dimanche 31 mai 2015


Game of Thrones, s05e07
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

« Un roi est un boucher. Sinon, c’est lui la viande. »

Ça y est, Game of Thrones est de retour.




vendredi 22 mai 2015


Game of Thrones, saison 5 : is winter coming ?
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Cette saison 5 serait-elle celle du déclin ? Après cinq épisodes – et déjà deux ratés – il est temps de se poser la question. Qu’on se rassure, la série n’a pas encore sauté le requin, ce bond fatal dans les incohérences qui tuent les séries. Mais il subsiste quelques indices qui font peur.

Le Trône de Fer se met aux rebondissements inexpliqués, un défaut qui a plombé les meilleures intentions des meilleures séries, Lost ou Six Feet Under en tête : on envoie un personnage dans une mission suicide dont les motivations tentent d’être expliquées par un dialogue lourdement explicatif. Pas le genre de la maison Lannister.

Un autre personnage a une promotion et, dans le même épisode, doit effectuer un choix cornélien. Dans des temps plus lointains, GoT aurait distillé cela sur plusieurs épisodes. Rappelons que final de la saison quatre était déjà de cet acabit, en précipitant le destin de plusieurs personnages en un seul épisode, alors que cela aurait fait un parfait cliffhanger de fin de saison et une excellente reprise de saison 5.

Benioff et Weiss aurait-il perdu la Magic Touch ? Ont-ils des contraintes extérieures (finir en saison 7, comme le veut la rumeur ?) Y’a-t-il du tirage dans l’équipe ? C’est le lot de toutes les séries, bonne ou mauvaises, comme le narre brillamment Des Hommes Tourmentés*.

Espérons que tout cela n’est qu’un dérapage ponctuel.

* Des hommes tourmentés, le nouvel âge d’or des séries, Des Soprano et The Wire à Mad Men et Breaking Bad, par Martin Brett (Ed. La Martinière)




jeudi 21 mai 2015


Cinquième Colonne
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Un mauvais Hitchcock, ça existe. Ce n’est pas le Professore qui le dit, c’est Hitch lui-même. Il l’explique très bien à François Truffaut en 1962 : « Chaque fois que j’ai tourné un film de ce genre, et que le héros n’était pas une vedette, le résultat en a été affecté, pour la simple raison que le public attache moins d’importance aux ennuis et aux problèmes d’un personnage interprété par un acteur qui ne lui est pas familier. Robert Cummings appartient à la catégorie des acteurs légers : quand il est dans une mauvaise situation, on ne peut pas le lire sur sa figure… »

Et comme Hitchcock est prêté par Selznick à Universal, il n’a pas les choix de son actrice principale non plus. Dommage, Priscilla Lane plaisait bien au Professore Ludovico, assez sexy et chaudasse à son goût. Trop, sûrement, aux yeux de l’auteur de Sueurs Froides. Et pas assez mystérieuse non plus.

Mais il n’y a pas que ça. Cinquième Colonne part dans tous les sens, comme si Hitch faisait le brouillon de ses grands films à venir, La Mort aux Trousses en tête. Barry Kane est accusé à tort de l’incendie de son usine d’aviation alors qu’à l’évidence le saboteur (titre original du film) est un de ses collègues, Fry. Comme dans tout bon Hitchcock, Kane enquête lui-même plutôt que de parler à la police.

Va commencer alors une traversée des États-Unis en d’ouest en est, de la Californie jusqu’à New York en passant par le barrage de Hoover jusqu’au chantier naval de Brooklyn. Il va rencontrer un aveugle sympa, un cirque sympa, et des flics idiots. Mais le génie du thriller s’emmêle un peu les pinceaux avec les multiples complots (détruire le barrage, sauver Fry, faire sauter un bateau, organiser un diner de charité pour récolter des fonds)… Avec même des petites erreurs de montage : le bateau qui devait être saboté est sauvé à temps, mais quelques minutes plus tard, Fry passe devant une épave dans le port de New York et sourit (en fait il s’agit du Normandie, le bateau français qui a vraiment coulé à New York), et Hitch voulait laisser entendre qu’il avait été saboté par les mêmes. Pas clair.

