dimanche 28 septembre 2008


Terre, Champ de Bataille
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Dure vie que celle du CineFaster ! Obligé de se colleter deux heures de Terre, Champ de Bataille, le pensum scientologue de Travolta ! Probablement le plus mauvais film jamais tourné : histoire clichée, scénario confus, acteurs pathétiques…

Une telle plantade ne laisse d’étonner : où est l’intention ? L’adepte Travolta voulait-il, en adaptant l’oeuvre de L. Ron Hubbard, faire don de son vitrail scientologue, comme preuve de sa foi ? Ou, au contraire, exécuter bassement une corvée pour payer ses dettes ? Quand on sait que la spécialité de la secte est de recruter des stars en les sortant de très mauvais pas, tout est possible !

Toujours est-il que le film, si irrémédiablement mauvais, reste pour autant un objet d’analyse filmique.

D’abord, la technique : l’image est d’excellente qualité, mais bizarrement, tous les plans sont inclinés à 45°. Message ésotérique ? Les plans s’enchaînent toutes les deux ou trois secondes, ce qui est souvent mauvais signe : par ce faux rythme, on cherche à cacher une faiblesse, scénaristique ou autre. Et les faiblesses, elles ne manquent pas : si on comprend vite l’argument (la Terre est tombée sous le joug d’un peuple extraterrestre particulièrement méchant (les psychlos), et l’humanité est retournée à la barbarie), il est très difficile de suivre l’intrigue qui enchaîne péripétie sur péripétie. Ainsi, le grand méchant psychlo joué par Travolta utilise des esclaves humains (les héros) pour extraire de l’or, et leur confie sans s’inquiéter outre mesure technologie extraterrestre, vaisseaux spatiaux, armes… Ce qui causera évidemment sa perte…

Le seul truc drôle, c’est que les méchants sont sympas (Travolta et Forrest Whittaker) : bêtes, alcoolos, et un peu obsédés par le pognon et les filles. (Les filles psychlos ont des attraits particuliers, comme une langue trèèès longue, mais à part ça, elles sont habillées comme Mylène Farmer)

Le pire, c’est que ce n’est même pas de la propagande scientologue : les humains se libèrent d’eux mêmes, sans l’apport des habituels accessoires vendus à prix d’or aux gogos pour « s’autoaméliorer ».

C’en est presque décevant…




mercredi 24 septembre 2008


Richard Avedon, Photographies 1946-2004
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les gens ]

Richard Avedon au Jeu de Paume, c’est comme Leibovitz : c’est l’histoire du plus grand portraitiste de sa génération. Sauf que c’est comme Leibovitz, mais en plus vieux, en plus noir et blanc, en plus mort, et surtout, en plus fort. Pendant que la petite Annie soigne ses mises en scène, Avedon, c’est la rigueur Joy Division : un fond blanc, photo noir&blanc, regardez l’objectif siouplai !

Exemple pervers : pour The Family, série réalisé pour Rolling Stone de la campagne électorale 1976, il demande à ses modèles (les 69 personnes les plus influentes des Etats-Unis) de s’habiller « comme ils veulent » Et qui a l’air malin, trente ans après, en costume synthétique et cravate à pois ? Le jeune Donald Rumsfeld, secrétaire d’Etat à la défense, le quadra George Bush père, chef de la CIA !

Et puis il y a une superbe série sur l’amérique de l’ouest, des decent american people, mineurs, SDF, truckers… Fond blanc, netteté parfaite : l’Amérique vous regarde dans les yeux.

Richard Avedon, Photographies 1946-2004 au Jeu de Paume jusqu’au 27/9 (oui, je sais, je sais)




mardi 23 septembre 2008


The Wire (Sur Écoute) Saison 3
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Séries TV ]

Avec des séries à fort degré d’addiction comme Sur Ecoute, une petite appréhension nous saisit au moment d’attaquer la nouvelle saison : « Est-ce que ça sera aussi bien que la dernière fois ? »

La main tremblante, on introduit le DVD dans le lecteur… Logo HBO, nouvelle version du générique de Tom Waits, jusque là, tout va bien…

Et puis ça commence, lentement. Il faut dire qu’avec Sur Ecoute, on est dans l’anti-Lost : pas de révélation, pas de cliffhanger. Images propres, mais pas de mouvement de camera qui traîne… Les personnages sont installés, mais un rythme de sénateur : Barksdale, McNulty, Bodie… Et des petits nouveaux : l’ancien qui sort de taule, le politicard qui en veut… Au bout d’une heure on en saura pas plus, mais c’est comme ça, Sur Ecoute : ça met du temps à démarrer, et 12 épisodes plus tard, ça finit très fort.

