[ Séries TV ]

Il n’y pas que le Cinéma dans la vie.. y’a aussi quelques séries TV…



vendredi 15 mars 2024


Fiction à l’Américaine
posté par Professor Ludovico

On fait souvent au Professore le reproche d’exiger du cinéma actuel d’être aussi bon qu’une série. Dune, pour ne pas le citer, n’a pas le temps, en deux heures, de développer ses personnages, ses arcs, ses enjeux.

Foutaise ! répond l’Imam Caché de UCLA. Cela reviendrait à dire serait avouer que Rio Bravo n’a pas d’arc, Star Wars n’a pas de personnages, que Le Juge Fayard ou Garde à Vue n’ont pas d’enjeux…

Non, il est possible en deux heures de raconter une histoire, c’est le cas d’American Fiction, petit film Prime Video dont la réputation augmente de jour en jour depuis qu’il a décroché un Oscar (meilleur scenario d’adaptation).

Le pitch est intéressant plus d’un titre : un écrivain noir (le toujours très bon Jeffrey Wright) en a assez de voir les afro-américains cantonnés dans les clichés raciaux*. Monk est un bourgeois, fils de bourgeois. C’est un romancier doué, qui écrit sur son expérience de bourgeois américain. Mais ses manuscrits sont régulièrement refusés. Pourtant ce qui marche, c’est une littérature de Blaxploitation qui met en avant le côté le plus obscur (et néanmoins juste) de l’expérience afro-américaine : la violence, le ghetto, la prison, le racisme…

A bout de nerfs – et sous l’emprise de l’alcool – il décide par pure provocation, d’écrire un livre gangsta sous pseudonyme. Evidemment, comme dans toute bonne comédie, le piège se referme sur lui. Son manuscrit est accepté.

Le talent du film n’est pas là, mais il prouve en deux heures qu’on peut parler des noirs, des gays, des vieux et du racisme, sans être woke, créant ainsi une forme raccord avec le propos.

Mais surtout, il crée une galerie de personnages avec leurs enjeux, en vingt petites minutes de mise en place : un sourire, un haussement de sourcil, un plan large, un travelling…

Il lui reste 100 minutes pour les développer – et les résoudre.

Ça s’appelle le cinéma.

*  « You’re not fed up with it? Black people in poverty, black people rapping, black people are slaves, black people murdered by police, whole soaring narratives about black folks in dire circumstances who still manage to maintain their dignity before they die.I mean, I’m not saying these things aren’t real, but we’re also more than this. »




vendredi 23 février 2024


True Detective Night Country
posté par Professor Ludovico

Même les meilleurs peuvent chuter. Cette saison 4 de True Detective, la cop show anthology de Nic Pizzolatto qui avait bouleversé HBO en 2014, semblait prometteuse. Ses créateurs avaient juré de ne pas retomber dans les quelques défauts des saisons précédentes. Remusclée (seulement six épisodes ici), féminisée (deux fliquettes à la place des duos machos précédents), Issa López, une écrivaine mexicaine au showrunning et Billie Ellish au générique). Pizzolatto avait même quitté le bateau.

Dans les faits, ça part bien, les cinq premiers épisodes sont au niveau d’excellence HBO, et dans le canon esthétique des autres True Detective. Deux flics que tout oppose, une fliquette croyante, l’autre sceptique, le passé qui remonte à la surface, les querelles familiales, la pollution, les femmes qu’on violente, encore et toujours.

Mais voilà, arrive l’épisode six. Ça n’allait pas vite avant (et on aimait bien ça) et là, faut accélérer. Tout résoudre d’un coup, et on se dit que ramasser cette histoire en six heures risque de pas être une si bonne idée. Ça ne rate pas. L’intrigue prend des raccourcis et il faut maintenant des séquences explicatives pour démêler le mystère. Les dialogues – laborieux – sont chargés de faire le job. Rien de plus artificiel au cinéma.

