vendredi 19 janvier 2024


Les Galettes de Pont-Aven
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Brèves de bobines -Les films ]

Qu’est-ce que vous avez tous avec Les Galettes de Pont Aven ? Film culte ? Chef-d’œuvre de l’humour 70s ? Faut voir.

Après de nombreuses tentatives ratées, on finit par l’enregistrer et le regarder en intégralité. A vrai dire, petit bout par petit bout, car le film est non seulement bricolé avec trois francs six sous – ambiance court-métrage amateur – mais il est surtout parfaitement abscons et inintéressant. L’histoire d’un représentant de commerce, obsédé sexuel mais frustré par sa femme, qui devient peintre à Pont-Aven par amour, sombre dans l’alcool et retrouve le goût de la vie avec une gamine qui vend des pommes d’api.

À part quelques répliques salées (dont le célèbre « Ah quel cul ! » qui deviendra la signature de Jean-Pierre Marielle, il n’y a rien. Tout cela devait être gentiment clivant dans les années 70. Aujourd’hui, il n’en reste rien.  Seulement le goût amer d’une blague grivoise de fin de repas, racontée par un vieil oncle qui a forcé sur l’armagnac.




vendredi 5 janvier 2024


Autant en Emporte le Vent
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films -Pour en finir avec ... ]

Après s’être refait l’intégrale Ken Burns – The Civil War, Arte diffuse Autant en Emporte le Vent et l’envie de revoir la bête nous saisit. Vu il y a une trentaine d’années, l’objet nous avait laissé à peu près sans commentaire : froufrous, Technicolor, et « Tara ! Tara ! Tara ! »

Aujourd’hui, le film de Victor Fleming pique carrément les yeux. C’est non seulement une propagande éhontée pour le Vieux Sud, son art de vivre, ses robes à crinoline et ses esclaves si bien traités, et l’immense tristesse que tout cela disparaisse sous les coups de boutoir de ces vulgaires yankees…

C’est aussi l’éloge de personnages absolument détestables. Comment le livre, puis le film, ont pu avoir un tel succès (notamment auprès de la gent féminine) reste un mystère insondable. Scarlett O’Hara est une garce capricieuse, une insupportable manipulatrice, entièrement centrée sur elle-même. Rhett Butler, qui pourrait fournir un intéressant point de vue, est tout aussi détestable. Quand elle s’adoucit, il la frappe et la viole. Elle, si prompte à la vengeance, se réveille le lendemain matin plutôt satisfaite !

Le cinéma regorge de sociopathes de ce genre, mais il y a toujours un point de vue. Tony Soprano est une ordure, un tueur, un mauvais père, mais on sait pourquoi. Il est capable d’actions désintéressées, ce qui fait qu’on ne peut vraiment le détester. Mieux, on voudrait le protéger de lui-même. Garance, des Enfants du Paradis, fait tout pour survivre, quitte à sacrifier les hommes qu’elle aime : elle en paiera le prix cher. Barry Lyndon est un arriviste : d’abord aimé du spectateur qui l’ « aide » dans son ascension aristocratique, le voilà détesté au mitan du film pour son attitude envers sa femme… Chacun de ces personnages n’existerait pas sans l’empathie du spectateur, elle-même créée par le point de vue du réalisateur.

Mais le pire de Gone with the Wind reste à venir : la morale finale… Pour Scarlett (et pour Margaret Mitchell) rien ne compte plus que la terre. Elle a perdu père et mère, maris et amants, et deux enfants, le plus souvent par sa faute… Pas grave : il lui reste Tara, et demain est un autre jour ! Philippe Pétain ne disait pas mieux : « La terre ne ment pas »

Que reste-t-il alors : la technique. Un technicolor éclatant,  d’une beauté rarement égalée, des audaces visuelles, et des reconstitutions spectaculaires…

Et bien sûr, la punchline la plus célèbre du cinéma :

– « Que vais-je faire ? Où je vais aller ?
– Franchement, ma chère, c’est le cadet de mes soucis
! »

Autant en Emporte le Vent ? Frankly my dear, I don’t give a damn…   




jeudi 4 janvier 2024


Le Règne Animal
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Voilà un film qui a mis le Professore Ludovico dans une immense colère, à la hauteur des attentes que Thomas « Les Combattants » Cailley pouvait susciter. Une colère morale, et une colère cinématographique.

Morale, car si l’art, et en particulier le cinéma, sont le reflet de la psyché d’un peuple, il y a de quoi s’inquiéter pour l’Occident. Le Règne Animal vient s’ajouter à la panique morale qui s’insinue dans un certain nombre de films qui procèdent de la haine d’elle-même de la civilisation occidentale. Après deux mille ans de christianisme centré sur la primauté de la vie humaine (pour le meilleur et pour le pire), le rejet de cette idée s’intensifie : la vie humaine n’est plus une valeur cardinale.

C’est ce qu’illustre Le Règne Animal, c’est aussi ce que disait en creux des films comme Titane (aimons les monstres, aimons la machine) ou The Creator (l’intelligence artificielle est une vie qui en vaut une autre), ou des séries comme Westworld, où les robots valent souvent mieux que les humains.  

Peu importe le degré d’intelligence – ou de stupidité – du message développé. Ici, l’idée est que la prochaine évolution serait une fusion avec l’animal (homme-oiseau, homme-otarie…), et que cela, quelque part, ne serait pas plus mal. Une idée qui cohabite parfaitement avec les préoccupations écologiques du moment, qui sont, elles, parfaitement justifiées…

C’est aussi l’idée, par ailleurs très américaine, que la Civilisation, la Cité, la Loi, c’est le Mal, et que le Bien réside à la campagne ou dans l’état de Nature.

Rien n’est plus faux, évidemment. La fourmilière a-t-elle des précautions écologiques ? Se soucie-t-elle de ne pas trop exploiter son écosystème ? Evite-t-elle de s’étendre pour laisser la place à d’autres fourmilières ? Le tamanoir devient-il vegan devant la possible extinction de l’espèce fourmi ? Bien sûr que non : la nature est sauvage, le plus fort mange le plus faible, et son plus grand prédateur, l’homme, s’est à la fois extrait de cette sauvagerie (par la religion, la civilisation, la loi) sans arriver à limiter complètement son avidité. C’est son dilemme, et c’est son destin.

Une colère cinématographique, ensuite… Thomas Cailley est un grand cinéaste, qui n’hésite pas à se revendiquer de Michael Bay, ce qui le rend immédiatement sympathique au CineFaster. Disons-le tout de suite, Le Règne Animal est un grand film, beau et spectaculaire. Mais c’est aussi un scénario ultra-convenu, où chaque scène est prévisible, où les clichés s’accumulent. Les gars de la campagne sont forcément des beaufs racistes, forcément chasseurs. Les jeunes sont sympas, sauf le blond. La Police, les militaires, sont forcément l’outil d’une répression implacable. On a avait connu un Cailley plus fin dans ses Combattants

Il y a là en vérité un problème de genre. Là où Michael Bay ou Steven Spielberg rendraient cette fable légère et divertissante, Thomas Cailley en fait un pensum tragique.  

On sauvera néanmoins la performance des jeunes acteurs, en particulier Paul Kircher, et le final, assez gracieux, qui retrouve une forme d’innocence et de beauté, quand le père rend sa liberté à son fils…