Le reste se laisse voir, car on y décèle les germes de la GCA : le méchant retors, brillant et élégant, qui explique son plan au héros avant de le tuer. La course poursuite finale, le cliffhanger.

Le cliffhanger, c’est tout ce qui reste de Cinquième Colonne : Fry, coincé par la police sur la Statue de la Liberté. C’est là qu’Hitchcock fait une erreur qu’il reconnait lui-même ; on ne suspend pas le méchant au flambeau de la Statue de la Liberté, même pour la métaphore ! C’est évidemment l’inverse qu’il faut faire. Laisser pendre le gentil – le fameux cliffhanger – et le faire sauver par la blonde.

Hitchcock ne fera plus la même erreur.




mercredi 20 mai 2015


Mad Men, 7 saisons en Ligue 1
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Hier c’est terminé la grande saga de Don Draper. 1963-1970, sept saisons des Mad Men : le portrait d’une décennie, mais bien plus que ça, évidemment. Pas seulement la déconstruction des fifties trop idéalisées, ou le deuil des sixties, mais un autoportrait. Celui de nos parents, et de leurs vies coincées de l’après-guerre, mais surtout le portrait de nous-mêmes, le portrait de toutes les vies. Car, comme nous l’avions dit, ces Hommes Fous sont nos frères.

À l’heure où une série tire sa révérence, une question subsiste : avons-nous vu une grande série ? Elle peut nous avoir fait vivre des émotions considérables (comme Lost) et rester une œuvre peu importante (comme Lost). Ce qui décide de cela, c’est le final. La fin du dernier épisode doit être en cohérence avec les valeurs intrinsèques de la série. C’est important dans un film, mais c’est très important dans une série. Par ce que l’investissement consenti par le spectateur est énorme. 92 heures à imaginer ce qu’il va arriver à Don. Va-t-il enfin coucher avec Peggy ? Va-t-il se suicider ? Ou pire, monter sa boîte ? Selon la réponse, le spectateur sera satisfait ou déçu pour toujours.

Seules les grandes séries atteignent cet objectif. Elles savent proposer une fin en tout point conforme avec la destinée que nous imaginions pour chacun des personnages.

Avec les Mad Men, l’enjeu est énorme. La série a depuis toujours, comme on dit, fait « appel à l’intelligence du spectateur » ; pas question d’y déroger aujourd’hui.

Respectant les règles de la dramaturgie Matthew Weiner a fait lentement monter la sauce dans cette saison 7. En plaçant subtilement tous ses personnages sur des trajectoires que l’on a pu deviner (Pete) ou qui ont créé la surprise (Betty).

De même, Weiner a gardé les enseignements de son mentor, David Chase, en proposant une fin ouverte, laissant toute place à l’interprétation.

Maintenant, Mad Men est-elle la plus grandes des séries ? En tout cas elle rejoint l’Olympe : moins engagée que Sur Ecoute, moins dramatique que Six Feet Under, moins drôle que Ally McBeal, la grande qualité de Mad Men est de n’avoir jamais chuté, (contrairement à ce que laissait entendre son générique) : pas d’épisode fantasque (comédie musicale des X-Files), pas de saison ratée (Six Feet Under), pas d’intrigue bizarroïde (Sur Ecoute saison 5). Une fois qu’on a dit ça, il ne reste qu’un seul véritable adversaire aux hommes de Madison Avenue : une autre sorte de mafia new-yorkaise, les Soprano. Et comme Matthew Weiner a appris le métier sous la férule de David Chase, on acceptera volontiers que nos publicitaires et nos mafieux soient premiers ex æquo.




lundi 18 mai 2015


Mad Max Fury Road
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Mal joué. Pas de scénario. Très mal post-synchronisé (une gageure, à ce niveau de production). Une fois qu’on a dit ça, on a tout dit de Mad Max quatrième du nom, Fury Road pour les intimes. Même le Professore vous épargnera le sous-texte (la guerre de l’eau, la femme est l’avenir de l’homme, la rédemption par le sacrifice, etc.) Ça existe peut-être, mais nous, on ne l’a pas vu. Et on ne l’a pas vu parce qu’on s’est bien marré, point barre.

