mardi 27 novembre 2012


La Neuvième Porte
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Un grand film, c’est quoi ? C’est un film qui passe sur NRJ12 (en VF mal doublée), qu’on prend au milieu, et qu’on regarde jusqu’au bout, malgré l’alléchant Mad Men S05e1 qui nous attend sur Canal à la Demande.

Malgré tout ce qu’on a pu entendre sur ce film (à part un excellent plaidoyer, à l’époque, dans les Inrocks), La Neuvième Porte n’est pas un petit Polanski. Ou, au contraire, les petits Polanski sont les meilleurs Polanski (comme Ghostwriter, par exemple).

La Neuvième Porte, c’est une sorte de traduction cinématographique idéale du fantastique, un idéal qu’il a été quasiment le seul à atteindre. Pourquoi ? Parce que le genre y est enfin représenté en majesté, sans les habituels effets spéciaux, acteurs au rabais, scénarios gore ou inutilement violents. Pour une fois, on effleure le genre, en restant très proche du réel, ce qui le rend bien plus séduisant. Et bien plus terrifiant.

Les effets spéciaux, par exemple. Il y en a quelques-uns dans La Neuvième Porte, mais ils sont utilisés avec parcimonie. Pas de flot sanguinolent, pas de tête tranchée, pas de caméra virevoltante au-dessus du lit des damnés. Juste une petite musique entêtante, un regard de travers. Comme dans la vraie vie, quand soudain, l’irréel semble surgir du trottoir.

Parce que ce sont enfin de grands acteurs aux commandes (Johnny Depp, Frank Langella, Lena Olin, Emmanuelle Seigner, Barbara Jefford), qui jouent de vrais gens (bouquiniste voyou, millionnaire assoiffé de pouvoir, jet-seteuse sataniste à la petite semaine, sorcière du sabbat, vieil écrivain). Clichés de la littérature fantastique, ils sont enfin incarnés.

Parce que les décors sont réels. Le Paris des bouquinistes, le New York de la finance, le château à la campagne : tout sonne vrai.

Et parce qu’au milieu de cette trame simpliste (retrouver les 9 éditions d’un livre « écrit par Lucifer »), Polanski n’oublie pas de faire l’auteur, parsemant son film d’indices (les nombreuses portes, les représentations du diable (le chauffeur de taxi, le chien…)), ou en glissant son humour bien à lui dans une histoire, qui, sinon, se prendrait probablement trop au sérieux.

C’est ce mélange de terreur sourde et d’humour slave qui font de La Neuvième Porte un film étonnant, qui prend lentement – mais sûrement – sa place dans la cinéphilie.




dimanche 25 novembre 2012


Le Stratège
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Le baseball, Aaron Sorkin, Brad Pitt, Soderbergh (puis finalement Bennett Miller aux commandes), voilà une affiche alléchante. Les américains sont passés maîtres dans le film sportif, probablement parce qu’évoluant dans une société plus égalitaire, le mépris du sport qui règne dans nos contrées n’existe pas outre-atlantique. Hollywood ne rechigne pas à faire des films sur le sport, sa beauté, son ingérable dramaturgie. La France, qui a pourtant de belles histoires sportives à raconter (France 98, le Tour de France, Noah, Tabarly…), nous en prive depuis toujours. La faute à la bourgeoisie française, qui fournit son quota de réalisateurs, et, partant, ses préoccupations et ses sujets.

Ici, Le Stratège entre dans cette longue lignée de film sur le baseball, mais amène un truc en plus, une modernité troisième millénaire qui est son principal atout : un film intelligent, subtil, pas si empathique que ça avec son héros. Un antihéros, plutôt : Brad Pitt est Billy Beane, ex-grand espoir du national pastime, mais qui a raté sa carrière de joueur et est devenu manager général des Oakland Athletics, les A’s. Problème : son équipe a un tout petit budget et chaque année, elle se fait piquer ses meilleurs joueurs par les Yankees ou les Red Sox.

