dimanche 31 décembre 2017


Le Tigre du Bengale
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Le syndrome du cinéphile est bien connu : c’est la manie du completiste. Je veux avoir vu tous les Hitchcock. Tous les Clouzot. Tous les Fritz Lang. Et c’est ça qui amène à regarder Le Tigre du Bengale (et d’autres fadaises), malgré les notes peu encourageantes de la Bible (Les Films de A à Z, de Jean Tulard)…

Ce Tigre est une curiosité : l’un des derniers films de Fritz Lang, tourné en 1959 en décors naturels (et ça donne envie d’aller en Inde !) mais avec des acteurs occidentaux pour jouer des Indiens… En allemand ! C’est tout simplement énorme.

Comme le scénario, un peu à l’eau de rose : un architecte allemand tombe amoureux d’une danseuse indienne convoitée par son maharadjah de commanditaire. Seetha va-t-elle s’enfuir avec lui ? Ou rester avec Chandrah ? On s’ennuie ferme à ce roman photo tout droit sorti de Femmes d’Aujourd’hui. Et en plus, il faut regarder Le Tombeau Hindou, pour connaitre la fin de ces trépidantes aventures.

Sauf à vrai dire pendant la danse traditionnelle (plutôt du modern jazz) interprétée par ladite Seetha. Debra Paget en collant chair, on ne s’en est pas remis.




dimanche 31 décembre 2017


Brick
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Rien de tel pour reprendre goût au cinéma après 2h30 de Star Wars, que de retourner à la source du cinéma : Brick, le premier film de… Rian Johnson, le réalisateur des Derniers Jedi. L’éternel itinéraire du maverick, qui après un ou deux films, part à Hollywood gâcher son talent dans de grosses productions. Tout le monde est passé par là, avec des réussites diverses, de Kubrick à Soderbergh, de JP. Jeunet à Jean Renoir.

Rian Johnson a réalisé 3 films : Brick, Une Arnaque presque Parfaite, et Looper. Depuis, il est parti réaliser Star Wars, avec le succès (artistique) que l’on sait.

Brick, son premier film, est lui tout à fait étonnant : un polar à l’ancienne, hardboiled, avec détective à la ramasse, beautés fatales, trafic de drogue, et règlement de comptes. Mais avec une différence de taille : les protagonistes sont tous des teenagers. Le Faucon Maltais meet The Breakfast Club.

Le film est donc totalement irréaliste, mais parfait. Brendan, le héros (Joseph Gordon-Levitt) part à la recherche de sa petite amie disparue. Rusé comme Philippe Marlowe, résistant aux coups comme Bogart. Les gangsters sont des archétypes. Le décor, une ville de banlieue indéterminée, semble vidée de tout habitant. Tout ça ne devrait pas marcher mais pourtant ça marche.

Totalement, complètement, parfaitement cinématographique, Brick se fiche que l’intrigue soit compliquée à suivre, tout simplement parce que le spectateur est bien plus intelligent que ça. Rian Johnson croit en ses jeunes acteurs ; le film, magnifique, annonce déjà le génie de Looper.

Il a coûté 450 000$. Les Derniers Jedi, 200 000 000$.




samedi 30 décembre 2017


The Expanse, saison 2
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

C’est déjà une perte de temps de regarder The Expanse, alors, en parler ! Mais bon, on y retourne parce que franchement, autant de médiocrité dépasse l’entendement. Cette saison deux est une incroyable démonstration d’un manque absolu de talent et, très basiquement, de technique. Avec tout le matériau à leur disposition, comment faire aussi plat ?

Dans cette saison, il n’y a en effet rien de moins qu’une petite fille qui disparaît, un personnage qui peut trahir sa chef, deux mecs qui survivent au cancer, un couple qui se sépare, la Terre qui menace d’être détruite par un astéroïde, une patrouille de soldat qui est anéantie, un personnage très important qui change de camp, un autre personnage très important qui change de camp : pas à un seul moment, on ne ressent la moindre émotion. Peur des antagonistes ? Peur pour les protagonistes ? Stupéfaction devant un rebondissement inattendu ? Emerveillement devant la beauté du système solaire ? Adrénaline des combats spatiaux ? Angoisse ? Suspense ? Amour ? Désir ? Affection ?

Rien. Zéro.