Au moment où arrive enfin la reconnaissance critique (Entertainemnt Weekly qui parle de « meilleure série des années 2000 » (après 5 saisons), Télérama qui reconnaît « son erreur »), il est temps de voir Sur Ecoute.

Maintenant.

The Wire, saison 1,2,3 et 4 disponible en France, (au même prix que Joséphine Ange Gardien)




dimanche 14 septembre 2008


La Lance Brisée
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Qu’est-ce qu’un CineFaster, sinon la version moderne du cinéphile ? Cette génération-là (Godard-Truffaut-Rivette) a prouvé en son temps, malgré des premiers films séminaux, qu’elle était bien composés d’excellents critiques de cinéma plutôt que de réalisateurs au long cours.

A CineFast, nous nous inscrivons dans cette démarche critique : faire découvrir que derrière l’arbre Tâcherons d’Hollywood se cache une forêt d’auteurs (Simpson/Bruckheimer, Bay, Mann, Fincher).

Avec comme modèle l’insurpassable Hitchcock par Truffaut, probablement la plus grande opération de réhabilitation cinématographique* qui eut jamais existé.

Tout ça pour dire que nous n’aimons pas le cinéma US actuel, mais bien TOUT le cinéma américain. Regarder La Lance Brisée d’Edward Dmytryk sur RTL9 participe donc de cet effort.

Effort, car La Lance Brisée est un film d’un monde ancien : pas le Far West, mais plutôt les années 50. Valeurs surannées, autoritarisme paternel, amour éternel, autant dire la planète Pluton. Mais une fois plongé dans l’intrigue, le film devient universel.

Un jeune homme, Joe, sort de prison. Ses frères l’accueillent assez fraîchement : des dollars, un lopin de terre en Oregon, mais tu dégages ! Joe veut plus que ça, mais quoi ? Une visite dans une hacienda abandonnée, un portrait tutélaire qui semble dominer les ruines, et nous voilà plongés dans un gigantesque flashback qui expliquera tout…

La Lance Brisée ressemble à un western, mais c’est plutôt une tragédie grecque, avec conflits oedipiens de fils préférés ou délaissés. Et c’est aussi un film sur le racisme et les faux-semblants de la bonne société de l’ouest, à l’orée de l’Age Moderne… La fin du monde en fait : les querelles ne se règlent plus à coup de gunfight, mais au tribunal. Les vieux héros solitaires doivent céder la place au capitalisme des corporations.

Un film qui mérite pour une fois l’adjectif cinématographique habituellement honni du CineFaster : crépusculaire.

*« Hitchcock »
de François Truffaut et Helen Scott
Editions Gallimard




samedi 13 septembre 2008


Annie Leibovitz
posté par Professor Ludovico dans [ Hollywood Gossip -Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les gens ]

J’ai un problème : je vais toujours voir les expos à la dernière minute ; il y a donc peu de chances que vous ayez le temps d’aller voir Annie Leibovitz, A photographer’s Life 1990-2005, à la Maison Européenne de la photo.

Ce n’est pas grave, car les photos de Leibovitz sont partout (Vogue, Rolling Stone, Vanity Fair) ou dans un très beau (et très coûteux) catalogue de l’expo.

En quoi cela intéresse le CineFaster de base ? Eh bien Annie Leibovitz, c’est un peu la portraitiste de ces quarante dernières années, la Gainsborough, la Poussin, ou la David, de la noblesse d’aujourd’hui : plus de Madame de Maintenon, plus de Général Murat, mais plutôt les petits marquis d’hollywood, la noblesse rock, et les vaniteux people. Aussi peint-elle un Daniel Day-Lewis sur son trône hamletien, la détermination mafieuse de l’équipe Bush (qui fait un écho troublant à un autre cliché : la série publicitaire pour Les Sopranos), la folie foutraque de Nicholson, le charme Vegas de Scarlet Johansson…

Annie Leibovitz n’est pas la plus grande, ses photos sont classiques et elle n’est pas un tournant de la photographie ; mais ses photos sont l’époque.




samedi 13 septembre 2008


Nos Enfants Chéris (saison 2)
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Le film était drôle et profond, la série est hilarante, et la saison 2 commence très fort. Même si tout n’est pas parfait, c’est une Vraie Série : on part d’un postulat de départ, et on n’en change pas. On crée une galerie de personnages loufoques très typés, et on fixe un arc à la saison. Cette année, le couple destroy jean-marc et Claire a gagné au Loto, et invite tout ce petit monde à la noce, en Martinique. Catastrophe(s) annoncée(s) !

