mardi 26 avril 2022


Et Moi, et Moix, Emois… part deux, le(s) séquel(les)
posté par Professor Ludovico dans [ Hollywood Gossip -Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les gens -Pour en finir avec ... ]

Le petit mythomane victimaire a encore frappé. Après Orléans (sévices familiaux), après Reims (école de commerce), Yann Moix raconte son service militaire dans Verdun. Le Professore Ludovico s’intéresse très peu à l’auteur imputrescible de Podium, mais beaucoup à la créature médiatique et son biotope.

Mais là, impossible de laisser passer. Le jeune Moix a fait son service à l’Ecole d’Application d’Artillerie puis au 3ème Régiment d’Artillerie de Marine, à Verdun. Pas de chance, l’aspirant Ludovico est aussi artilleur : il a fait ses classes à l’EAA à la même période (1987), puis au 3ème Régiment d’Hélicoptères de Combat à Etain (20,5 km de Verdun)*. On allait voir ce qu’on allait voir.

On a vu.

Passons rapidement sur la forme : Moix se prend pour Péguy, mais n’est pas écrivain qui veut. Son style est ampoulé, verbeux ; rien de pire que quelqu’un prétend jouer la Ligue des Champions alors qu’il est remplaçant en National**.

Passons rapidement sur le fond : ce livre est – à nouveau –  l’inventaire des haines recuites de Yann Moix. Qui ne rencontre à l’armée que des nuls, des misérables, des loqueteux, et qui ne lie aucune amitié, ce qui est assez symptomatique. Car quel que soit votre expérience du Service National, vous avez toujours un copain de régiment qui traine, un souvenir cocasse, deux gars qui s’entraident, ou un adjudant sympa. Mais chez Moix, l’enfer, c’est les autres.*** Mépris pour les prolos qu’il encadre ; mépris pour ses camarades aspirants officiers, tous bizarrement issus de l’élite****.

Ce n’est pas ça qu’on retiendra ici, mais plutôt l’exercice de mythomanie qui le caractérise. En douze mois, il arrive à l’aspirant Moix plus de malheurs qu’à un Poilu de 14 : trois copains suicidés, un élève aspirant sodomisé par son père, un autre qui finit dans une secte, un autre meurt du sida, un soldat est agressé au couteau, et Yann Moix lui-même est menacé de mort, puis agressé. A l’évidence, l’écrivain a vécu plusieurs services militaires, issus de souvenirs de quelques camarades. Ce n’est pas grave, puisqu’évidemment il y a marqué Roman sur la couverture ; comme d’habitude le mode de défense bidirectionnel des BOATS*****. 

C’est par ailleurs dommage, car il y a matière, dans Verdun, à raconter honnêtement ce moment de vie des mâles de notre génération. Le Service National était une chose à la fois absurde et drôle, éprouvante et fun, inutile et enthousiasmante, stupide et grandiose.

Mais l’essentiel n’est pas là. C’est plutôt la posture victimaire qui habite tout le roman, car il s’agit bien d’un roman, à ce niveau-là de mensonges. Yann Moix s’ennuie, souffre le martyre (en gros, il a des ampoules), et le Service National est une terrible épreuve pour lui. Mais il oublie l’essentiel. Il est EOR (Elève Officier de Réserve) : il a voulu tout cela, et il ne le dit pas. Mais pour les initiés, il a laissé un indice qui le trahit : le premier chapitre s’intitule PPEOR, c’est à dire Peloton Préparatoire aux Elèves Officiers de Réserve. Pour faire le PPEOR, il fallait le demander. C’était un choix proposé lors des fameux « Trois jours ». Ceux qui le faisaient avaient plusieurs motivations : partir plus tôt, choisir leur affectation, devenir officier et donc faire un service plus intéressant et plus confortable. En clair, c’était un choix ! Connaissant son passé (conflits familiaux, révolte contre le système, petit passage facho), ce choix semble tout à fait cohérent… Il n’y aurait aucune honte à le dire, et le regard d’un homme de cinquante ans assumant les conneries de ses vingt ans serait intéressant…

Mais cela ne rentre en aucune façon dans le roman qu’écrit, depuis bien longtemps, Yann sur Moix…

*Eh oui ! Contrairement à ce qu’il raconte, le Professore n’a pas participé à l’assaut de Peleliu avec ses Marines

** Dans un moment d’auto-clairvoyance involontaire, il écrit d’ailleurs : « Ce qui nous paraissait superbe chez un auteur, voilà que l’auteur suivant nous en fait un misérable tas de fumier ».