Si l’intrigue évoluait jusque-là dans les racines séminales de The Thing/28 Jours de Nuit (ambiance station polaire fantastico-policière), sa résolution « réaliste » devient très insatisfaisante. Trop trendy (Servante Ecarlate style), trop dans les maux de l’époque, et en même temps tellement basiquement américaine (œil pour œil/dent pour dent), cette saison sort de ses rails originels. Ambiguïté, pessimisme profond, ces qualités si peu américaines qui faisaient sa force.  

Night Country ressemble à une symphonie qui se terminerait sur une fausse note.




mardi 13 février 2024


Fauda
posté par Professor Ludovico

En pleine nouvelle guerre israélo-palestinienne, quelle meilleure idée que regarder Fauda, qui raconte la vie d’agents israéliens infiltrés à Ramallah ou à Gaza ?

Cela a déjà donné quelques séries, mais on regarde surtout pour le côté dépaysant de l’affaire. Une série israélienne, tournée en hébreu et en arabe, cela promet de l’action, du réalisme, et de la tragédie. C’est souvent le problème. Ce genre de série (24, Homeland, Le Bureau des Légendes) ne peut survivre que par la surenchère tragique, et c’est un petit peu ce qui se passe. Il ne fait pas bon faire partie des proches cette unité spéciale, car tout le monde y passe. Petite copine, père, beau-frère, collègue… ça peut devenir too much au bout d’un moment.

Mais en même temps – et malgré le côté évidemment pro-israélien de l’affaire – la description ethnologique est passionnante : palestiniens comme israéliens parlent les mêmes langues, mangent la même nourriture, aiment les mêmes femmes, et pourtant se haïssent sans fin…




mardi 22 août 2023


Meurtres en Pays Cathare
posté par Professor Ludovico

De retour de mission pour l’Ahnenerbe à Montségur afin de trouver le Graal et le code Da Vinci, le Professore se devait de regarder Meurtres en Pays Cathare, le passionnant cop show de France 3, oui les gars qui nous ont donné déjà Les Mystères de l’île (à l’Ile d’Aix) et 60 autres meurtres dans toute la France, soit dix saisons au compteur (wikipedia sic).*

Rappelons le pitch : il s’agit de récolter le maximum de subventions de la DRAC Occitanie et du Conseil Général de l’Ariège en assurant la promotion de ladite région avec quelques plans pas mal foutus de paysages idylliques. Comme d’habitude, on se fait avoir, trois jolis plans de drone de la région, le reste en studio, voilà des impôts locaux bien utilisés…

Quant à l’histoire de Meurtres en Pays Cathare**, elle reste cousue du même fil blanc que ses soixante collègues : une jeune fille BLONDE est assassinée dans le château de Puivert***. A ses côtés, un jeune trisomique aux mains ensanglantées. On vous rassure tout de suite, le jeune trisomique – bien qu’accusé à tort – n’est pas le meurtrier****…

Non, ce n’est pas lui qui a tué, on va le découvrir 1h30 plus tard : c’est bien la meilleure amie de la victime, maman BRUNE d’un jeune garçon à tête BLONDE. On nous aura donné quelques indices (7 ou 8 plans sur le gamin avec sa maman qu’a pas les mêmes cheveux que son fils). Entre-temps, on aura suivi la fliquette-bonasse-dont-le-frère-trisomique-est-injustement-accusé, le flic-quadra-pas-mal-fait-de-sa-personne-qu’a-une-TSI*****-avec-sa-collègue-malgré-qui-sont-pas-d’accord-sur-le-coupable, la Fausse Piste 1, la Fausse Piste 2, la Fausse Piste 3, et au bout d’une heure, pour relancer intérêt, la Fausse Piste 4, à savoir la Fliquette qui se trouvait pas loin du crime, dis-donc-comme-de-par-hasard-mais-en-fait-non-c’est-pas-elle******.

Bref Alfred Hitchcock n’a qu’à bien se tenir. Demain, on parle d’une autre petite dramatique sans prétention : Voyage au Bout de l’Enfer.

