont partout (Vogue, Rolling Stone, Vanity Fair) ou dans un très beau (et très coûteux) catalogue de l’expo.

En quoi cela intéresse le CineFaster de base ? Eh bien Annie Leibovitz, c’est un peu la portraitiste de ces quarante dernières années, la Gainsborough, la Poussin, ou la David, de la noblesse d’aujourd’hui : plus de Madame de Maintenon, plus de Général Murat, mais plutôt les petits marquis d’hollywood, la noblesse rock, et les vaniteux people. Aussi peint-elle un Daniel Day-Lewis sur son trône hamletien, la détermination mafieuse de l’équipe Bush (qui fait un écho troublant à un autre cliché : la série publicitaire pour Les Sopranos), la folie foutraque de Nicholson, le charme Vegas de Scarlet Johansson…

Annie Leibovitz n’est pas la plus grande, ses photos sont classiques et elle n’est pas un tournant de la photographie ; mais ses photos sont l’époque.




jeudi 4 septembre 2008


Kenneth Anger’s Hollywood Babylon
posté par Professor Ludovico

Kenneth Anger, avant de devenir le cinéaste d’avant-garde que l’on sait (Scorpio Rising), était CineFaster, tendance midinette. Enfant, il collectionnait toutes les revues consacrées aux stars de la Mecque du cinéma et il en a tiré dans les années soixante-dix un livre culte, Hollywood Babylon, compilation d’anecdotes trash sur les Golden People, de Harold Lloyd à Jayne Mansfield.

Et bien, force est de constater que nous vivons un période bien terne en matière de scandales hollywoodiens !

Qui, aujourd’hui, peut assassiner tranquillement un homme d’une balle dans la tête, croyant tirer sur l’amant de sa femme, et faire passer le tout pour une péritonite aigüe ? C’est pourtant ce que fit le magnat Randolph Hearst, (l’involontaire héros de Citizen Kane), en tuant l’infortuné Tom Hince, pris par erreur pour Charlie Chaplin. Les témoins de ce malheureux « incident » firent ensuite une belle carrière dans les journaux du groupe Hearst !

Je vous passe les multiples épouses (mineures) de Charlie Chaplin, les sextoys étonnants de Fatty Arbuckle, le virilité problématique de Rudolph Valentino, et les reconstitutions « plus vraies que nature » des orgies viennoises dans les films d’Erich von Stroheim. C’était le bon temps où, si vous retrouviez l’amant de votre fille mort dans la piscine, vous appeliez d’abord le patron de la MGM, et ensuite la police. Tout ca se passait dans les années 20, mesdames-messieurs, et donna naissance au Code Hays, sorte de charte morale établissant les choses à ne pas faire sur l’écran : nudité, drogues, et baisers trop langoureux.

Puis la crise de 1929 survint, et – effet paradoxal – le public américain mûrit, plus préoccupé par la crise que par les affaires de cul du Peuple Doré, qui du coup chuta de son piédestal pour ne plus jamais y remonter.

L’Age d’Or d’Hollywood était bel et bien terminé.

Kenneth Anger’s Hollywood Babylon, disponible en poche, mais en anglais et en allemand uniquement.




dimanche 24 août 2008


Apocalypse Now Redux, du chef d’œuvre au film amateur
posté par Professor Ludovico

Ceux qui connaissent un peu le Professore savent qu’Apocalypse Now est au pinacle de son panthéon cinéphilique ; insurpassable, et inusable bloc de granit noir, que le temps lui-même n’arrive pas à éroder.

Las ! Coppola, constatant que son ex-ami Lucas* avec le remontage-reliftage-charcutage de ses Star Wars avaient engrangé une petite fortune, décida de faire de même avec son opus : Apocalypse Now Redux était né. Depuis, pour notre plus grand malheur, seule cette version est disponible, aussi bien salles qu’en DVD. Nous plaidons donc pour la réédition immédiate de la version originale** mais d’abord, dégonflons la baleine Redux.

Baleine, c’est le mot, puisque le félin racé de 2h33 est devenu un cétacé pesant de 3h22. Au programme : un pseudo Director’s Cut, des scènes coupées, et une version « qui explique tout ».

Director’s Cut : Déjà, on se moque du monde, quand on sait que la production tenta en vain de remettre de l’ordre sur ce tournage qui s’enlisait en Thaïlande (envoyant même le scénariste John « Conan The Barbarian » Milius, qui revint converti).

