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Commentaires et/ou Conseils d’achat de DVD – Peut dégénérer en étude de fond d’un auteur



vendredi 9 mai 2025


Quand Vient l’Automne
posté par Professor Ludovico

Au Masque et la Plume, François Ozon avait un jour expliqué son système de production. « Je fais un film tous les ans, disait-il en substance, parce que ça me met à l’abri d’un échec. Quand mon film arrive en salle, j’ai déjà assuré le financement du film suivant. Si c’est un échec, c’est trop tard pour que les producteurs pinaillent sur le projet en cours. » Encore une ruse de cinéaste contre l’Usine à Rêves…    

Quand commence Quand Vient l’Automne, on se dit que ce système a ses limites. Le film débute comme une dramatique régionale de France 3 : caméra non pas posée, mais carrément assise, acteurs en préretraite, et tutti quanti.

Mais le film, comme souvent chez Ozon, file doucement vers la perversité. Michelle, une gentille grand-mère pour pub de confiture (Hélène Vincent) prépare le diner pour sa fille (Ludivine Sagnier) qui amené son petit-fils à garder. Mamie s’arrête nonchalamment sur un guide des champignons dangereux, y regarde à deux fois avant de préparer la poêlée : le mystère commence, en a-t-elle mis ou pas ? En tout cas, la fille, odieuse et prête à tout pour toucher l’héritage, se retrouve aux Urgences.

La machine Ozon est en route, façon Chabrol : la grand-mère en larmes, les soupçons de la fille, le fils qui lui reproche… La deuxième intrigue peut commencer : la meilleure amie de Michelle (Josiane Balasko) voit opportunément son fils sortir de prison.

Que vient faire Vincent dans cet embrouillamini, on n’en dira rien, puisque le film gagne de scène en scène une louche de vice et de suspense… Dommage que le début n’ait pas été mieux travaillé.




vendredi 4 avril 2025


Grand Paris, deuxième
posté par Professor Ludovico

Retour avec le Professorino sur Grand Paris, le petit film aux grandes idées. Deux ans après, le film de Martin Jauvat fait le même effet : un Do-It-Yourself sur l’errance francilienne de deux gamins, entre la gare RER de Saint-Rémy-lès-Chevreuse et les Pyramides de l’Axe Majeur de Cergy-Pontoise.

Mais c’est quoi ce film, dont nous bassine le Ludovico, titulaire de la Chaire d’Etudes Bayennes à UCLA, depuis deux ans ? Rien de moins qu’un petit chef-d’œuvre, qui, l’air de ne pas y toucher, propose en scred la possibilité d’un monde meilleur, au travers (rien de moins) que la nécessité d’un Grand Paris accueillant enfin ses banlieues, ou du pouvoir de la bienveillance et de l’amitié. Tout en se moquant, au passage, du complotisme, de la RATP, des mauvais dragueurs et des fumeurs de joints…

Le tout malicieusement camouflé derrière le sourire benêt de son réalisateur (et principal protagoniste) Martin Jauvat.

Un grand film de 80mn, pour 4 euros seulement sur Prime Vidéo.




mardi 11 mars 2025


J’Accuse
posté par Professor Ludovico

Pour une fois, ce n’est pas un oubli. Si, à l’époque, on n’a pas chroniqué J’Accuse, c’est que le film était transparent, à tel point qu’on se demandait en le regardant hier sur France3, si on l’avait vraiment vu. J’Accuse, c’est sûrement le pire film de Polanski, d’habitude grand cinéaste, mais débordé ici par sa volonté pédagogique, et il faut le dire, une mise en scène fainéante.

Mais, maladie du cinéphile, après la lecture d’un mauvais livre offert par la Dame de Bourges, fine Dreyfusarde*, et l’écoute d’un excellent podcast **, on a envie de revoir le film. On le cherche partout, mais hors de question de payer 8,99€ pour voir le chef d’œuvre, et voilà que les dieux du zapping nous le proposent sur France 3.

Bon, le film est toujours affreusement moche. Recolorisé en rouge et vert intenses, comme si Polanski avait tourné sans chef opérateur***, et tout retravaillé en post-production. Cette odieuse CGI transforme aussi sans talent des rues réelles en Paris d’époque. Seuls les décors, reconstitutions d’appartement 1900 magnifiquement éclairés par les fenêtres sauvent la direction artistique. La mise en scène est d’une fainéantise absolue, comme ce procès d’Emile Zola où Polanski fait venir à la barre les différents antagonistes, dans un ridicule achevé. Polanski veut faire œuvre pédagogique sur l’antisémitisme, notamment en filmant la campagne contre Zola comme les autodafés de la Nuit de Cristal, mais 1/ il survole son sujet et 2/ la bêtise de l’armée semble plus l’intéresser.