La faute non pas à l’intrigue, ni aux acteurs (pas très bons par ailleurs) mais bien aux metteurs en scène et aux showrunners (Mark Fergus etHawk Ostby) incapables de faire monter la sauce et de créer la moindre tension dramatique. Tout est torché au sein du même épisode. Et on passera aa autre chose la prochaine fois.

Avec un dixième de ce matériau, Ronald D. Moore bâtirait une Eglise et JJ. Abrams une cathédrale. Mais Machin et Truc* sont incapables de faire mieux qu’une cabane en préfabriqué.

C’est honteux.

* Scénaristes des Fils de l’Homme : tout s’éclaire …




vendredi 29 décembre 2017


Star Wars Les Derniers Jedi
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Que dire du nouveau Star Wars ? Ce genre de films défie l’analyse. On y va, sachant très bien qu’on ne sera pas satisfait. Comme si on continuait à acheter des yaourts au citron alors qu’on n’aime pas les yaourts au citron.

Star Wars, ce n’est pas un produit, c’est une drogue, comme Marvel, comme toutes les franchises. Et Disney, qui a inventé le concept de la dose annuelle de mièvrerie animée, le sait parfaitement bien. Le drogué revient toujours chercher la sensation originelle. Une sensation qu’il ne retrouvera jamais, car depuis, la drogue est coupée au bicarbonate de soude.

Disney fait exactement ça avec Les Derniers Jedi : à un scénario sans saveur, il ajoute colorants, exhausteurs de goût et édulcorant de synthèse pour que ça ressemble à du Star Wars. On aura donc un peu de conflit familial, une bataille au sol et des batailles dans l’espace, des attaques en rase-motte et un canon laser à détruire, une poursuite avec le Faucon Millénaire dans un tunnel souterrain, la Force, l’Espoir, la Rébellion et le Côté Obscur. Il y a tout Star Wars dans Les Derniers Jedis, c’est-à-dire rien du tout.

Hormis quelques acteurs – les seuls vrais acteurs du casting* – qui sont capables de générer un peu ambiguïté et donc d’émotion, tout le reste est insignifiant : c’est mal joué, mal dialogué, mal monté et beaucoup trop long**. Ce n’est pas grave : on ira voir le neuvième.

* C’est à dire ceux qui ont des rôles ailleurs que dans Star Wars : Oscar Isaac, Adam Driver et Benicio del Toro…
** Ce qui amène le Professore à relativiser : La première trilogie, à cette aune, était vraiment bien faite.




dimanche 24 décembre 2017


Alamo
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Alamo, c’est le rêve fou du Duke, John Wayne, un cri d’amour à la république du Texas. C’est aussi une catastrophe de cinéma, un précurseur malheureux des BOATS : based on the true story of the battle of Alamo. Et son succès en salle n’empêcha pas John Wayne de perdre sa mise…

Rappelons pour les non-texans, qu’à cette époque (1836) le Lone Star State était mexicain, et qu’il faisait sécession pour rejoindre les Etats-Unis (il y parviendra, dix ans plus tard). La tragédie d’Alamo, et le massacre de la garnison de cette petite mission du sud du Texas (aujourd’hui à San Antonio), émut les Texians (les texans américains) qui battirent ensuite l’armée mexicaine à San Jacinto, ce qui mit fin à la Révolution Texane.

C’est à Alamo que se couvrirent de gloire, et périrent, le Colonel Bowie (inventeur du couteau du même nom et donc du chanteur du même nom), et Davy Crockett, trappeur et sénateur du Tennessee.

Mais John Wayne, qui joue Crockett, n’est pas cinéaste, et ça se voit : il a beau copier le stampede de La Rivière Rouge plan pour plan, le film reste un long enfilage d’anecdotes, parsemé de quelques leçons de morale bien senties, comme on n’en fait plus.

Bref on s’ennuie ferme, malgré l’importante reconstitution de la bataille (des milliers de mexicains visiblement peu motivés et qui tombent à la pelle). Même Deguello, « l’appel à l’égorgement » joué au clairon en permanence par Santa Anna pour démoraliser les défenseurs d’Alamo, est beaucoup moins bien que dans Rio Bravo.