*** Qui ont compris à qui ils avaient affaire : page 199, un des collègues aspirant le décrit : « Ross établit la liste de mes défauts, dont le plus grave était l’égocentrisme. Tu ne t’intéresses qu’à ta gueule. Le reste n’existe pas. Les autres sont pour toi des abstractions. Si tu étais encore intéressant… mais tu ne l’es pas. Tu es un sale con. »

**** En 1987, j’avais un polytechnicien (sur 80 EOR), Moix en a quarante…  

*****Si le lecteur doute, on lui assène la vérité vraie du Récit, si on arrive à prouver que c’est faux (comme on tente de le faire ici), c’est du Roman.




jeudi 14 avril 2022


Les Confins du Monde
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Gérard Depardieu, Guillaume Nicloux, Gaspard Ulliel et la Guerre d’Indochine, dans un film visiblement très esthétique : plein de bonnes raisons de jeter un œil aux Confins du Monde. L’exemple même du film ambitieux ; ça se voit dès le premier plan, Ulliel au ralenti dans une cour de caserne brumeuse… Réaliste et énigmatique, ça promet.

Mais on est vite déçu par les (trop ?) nombreuses ambitions du film. Car rien ne va jamais bien loin. Gaspard Ulliel veut venger son frère, mais ce frère reste un concept éthéré : on ne sait rien de leur relation, ni de sa mort. Ça reste un mantra, que le protagoniste répète à l’envi. Depardieu est présenté comme un observateur mystérieux, le français d’Indochine éternel qui parle par énigme, mais on n’en saura jamais plus. On entrelarde tout cela de raids dans la jungle avec des troupes autochtones, désapprouvés puis approuvés par le commandement, sans qu’on sache trop pourquoi. Sans parler de la love story avec une prostituée, filmé sans beaucoup de conviction.

L’originalité dans la mise en scène, très belle en soi, est au service d’un scénario très lâche dans un film qui ne sait pas où il va.

De sorte que le film ressemble à une sorte de note d’intention pour un Apocalypse Now! à la française dont il n’a que le nom.

Une note d’intention, c’est ce que l’on envoie aux producteurs pour expliquer, artistiquement, le film qu’on veut faire.

Mais ce film, ensuite, il faut le faire.




mardi 12 avril 2022


Band of Brothers/The Pacific
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Il faudrait revoir les séries tous les dix ans. Mais voilà, so many people, so many parties, comme dirait Gary.

On va à Bastogne parce que l’autre passion du Professore, c’est les champs de bataille, et évidemment ça donne envie de revoir l’épisode – selon nous le meilleur – de Band of Brothers. Mais dix ans après, beaucoup de grosses productions HBO sont passées par là, et l’épisode a maintenant l’air minable dans son petit décor utilisé dans tous les sens : on a vu beaucoup mieux depuis.

Mais pour autant, cela donne envie d’en regarder d’autres. Et nous découvrons que cette série, que nous avions vouée aux gémonies doit aujourd’hui être réévaluée à la hausse.

Certes Band of Brothers est une série gentillette, patriote, bourrée d’américains sympas qui n’attachent jamais leur casque*, mais c’est aussi une série noire, avec de véritables personnages, et des zones grises que nous n’avions pas décelées la première fois.

On enchaine sur The Pacific, basée sur les mémoires de Robert Leckie et de Eugene Sledge**, qui est aussi meilleure à cette aune. Certes Hanks et Spielberg ne sont pas Terrence Malick, il n’ont pas la profondeur mystique de La Ligne Rouge, la véracité humaine d’Apocalypse Now! ou la rigueur Kubrickienne de Full Metal Jacket***. Les deux producteurs sont des humanistes, qui pensent que la guerre est un mal qui serait évitable. Ils sont donc très éloignés de Nicolas Machiavel, ou de Thucydide, qui déplorent la guerre mais en comprennent la nécessité. Coincé par le BOATS, les personnages de Band of Brothers/The Pacific sont tous éminemment positifs, à la fin. Mais nous avions omis de dire que ces séries étaient tout à fait capables de montrer la face noire de ses personnages. 

Mea culpa. Mea Maxima culpa.

*Jurisprudence du GI archicool lancée par Le Jour le plus Long. Les gars qui attachent leurs casques sont des coinçouilles (Anglais, Allemands). Mais ils sont vivants.

**Respectivement Helmet for my Pillow et With the Old Breed

***Un film où tout le monde attache son casque !