* Rappelons qu’en 2022 les réalisateurs avaient protesté contre le trop plein de séries policières sur le service public : en 2021, 85 % des fictions télé diffusées par les chaînes du groupe public. Nettement plus que TF1 (11 %), Arte (3 %) ou M6 (1 %).

** Il n’y a qu’un meurtre, mais Ludovico ne va pas chipoter : ça laisse plus de suspens !

*** Oui celui de La Neuvième Porte de Polanski, clin d’œil cinéphile !

**** Le jour où un membre d’une minorité sera le véritable meurtrier, on aura fait un grand pas dans l’égalité et la lutte contre le racisme. 

****** Mulder et Scully, vous avez l’image ?

******* On se moque de la photocopieuse Marvel ou de la Xerox de chez Disney, mais celle de France 3, qui ne fait que du noir et blanc, n’est pas mal du tout.




mardi 25 juillet 2023


Fleabag
posté par Professor Ludovico

Comme d’habitude, il faut suivre les conseils du Snake, mais avec 3-4 ans de retard. Fleabag, c’est la révélation Phoebe Waller-Bridge*, incroyable scénariste et principale interprète de cette série, dont on a du mal à imaginer qu’elle ne soit autobiographique. Centrée autour du personnage ultraclassique de Fleabag, trentenaire à la ramasse (pas de mec, boulot nul, et parentèle exaspérante), la série tire pourtant un miel original de cette situation. L’amant débile mais bon coup, la belle-mère insupportable, la sœur qui a réussi, la bonne copine bien plus marrante qu’elle, tout cela pourrait être convenu, mais génère en fait, sous la plume très trash (mais très britannique) de Miss Waller-Bridge, des virages parfaitement inattendus…

On ajoutera – comme unique gimmick -, le regard caméra de la demoiselle, qui vient briser le quatrième mur à coup de sourires assassins, assaisonné de riffs punk (ou de chant grégorien).

Que demander de plus ?

*Actuellement à l’affiche dans Indiana Jones et le Cadran de la Destinée




lundi 24 juillet 2023


King Kong vs Godzilla (Studios contre GAFAM)
posté par Professor Ludovico

C’est la polémique du moment : suite à la grève Hollywoodienne des scénaristes puis des acteurs, on voue aux gémonies Amazon, Netflix, Apple, etc. Il semble au Professore Ludovico (qui n’a rien à gagner dans l’affaire) qu’on confond deux problèmes.

Le premier, c’est l’avidité des studios, totalement avérée chez les GAFAM, mais qui n’est pas moindre chez Disney, HBO, où à la Warner. Et cela, de toute éternité. Si on ne les contraint pas, les studios ne font jamais évoluer les droits dérivés qui font vivre les différents artisans de l’Usine à Rêves… Il y a vingt ans, c’étaient les droits DVD qui enrichissaient télés et majors, et les artistes touchaient peanuts. Moralité, déjà une grève dévastatrice… Aujourd’hui, c’est le streaming, mais l’idée est la même.

Le deuxième problème serait de considérer ces GAFAM comme les destructeurs d’Hollywood, comme une récente interview de Mel Brooks, consterné de voir Prime Video occuper aujourd’hui les anciens studios de David O’ Selznick, Monsieur Autant en Emporte le Vent.

Pourtant c’est le contraire : les Netflix, Apple, Prime injectent non seulement des milliards de dollars dans la production, mais les résultats sont à la hauteur . Les séries originales (Stranger Things, Severance, For all Mankind, Bonding, The Boys, Too old to Die Young, Arcane…), les documentaires (Tiger King, Wild Wild Country, Fran Lebowitz (pretend it’s a city), Drive to Survive…) sont tous d’excellents produits télévisuels.

Seuls les films sont restés un peu en dedans (en donnant carte blanche à des films qui ne le méritaient pas (Mank, The Irishman, Athena…)), mais produisant aussi des réussites impossibles en salle (The King, The Vast of Night, Prospect…)

Les GAFAM, comme la télévision en son temps, puis le magnétoscope ou le DVD, sont en train de révolutionner le cinéma et de bousculer les studios. Qui survivront, ou pas. Mais le cinéma, lui, restera.

