mercredi 28 mai 2025
Roland-Garros – France 2 : la rechute
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -
Pour en finir avec ... ]
Évidemment, on était allé trop vite. Si France 2 n’avait pas raté l’hommage de Rafael Nadal, il retombait dans ses errements deux jours plus tard.
Certes, nous ne sommes que la première semaine, et il y a des matchs partout à Roland. Mais là, il n’y en avait que deux : un Simple Homme opposait le 73ème mondial, Corentin Moutet, à un autre français, Clément Tabur (280ème). En même temps, Loïs Boisson pour son premier Roland-Garros (218ème) était opposée en Simple Femme à la Tête de Série belge Elise Mertens (24ème). Chez les gars, on était à la balle de set ; chez les filles, balle de match. Devinez ce qui arriva ? France télé diffusa les mecs.
Le sexisme habituel, celui qui dit qu’il « ne reste plus de français dans le Tournoi » alors qu’il y a encore des filles, ou qui affirme que Noah est le seul à avoir gagné un Grand Chelem, oubliant les 5 victoires de Bartoli, Pierce, et Mauresmo, à Paris, Wimbledon et Sydney…
Certes, Mottet est plus connu que Buisson, mais c’est qui qu’a fait la perf ?
mardi 27 mai 2025
L’Eternaute
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
Dans L’Eternaute, on devrait être sur le terrain connu du film post-apocalyptique. Tout va bien et, badaboum, une drôle de neige tombe et là, tout le monde meurt. Il va falloir se barricader contre des voisins affamés et surarmés, en attendant que les hélicos arrivent.
Ça, c’est dans une post-apocalypse américaine. Mais ici, on est dans une série sud-américaine. Ou plutôt l’adaptation argentine d’une BD, argentine elle aussi*.
Ça change tout. Les héros sont sexagénaires et les hélicos ne vont pas venir. On se demande d’ailleurs, pendant les quarante-cinq premières minutes, si on ne s’est pas trompé de série. Les « héros » tapent le carton en vidant des verres**. Le mode Survival ne commence réellement qu’au deuxième épisode (sur 6) et ça commence très lentement (un masque, des bottes étanches). Pas de blonde, ni de vieux flic retraité avec gangster en cavale qui vont taillader du zombie avec la hache trouvée dans le garage.
L’Eternaute avance à un train de sénateur, mais sûrement, très sûrement même. Car son immense originalité, c’est d’utiliser les clichés d’une manière totalement nouvelle. Non, tout le monde ne va pas s’entretuer pour une boîte de thon ; on va même recueillir des gens dans le besoin… A chaque fois qu’on retombe sur un trope du film post-apo (la possibilité d’autres survivants, une fille qui réapparaît, le voyou en cavale), L’Eternaute fait un pas de côté. De façon très orthogonale, la série insiste sur les valeurs positives de l’humanité : l’entraide, le réconfort, le sacrifice… La série va ainsi développer ses intrigues, les doublant, assez classiquement, de flashbacks mystérieux. Cela rend les cinq autres épisodes totalement addictifs, et on attend la deuxième saison avec impatience.
* Selon un correspondant argentin du Professore (oui, CineFast est partout), la BD est une allégorie de la dictature argentine. Plus on avance, plus on se dit que oui…
** Dont notre chouchou Ricardo Darín (Les Neuf Reines, Dans ses Yeux, El Presidente…)
lundi 26 mai 2025
Rafael Nadal, hommage
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]
Un sportif qui s’arrête, c’est un homme qui meurt.
Pour une fois, France 2 n’a pas raté les funérailles de Rafael Nadal. Elle a su filmer comme il fallait l’incroyable hommage que Roland-Garros a rendu hier à son plus grand champion*.
Là où d’habitude la télé coupe la fin d’un match**, elle n’a pas raté Rafael, l’homme, qui s’inclinait devant la dépouille du champion Nadal. Invités à la cérémonie, tout le public du Central, sobrement relooké terre de sienne, était en pleurs.
