dimanche 30 juin 2019


Les Goonies
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Les Goonies, c’est l’apogée d’un certain cinéma américain, le Richard Donner de L’Arme Fatale et le Steven Spielberg d’Indiana Jones et le Temple Maudit, en un mot : 1985.

Autour d’une intrigue qui rappelle Les Contrebandiers de Moonfleet de Fritz Lang et ses tavernes de pirates, une bande de gamins archétypale (le petit gros gourmand et gaffeur, le chinois geek, la grande gueule, le frère aîné sportif, et le héros au grand cœur*), va partir à la recherche d’un trésor de pirate sur les côtes venteuses de l’Oregon. 

Le film est un immense toboggan qui ne s’arrêtera jamais, enchainant comme des rafales de mitraillette les répliques cultes (« Goonies never say die! »), des gags screwball comedy,  des passages secrets en veux-tu en voilà, et des planches qu’on se prend dans la figure…

Cette frénésie très talentueuse, du point de vue cinématographique, finit par lasser, comme celle du Temple Maudit, sorti un an plus tôt.

On en vient à regretter le début, où perçait une douce mélancolie spielbergienne sur le temps qui passe… Car il s’agit, une fois de plus (mais il faut le souligner à chaque fois), de riches contre pauvres, de méchants magnats de l’immobilier expropriant la middle class pour créer un golf, et séparant pour toujours les goonies. Cette introduction justificative est vite jetée à la poubelle par Richard Donner et elle sera (mal) réutilisée à la fin, pour conclure en happy end, sur un ultime rebondissement. Mais il y a un peu avant un très beau monologue du héros** (Sean Astin, qui prépare sa performance, quinze ans plus tard, dans le Seigneur des Anneaux…) au milieu…

Trop tard, trop vite.

* Autant dire la matrice de Super8 et de Stranger Things …

** « Don’t you realize? The next time you see sky, it’ll be over another town. The next time you take a test, it’ll be in some other school. Our parents, they want the best of stuff for us. But right now, they got to do what’s right for them. Because it’s their time. Their time! Up there! Down here, it’s our time. It’s our time down here. That’s all over the second we ride up Troy’s bucket. »




vendredi 21 juin 2019


Spring Breakers
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Depuis ses débuts, Harmony Korine ne filme qu’une chose : la décadence de l’empire américain. D’abord chez les pauvres white trash de l’Ohio (Gummo), ici chez les riches born again christians s’encanaillant au Spring Break. Pour qui connaît l’Amérique, son puritanisme foncier, cette randonnée annuelle vers le Mexique ou la Floride n’est qu’un gigantesque oxymore. Un volcan qui crache sa lave lubrique tous les ans, pour éviter d’exploser.

Ici, quatre jeunes filles, riches, chrétiennes, mais paumées, veulent absolument en être *. Sans argent, elles braquent un restaurant pour financer leur road trip. De charybde en scylla, elles vont tomber dans les griffes d’un dealer de pacotille, Alien, une grande gueule interprétée magnifiquement par James Franco. Rattrapées par un peu de réalisme, deux filles s’échappent et rentrent à la maison. Les deux autres iront jusqu’au bout de cette dérive.

Comme le disait à l’époque Jean-Marc Lalanne, du Masque et la Plume Harmony Korine, sait filmer ces orgies « de façon élégiaque tout en les critiquant très sévèrement ». Seul point faible du film, la longueur et les répétitions. Korine ne sait pas faire court ; hypnotisé par la musique de Cliff Martinez, il n’arrive pas à s’en extraire. Mais pour le reste, on est tout autant fascinés par cette description politique de la décadence américaine, qui est aussi celle de l’occident. Ce qui peut sembler naturel (faire la fête, sombrer dans l’excès) devient ici obscène. C’est la force du pinceau extrêmement réaliste d’Harmony Korine, qui n’oublie pourtant pas de faire l’artiste…

* Castées évidemment dans la fine fleur Disney et Girly : Vanessa Hudgens, Selena Gomez, Ashley Benson, Rachel Korine




lundi 17 juin 2019


Bonding
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Il ne faut pas grand-chose pour faire du cinéma : une situation de départ, de bons acteurs, et quelque chose à raconter. Ici la situation est racoleuse : Tiff, étudiante en psychologie le jour, est maîtresse SM la nuit. Elle recrute Pete, un copain gay, pour l’assister.  

