mardi 9 septembre 2025


Vous ne ferez pas de votre défaite une victoire
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

« Monsieur le premier ministre, vous ne ferez pas aujourd’hui de votre défaite une victoire, de l’absurde un haut fait, du vide politique l’étoffe d’un destin. Non, ce vote auquel vous vous soumettez n’est pas un acte de courage, c’est une dérobade. 

Face à l’adversité, vous vous résignez. Face à la difficulté, vous reculez. Face à la responsabilité, aujourd’hui, vous vous effacez.

Dans le grand silence de l’été, nous pensions que vous prépariez le budget. En réalité, vous prépariez votre sortie. Derrière votre geste politique – solitaire et désinvolte – votre faux sacrifice en dissimule un vrai : celui des millions de Français, de l’Hexagone et des outre-mer. (…)  

C’est sur leurs dos courbés que vous voudriez écrire votre légende d’un futur roi qui aurait raison contre tous, et pour qui la fin personnelle justifie les moyens, publics et politiques. Et cela, monsieur le premier ministre, ce n’est pas qu’une erreur funeste. C’est une faute morale. »

Parfois, la politique, c’est beau comme la littérature.

Boris Vallaud le 8 septembre à l’Assemblée Nationale, en réponse au discours de François Bayrou




dimanche 7 septembre 2025


La voix de Kubrick
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les gens ]

Quelle bonne idée qu’a eu France Culture, relayée par l’ami Ostarc du Globe Plat : mettre en ligne les enregistrements des entretiens Michel Ciment / Stanley Kubrick, sur Barry Lyndon, Shining et Full Metal Jacket. Le rédac’chef de Positif faisait en effet partie des rares interlocuteurs de Kubrick. En écoutant ces bandes, on comprend pourquoi. Les questions sont intelligentes, elles ne ressemblent pas à l’interview promo traditionnel (« Vous avez aimé travailler avec Bidule ? » Elles plongent en profondeur dans les films, les livres dont ils sont tirés, les époques où ils se déroulent…  

Mais pour le coup, Kubrick apporte souvent des réponses très prosaïques. Car Ciment a eu très tôt l’intuition que Kubrick ne faisait pas des films, mais s’attachait à bâtir une œuvre cohérente, avec des thèmes la traversant de part en part, et il en fait un livre.

C’est aussi du plaisir d’entendre le réalisateur, qu’on imaginait dans un anglais raffiné d’intellectuel new-yorkais, et qui se révèle être la voix d’un petit gars autodidacte du Bronx.

Ce qu’il était.

Stanley Kubrick, mon expérience du cinéma, un podcast France Culture

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-stanley-kubrick-mon-experience-du-cinema




vendredi 5 septembre 2025


Sorry, Baby
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Elle est dure, mais elle est juste, la Dame de Nazareth… A peine entrée dans le MK2 Bastille*, elle fait doucereusement remarquer que le Professore est – de très loin – le doyen de la salle. Remarque prémonitoire : le Ludovico va découvrir ce que « Autre Côté de la Barrière » veut dire.

Nous ne sommes pas du même monde, ni du même cinéma, à cette séance de Sorry, Baby. Mes voisines, twenty-somethings comme Eva Victor, l’actrice-scénariste-réalisatrice, applaudissent à chaque réplique, à chaque mimique, tandis que nous restons de marbre.

Victor, dans le rôle d’Agnès, jeune thésarde talentueuse violée par son directeur de thèse** a de quoi séduire, mais elle est engluée dans la mise en scène de… Victor, Eva. La réalisatrice, si sûre par ailleurs de son cinéma (photo, cadrage) peine à trouver son genre. Est-ce un drame ? Une comédie ? Le film virevolte autour de l’actrice, en permanence à l’écran, qui assène punchline sur punchline. C’est peu dire qu’elle s’aime beaucoup…

Ces afféteries finissent par agacer, surtout sur un sujet aussi grave. Parce que le film est sérieux ; il attaque le problème avec subtilité et même ambiguïté. Les rapports entre thésarde et professeur restent incertains, la séduction intellectuelle n’étant jamais loin de la séduction physique. On veut une bonne note, et on n’est pas mécontent d’être la chouchou du prof. On va tout faire pour lui plaire, comme le suggère plusieurs scènes.