Comment faire, alors, si ce n’est innover ? Au détour d’une négo pour acheter un joueur, il repère Peter Brand, un geek du baseball, qui connaît par cœur toutes les stats des 20 000 joueurs de la MLB. Uniquement à l’aide de ces chiffres, le stratège va bâtir une équipe moins chère, mais efficace. Avant, il devra combattre les réticences internes, les barons du baseball, les medias, et même sa propre famille. C’est la que Le Stratège est le plus intéressant.

Brad Pitt, qui prouve une fois de plus son immense talent, malheureusement masqué par son aura de star, incarne un Beane sympathique, mais pas plus que ça : un type entièrement centré sur son objectif, sans état d’âme, capable de virer un type en deux phrases.

Le contraire, somme toute, du mélo wagnérien façon Bruckheimer, Le Plus Beau des Combats, pourtant film-étalon du film sportif selon le Professore.

La bonne nouvelle là-dedans, c’est que la télé vient enfin régénerer le cinéma moribond, via Aaron « Maison Blanche » Sorkin. Le Stratège serait alors en fait être l’évolution naturelle du biopic, modernisé par l’inévitable Sorkin, qui ré-invente le genre après The Social Network avec ce motto : nous émouvoir sur le sort d’un connard génial.




mercredi 21 novembre 2012


Impossible… d’aller voir Impossible
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

Là, trop c’est trop : on a l’habitude des bandes annonces qui mettent tous les gags du film en 2mn (Les Seigneurs) ou qui racontent l’histoire à l’avance (99% de la GCA).

Ainsi, Twilight part faïve – selon nos dernières informations – se termine très probablement par un affrontement général dans la lande enneigée, les Vampires en Peignoir contre les Vampires en Converse. C’est regrettable, mais pas tragique, car à vrai dire on s’en doutait un peu (et surtout on s’en fout).

La bande annonce d’Impossible fait de même : elle pose l’enjeu (jusque-là, normal) : une famille heureuse qui se trouve plongée dans la tragédie du tsunami de 2004. L’enjeu, dans une telle histoire, c’est évidemment « le héros va-t-il, à force de courage et d’abnégation (et de belles rencontres avec la populace locale) retrouver sa femme et ses enfants ? Et seront-ils toujours en vie à ce moment-là ? »

Malgré les apparences, je ne suis pas en train de me moquer. Aller au cinéma, c’est accepter de se laisser faire, de lâcher prise, et c’est un gars qui vénère Titanic qui vous dit ça.

Mais là, patatras, au bout de 30 secondes, on sait que la famille du petit Ewan McGregor est en vie. Et au bout d’une minute, qu’ils se retrouveront à la fin.

Impossible est la première bande annonce à se spoiler elle-même.

Il faut vraiment être très peu sûr de soi pour vendre son produit ainsi. Ou tout simplement, vouloir absolument rassurer son public : ne vous inquiétez pas les filles, vous n’allez pas voir un drame triste ; la vie est trop dure en ce moment (Triple A, mariage gay, victoire bretonne au Parc). Non, venez sans crainte : tout est bien qui finit bien.

Me voilà rassuré. Mais plus envie d’aller au cinéma.




dimanche 18 novembre 2012


Qui Veut Épouser Mon Fils ?
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

Ca y est, c’est le retour du freak show de TF1, le moment où même la cinéphilie ne fait plus le poids. On arrête tout, et on regarde le crossover de l’année ; Maupassant vs Spartacus, chroniques paysannes vs marché aux esclaves ; Freaks et Twin Peaks en 6 épisodes… Inratable !

Que vient faire QVEMF dans CineFast ? Il faut maintenant admettre que la téléréalité est scénarisée, castée, filmée, montée, comme une véritable œuvre de fiction. Même si elle repose sur une certaine forme de réalité (les pauvres cobayes qui fournissent la matière première), elle use en fait à la perfection des techniques cinéma : la caractérisation, le cliffhanger, l’ironie dramatique, etc. ou des séries (arc, épisodes…)

La forme
Avouez que c’est remarquablement bien fait : la musique, sirupeuse sur les ralenties, hitchcockienne sur le reste, assénant les coups de théâtre / répliques, n’hésitant pas à pomper les pizzicati de Desperate Housewives quand il s’agit de souligner un mauvais coup qui se prépare… et les décors, incroyable chatoiement de pastels sixties, qui s’accordent aux tenues des biatches que QVEMF appelle pudiquement « prétendantes » : talons aiguilles, body en résille, et maquillage esthéticienne.