Time waits for no one.




mercredi 28 juin 2023


Hernán
posté par Professor Ludovico

C’est la bonne surprise du mois. Hernán fait partie des séries « Théorème de Rabillon » : une série sur la conquête du Mexique, ça ne court pas les rues. La preuve, y’en a aucune. Jusqu’à Hernán, en tout cas. 

Donc on regarde quoi qu’il arrive, même si on ne connaît personne dans le casting, même si ça a l’air d’être une production fauchée mexicano-espagnole (ce qu’elle est…)

Pour le Professore, c’est la série casse-gueule par excellence. Ici, on est sur les terres du Ludovico, et il a la gâchette facile. À la première incartade, un bon coup d’arquebuse ! Mais en réalité, Hernán coche toutes les cases historiques de cette incroyable et terrible épopée qu’est la conquête du Mexique. Cortes n’est pas présenté comme une brute sanguinaire, les conquistadors ne sont pas venus pour convertir les Aztèques au christianisme, mais pour l’or, et pour rattacher cette province au Roi d’Espagne. Les Aztèques ne sont pas des idiots, ils savent que les Espagnols ont débarqué, et ils font tout pour qu’ils repartent… Si Moctezuma prend un instant Hernàn Cortes pour dieu, celui-ci le détrompe immédiatement. L’empire aztèque va tomber, non par bêtise, mais parce qu’il opprime tous les peuples alentour, et que Cortes, fin stratège, les a rangés de son côté. Tout cela étant fortement documenté dans le chef d’œuvre sur le sujet, La Conquête du Mexique, le témoignage de visu de Bernal Díaz del castillo, d’ailleurs un des personnages de la série.

Ne pas succomber au misérabilisme naïf, ni à une repentance absurde, reprendre cette histoire honnêtement et scrupuleusement, voilà les qualités déjà immenses d’Hernán.

Après, le cinéphile en demande toujours plus… Côté fiction, la série est beaucoup plus faible. Les personnages sont esquissés, mais pas développés. La narration à base de flashbacks, pour aboutir à la Noche Triste, ne sert pas à grand-chose. Et il manque du souffle, du sense of wonder, de l’étrangeté.   

Hernán peine à retranscrire ce choc inédit de civilisation : le monde gréco-judéo-chrétien, monothéiste, percutant de plein fouet les immenses civilisations précolombiennes, polythéistes, tout autant évoluées. La stupéfaction de ces petits Blancs d’Estramadure devant les pyramides colorées « plus grandes que Rome » est décrite abondamment par Díaz del castillo, mais la série n’en fait rien. Une scène est révélatrice de ce manque d’ambition. Dans un flashback, les conquistadors marchent depuis des semaines vers Tenochtitlan, la capitale aztèque. Ils franchissent la dernière montagne : gros plan sur leur émerveillement, puis contrechamp sur la ville : une île au milieu d‘un lac. Le plan est très mal fait, on ne voit rien, c’est un plan fixe. Pourtant, la série a bien reconstitué la ville en 3D, on en voit des bouts à plusieurs reprises. C’est comme si les showrunners n’avaient pas su quoi faire de cette scène, pourtant capitale… Il manque tout simplement à Hernán un artiste habité d’une vision. Le Werner Herzog d’Aguirre, ou le Mel Gibson d’Apocalypto.

Hernán est l’habituelle série historique, avec des hommes debout, en costume et l’épée à la main, qui commentent l’histoire au lieu de la vivre.   




mardi 27 juin 2023


Don’t stop believing
posté par Professor Ludovico

Plutôt que la soupe en boite de Journey, nous choisirons la nôtre, Voilà C’est Fini… Pour la deuxième fois, nous avons fait l’aller-retour Paris-Newark, Newark-Paris, cette fois-ci avec el Professorino. Pour la deuxième fois, nous avons vu les 86 épisodes des Sopranos. Une fois encore, nous avons aimé Tony et Carmella, Meadow et Anthony, Sil et Paulie, Christopher et Bobby, Adriana et le Dr Melfi. Une fois encore, nous avons détesté les gens qui voulaientt du mal à ces êtres pourtant peu recommandables.