Ce casse-gueule garanti accouche d’un petit miracle de finesse et de subtilité, au milieu de scènes assez trash.

Pour incarner cela, il aura suffi du visage de la magnifique Zoe Levin (Tiff), et de celui de Brendan Scannell (Pete). Deux visages, deux palettes, sur lesquelles le showrunner Rightor Doyle peint un large éventail d’émotions. Face à Tiff, huître fermée, parchemin à déchiffrer, il y a le contrepoint Pete, exubérant, toujours au bord de la caricature gay, mais qui n’y sombre jamais.

Et quand ça vire au trash, l’humour, les dialogues, font passer la pilule car tout cela est au service d’un propos plus important : qu’est-ce que l’amour, la soumission à l’autre, ou l’enfermement dans ses propres carcans… Grâce à un dispositif ultra simplifié (deux personnages, quelques personnages annexes et deux ou trois lieux), Rightor Doyle place son cours de philo dans un temps extrêmement réduit (7 épisodes de 15mn).

Bonding, elle a tout d’une grande.




jeudi 13 juin 2019


Catch 22
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Le moteur du B-25 de Catch 22 met du temps à démarrer, mais  arrivé à son altitude croisière (l’épisode 2), ça tourne plutôt bien. Catch 22 est l’adaptation d’un roman ultra célèbre aux Etats-Unis, sorti en plein McCarthysme, et qui vantait les mérites de l’insubordination dans une armée gangrenée par une organisation kafkaïenne, en pleine Seconde Guerre Mondiale. Le titre « Catch 22 » est même devenu une expression idiomatique signifiant une situation ubuesque, où des injonctions paradoxales empêchent toute décision. 

Ici, un jeune officier bombardier de l’USAAF, John « Yoyo » Yossarian (l’excellent Christopher Abbott), terrifié  par la DCA qu’il affronte chaque jour avec ses camarades, cherche à tout prix à se faire réformer. D’où le paradoxe : si on est assez sain d’esprit pour ne pas se faire tuer, c’est qu’on n’est pas malade. Si on n’est pas malade, on doit voler !

L’autre solution est d’atteindre au plus vite son quota de vols, mais les officiers supérieurs (George Clooney, Kyle Chandler), carriéristes jusqu’à l’absurde, ne font que rajouter des missions.

Ce qui ne marche pas dans l’adaptation de George Clooney et Grant Heslov, c’est justement cet humour absurde où les Anglais et les Français excellent (avec les frères Coen, modèles évident des deux producteurs).

Mais dès qu’on verse dans le drame, Catch 22 devient beaucoup plus intéressant, notamment grâce à son interprète principal, Christopher Abbott, déjà aperçu dans d’excellents rôles (Martha Marcy May Marlene, A Most Violent Year, First Man, mais surtout Charlie Dattolo dans Girls)

Ça, plus une réalisation aux petits oignons, Catch 22 se laisse voir. 




samedi 8 juin 2019


Love, Death and Robots
posté par Professor Ludovico dans [ Brèves de bobines -Séries TV ]

L’amour à mort avec les robots. Cette petite série d’animation est à la fois anecdotique et intéressante. Anecdotique car il s’agit de (très) courts-métrages plus ou moins réussis. Intéressant parce qu’il y a des perles narrative ou graphique à découvrir…




vendredi 7 juin 2019


Formula One: Drive to Survive
posté par Professor Ludovico dans [ Documentaire -Séries TV ]

Un combat éternel. Des prétendants casqués, sur de puissants destriers qui crachent le feu, et qui se battent pour un trône en fer. Une lutte à mort pour le pouvoir, et des intrigues de palais.

Recommandée par l’ami Belphegues, c’est la série la plus excitante du moment et c’est sur Netflix. Et, non, ce n’est pas le Trône de Fer mais bien Formula One : Drive to Survive. Ce documentaire, formidablement monté, raconte la saison 2018 de Formule 1 en dix épisodes de trente minutes, racés comme une McLaren.