Le casting
C’est évidemment là où est tout le travail de TF1 : trouver, comme dans une sitcom, suffisamment de caractères pour plaire à l’audience la plus large : on aura donc l’idiot bogoss (Alexandre), le « chef d’entreprise » (David) et sa Barbie de mère complètement folle (Rachel), le sidekick pompier et sa môman (Fréderic), l’anomalie père fils au lieu de la traditionnelle mama (les deux agents immobiliers autobronzés, Julien, et son père), le freak (le pianiste belge, et sa mère, sortis de, réponse a) un film de Tim Burton, (b), d’un clip de Prince, (c) de Twilight : Annihilation.)

Les Dialogues
De ces personnages naissent évidemment des dialogues tous trouvés, moitié Audiard (« Moi, j’aime le caviar, pas le pâté de foie en boite ! »), moitié Labiche « Oui Manman ! ») Avec de tels dialoguistes, pas besoin d’en faire des tonnes « Pour moi, ta famille c’est un caillou. Et ma famille, c’est un aut’ caillou. Quand on les réunit ensemble, ça fait pas un gros caillou, ça fait un émir ! »

Six épisodes à ce rythme, on va défaillir…




jeudi 15 novembre 2012


Fear and Desire en salle !
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Grande nouvelle pour les amateurs de Kubrick : Peur et Désir, son premier moyen métrage, sort en salle. C’est un double événement : Fear and Desire est un film maudit, renié par Kubrick (il a tenté de faire détruire toutes les bobines existantes, et en disait beaucoup de mal). Il était impossible à voir jusqu’ici (même si une version de très mauvaise qualité tournait sur le net). Mais voilà qu’il sort remasterisé, et en salle !

Peu importe les réelles qualités du film (qu’on imagine faibles) : il faut aller voir Peur et Désir pour plusieurs raisons, et d’abord pour savoir ce qu’est un Kubrick imparfait. Jusqu’ici, nous ne savions pas ce que c’était.

Ensuite, cette obsession de cacher ce film, (même pour les cinémathèques !), est pour le moins troublant : qu’est-ce que Kubrick a à cacher, à part cette mineure imperfection de jeunesse ?

Pour le titre, aussi. Peur et Désir. Comment mieux résumer l’œuvre kubrickienne ? Dans chacun de ses films, le cinéaste mêle Eros et Thanatos.

Et parce qu’à l’évidence, ce film est séminal : c’est là que Kubrick esquisse son thème de la patrouille perdue. Des soldats se sont égarés en territoire ennemi, ils ont peur, et s’attaquent à une femme (la madame Kubrick de l’époque) ; voilà l’histoire de Peur et désir.

Ce thème, on va le retrouver sous de multiples avatars dans l’œuvre Kubrickienne : Les Sentiers de la Gloire commencent par exemple par une patrouille qui se perd une nuit de 14, dans les tranchées ennemies. Un homme est tué accidentellement, et deux soldats innocents le paient de leur vie, tandis qu’une femme manque d’être violentée (la future Madame Kubrick). Dans Dr Folamour, une patrouille de B-52 se perd au dessus des Iles Kouriles, sans radio, sans commandement, et déclenchent par erreur l’apocalypse tandis que le général, Jack D. Ripper (sic) s’interroge sur sa virilité.

Dans Barry Lyndon, le héros se perd derrière les lignes ennemies. Dans Full Metal Jacket, la patrouille s’égare dans les ruines de Hue, et finit par tuer une femme Viet Minh. Et Eyes Wide Shut peut-être vu comme un homme seul en territoire ennemi (la nuit new yorkaise) où il sera, là aussi, confronté à sa sexualité…

Il faut donc, pour remonter à la source de l’œuvre kubrickienne, (et son trauma originel ?) voir enfin Peur et Désir.




mercredi 14 novembre 2012


Les Marches du Pouvoir
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Le cinéma engagé de Clooney et Soderbergh est éminemment sympathique a priori, puisqu’il reste le seul à proposer un cinéma de gauche aux Etats-Unis qui soit à la fois réaliste, indépendant, intéressant, et passionnant sur la forme et le fond.