Ce n’est pas facile d’être Howard Hawks…




vendredi 22 décembre 2017


Touchez pas au Grisbi
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Quand au bout de cinq minutes, Jeanne Moreau sniffe de la cocaïne dans une Aronde avec Jean Gabin, on comprend qu’on n’est pas dans le cinéma « qualité française » honni de la Nouvelle Vague. Jacques Becker est aux commandes, l’homme de Casque d’Or et du Trou, et le scénariste n’est autre qu’Albert Simonin, le roi de l’argot du milieu, qui donnera aussi bien Mélodie en Sous-Sol que les Tontons Flingueurs et son terminus des prétentieux. Mais ici, c’est la veine sérieuse de Simonin.

Touchez pas au Grisbi, c’est une sorte de drame antique, un Heat avant la lettre, c’est à dire le code du Bushido appliqué au Milieu. Un film sur l’amitié, sur l’âge qui passe, sur un certain sens de l’honneur et de la fidélité. L’intrigue est simplissime, ce n’est pas toujours très bien joué ni très bien filmé. Gabin, qui a l’âge du rôle (50 ans) entre dans sa phase de cabotinage dont il ne sortira plus…

Mais pourtant, Touchez pas au Grisbi, c’est admirable. Après un casse censé les mettre à l’abri (le fameux « dernier coup »), Max (Gabin) et Riton (René Dary) ont caché les lingots dérobés à Orly. Ils s’apprêtent à les refourguer et partir en retraite, quand ils sont balancés par la belle Josy (la débutante Jeanne Moreau) à Angelo, son nouveau protecteur (Lino Ventura, autre débutant du film). Angelo prend Riton en otage et exige qu’on lui livre l’or. Max, le plus solide des deux voyous, ne peut pourtant se résoudre à abandonner son ami Riton. Il s’engage à livrer le pactole.

Mais tout finira mal, évidemment, car l’amitié ne fait pas bon ménage avec les affaires. Pour un film des années 50, le film est assez étonnant : drogue, violence, nudité. Tout se passe dans le Milieu, comme le remarque Jean Tulard*, et le reste du monde (les flics, les caves) fait seulement décor. C’est à la fois la fin du Milieu mais aussi la fin d’un certain cinéma, pour le meilleur (la Nouvelle Vague) et le pire (la critique issue de la Nouvelle Vague, qui castrera le cinéma français jusqu’à Luc Besson) …

* Guide des Films de A à Z, de Jean Tulard

NB le film repasse sur Arte ce soir




vendredi 15 décembre 2017


Neutralité du net
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

On fait rarement de politique ici, ou alors pas directement. Mais là on est obligé. Bien sûr, la neutralité du net, ce n’est pas la faim dans le monde, le massacre des rohingyas, ou un accident routier de plus.

Pourtant, c’est un problème très important. Important pour vous, qui êtes en train de lire cette chronique.

En gros, les États-Unis viennent d’abolir un principe qui veut que tout contenu, quel qu’il soit, doit être acheminé de la même manière par les fournisseurs d’accès internet. La photo de votre grand-mère ou une pub Dior, la vidéo de votre témoin de mariage ou celle de Macron…

En supprimant cette neutralité, on instaure un internet à deux vitesses qui ne profite qu’aux riches. Pas aux utilisateurs riches (ça, ça existe déjà, entre la fibre et la mauvaise 3G) ; non, aux fournisseurs d’accès. Les FAI vont pouvoir commercialiser un internet qui va vite (et qu’ils vendront aux plus offrants (Dior et Macron)) et un internet qui va lentement (qu’ils vendront à votre grand-mère et votre témoin de mariage)…

Tout ça n’a pas l’air très grave. Pourtant, c’est une terrible atteinte à la liberté d’expression et la liberté d’entreprendre : tout simplement, à la démocratie. Ce qu’Internet a permis, c’est qu’un clampin comme le Professore Ludovico puisse donner son avis – comme un Michel Ciment moyen – sur le cinéma américain. Et qu’il soit lu partout dans le monde, par des milliers de lecteurs, lui qui, avant, n’avait qu’une demi-douzaine de copains pour auditoire.

Cette chronique, aujourd’hui, vous pouvez y accéder aussi rapidement qu’un article de lemonde.fr. Demain, Free, qui possède le journal Le Monde, pourra vous offrir (et il le fera, soyez-en sûrs !) un accès rapide à son site et un accès lent à CineFast et à tous les sites qui ne pourront pas payer le péage de l’autoroute à grande vitesse.