Les raisons du succès ? Même sur des situations archi-convenues, Nos Enfants Chéris a un vrai ton, loin des habituels consensus de la TV française. Les personnages sont intelligents et méchants, un peu comme dans Seinfeld.

Deux bémols cependant : le recollage saison 1/saison 2 n’est pas parfait, loin s’en faut. Le fameux gain au loto n’est pas annoncé (il a été signalé lors de la campagne promo, mais est absent de la série elle-même), et crime de lèse-majesté, le fabuleux, l’énorme, le grandiose Mathias Mlekuz est remplacé au pied levé par Lionel Abalanski. Je n’ai rien contre cet excellent acteur, mais a) il ne lui ressemble pas du tout ! et b) ça ne se fait plus depuis Ma Sorcière Bien Aimée ! Il aurait mieux valu trouver une astuce scénaristique, même tirée par les cheveux, plutôt que nous imposer cette substitution honteuse.

Bon, mais il sera beaucoup pardonné à nos bien nommés Enfants Chéris, qui nous font rire chaque seconde.

[Edit] Après vétrification, il apparait que le gain apparait dans le dernier épisode de la Saison 1. Mea Maxima Culpa.




mardi 9 septembre 2008


Philip K. Dick est vivant, et vous êtes tous morts
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

Philip K. Dick écrit vite (et mal), mais c’est aussi une sorte de Nostradamus, qui a « vu », avec une acuité troublante, notre monde d’aujourd’hui. Ce qui rend ses livres passionnants : (Ubik, Substance Mort, La Vérité Avant Dernière)

Ainsi, ce matin, sur Europe1, un invité de Marc-Olivier Fogiel affirmait sans rire, dans le but de défendre le fichier EDVIGE, qui fichera notre orientation sexuelle, nos préférences politiques, et ce à partir de 13 ans : « La Police n’a pas seulement pour mission d’arrêter les gens qui ont commis des crimes, mais aussi de les anticiper, avant qu’ils ne soient commis. » Sic.

Ca ne vous rappelle rien ? Grâce à une machine prédictive, les policiers interceptaient les criminels juste avant qu’il ne commettent un crime. C’était la mission d’un certain Tom Cruise, dans Minority Report.

PS Vous pouvez aussi lire la biographie de Dick écrite par le français Emmanuel carrière « Je suis vivant, et vous êtes tous morts » : la vie de Dick, c’est sûrement son meilleur roman.




vendredi 5 septembre 2008


En direct de Lost, dernière transmission
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Bon, comme dirait l’autre, toutes les bonnes choses ont une fin, ou encore, les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures…

Sommée, – grève des scénaristes oblige – de faire plus court (13 épisodes au lieu de 22), la prod’ conclut la saison avec sa bite et son couteau. Ou plutôt, comme au bac : « Dans 5 mn, je ramasse les copies. Élève JJ Abrams, c’est pas le tout de discuter philo avec vos voisins (Locke, Rousseau), maintenant il faut conclure ! »

Bref, ces trois derniers épisodes sentent plutôt le rapiéçage d’éléments épars, où l’on mélange conclusion d’intrigues anciennes (une love story qui finit bien), et lancement de pistes pour la Saison 5 (un nouveau chef pour l’île, la vengeance d’une femme)…

Ce n’est pas tant que c’est invraisemblable (on n’en est plus là depuis longtemps !), c’est que c’est assez mal fait (dialogues et situation faiblardes, comparé aux 11 épisodes précédents).

Rappelons avec un peu de malice que c’est exactement ce qui est arrivé à Alias, le précédent bébé de M. Abrams, quand il s’est mis à travailler sur Lost. Et que le JJ a justement deux petits projets sur le feu pour 2009 : une nouvelle série (Fringe), et un court métrage (Star Trek 11).

Que Dieu, donc, nous vienne en aide !