Non, Coppola ne peut pas mentir : il a fait ce qu’il voulait sur Apocalypse Now. Il vendit même à ses producteurs un scénario guerrier, avec happy end, qu’il s’empressa de déchirer une fois sur le plateau ; et là commencèrent de longs mois d’écriture sous marijuana, tournage, réécriture, etc.

Scènes Coupées
Un autre mythe que ces scènes supprimées. Supprimées par qui !? Mais par Coppola lui-même, jugeant à l’époque que la scène de la plantation française ne marchait pas. Pourquoi la rajouter aujourd’hui, alors qu’elle n’apporte rien au film, et au contraire le dilue ? Idem pour les scènes de Brando rajoutées, pseudo-explicatives, sur sa transformation d’officier exemplaire en tyran sanguinaire. On sait les difficultés qu’eu Coppola avec la star, qui n’avait pas maigri comme il s’y était engagé (ce qui l’obligea à tourner dans le noir, pour le formidable résultat que l’on sait), et qui surtout, n’avait pas appris son texte. De ces improvisations délirantes, Coppola Version 1 tira un fabuleux poème philosophique de vingt minutes. Coppola Version 2 prétend nous donner des explications fumeuses qui justifie plus explicitement le comportement sauvage de Kurtz. Pourtant, il n’en est nul besoin ; les 120 premières minutes nous ayant suffisamment édifié sur l’absurdité de la guerre du Vietnam.

Pire enfin, est peut-être le traitement réservé au héros, le Capitaine Willard, « qui voulait désespérément un mission, et qui pour ses péchés, en recut une ».

Willard est l’un des plus intéressants personnages de fiction de ces 30 dernières années. Cynique, mais finalement juste dans le chaos de la guerre, marin professionnel sur une barque emplie d’amateurs, et qui pourtant, tel un héros grec, devra rencontrer sa Gorgone Kurtzienne pour s’accomplir. C’est assurément LE grand rôle de Martin Sheen (avec The West Wing, dans un autre genre), où son physique à la fois falot et déterminé en fait le point de vue idéal du film. D’abord présenté comme un type suicidaire lors d’une scène d’ouverture d’anthologie, il apparaît pourtant rapidement comme le seul type sensé au milieu de cet abîme qu’est devenu le Vietnam. Dès lors, le spectateur le suivrait jusqu’aux 9 cercles de l’enfer, ce qui ne manque pas d’arriver.

Mais Redux, par deux scènes idiotes, détruit la statue patiemment édifiée par la version originale. Une scène d’orgie avec des playmates*** qui vient à tort humaniser le personnage, et pire, la scène du surf volé à Kilgore, qui en fait soudainement le complice rieur de ses compagnons d’infortune. Dans la version d’origine, Coppola avait plutôt tendu ses efforts vers une difficile relation officier d’active – conscrits branleurs. Tout cet édifice s’écroule dans le sourire complice de Sheen.

Quiconque a eu le bonheur de pratiquer le cinéma en amateur sait la difficulté d’écrire un scénario qui 1) Se tienne 2) Soit intéressant 3) Soit matériellement réalisable. Et comme on est là pour se faire plaisir, il est très difficile de couper au montage une scène qui tient à coeur, surtout si on y a consacré beaucoup d’efforts à la tourner.

Dans le cinéma pro, c’est à cela que servent les producteurs : donner des limites, des contraintes, couper quand il le faut, bref, savoir dire non. Malgré un mythe français persistant, le producteur n’est pas un Dark Vador castrateur de pauvres artistes désintéressés. C’est d’abord un découvreur de talents, et ensuite l’accoucheur de leurs œuvres.

Apocalypse Now Redux, privé de l’indispensable cadre fourni par une production (Coppola étant en l’occurrence seul à bord), transforme son chef d’œuvre en bouillie amateuriste.

*ex-ami car brouillés depuis la période d’Apocalypse Now, comme en témoigne la petite vacherie cryptique : Harrison Ford en officier bégayeur et maladroit dans la scène du briefing : le colonel Lucas

**enfin originale, c’est vite dit, puisqu’il existait déjà plusieurs versions (générique de fin noir, générique avec explosions, etc.)

*** dont l’unique objet était, pour Coppola, d’arriver à baiser l’une de ces authentiques playmates de Playboy, ce qu’il fit.




dimanche 24 août 2008


S’incliner devant la multitude
posté par Professor Ludovico

C’est l’un des inconvénients de la démocratie : on y pose que la majorité a toujours raison : « 50 000 000 Elvis fans can’t be wrong* », comme le proclamait une pochette célèbre du King.