Quand on relit ces 7 critères, on verra que ça disqualifie beaucoup de films indépendants, de Little Miss Sunshine à La Nuit Nous Appartient, et qu’il reste peu de cinéastes américains disponibles sur le créneau.

Les Marches du Pouvoir fait donc partie du dispositif, écrit été réalisé par Clooney, produit par Di Caprio, et interprété par Ryan Gosling, Paul Giamatti, George Clooney, Philip Seymour Hoffman, et Evan Rachel Wood.

C’est bien, c’est intéressant, fort bien joué, mais il manque un tout petit peu d’épice pour que ça soit parfait.

Cette histoire de jeune conseiller idéaliste (Gosling) qui travaille pour le grand manitou des primaires (Philip Seymour Hoffman) commence comme beaucoup d’autres, de Primary Colors à Bob Roberts. Clooney va insérer petit à petit du venin dans son scénario, tout en se réservant le second rôle (le candidat aux Primaires), Démocrate parfait. Pourtant chacun va perdre ses illusions. Ainsi va la politique.

Bizarrement, Les Marches du Pouvoir n’a pas la force brute (et drôle) de Primary Colors, n’a pas le temps (comme The West Wing) de développer ses personnages, ce qui fait que tout cela nous laisse un petit goût de pas mal, mais qu’on aurait du mal à chaudement recommander.

En même temps, c’est ça ou Qui Veut Épouser Mon Fils ?




lundi 12 novembre 2012


Skyfall
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Bon, les gars, c’est quoi votre truc avec James Bond ? D’où vient cette passion aveuglante, débilitante, autour de l’agent 007 ? Pourquoi les meilleurs esprits perdent tout sens commun, tout goût cinéphilique, toute élémentaire capacité de jugement dès qu’il s’agit de Mister Bond ? Comment concilier une passion pour Le Trône de Fer, The Wire, Les Sopranos, l’œuvre de Moebius, les écrits de James Ellroy, de Howard Philips Lovecraft, les films de Kubrick et de Lynch, les chansons de Jagger/Richards, j’en passe et des meilleures, et les aventures pathétiques de l’agent 007 ?

Moi, je déteste James Bond. Pire, je l’ignore.

Pour moi, la franchise a toujours été minable, et son succès, incompréhensible.

C’est pourquoi j’avais jeté un regard amical – et surpris – au reboot. Casino Royale ou Quantum of Solace avait le mérite de nettoyer tout ça et de proposer un nouveau départ. Mais là, le ciel nous tombe sur la tête.

Comment en effet, gaspiller autant de talents au service d’une histoire aussi ridicule ? Car du talent, il y en a. Sam Mendes, d’abord, que je ne porte pourtant pas dans mon cœur, mais qui fait là preuve d’une véritable compétence, tant dans les scènes d’action que dans la direction d’acteur, et dans l’émotion brute, composante rare dans l’univers flemingien.

Les comédiens ensuite, qui sont tous excellents, à commencer par Daniel Craig, immense dans la première partie du film. Et la déco. Et les cascades. Et les images, exceptionnelles, qui – malgré tout – vont rester dans nos têtes, comme par exemple Javier Bardem courant dans le crépuscule d’une maison en flammes.

Mais tout cela est mis au service d’une histoire ridicule, un scénario à la San Ku Kai ou à Goldorak, ce que le Professore appelle le cinéma enfantin.

D’où sort une intrigue aussi minable, si ce n’est d’une cour d’école primaire ? Qui d’autre, à part un enfant de sept ans, peut créer un méchant aussi pathétique que Javier Bardem ? Affublé de la pire perruque de la franchise, dont Nicolas Cage ne voudrait même pas, le blondinet Tiago Rodriguez a pour ambition de dominer le monde. Tiago veut aussi se venger du MI6, car c’est un ancien des services secrets, et M l’a « trahi ».