S’il y eut quelques ratés (un trophée en plexiglass et des longueurs), les caméras n’ont rien perdu de l’émoi qui planait en ces lieux. L’émotion de Nadal, matador sans pitié sur le court, qui se métamorphosait en Rafi, ado timide d’après match. La télé a su filmer ses larmes, capter les hésitations de son discours, faire le fondu enchainé qu’il fallait sur le public. Personne ne fut oublié, ni ses victimes (Djokovic, Federer, Murray), ni le petit personnel de Roland, chauffeurs et ramasseurs de balles…
Nadal, comme après chaque victoire, n’en revenait pas d’être là. Il eut d’ailleurs les mots justes : « Je sais que je ne jouerais plus ici, mais un bout de mon cœur sera toujours là, avec ce lieu et avec son peuple ».
* 14 victoires en vingt ans
** Voire une balle de match…
dimanche 11 mai 2025
Sinners
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
L’enfer est pavé de bonnes intentions, dit-on.
L’enfer, ici, est à Clarksdale, Mississippi. Le Professore Ludovico est en terrain connu. Clarksdale, où selon le mythe, le Blues est né. At the Crossroads Robert Johnson a vendu son âme au diable en échange du don de jouer de la guitare comme personne. Sinners y projette son action en pleine prohibition ; deux jumeaux reviennent à la maison (tous les deux interprétés par notre chouchou Michael B. Jordan). Ces gangsters ont quitté Chicago pour recycler leur argent dans un juke joint, ces boites où on boit, on danse, on joue du blues. Ça tombe bien, un jeune guitariste, Preacher Boy, a décidé de désobéir à son pasteur de père pour jouer la musique du diable. Ça tombe bien doublement, parce qu’il y a des vampires dans le coin. Blues, Prohibition, Vampires : autant dire que chez CineFast, on appelle ça un strike.
Mais voilà, Sinners est une bouse incroyable. Une fois qu’on a une bonne idée, il faut travailler pour la réaliser. Le film est tellement mal fait que les yeux vous tombent des orbites… Les dialogues sont écrits avec les pieds, (même un scénariste de quinze ans n’oserait pas écrire des telles inepties), et l’intrigue est particulièrement biscornue. Les personnages sont tellement en carton qu’on a du mal à comprendre leurs motivations*.
Mais après ce démarrage poussif, les vampires débarquent, et ça devient plus fun. Le propos, lui, devient très confus. Si l’on souscrit totalement à l’idée de mettre en valeur la culture afro-américaine du Sud (Blues, Vaudou, Soul food), le gumbo s’épaissit de seconde en seconde. D’abord avec un grand classique : les blancs sont évidemment les grands méchants de l’histoire. Les vampires sont forcément blancs, et forcément membres du Klan. A partir de là, ça devient parfaitement inepte. Le blues serait en fait la musique qui sauve, et la musique du diable serait… la country et la gigue irlandaise !
Autant vous dire qu’on est très loin de O’Brother pour la défense du blues ou d’Une Nuit en Enfer pour la promotion des vampires. L’impression trouble – c’est un comble pour le cinéaste de Black Panther – que le film est fait par des blancs qui voudraient rendre grâce au blues en enfilant tous les clichés sur les noirs**.
Et c’est, à vrai dire, la plus grande tristesse que procure Sinners. L’idée que des gens intelligents, talentueux (le cinéaste indé de Fruitvale Station et l’acteur délicat de The Wire/Friday Night Lights) produisent des daubes démagogiques pour faire un blockbuster. Certes, le fameux One for Us, One for Them, s’applique à tout le monde. On voit ce qu’un Brad Pitt peut faire, capable d’aligner Deadpool 2 et produire Le Roi la même année. Mais après Creed, Black Panther, où sont les projets intelligents du duo ? Certes, on n’a jamais demandé de la finesse à Michael Bay, et les Vampire, Vous avez dit Vampire de nos années 80 ne volaient pas haut. Mais les films tenaient debout.
Dans la salle, le public n’y voyait pas problème. Cet échafaudage pataud, cette simplicité balourde plait. Le film marche fort, signe que les goûts changent.
On n’est pas obligés de suivre.
* Ainsi, Stack, un des jumeaux, tire gratuitement sur un gamin, lui pète le genou, mais paye immédiatement les soins. Le même interdit à Preacher Boy de jouer du blues dans sa boite, alors qu’il lui à offert une guitare expressément en ce sens. Une femme l’a recueilli enfant mais il ne va pas à son enterrement… Etc., etc.