Il en va de même pour l’innovation. La garantie d’un internet neutre, c’est aussi la possibilité à trois guignols de la Silicon Valley de bâtir Google, parce que petite start-up, ils ont quand même eu accès à l’ensemble du web, avec immédiatement un potentiel de milliards de clients pour pouvoir se développer.

C’est pourquoi des mastodontes comme Google, Netflix, Apple, sont farouchement opposés à ce recul, et on ne peut pas dire que ce soit pas des philanthropes de la liberté d’expression.

C’est en fait la mort programmée de l’internet tel que nous le connaissons : un immense espace de liberté d’expression qui permet à tout un chacun de donner sa voix. Ce bouleversement civilisationnel, on a encore du mal à appréhender ; le renversement, en un mot, de la pyramide du savoir. La transition d’un monde élitiste où quelques sachants étaient seuls autorisés à transmettre la bonne parole, à une démocratie d’en bas (avec ses dérives, évidemment).

Aucun secteur n’y échappe : l’éducation (Wikipédia), le cinéma (IMdB), la médecine (Doctissimo), mais surtout l’entreprise, les medias, les gouvernements… l’élite est obligé de réviser son discours, d’être plus humble dans la connaissance, plus transparent, plus à l’écoute du public… en un mot, plus démocrate.

C’est pourquoi la neutralité du net est si importante.




jeudi 7 décembre 2017


Johnny Halliday, toute la musique que je n’aime pas…
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les gens -Pour en finir avec ... ]

On l’a déjà dit ici : il n’y a que deux sortes de légitimité artistique : la vôtre, et celle de la masse.

En gros, ce petit film islandais que vous avez tant aimé (mais que personne ne connait), et Bienvenue chez les Ch’tis. Votre panthéon personnel ou le box office + les rediffusions télé. Le reste ne vaut rien. Ni les récompenses de festival, ni les 1001 films qu’il faut avoir vu dans sa vie, ni les Topten, pourtant amusants, de l’ami Philippe of Avalon.

Je n’aimais pas Johnny Hallyday. Je pourrai passer ici quelques heures à vous démontrer qu’il n’a rien apporté à la musique française, écrit aucun texte qui se tienne, composé aucune musique au-delà du blues en 12 mesures. Il n’a fait que chanter, et la plupart du temps, des textes ridicules. Pour dire les choses, ce n’est pas Brel et ce n’est même pas Montand, qui, simple interprète, a su donner du sens à son œuvre. Ce ne sera jamais Lavilliers, Higelin, ou Téléphone.

Mais peu importe. Johnny Hallyday représentait indubitablement quelque chose pour une grande majorité de Français. Et ça, ça veut dire beaucoup. Il fait partie, qu’on le veuille ou non, de l’âme de la nation.

Le Professore n’y peut rien. Et vous non plus.




vendredi 1 décembre 2017


Alan Moore et les super héros
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les gens ]

Alan Moore, le génie britannique de la BD (From Hell, V for Vendetta, La Ligue des Gentlemen Extraordinaires) sort en ce moment un roman monumental, Jerusalem. Interviewé dans Libération, il en profite pour tailler un short à Hollywood, dont il a toujours désapprouvé l’adaptation de ses oeuvres, mais surtout, il s’attaque à notre passion pour les hommes musculeux en lycra :

« Le fait que des centaines de millions de soi-disant adultes se rendent au cinéma tous les six mois pour aller voir Batman m’inquiète beaucoup. On dit de moi que je suis rancunier, que je déteste les super-héros, mais ça n’a rien à voir. On parle de gens de 30, 50 ou 70 ans qui se délectent des aventures de personnages créés pour distraire des adolescents de 12 ans il y a cinquante ans. On me dit que les comics sont pour les adultes désormais, qu’il n’y a pas de mal à s’amuser. Je remarque pourtant que l’année où Donald Trump a été élu et une majorité du peuple britannique a voté pour le Brexit, les six premiers films au box-office mondial étaient des films de super-héros. »

Et l’auteur de Watchmen, grue de démolition du mythe de l’homme providentiel (« Qui garde les gardiens ?»), d’en remettre une couche :

« Ces masques ont un usage bien précis : les Américains veulent pouvoir agir sans assumer les conséquences de leurs actes. Pendant les tea parties de Boston, en 1773, on se déguisait en Indiens. Il y a quelque chose de très lâche là-dedans. »