Mais ces personnages snowflakes exaspèrent. Dans la scène de l’hôpital, où Agnès vient faire constater son viol, chaque mot du docteur (éjaculation, pénétration) suscite des cris d’orfraie d’Agnes, de sa copine, et donc du public du MK2. Quels termes aurait-il pu employer à la place ? Le sentiment d’un fossé irrémédiable, se fait alors jour. Ce cinéma-là est-il encore pour nous*** ?

Mais au mitan du film, il y a justement une scène entre un Vieux, gérant d‘une sandwicherie, et Agnes. Eternel angoisse de la jeunesse, Agnes ne s’imagine pas vieillir, pense qu’elle va mourir jeune, qu’elle n’aura jamais d’enfant. Et le Vieux de répondre : « Si tu crois que j’imaginais un jour que j’aurais cette tête de patate…  »

Et nous spectateur, d’imaginer qu’Eva Victor se parle à elle-même : elle aura des enfants, elle fera d’autres films, plus aboutis. Car tout n’est pas à jeter, loin de là. Il y a du cinéma dans Sorry, Baby. La scène du viol, filmée très sobrement (un plan fixe sur la maison du professeur l’après-midi, le soir, la nuit) : en trente secondes intenses, on a compris. Mais Victor ajoute juste après une description détaillée de ce qu’elle a subi. Une volonté évidente, politique, de décrire crûment l’horreur du viol. Politiquement, ça marche. Cinématographiquement, moins. On redescend des trente secondes angoissantes qui ont précédé, dommage. Comme disait Hitchcock, « J’aurais voulu que rien ne soit dit ».

Le film, sinon, est très bavard, trop bavard, dans une veine Woodyallenienne que désavouerait probablement la réalisatrice. Mais dès qu’elle arrête, on respire. On fait du cinéma. On attend donc avec impatience le prochain…

Sorry, Baby. Maybe next time ?

*Les cinémas MK2 sont parait-il des cinémas engagés. Il ferait bien de s’engager à diffuser correctement les films. Sorry, Baby était diffusé format réduit, avec un joli cadre noir autour. Personne n’est intervenu.

** Interprété par le bien nommé Louis Cancelmi

*** Sans oublier une allusion transgenre sans aucun rapport avec la choucroute, mais gros clin d’œil de connivence avec le public




lundi 1 septembre 2025


Le Sang à la Tête
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Le Rupellien, en direct de la Rochelle, nous dit que Grangier et Gabin, ça n’a pas toujours fait des étincelles*. Et de nous proposer quand même un film de 1958 du duo Audiard/Grangier, Le Sang à la Tête, adapté d’un Simenon, qui se passe justement à La Rochelle.

Gabin y est un ancien débardeur devenu armateur : un grand bourgeois ayant épousé une jeunette, qui,  évidemment, le trompe avec un ami d’enfance, demi-sel revenu d’Afrique, qui tape dans les finances de sa mère, mareyeuse en conflit avec l’armateur Gabin.

L’intrigue, on le voit, est assez compliquée au départ, et on peine à suivre les dialogues, pas toujours très distinctement prononcés.

Le vrai bonheur est surtout de voir cette France d’antan, à coup de Tractions et d’Arondes, de chaluts dans le port de la Rochelle, et d’Ile de Ré quasi déserte.  

L’autre charme du film c’est Gabin à contre-emploi, cocu à la Raimu, dont Grangier filme l’humiliation de dos, dans son pardessus en flanelle.

On attend le crime, la violence, mais elle ne viendra pas. C’est un peu la défaite du film, un contre-casting qui n’ose pas aller au bout de ses convictions, et pousser Gabin dans cette humiliation.

Audiard d’ailleurs rend les armes en fin de film en offrant à l’armateur cocu des gabinades qui vont constituer l’essentiel de la carrière de l’acteur après-guerre. Une fin morale comme il les aime, mais qui, personnellement, nous casse les couilles.

* A vérifier tout de même : Le Rouge est Mis, Le Cave se Rebiffe, Le Gentleman d’Epsom, Maigret voit Rouge