jeudi 31 décembre 2020


Bilan 2020
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les films -Playlist -Séries TV ]

Quel bilan tirer d’une année aussi extraordinaire que 2020 ? Sur le plan du cinéma – puisqu’on est ici pour parler de ça – c’était évidemment une année tragique. Mais, malgré les déclarations, non, le cinéma ne va pas disparaître en 2021.

S’il est évident qu’il va y avoir de la casse, il y aura toujours besoin de cinéma, et toujours besoin de salle pour le voir. Et derrière le prétexte COVID, il y a bien sûr – comme toujours – de sombres arrières pensées économiques…

Car cette histoire est vieille comme le monde. Quel que soit le secteur, qu’on parle de carottes ou de cinéma, il y aura toujours des producteurs (ici, les studios), et des consommateurs (le public). Et comme dans tout système économique, il y a toujours des petits malins qui viennent jouer les intermédiaires. Pour projeter des films, il faut des salles. Et pour acheminer et produire des copies, il faut des distributeurs. Depuis les débuts d’Hollywood, les studios s’essaient à l’intégration verticale, de Paramount à UGC, pour maîtriser toute la chaîne de production et ne pas avoir à partager les profits, car ces intermédiaires prennent 20 à 30 %  – chacun – du ticket de cinéma.

Déjà, avec l’avènement du numérique, les studios avaient supprimé un intermédiaire en se débarrassant des copies argentiques ; désormais des gros fichiers, quasi gratuits, à télécharger dans la salle.

Et voilà qu’à nouveau la tentation est grande de se débarrasser carrément de la salle, pour aider au lancement des services de VOD et faire plaisir à Wall Street. Envoyer directement Soul sur Disney+, Dune et Wonder Woman 1984 sur HBO Max. Si la Warner (voire même une partie des spectateurs) peut s’en contenter, l’artiste, lui, ne s’en contente pas.

De sorte que l’on voit une rébellion fortement médiatisée poindre chez ces deux gros blockbusters de l’année, qui refusent que leur Grande Œuvre soit diffusée sur un écran 16 pouces. Demander à Denis Villeneuve, qui peint à la main son Dune sur une toile de quinze mètres de haut sur vingt six mètres de large*, c’est comme demander à Hermès de transformer ses foulards en essuie-tout…

La comparaison avec le Luxe ce n’est pas fortuite : la salle est depuis l’après-guerre le show-room prestigieux où l’on expose les produits (en faisant monter la hype) avant de les distribuer en masse via la télévision.

Mais pas seulement. Il y aura toujours des salles, tout simplement parce que le public le veut. Inviter Justine au MK2 Bibliothèque pour voir le dernier Justice League (et peut-être aller boire un verre), ce n’est pas la même chose que de regarder Ben Affleck sur son canapé…

La base de tous les loisirs, c’est de créer un lieu de rencontre et de sociabilité. Qu’on soit au Gaumont Montpellier, au Parc des Princes, au Théâtre de l’Odéon ou dans un Bar-PMU, les lieux de loisirs sont aussi importants que le loisir lui-même : un endroit où on crée du lien, en débattant ensemble des choses qui nous passionnent…

Après cette longue introduction, que dire de 2020 ? En ayant vu 6 films, le Topten est un exercice aisé :

1 – 1917
2 – Tijuana Bible
3 – Baby Face (une reprise du cinéma pré-code Hays)

Et le Bottom aussi :

1 – Eté 85

Evidemment, c’est côté télé que la cinéphilie a été la plus active, pour les raisons que l’on imagine : 60 films, avec quelques belles découvertes, qui parfois… ne sont pas sorties en salle ! C’est le cas de Prospect et de The Vast Of Night, deux perles SF, mais aussi de Mid 90s, le film sensible et émouvant de Jonah Hill. Mais en réalité, l’année a surtout servi à revoir des vieux classiques comme A La Poursuite d’Octobre Rouge, Des Hommes d’Honneur, The Big Lebowski ou de voir et revoir (4 fois !) First Man

Côté série, pas moins de 43 saisons, avec Dark, The Crown, Fargo, Ratched, Stateless, The Boys, Perry Mason, mais aussi les documentaires comme l’incroyable Tiger King, qui en dit plus sur l’Amérique que bien d’autres films, et les séries sportives toutes plus passionnantes les unes que les autres (Drive to Survive,  Sunderland, Movistar pour ne pas les nommer.)

S’il ne devait en rester qu’une, Tales from the Loop – une Quatrième Dimension plongée dans le mélo familial – serait un bon candidat : mais on retiendra Our Boys (à ne pas confondre avec The Boys), magnifique The Wire israélien, à mi-chemin entre David Simon et Asghar Farhadi…

Une fois de plus, le grand spectacle est au cinéma, mais la subtilité, la maturité est à la télévision…

*C’est, selon Wikipedia, la taille de l’écran du Gaumont Montpellier…




vendredi 11 décembre 2020


Le Jeu de la Dame
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Au moment où Hollywood comprend que la télé a gagné, au moment où la Warner est capable de brader ses licences à X zillions de dollars (Dune, Wonder Woman), pour les diffuser sur des iPad 9’’ (Mulan), afin de, comme le dit simplement Denis Villeneuve, faire monter le cours de l’action, il ne reste plus au CineFaster qu’à regarder cette susdite télévision, et ce qu’elle propose de meilleur, comme Le Jeu de la Dame.

Queen’s Gambit : une série capable de vous passionner sur les échecs, les années 50, les orphelinats : Les Aventures de l’Orphelin Spassky chez les Mad Men : tout un programme.

Mais surtout, une série capable de raconter sa propre histoire sans se sentir obligé par le biopic. De créer ses propres personnages, sans s’embarrasser de true story.  Orphelin peut-être, malheureuse sûrement, mais la Reine Beth Harmon, interprétée sèchement par Anya Taylor‑Joy, est un personnage tout sauf feelgood, sans excuses ni rédemption. Une fille pas baisante, sympa avec personne, odieuse avec tout le monde, mais qui déclenche quand même l’émotion.

Et quand on y regarde de plus près, les autres personnages sont à l’avenant : à chaque fois qu’on croit qu’on va tomber dans le cliché, Le Jeu de la Dame s’en éloigne. La directrice revêche de l’orphelinat va torturer notre jeune héroïne ?  La mère adoptive, alcoolique, et malheureuse, l’abandonnera pour un Martini Dry ? La copine black du Kentucky jouera la Black Panther de service ? Le copain, fuck friend avec qui on devra forcément coucher? Le méchant russe qui complote contre l’héroïne ? À chaque fois, Queen’s Gambit s’écarte, et poursuit bonnement son chemin… Comme un pion qui a remonté l’échiquier et va tranquillement à Dame.

Echec et mat.