Et plutôt que de la tuer d’une balle de 45 dans la tête, comme John McLane le ferait en toute simplicité, le blondinet préfère faire sauter une bombe dans le bureau de M quand elle n’est pas là, pour attirer l’attention des médias sur le fait qu’il a en sa possession l’identité de tous les agents de l’OTAN infiltrés dans des organisations terroristes, ce qui va amener le gouvernement anglais à convoquer M à une audience publique à Westminster, et ce sera donc plus facile de la tuer (il y aura dix fois plus de gardes, NDLR). Entre temps, James Bond, attiré par un mystérieux jeton de casino trouvé sur un type qu’il vient de tuer à Shanghai, se rendra à Macao et arrêtera Tiago (mais en fait, c’est fait exprès), pasque Tiago, il a tout prévu, et justement, quand il s’échappera par les égouts de l’ancien bunker de Churchill (puisqu’il a détruit les locaux du MI6, vous suivez ?), il aura placé une bombe pile là où James Bond se tiendra, et comme ça 007 prendra une rame de métro sur la tête qui arrivera pile au bon moment. Entre temps, Tiago se sera déguisé en policier parce que deux types à l’attendront pile à la bonne station…

Oui, je spoile, et j’en ai rien à foutre.

Le reste sera tout aussi grotesque : l’évasion vers l’Ecosse pour se retrouver seul contre tous (sic), l’assaut tout en finesse des tueurs chevronnés (tous en ligne, comme dans Barry Lyndon), la maison qui explose, l’hélicoptère, l’Aston Martin, etc., etc.

Dommage, parce que la première demi-heure de Skyfall est extraordinaire. Une formidable poursuite, une James Bond Girl enfin crédible (Naomie Harris), la mort de James Bond et sa difficile résurrection. Et une remise en cause passionnante de l’espionnage à papa, où Craig, Fiennes et Dench excellent. Sans parler de la scène d’anthologie à Shanghai, où Sam Mendes en appelle aux mânes d’Orson Welles, et à la scène aux miroirs de La Dame de Shanghai.

Voilà ce qu’aurait pu être James Bond, dans les mains d’un auteur, et ce, qu’évidemment, il ne sera jamais.




lundi 12 novembre 2012


Vestiaires en Access Prime Time !
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Pour une fois, citons L’Express, le magazine du Hollande-Bashing. Mais c’est pour la bonne cause : « Une humoriste handicapée du rire se fait remplacer par des handicapés, qui font vraiment rire » Et oui, comme disait Desproges, il ne suffit pas d’être heureux, encore faut-il que les autres soient malheureux…

Car c’est Anne Roumanoff, la comique chansonnière fifties et son humour rassis façon Théâtre des Deux Anes, qui se fait éjecter du créneau le plus hot de la télé (19h50). Éjecter, pas par n’importe qui, mais par les copains, c’est-à-dire Avalon Films, et leur série comique sur les handicapés ; oui, vous avez bien lu – aucune ironie là dedans – une série. Humoristique. Sur des sportifs. Handicapés.

Vestiaires.

Ils oeuvraient jusque là en Division d’Honneur, vers 13h, les voici en Premier League, juste avant Pujadas. Allez donc y jeter un coup d’œil, c’est drôle, et décomplexé.

Et ça rendra le Professore immensément riche. Evidemment.

Vestiaires, saison 2
France 2
Du lundi au vendredi à 19h50




samedi 10 novembre 2012


Looper
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Looper, c’est le genre de film qui combat la morosité cinéphilique. Le film que tu te cites à toi-même pour te motiver à retourner au cinoche : « Allez, on sait jamais, ça sera peut-être une bonne surprise, comme Looper ! »

Parce que c’est une sacrée bonne surprise, Looper. Un scénariste réalisateur qui sort du diable-vauvert (vous les avez vu, vous, Une Arnaque Presque Parfaite ou Brick ?), un scénario en béton, une interprétation et une réalisation aux petits oignons.

Looper commence pourtant comme une bonne GCA, un-kilo-deux-elle-fait-un-peu-plus-je-vous-la-mets-quand-même : en 2044, Joe (Joseph Gordon-Levitt) est un Looper, un tueur à gages qui exécute des contrats qu’on lui envoie du futur via une machine à remonter le temps. Se débarrasser d’un corps dans le passé, en voilà une bonne idée !! Jusqu’au jour où l’on vous envoie vous-même avec trente ans de plus, ce qui s’appelle boucler la boucle. Pas facile de se tuer soi même, surtout quand c’est Bruce Willis, le Vous avec trente ans de plus, à dézinguer !