PS : Surnage quand même une scène splendide, le retour des naufragés filmé au ralenti, sur la très belle musique de Michael Giacchino. Un vrai moment d’émotion…




jeudi 4 septembre 2008


Kenneth Anger’s Hollywood Babylon
posté par Professor Ludovico dans [ Hollywood Gossip -Les gens ]

Kenneth Anger, avant de devenir le cinéaste d’avant-garde que l’on sait (Scorpio Rising), était CineFaster, tendance midinette. Enfant, il collectionnait toutes les revues consacrées aux stars de la Mecque du cinéma et il en a tiré dans les années soixante-dix un livre culte, Hollywood Babylon, compilation d’anecdotes trash sur les Golden People, de Harold Lloyd à Jayne Mansfield.

Et bien, force est de constater que nous vivons un période bien terne en matière de scandales hollywoodiens !

Qui, aujourd’hui, peut assassiner tranquillement un homme d’une balle dans la tête, croyant tirer sur l’amant de sa femme, et faire passer le tout pour une péritonite aigüe ? C’est pourtant ce que fit le magnat Randolph Hearst, (l’involontaire héros de Citizen Kane), en tuant l’infortuné Tom Hince, pris par erreur pour Charlie Chaplin. Les témoins de ce malheureux « incident » firent ensuite une belle carrière dans les journaux du groupe Hearst !

Je vous passe les multiples épouses (mineures) de Charlie Chaplin, les sextoys étonnants de Fatty Arbuckle, le virilité problématique de Rudolph Valentino, et les reconstitutions « plus vraies que nature » des orgies viennoises dans les films d’Erich von Stroheim. C’était le bon temps où, si vous retrouviez l’amant de votre fille mort dans la piscine, vous appeliez d’abord le patron de la MGM, et ensuite la police. Tout ca se passait dans les années 20, mesdames-messieurs, et donna naissance au Code Hays, sorte de charte morale établissant les choses à ne pas faire sur l’écran : nudité, drogues, et baisers trop langoureux.

Puis la crise de 1929 survint, et – effet paradoxal – le public américain mûrit, plus préoccupé par la crise que par les affaires de cul du Peuple Doré, qui du coup chuta de son piédestal pour ne plus jamais y remonter.

L’Age d’Or d’Hollywood était bel et bien terminé.

Kenneth Anger’s Hollywood Babylon, disponible en poche, mais en anglais et en allemand uniquement.




lundi 1 septembre 2008


Il y a Longtemps que Je t’Aime
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Il y a longtemps, en fait, que je n’aime pas Kristin Scott Thomas, car je n’ai jamais compris ce qu’on trouvait à cette actrice : autant de sex appeal qu’une olive morte, et un jeu d’actrice assez plat.

Pourtant, force est de constater qu’ Il y a Longtemps que Je t’Aime est le chef d’œuvre de Scott-Thomas : elle y délivre une performance exceptionnelle. Le film, lui même, est excellent, jusqu’à un désolant virage scénaristique. Mais pour expliquer cela, il faut en dévoiler la fin. Que ceux qui veulent aller voir le film (ce que je recommande, malgré tout), arrêtent donc leur lecture ici.

Il y a Longtemps que Je t’Aime traite d’un sujet difficile : la réinsertion après la prison. D’autant plus difficile que Juliette sort d’une lourde peine : quinze ans ferme, donc forcément un délit très grave (meurtre ? terrorisme ?), on ne sait pas, et c’est évidemment ce qui accroche le spectateur ? Et pourquoi sa gentille sœur Léa (Elsa Zylberstein) fait tant d’efforts pour l’accueillir, malgré la réticence de son mari (Serge Hazanavicius) ? On l’apprend au premier tiers du film : Juliette a tué son fils.

Et c’est là que le film devient formidable en organisant ce duel à fleuret moucheté entre la cadette hyper-gentille, mère super sympa, entourée de copains, en manque de grande sœur depuis quinze ans, opposée, en face, à la gorgone infanticide, statue de pierre figée dans l’indicible, qui n’attend plus rien du monde.

Le film oscille formidablement entre les deux comédiennes, tout en alternant sur la réinsertion (conversations de café, entretiens d’embauche), qui mettent (et c’est suffisamment rare pour être noté), le spectateur devant ses propres dilemmes moraux. Kristin Scott-Thomas n’est pas castée là au hasard : c’est une star, et elle est là pour inspirer la sympathie du spectateur*, et le mettre dans cette position ambivalente : « J’aime cette actrice/ce personnage, pourtant elle a commis le pire crime qui soit. Comment dois-je réagir ? Dois-je la détester ou essayer de la comprendre ? » : formidable moteur scénaristique…

Le réalisateur, Philippe Claudel, pose le débat avec beaucoup de finesse, en évitant les blablas explicatifs. Claudel est typiquement un réalisateur qui a confiance dans son cinéma ; pas besoin de parlotte, donc, tout est dans l’intrigue et notamment dans les mini-épisodes de la réinsertion de Juliette (trouver un job, un appart, un amant).