On a beau le savoir, mais il est toujours aussi difficile de quitter une série. C’est avouer quelque part qu’on ne reverra plus ces amis de vingt ans. La fin de la série qui secoua l’Amérique, connue pour être exceptionnelle, est évidemment entachée par la bêtise habituelle des networks – ici Prime Vidéo – qui en a coupé l’effet, dès les premières secondes. Si David Chase avait décidé de cette minute spéciale à la fin de sa saga italo-américaine, c’était bien pour nous accompagner dans ce deuil. Tout comme Kubrick avait voulu que les salles respectent ces minutes d’obscurité avant le début de son acid trip 2001. Eternelle obsession des conteurs : bien nous faire entrer dans l’histoire, bien nous en faire sortir.

On imagine les sombres calculs algorithmiques qui préside à cette coupure idiote. Mais peu importe. Nous nous sommes échappés du New Jersey.

Vivants.

Don’t stop believing, donc…




dimanche 25 juin 2023


Severance
posté par Professor Ludovico

Severance, c’est l’excellence américaine (artistique et technique) à son apex. Perfection du cadre, de la colorimétrie, du jeu (millimétrique), du scénario (rigoureux) : tout est en place pour le grand show.

Mais ce qui produit souvent des films froids comme la mort, propose là un (des) propos beaucoup plus fort(s) qu’à l’habitude. En décrivant des employés d’un futur proche dans une entreprise pas tout à fait comme les autres, Severance nous parle de nous, et du monde d’aujourd’hui.

Chez Lumon, en effet, on choisit des chiffres et on les dépose avec sa souris dans une sorte de corbeille. Pourquoi ?  « C’est une chose mystérieuse… et passionnante » répond la boss (terrifiante Patricia Arquette), paraphrasant, cent ans après, Joseph Conrad à propos de la White Star Line*. Ce premier propos sur l’absurdité de certaines tâches du monde du travail font résonner une première fibre comique. D’autant que les bureaux de Lumon ressemblent fort aux cubicles d’IBM ou d’ailleurs, et que la doxa locale, issue du fondateur, Kier Eagan, fait l’objet d’un véritable culte. Tout cela ne manque pas de sel, sachant que la série est produite par Apple.

Là où Severance se corse, c’est que ce travail est top secret, au point que les employés s’engagent à subir une severance (dissociation) : une puce insérée dans leur cerveau divise les souvenirs en deux. Le salarié ne se rappelle plus ce qu’il fait au travail quand il est à la maison, ni ce qu’il a fait à la maison quand il est au travail. Deuxième ironie, quand on demande souvent au salarié de ne pas amener ses problèmes personnels au boulot.

Mais au moment où l’on se dit que Dan Erickson, le showrunner, ne va pas nous tenir en haleine pendant une saison, c’est là où la sauce se met à monter, enchainant les enjeux, les surprises, tout aussi inquiétantes que délirantes. Le tout maitrisé de manière impeccable, comme le décor : open space immaculé, couloirs blancs infinis, et soudain surgit le décor surprise, l’accessoire inattendu, le cast  surprenant… Tout cela monte sans arrêt, comme la Planche des Belles Filles sur le Tour de France, nous laissant pantelants à l’arrivée de cette première saison.