Un doc choc, sans la langue de bois habituelle du documentaire sportif : à cause, (ou grâce) au casting constitué uniquement d’underdogs. Pas de grosse écurie, type Ferrari ou Mercedes. Pas de Hamilton, pas de Bottas. On ne parle pas chez ces gens-là, on gagne le Championnat du Monde. Non, dans F1: DtoS, les héros c’est ceux qui se battent pour la 3ème, la 4ème, la 5ème place : Force India, Renault, Red Bull, Mc Laren …  Nico Hülkenberg, Kevin Magnussen, Carlos Sainz, Romain Grosjean…

Et la bagarre n’en est que plus intense, car ça se bouscule, derrière, et pas seulement sur la piste. Il s’agit tout simplement, comme le dit le titre, de survivre en Formule 1. On verra ainsi les vacheries que s’échangent les patrons : Christian Horner (Red Bull) et Cyril Abiteboul (Renault), s’invectivant live en conférence de presse, le premier quittant le motoriste, le second lui piquant son pilote, Daniel Ricciardo. On comprendra aussi que son pire ennemi, c’est son propre coéquipier, un véritable duel à mort pour garder son siège la saison suivante. Et ça ne se règle pas que sur la piste. Sergio Pérez (Force India) n’hésite pas à balancer son propre équipier Esteban Ocon dans le décor du Grand Prix d’Azerbaïdjan. Mais c’est lui qui garde son siège, car il attire de meilleurs sponsors que le pauvre Ocon, meilleur pilote, mais fils de garagiste…

Une fois de plus, sous l’argent, le champagne, les grid girls, les salaires stratosphérique, perce la peur, la frustration, et la détresse inhérents au haut niveau. Depuis l’enfance, ces gamins passent leur week-end sur les circuits de karting. La famille a tout investi dans la carrière du petit (Esteban Ocon), ou, au contraire, c’est un choix paternel : Lance Stroll, fils d’un milliardaire qui finit par… racheter Force India pour que son fils ait un siège en 2019…

C’est toute la beauté de ce documentaire, par ailleurs remarquablement écrit. Un exemple de reverse screenplay (on connait la fin, y’a plus qu’à écrire le scénario) : chaque épisode a son lot de cliffhangers, et ses arcs narratifs ne trouvent leur résolution qu’à la fin de la saison.

 A recommander, même au pire contempteur de la F1.




jeudi 6 juin 2019


N’allez pas voir Shining !
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films -Pour en finir avec ... ]

Oui vous avez bien lu, le Professore Ludovico, Commandeur des Croyants, vous déconseille d’aller voir un Kubrick. Mais c’est simple, la version présentée à Cannes, la version longue, 4K, remasterisée, n’est pas la bonne ! C’est la version US, coupée par Kubrick lui-même pour l’Europe, car jugée trop longue.

Une version, qui, de plus, affaiblit le chef d’œuvre – coup de poing qu’est Shining.

Une scène chez le psy, qui amollit l’explication œdipienne en la signalant trop tôt, et des squelettes poussiéreux à la fin, qui ne dépareraient pas dans le train fantôme de la Foire du Trône. Enfin, vous l’avez peut-être déjà vue… sur TCM.

On comprend qu’il faille faire vivre la famille Kubrick, mais le bon Stanley n’aurait jamais voulu de ce pseudo final cut…




samedi 1 juin 2019


Extremely Wicked, Shockingly Evil and Vile
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Pendant 1h20, (le film fait 1h49), on pense qu’on est sur le côté sombre de Netflix. Les films faits à la va-vite ; la basse exploitation de faits divers, à peu de frais. On reprend l’extraordinaire documentaire sur Ted Bundy, on illustre les grands moments du biopic, de l’Utah à la Floride… et on en fait une fiction sympa avec Zac Efron.

Mais le spectateur est vite gêné par la neutralité du film : à aucun moment, Ted Bundy n’est montré comme coupable. Aucune scène de meurtre ou de viol. On doit le croire sur parole, comme l’héroïne, Liz Kendall (Lily Collins), l’infortunée compagne de Bundy… Et, comme par ailleurs, il se montre comme quelqu’un de gentil et plutôt brillant, le spectateur sent approcher la grande faute morale.

Mais dans les vingt dernières minutes, survient le grand retournement. C’est pour ces vingt minutes qu’il faut regarder Extremely Wicked, Shockingly Evil and Vile.

Malheureusement, il ne sera pas permis d’en dire plus.