Pour asseoir cela, Claudel crée ses personnages avec beaucoup de subtilité et d’ambivalence, alternant fascination et répulsion. Face à « La Meurtrière », il déploie ainsi son antithèse, un papillon nommé Léa. D’abord un peu falote, trop sympa pour être honnête, Léa va progressivement révéler ses blessures et ses contradictions.

Mais alors, qu’est-ce qui cloche ? Eh bien, dans les dix dernières minutes, Philippe Claudel effectue un virage à 180° et sape son chef d’œuvre en le dotant d’une happy end des plus stupides, digne d’un mauvais film américain.

Comment ? Simplement en expliquant le geste de Juliette, geste qui ne réclame pourtant aucune explication : non, Juliette n’est pas une mère indigne, mais elle a abrégé les souffrances de son fils, qui souffrait d’une maladie incurable.

En changeant aussi radicalement de pied, Claudel commet en fait trois crimes contre le spectateur.

D’abord, un crime contre la vraisemblance. Comment Juliette a-t-elle pu cacher la maladie de son fils à son mari, à ses parents, à sa sœur? Comment cet aspect a-t-il pu être ignoré lors du procès** ? Et pourquoi aurait-elle, comme elle le prétend, voulut être condamnée ? Comment une mère aimante peut-elle laisser croire au monde entier qu’elle a assassiné son propre enfant, alors qu’elle avait une « bonne » raison de le faire ?

Ensuite, Claudel change de thème au milieu de son film : on croit parler de réinsertion, mais en fait, en fait, on parle d’euthanasie ! C’est un autre film qui aurait pu être fait, mais qui ne peut survenir comme un cheveu sur la soupe à 10 mn de la fin. En outre, comme on a pu le constater dans l’actualité récente, les mères euthanasistes revendiquent leur action plutôt que de se murer dans le silence.

Enfin, et c’est le pire, Il y a Longtemps que Je t’Aime ne nous donne aucune piste pour prévoir cette issue. Rien ne permet a priori au spectateur d’imaginer que Juliette a une excuse ; au contraire – et c’est toute la force du film – on croit qu’elle n’en a pas. C’est ce qui donne tout le poids du thème « réinsertion ».

Quelque part, c’est trop facile : finalement, le réalisateur peut faire ce qu’il veut, puisque le spectateur n’a aucune clef pour imaginer la suite***.

Au contraire, le cinéma repose sur la complicité entre le réalisateur et le spectateur, qui en sait toujours plus que le personnage principal. Ici, cette complicité existe (on espère la réinsertion de Juliette et la restauration de l’amitié entre les deux soeurs), mais elle est basée sur un mensonge, d’où la déception finale.

Bref, Il y a Longtemps que Je t’Aime subit un sabotage dans les grandes largeurs, et l’on peine à comprendre les motivations de la production, sinon à rendre le film plus consensuel et plus familial. Etonnant de voir un film français de cette qualité tomber dans le pire travers des films américains. Pourtant, répétons-le, il faut aller voir Il y a Longtemps que Je t’Aime, ne serait-ce que pour élucider ce mystère, ou simplement pour ses 105 premières minutes…

*Ce ne serait pas du tout le même film avec Sylvie Testud, par exemple.

** C’est même dit par l’assistante sociale : « Pourquoi n’avez-vous rien dit de ce qui est dans le dossier ? » Et pourquoi n’a-t’elle rien dit ? On l’apprend au cours de la scène finale, digne de la parodie des Inconnus : « Tu ne peux pas comprendre !!! » A tel point que c’est la même scène que le sketch (sans les vases fracassés au sol) : les deux femmes échangent des répliques théâtrales et définitives en regardant la pluie tambouriner la vitre.

*** Comme l’avait théorisé devant mes yeux ébahis mon ami olivier, c’est tout le défaut d’un film comme Les Neufs Reines. Le film est formidable, mais la fin totalement imprévisible. C’est pas du jeu !