Il s’agit maintenant d’enchainer une deuxième, et ça ne sera pas facile…  

* « Une entreprise est un commerce, même si, à la manière dont parlent et se comportent ses représentants, on pourrait bien voir en eux des bienfaiteurs de l’humanité, mystérieusement engagés dans quelque noble et extraordinaire entreprise. », dans son reportage sur le procès du naufrage du Titanic pour The English Review.




mardi 30 mai 2023


Héritage de Succession
posté par Professor Ludovico

Peut-on enfin mesurer l’incroyable succès artistique que représente Succession, désormais un des 8000 télévisuels après cette season finale d’exception ? Là où il n’y a plus beaucoup d’oxygène pour les series faiblardes, mais en bonne place à côté des autres Everest que représentent Sur Ecoute, Mad Men ou Les Soprano ? C’est-à-dire une série parfaite de bout en bout, sans accroc, ni failles ?

Sur le papier, pourtant, Succession accumulait les tares. Une série sur le monde de l’entreprise, très rarement filmé correctement par nos amis du Monde Merveilleux de la Scène et du Spectacle. Au cinéma, le travail est souvent ridiculisé. Les cadres sont stupides, les ouvriers opprimés… Succession a évité ce premier écueil en proposant des personnages tous aussi horribles les uns que les autres, évoluant dans un cadre réel : un conglomérat de la presse et de l’entertainment. Ce qu’ils font n’est pas idiot, ils constituent des empires, les défont, les revendent : en un mot, ils travaillent.

Le deuxième récif était de faire un Biopic. On ne peut s’empêcher en effet de penser aux Maxwell, aux Murdoch*, et aux Lagardère. Mais en choisissant justement de ne pas traiter un sujet en particulier – faiblesse du Biopic – Succession devient universel en passant du particulier au général. Et fait œuvre.

Troisième point d’achoppement possible : la description du luxe. Si Hollywood, pour des raisons évidentes, est plus à l’aise sur le sujet, il fallait néanmoins soigner le réalisme de chaque détail, à l’aune desquels la série serait jugée**. Yacht, hélico, montres de luxe, vins fins, niveau de langage : tout sonne juste dans Succession.

Après, la série a les qualités habituelles des grandes œuvres : un propos fort, et des personnages solides extrêmement bien joués, sans fausse note aucune. Aussi bien le Front Row (le père et ses quatre enfants, Brian Cox, Jeremy Strong, Kieran Culkin, Alan Ruck, Sarah Snook) que les personnages annexes, Tom et Greg (Matthew Macfadyen, Nicholas Braun), le CODIR Waystar (Peter Friedman, Dagmara Domińczyk, David Rasche) et les vautours qui les survolent (Arian Moayed, et le toujours génial Alexander Skarsgård). Casting parfait, qualité HBO : à simple titre d’exemple, on notera la présence de J. Smith-Cameron, une habituée HBO, dans le rôle de la directrice des affaires juridiques. Elle incarnait quelques années auparavant, une white trash louisianaise dans True Blood.

Dernier succès et non le moindre, avoir su tirer une histoire d’un ensemble de rebondissements répétitifs. Chez ces Atrides de new-yorkais, on s’aime, on s’allie, on se trompe et on se trahit… Pourtant le spectateur n’a jamais l’impression que la série se répète, tant elle est capable de renouveler ces jeux d’alliance (le frère et la sœur, le père et le frère, l’ami et le traitre, etc.), tout en dévoilant petit à petit les fractures intimes des personnages. Roman Roy, interprété par le fabuleux Kieran Culkin, en est le plus vibrant exemple.  

Il y a enfin la capacité du showrunner à bâtir, à partir de ces intérêts particuliers, un propos plus vaste. Comme cette saison 4, où les déchirures familiales peuvent potentiellement amener à l’élection d’un clone de Trump.

On constatera l’impact, au sens physique du terme, de ces décisions puériles sur la vie de ceux-là mêmes qui auront créé ce chaos…

* Inspiration originelle de Jesse Armstrong, qui voulait d’abord ne réaliser qu’un film…

** Un contre-exemple possible étant l’adaptation indie – donc fauchée – de l’American Psycho de Brett Easton Ellis par Mary Harron. Pour que le film marche, il fallait des restaurants luxueux, des appartements gigantesques, ce que la production ne pouvait s’offrir.




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