** Ce qui donne la seule bonne réplique du film : « See, white folks, they like the blues just fine. They just don’t like the people who make it. »
vendredi 9 mai 2025
Quand Vient l’Automne
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
Au Masque et la Plume, François Ozon avait un jour expliqué son système de production. « Je fais un film tous les ans, disait-il en substance, parce que ça me met à l’abri d’un échec. Quand mon film arrive en salle, j’ai déjà assuré le financement du film suivant. Si c’est un échec, c’est trop tard pour que les producteurs pinaillent sur le projet en cours. » Encore une ruse de cinéaste contre l’Usine à Rêves…
Quand commence Quand Vient l’Automne, on se dit que ce système a ses limites. Le film débute comme une dramatique régionale de France 3 : caméra non pas posée, mais carrément assise, acteurs en préretraite, et tutti quanti.
Mais le film, comme souvent chez Ozon, file doucement vers la perversité. Michelle, une gentille grand-mère pour pub de confiture (Hélène Vincent) prépare le diner pour sa fille (Ludivine Sagnier) qui amené son petit-fils à garder. Mamie s’arrête nonchalamment sur un guide des champignons dangereux, y regarde à deux fois avant de préparer la poêlée : le mystère commence, en a-t-elle mis ou pas ? En tout cas, la fille, odieuse et prête à tout pour toucher l’héritage, se retrouve aux Urgences.
La machine Ozon est en route, façon Chabrol : la grand-mère en larmes, les soupçons de la fille, le fils qui lui reproche… La deuxième intrigue peut commencer : la meilleure amie de Michelle (Josiane Balasko) voit opportunément son fils sortir de prison.
Que vient faire Vincent dans cet embrouillamini, on n’en dira rien, puisque le film gagne de scène en scène une louche de vice et de suspense… Dommage que le début n’ait pas été mieux travaillé.
mercredi 7 mai 2025
Ben Mendelsohn, un simple haussement de sourcils
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -
Les gens ]
Voilà dix minutes que Le Roi, la saga historico-shakespearienne de David Michôd a débuté. Ben Mendelsohn, l’acteur qui interprète Henri d’Angleterre se fait insulter par Hotspur, un de ses vassaux, qui quitte la salle.
Et là, Ben Mendelsohn hausse les sourcils. Et le temps s’arrête.
C’est tout le talent, toute la nuance qui manque aux mauvais films, et aux mauvais acteurs. A côté de ce Roi, les autres films hurlent leurs dialogues.
Ici, Henri, diminué, malade, hirsute, crie son indifférence… d’un simple haussement de sourcils. Une indifférence coupable, qui va précipiter l’Angleterre dans la ruine : voilà ce que signifie ces trois secondes d’acting.
Et c’est Ben Mendelsohn qui s’y colle. Le très grand acteur australien, souvent abonné aux seconds rôles (Bloodline et une tripotée de chef-d ‘œuvres*) n’a jamais cessé de nous impressionner.
En contrepoint, il y a une autre scène plus loin dans Le Roi, une scène intéressante. Un assassin français est arrêté. Henri V (Tim Chalamet himself) l’interroge. Interprété par un acteur français (Tom Lacroix), il joue mal. Ce n’est pas de sa faute. Chalamet, qui l’interroge en français, joue mal aussi. Pourquoi ? C’est le grand défaut du cinéma américain. Quand on fait jouer des acteurs étrangers, Hollywood ne prend visiblement pas la peine de se faire aider par quelqu’un « qui a l’oreille », comme le recommandait Hitchcock. Un réalisateur qui pourrait diriger l’acteur, le corriger. Hollywood n’a pas le temps et en plus, Hollywood s’en fout**.
Mais dites-donc ? Une petite visite dans le moteur de recherche de CineFast et on réalise – ô Horreur – qu’on n’a pas chroniqué Le Roi !
Ça vient, ça vient !
*Le Nouveau Monde, The Dark Knight Rises, Cogan: Killing Them Softly, The Place Beyond the Pines, Lost River, Rogue One, et à la télé : Girls, The Outsider, Andor…
** Comme Tomer Capone, acteur israélien qui joue plutôt bien Frenchie dans The Boys, mais devient ridicule dès qu’il parle français.