On s’est bien marré parce que George Miller sait filmer les courses-poursuites comme personne. Et les bagarres sur un truck lancé à 100km/h comme pas grand monde. Qu’il sait tirer faire des décors qui font mouche, et en tirer parti à chaque seconde… Et surtout, faire peur et de faire rire en même temps, ce n’est pas donné à tout le monde. Miller a gardé son humour punk et ses gags rabelaisiens, malgré Happy Feet et Babe, Le Cochon Devenu Berger.

Ça restera le grand mystère des eighties : comment un homme qui a bâti cette grande mythologie No Future a pu s’abîmer en mer avec la production de deux franchises pour enfants (pas honteuses, mais tout de même !?)

Peut-être parce que Mad Max, c’est tout ce que George Miller sait faire. Et ça se sent. Mad Max 4, c’est juste Mad Max 2 au carré : comme en 1981, les mêmes plans légèrement accélérés pour donner l’impression de vitesse, le même montage, et les mêmes gags.

Mais pour 10 €, on reviendra pour Mad Max 5. En 2045.




vendredi 15 mai 2015


La Passion du Christ
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

La passion filmique – cette obsession de la collection – vous amène souvent faire des bêtises : ce film, vous devez l’avoir dans ce musée virtuel qu’est votre caboche de cinéphile. Deuxième motivation, moins avouable : le film à scandale. Vérifier ce qu’il en est. Parce qu’on n’aime pas les boucs émissaires, chez CineFast. Et si le film était bon ? Et si la polémique était vaine ? Et si son antisémitisme n’était pas avéré, mais encore un complot Hollywoodien contre notre héros madmaxien ?

Mais au bout de dix minutes, La Passion du Christ est carrément insupportable : pas pour les raisons que l’on imagine, mais parce que le film est incroyablement mauvais. D’un mauvais goût i-ni-ma-gi-na-ble. Mal fait, horriblement joué, cette Passion n’est pas seulement raciste.

Mais surtout, et c’est ce qui ne cesse d’interroger, c’est cette passion américaine, et tout particulièrement celle de Mel Gibson, pour la torture et le sacrifice en martyre. Car dans tous les films Mel Gibson s’est fait crucifier (en Mad Max, en Martin Riggs, en William Wallace). Dans ses films de réalisateur, il filme avec talent parfois, une violence sans retenue Braveheart, Apocalypto.

Ici, c’est tout le film, à un point à peine croyable. Au bout de cinq minutes, Jésus se fait fracasser le crâne quand il se fait arrêter. Puis il se fait torturer par les juifs, puis les romains, puis les juifs. Puis c’est le chemin de croix (également pour le spectateur) et se fait à nouveau fouetter pendant tout le trajet, interminable. Voici venu enfin la crucifixion : le premier clou dans la main droite (aïe !) et le deuxième clou dans la main gauche (ouille !) et le troisième clou dans les pieds (aïe ! ouille !) : 127 minutes où Gibson et son chef op’ doloriste essaiera de nous montrer toutes les couleurs possibles du sang, rouge, rose, pourpre, bordeaux. Et rien, évidemment sur le message philosophique du christianisme.

Cette obsession de la violence pour la violence, cette téléréalité sordide qui compte les coups, entièrement tournée vers la souffrance et pas vers la morale, signe à l’évidence rien de moins que le déclin de notre civilisation, ce que pérore – plus grand paradoxe qui soit – Mel Gibson et la droite dure américaine qui a plébiscité son film.

Bien sûr, entre les scènes de torture, Gibson insère les scènes classiques d’un Jésus cool et sympa qui nous ordonne de nous aimer les uns les autres. Mais le réalisateur et ses acteurs sont horriblement mal à l’aise dans ces scènes kitchissimes (pas aidés par des dialogues en latin et en araméen)…

Il y avait pourtant deux bonnes idées à portée de main : la femme de Pilate qui ne veut pas, bizarrement, que ce nazaréen au message si étrange soit exécuté. Et la figure de Satan qui rode, autre bonne idée inexploitée du film.

A éviter totalement : le Professore Ludovico ne l’a regardé que par petits bouts, cinq minutes par ci, par là.