A ce moment-là de Looper, on s’installe confortablement dans son fauteuil, on arrête de mater la voisine et on reprend du pop corn. Intuitivement, le CineFaster sait qu’il n’est pas chez Rivette.

Mais en fait, Looper va décoller imperceptiblement, vers des sommets totalement inattendus. Par exemple, avec le voyage dans le temps. Dès le début, ce gros malin de Rian Johnson nous a prévenus, au travers de l’excellent Jeff Daniels, qui joue un caïd du futur enjoué : « On va pas s’emmerder avec ça, paradoxes temporels et tutti quanti, je pourrais t’expliquer comment ça marche, mais ça nous prendrait la journée… »

Piège.

Car si Johnson envoie bouler le spectateur en lui rappelant qu’il est au ciné, et pas à un cours sur la physique quantique, il va en fait appliquer sa feuille de route à la lettre, sans avoir l’air d’y toucher*.

C’est l’atout rafraîchissant de Rian Johnson : il n’a pas l’air de se prendre la tête, mais son film est éminemment sérieux. Sérieux, comme un exposé bien fait. Sa reconstitution du futur n’est pas réjouissante (les USA au bord de la famine, les européens à la ramasse, et les chinois qui prennent tout), elle est bricolée avec trois bouts de ficelle (je te prends des voitures européennes, je te colle des fils électriques dessus et des panneaux solaires, et ça fait le plat pour saucer)… Mais petit à petit, le film prend de l’ampleur. Les enjeux augmentent. D’un simple film de gangster SF, on passe à une quête plus personnelle (comment passer du petit con égoïste à l’homme mûr ? qu’est-ce qui fait un tueur ? son caractère ? ou son enfance ?). Et on change allègrement de genre : polar SF, comédie, drame psychologique, love story…

Rian johnson prend tout son temps. A plusieurs moments, le film semble long, et pourtant, sentiment extraordinaire et inouï pour le Professore, on ne s’en plaint pas.

Car Looper se positionne à l’exact opposé de la scène US actuelle : pas de bastons interminables, pas de plan de coupe tous les dixièmes de secondes, pas d’effets spéciaux qui se la pètent. Non, l’argent est là où il doit être, quand c’est nécessité par l’intrigue : une véritable révolution copernicienne pour le cinéma de genre habitué à la photocopieuse à scénario et au marteau-piqueur comme outil de montage.

Rian Johnson au contraire installe son histoire dans ce Kansas mythique (Le Magicien d’Oz), ses personnages, et le contexte si spécifique des loopers. Il a quelque chose à raconter, et ne se laissera pas distraire par aucune tentation, et notamment la tentation de la grandeur.

Quand son film atteindra les plus hautes altitudes, c’est qu’il sera terminé.

*De même, le spectateur ferait bien de s’intéresser à une sombre histoire de portée de tir, ça pourrait resservir.




dimanche 4 novembre 2012


Starship Troopers
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Comme bien d’autres, Paul Verhoeven fait partie de ces réalisateurs européens qui ont fait le voyage à Hollywood ; la grande Usine à Rêves, telle la déesse Kali, dévorant les jeunes talents pleins de fougue pour nourrir son ventre toujours plus gros.

Comme ses illustres prédécesseurs (Lubitsch, Hitchcock, Lang), Verhoeven a essayé d’insinuer un peu de poison dans la machine, un peu de cerveau européen dans le muscle américain, un peu de subversion dans un cinéma disneyé à l’extrême.

Starship Troopers en est la plus élégante démonstration. La plus pernicieuse, aussi.

Au départ, il y a un livre très réac, Etoiles, Garde à Vous ! écrit par Robert Heinlein en 1959. L’histoire est la même : des jeunes gens s’engagent dans l’infanterie mobile pour devenir des Citoyens. La guerre fait rage contre les extraterrestres, des arachnides grouillants n’obéissant qu’à un unique cerveau (si vous n’avez pas compris l’allusion à la vermine communiste, merci de changer de blog). Par leur courage indéfectible, nos jeunes fantassins infligent une terrible défaite aux arachnides. Le livre est particulièrement mauvais, même dans le contexte de la Guerre Froide.