Eh bien moi je pose le contraire : l’Art est le domaine où l’extrémisme doit être toléré, pire : encouragé. Libre à chacun de ne pas aimer Elvis et d’y préférer la Sainte Trinité (Chuck Berry, Little Richard, Jerry Lee Lewis), libre de ne pas aimer les Ch’tis malgré 21 millions de Français, et libre d’adorer Titanic, même si 21 millions de Français pensent la même chose.

Libre à chacun, donc, d’être son propre ayatollah artistique, de vouer aux gémonies ses propres ennemis jurés (Woody Allen, JP Jeunet, les Beatles, rayez les mentions inutiles), et d’édifier ses propres cathédrales (Pink Floyd ou Sonic Youth, Spielberg ou Kubrick, Simpson et Bruckheimer)…

* Si c’était le cas, les livres Harlequin seraient de la littérature, avec leurs 10 millions de lectrices annuelles en France.




samedi 2 août 2008


Hypocrisies
posté par Professor Ludovico

L’article sur L’Ile de la Tentation, et une récente conversation entre collègues, m’ont rappelé, s’il le fallait, l’écart entre « ce que je dis » et « ce que je fais ». Et encore, « ce que je dis », c’est plutôt « ce que je voudrais montrer de moi ».

Télé 7 Jours a interrogé récemment les français sur les émissions de télé-réalité ; ils les rejettent en bloc : 73% ne veulent pas d’une saison de plus de L’Ile de la Tentation, 50% refusent de supporter une année de plus les steaks aux chenilles de Koh Lanta, et 69% refusent de découvrir les secrets idiots de Secret Story une fois de plus. Même chez les 15-24 ans, cible de ces émissions, les scores sont sans appel, bien que plus faibles : 61% de cette tranche d’âge ne peut plus supporter Céline Géraud et ses tentateurs une année de plus.

Et pourtant, qu’y aura-t-il l’année prochaine : très certainement L’Ile de la Tentation et Koh Lanta, peut-être pas Secret Story, si l’audience ne se redresse pas. Car l’hypocrisie de tout ça, c’est bien sûr que ces programmes sont en tête de leur tranches horaires, et donc plébiscités par un public qui se compte en millions de personnes.

Lors d’une réunion récente avec des collègues de bureau, j’ai évoqué ma fascination pour L’Ile de la Tentation : cris d’orfraies, évidemment ! Après une désapprobation générale, basée sur l’idiotie du concept, et sa scénarisation, la salle a enchaîné sur les programmes qu’eux regardaient : « Il y a des choses très bien sûr Arte » « J’aime beaucoup la Cinquième, le Dessous des Cartes » « Ushaia, ça c’est une bonne émission » et tutti quanti.

Personne ne semblait regarder le foot ou Joséphine Ange gardien… Mais ai-je fini par dire, « Avec autant de téléspectateurs potentiels comment se fait il que TF1 fasse 30% de part de marché et Arte 4% ? »

Il y a là aussi matière à réflexion pour CineFaster, car c’est bien le même débat qui nous occupe ici. Il y a deux visions du cinéma, qui ne sont absolument pas contradictoires, mais complémentaires. Le cinéma est un art (Kubrick, Welles, …), et c’est aussi un divertissement (Spielberg, Simpson-Bruckheimer, …) Les USA gèrent mieux cette différence, ils l’acceptent mieux. Ils se réjouissent bêtement devant Armageddon, tout simplement parce qu’ils ne cherchent pas à la comparer à Mulholland Drive. Nous, par prétention, nous nous croyons beau parce que nous disons aimer Lynch, Woody Allen et Cassavetes ; mais si ces films font plus d’audience que dans leur pays d’origine, cela reste minoritaire : et nous nous ruons sur les Disney et sur les Spiderman

Il y a quelques années, des amis travaillant dans le milieu m’avaient proposer de réflechir avec eux à des concepts d’émissions. L’idée était de trouver des concepts innovants, mais de qualité, sur les sujets qui nous intéressaient : la Grande Guerre, le Moyen Age, la Justice, etc. Nous avons brainstormé toute la soirée sur les concepts les plus rigolos et haut de gamme qui nous venaient en tête (je me rappelle d’un Cluedo géant pour expliquer le fonctionnent d’une enquête et d’un Retour vers le Futur pour explorer les grandes dates de l’Histoire de France).

Mais nous avons fini la soirée découragés : la plupart de ces concepts existaient déjà sous une forme ou sous une autre ; soit ils n’avaient pas marché, soit nous en ignorions l’existence. Mais surtout, nous aurions adoré travailler dessus.

Mais de là à les regarder !




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