Pardonnez-lui Seigneur, car il sait ce qu’il fait.




vendredi 8 mai 2015


Lost River
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Ryan Gosling est un con. Il ose tout, c’est à ça, dit-on, qu’on les reconnait. Mais le Professore Ludovico aime le beau Ryan, et ne comprend pas qu’on lui fasse le procès de jouer comme une huître. Ceux qui disent ça n’ont pas vu La Faille, Half Nelson, ou Blue Valentine.

Mais pire que tout, voilà un acteur, beau de surcroit, qui ose jouer au réalisateur ! Et qui ose, comme on l’a dit, tout. Le film fantastico-onirique, l’œuvre graphique, la fable économique, le thriller lynchien. Bien sûr, tout n’est pas réussi dans ce fatras.

Dans Lost River, le cinéaste débutant arrive pourtant à mélanger description réaliste de l’Amérique en crise et conte initiatique avec dragon (un dinosaure en plastique), un méchant terrifiant (un trafiquant de cuivre) et le Mal, évidemment tapi sous les eaux d’un lac (artificiel).

Comme dans un roman médiéval, un vieux sage au début de Lost River donne ce conseil au héros « Il faut que tu partes, il faudra que tu partes un jour de toute façon ».

Le héros n’est pas sur l’ile d’Avalon, mais dans un Detroit post-apocalyptique comme il est difficile de l’imaginer. Toutes les maisons victimes des subprimes sont au bord de la destruction. Et ceux qui tentent d’y survivre comme le héros (Iain De Caestecker) et sa Mère Courage (Christina Hendricks) doivent se préparer à de nombreux sacrifices. Pour sauver sa maison, l’Empire du Mal (le banquier) propose de « travailler » dans un club très lynchien. Le héros arrivera-t-il à sauver sa mère de cette abysse, à se sauver des griffes du méchant trafiquant de cuivre, à séduire avec la jeune et jolie (princesse) voisine, et à partir comme l’annonce la prophétie ?

C’est l’argument fantasmagorique de Lost River, où sont plaquées, de façon certes un peu désordonnée, les pères cinématographiques de Gosling (Lynch, Malick, Refn)… Au final, Lost River ressemble aux films français des années 80 : 37,2 Le Matin, La Lune Dans Le Caniveau ou Subway.

Certes, il y a des maladresses, mais des films ratés comme celui-là, on veut bien tous les jours…




mercredi 6 mai 2015


Birdman
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

L’idée que les américains se font des films d’auteur est parfois pénible. Parmi les auteurs réputés se prendre le melon, et pour peu de choses, on trouve des gens comme David O’Russell, James Gray ou Christopher Nolan. On pourrait ajouter à cette liste Alejandro González Iñárritu, ou plutôt son dernier film, Birdman, car le reste de sa cinématographie plaide plutôt pour lui (Amours chiennes, 21 Grammes, Babel…)

Qu’est-ce qu’un film-melon ? C’est un film dont l’ambition affichée dépasse largement le résultat final.

Birdman est dans une autre catégorie, le film-cerveau. C’est-à-dire un film très intellectuel, au premier sens du terme, un film-concept fabuleusement construit et intellectualisé avant d’être un film tout court.

Birdman est très réussi sur cette dimension-là : le fameux plan séquence interminable (argument marketing n°1 du film) est une démonstration de la perfection. Mais au bout d’un moment, il ne sert pas grand-chose au film. Que veut-il dire, à part vanter de son propre génie ? Un plan au cinéma n’existe pas par lui-même, il est un des éléments de la grammaire de l’œuvre, une équation dont le but est de faire comprendre une idée. Il doit être au service de cette idée, et pas l’idée elle-même. Dans Birdman, on ne voit pas quelle idée est servie par ce plan*. Au bout d’un moment, il dessert même le film, car on ne pense plus qu’à cet aspect technique, comme si on regardait comment est parfaitement tendue la toile d’un Picasso, plutôt que regarder le tableau lui-même.

Pareil pour les dialogues, brillants, les comédiens, intenses et électriques, la crème de la crème d’Hollywood (Michael Keaton, Zach Galifianakis, Edward Norton, Amy Ryan, Emma Stone, Naomi Watts) à qui l’on donne enfin un peu plus que trois secondes d’onomatopées pour exprimer leur talent, dans, au hasard, Batman.