Le coup de génie de Verhoeven, c’est de refuser absolument de moderniser l’histoire, mais au contraire de l’adapter telle quelle. Car son projet est autre : jouer le premier degré, c’est en effet exposer sa connerie au grand jour. Et Verhoeven ne va pas faire les choses à moitié : d’abord, il caste des beaux gosses incroyables et des filles sublimes dans les profondeurs du soap américain (Casper Van Dien et Dina Meyer (Beverly Hills), Denise Richards et Patrick Muldoon (Melrose Place), bref, que des dents blanches parfaites, des brushings au carré, même quand le sang verdâtre alien leur dégouline sur le visage.

Coup de vice supplémentaire, il va plaquer, en loucedé, une esthétique nazie sur l’ensemble. Costumes afrikakorps grisés pour l’aéronavale, aigle comme symbole de la Fédération, blonds aux yeux bleus à droite et à gauche, mais surtout, des scènes, piquées plan pour plan au Triomphe de la Volonté, le chef d’œuvre de Leni Riefenstahl (idéologie mise à part, évidemment !) sur le congrès de Nuremberg en 1934. Par exemple, la première scène, où chacun se dit prêt « au combat », ou une plus loin, une scène expurgée depuis : « D’où viens-tu soldat ? » « De Buenos aires ! » « De Dublin ! » « D’Austin, Texas ! », répondant aux mêmes plans de volontaires dans Triumph des Willens : « De Rhénanie ! De Franconie ! De Bavière ! »

Évidemment, ces allusions ne passèrent pas inaperçues à la sortie, et depuis, certaines scènes ont été coupées. Mais ces ajouts au roman initial, si profondément inclus dans la trame du film, ses dialogues, ses décors, transforme radicalement le propos.

Désormais, Starship Troopers a deux couches : un film d’action très réjouissant, Full Metal Jacket rigolard (les séquences d’entraînement plutôt gore), western insectoïde façon Alamo (le fortin assiégé), Star Trek dans la Kriegsmarine (batailles dans l’espace kitschissimes), Love Story à deux balles (un homme, deux femmes, la guerre). Au service de cela, le casting ultra brite, le ton enjoué des dialogues « C’mon you apes, you wanna live forever? », la déco ultra kistch et ultra propre des vaisseaux, des costumes, et des fusils en plastique.

Mais dans le même temps, Verhoeven peint sa deuxième couche autoparodique : les combats sont extrêmement réussis, violents et gore (éventration, suçage de cerveau, membres tranchés dans le vif avec giclées de sang sur la camera) ; on voit des seins (assez rares dans le cinéma US), et si les décors et les vaisseaux sont peu réalistes, les arachnides sont incroyablement modélisés en 3D.

Mais le coup de maître, c’est quand Verhoeven ajoute ces fameuses séquences informatives, parodie d’Internet « Do you want to know more? », du Triomphe de la Volonté, et de Why We Fight, les films de propagande US réalisés par Capra pendant la guerre.

Le piège se referme alors sur le spectateur : si on aime ces personnages, ces scènes d’action hypervitaminées, et ces films d’endoctrinement très drôles, alors en quoi est-on différent des nazis ?

Ce fut l’explication de Verhoeven à l’époque « La guerre rend tout le monde fasciste ». son humour caustique, dévastateur, est évidemment une attaque déguisée contre l’Amérique proprette qui se veut toujours le parangon de la démocratie. Mais comme le dit Jean Rasczak, le Professeur redevenu Lieutenant d’Infanterie : « le droit de vote, c’est un pouvoir ; le pouvoir, c’est exercer une violence* ».

Insérer une leçon de morale politique bien cachée au fond d’une GCA, il fallait le faire, Verhoeven l’a fait.

Rien que pour ça, il faut voir Starship Troopers.

* « When you vote, you are exercising political authority, you’re using force. And force, my friends, is violence. The supreme authority from which all other authorities are derived. »