Dans ce barnum, c’est ce qu’on retiendra, cette belle intention, cette immense ode aux racines mêmes de la comédie : le théâtre et ses comédiens. Hollywood qui affiche son terrible complexe face à Broadway, comme les acteurs de chez nous face à la Comédie Française.

C’est dommage, parce qu’il n’y a pas loin de la Roche Tarpéïenne au Capitole : Birdman pourrait être un chef d’œuvre s’il arrivait à nous émouvoir sur le sort de Riggan Thomson, ce comédien qui ressemble tellement à Michael Keaton, l’homme qui fut Batman et ne veut plus l’être. Mais à aucun moment, on est ému pour le sort de Birdman. On « voit » littéralement l’intention, ce qu’Iñárritu cherche à faire, mais on est tellement absorbés par la technique filmique qu’on manque de temps pour s’intéresse aux personnages. Tout le contraire, en somme, de l’intention initiale.

Et un film, c’est d’abord ce sont des personnages qu’on vient voir… Ces extensions outrées de nous-mêmes ; ce que le théâtre promet de toute éternité.

* Un bon contre-exemple est l’un des plans des Affranchis, où Ray Liotta passe tous les barrages pour installer sa dernière conquête au premier plan d’un cabaret, preuve du pouvoir nouvellement acquis. Ou le plan d’introduction de La Soif du Mal d’Orson Welles, une vision globale de la ville frontière, de la mise en place de la bombe à son explosion est aussi un modèle du genre…




samedi 2 mai 2015


Boardwalk Empire
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Boardwalk Empire est une série du milieu. C’est-à-dire, pas la daube habituelle des soirées TF1 ou France2, mais pas non plus le chef d’œuvre immanent. On sent un peu trop le pitch marketing qui pointe, ce qui n’est pas l’habitude de HBO : un film d’époque en costume avec du sexe et de la violence. Les Soprano, pendant la Prohibition. Ou le Game of Thrones des Années 20. Ou le Deadwood de la côte est.

Pour autant l’époque est passionnante (voir la série documentaire de La Prohibition de Ken Burns) ; l’Amérique en train de se construire tandis qu’un trafic (d’alcool, mais ce pourrait être la drogue) peut tout aussi bien la détruire. Et comment le trafic défait le tissu même des institutions, de la police, de la justice, des politiciens…

Ce qui est intéressant dans Boardwalk Empire, ce n’est pas la reconstitution (entre parenthèses, un petit peu empruntée, un peu trop propre) mais plutôt la création d’un personnage génial, Nucky Thompson, joué par un comédien tout aussi génial, Steve Buscemi, que nous aimons depuis Jarmush ou les Frères Coen (Miller’s Crossing, Fargo, Big Lebowski) mais aussi pour ses rôles délirants chez Bay/Bruckheimer (Les Ailes de l’Enfer, Armageddon, The Island)

Ce personnage de Nucky Thomson, c’est l’incarnation même du réalisme politique. Dès les premières secondes du premier épisode, il fait un discours très émouvant sur la façon de sortir d’une famille alcoolique devant une assemblée de suffragettes, évidemment fer de lance des prohibitionnistes. Nucky sort de la salle, et avec un flegme très buscemiesque, lampe une gorgée de whisky et enchaîne une autre réunion évidemment abolitionniste. La série incarne cela, la capacité à survivre dans un monde de brutes – la politique à Atlantic City dans les Roaring Twenties – grâce à un réalisme et un pragmatisme sans faille. Gérer les problèmes les uns après les autres, avec la famille, les amis, les amis des amis, les gens qui votent pour vous et les gens qui ne votent pas pour vous. En utilisant parfois par la violence mais en l’évitant le plus possible, quitte à acheter la paix à prix fort. Nucky est le Louis XI d’Atlantic City.

Steve Buscemi était déjà un immense acteur ; il prouve ici sa capacité à tenir une série de bout en bout avec son physique ingrat et ses fêlures internes, au milieu d’un cast énorme.

Si le série reste assez classique, elle vaut le détour rien que pour cela.