Car pour le reste – et malgré un cast impressionnant**** – les comédiens sont cantonnés à des caricatures de vieilles badernes de l’armée française, obéissants et imbéciles. Un seul sort du lot, Grégory Gadebois en commandant Henry, le seul qui cherche à sortir son personnage de la banalité.

Le bon point du film est de ne pas faire un film sur Dreyfus, mais sur le commandant Picquart, le vrai-faux héros de l’Affaire. Picquart, on l’a confié à Jean Dujardin, qui cherche désespérément LE grand rôle sérieux qui le sortira des comédies où il excelle. Ce n’est pas encore celui-là. Dujardin veut faire le mec, se la joue viril et coincé, ce qui n’est pas son genre de beauté. Il devrait apporter au rôle sa nature profonde, un peu d’ironie dujardinienne. A chaque fois qu’il le fait, ça marche plutôt bien… Mais, limité par son talent dramatique, corseté par (le manque de) mise en scène, borné par des dialogues très faibles, Dujardin ne peut guère faire plus.

Rôle compliqué, en vérité : Dreyfus fut sauvé par un commandant antisémite qui ne l’aimait pas beaucoup, mais dont, pourtant, la haute conception de l’Armée et de la République le fit s’insurger contre une erreur judiciaire. Pour autant, Picquart ne fut pas un héros total : quand on lui donnât l’ordre d’abandonner l’enquête, il obéit. Et ne sortit du bois que parce qu’il eut le sentiment que sa propre vie était en danger.

Le cœur du film était là, dans le paradoxe de l’affaire : condamné par une armée antisémite, Dreyfus fut sauvé par un antisémite. La dialectique entre un Capitaine qui refusait d’être une victime, ne croyait qu’en son innocence et à la possibilité d’une justice impartiale, face à un antisémite à la fois courageux et veule. Dreyfus est pourtant présenté comme falot, avec en face, Picquart, le « héros » du film contraint et forcé. C’est le cœur de cet affrontement qu’il fallait filmer, cette ambigüité qu’il fallait dénouer. Polanski était le cinéaste parfait pour ça, sur le papier. Malheureusement le cinéaste du Pianiste n’en fait rien, et filme son docudrama sans cœur à l’ouvrage, jusqu’à la dernière scène, seule bonne réplique du film. Picquart, devenu ministre, agrée que tout cela ne serait jamais arrivé sans Dreyfus. Qui lui réplique, cinglant : « Vous n’avez fait que votre devoir ».

* Le faux ami du capitaine Dreyfus, Philippe Oriol
** Alfred Dreyfus, le combat de la République, de Philippe Collin
*** Pas de bol, c’est Pawe? Edelman, chef op’ attitré de Polanski (Le Pianiste, Ghost Writer…), mais aussi Ray, Lee Miller
**** Jean Dujardin, Louis Garrel, Emmanuelle Seigner, Grégory Gadebois, Didier Sandre, Melvil Poupaud, Éric Ruf, Mathieu Amalric, Laurent Stocker, Vincent Perez, Michel Vuillermoz, Denis Podalydès, Damien Bonnard…




mardi 18 février 2025


La Folle Journée de Ferris Bueller
posté par Professor Ludovico

Mauvaise nouvelle : Ferris Buller a vieilli. Le chef-d’œuvre de John Hughes, l’achèvement de son système brat pack – teen movie avec du sens a fini par pâlir avec le temps. Les gags paraissent aujourd’hui très appuyés. Le rythme, frénétique à l’époque, ne l’est plus.

Reste néanmoins la partie dramatique, toujours aussi puissante.  L’histoire d’Howie*, le copain dépressif du solaire Ferris qui ne sort plus de chez lui, incarne le carpe diem du film** dans deux Grandes Scènes. Celle du musée où Howie découvre dans un tableau de Seurat***, son alter ego pictural. Une petite fille qui tient la main de sa mère et crie un désespoir silencieux, sur la très belle musique d’Ira Newborn. Et évidemment, la Grande Scène de la Ferrari, où toute la frustration de l’adolescent se catalyse dans le démolissage en règle (et l’assomption de cet acte) de la Ferrari California Spyder, ce jouet d’adulte que son père préfère à sa femme et à son fils.

Il n’en reste pas moins que Ferris Bueller’s Day Off reste une référence absolue, tout à fait visible. Mais, Time, comme dit Mick Jagger, waits for no one

* Le très bon Alan Ruck, futur interprète d’horribles personnages : Stuart de Spin City et Connor de Succession
** « Life moves pretty fast. If you don’t stop and look around once in a while, you could miss it. »
*** Un dimanche après-midi à l’île de la Grande Jatte, Art Institute of Chicago.




lundi 3 février 2025


Blitz
posté par Professor Ludovico

Qu’est-ce qui arrêtera Steve McQueen ? Ce plasticien reconnu a décidé un jour de se mettre au cinéma… quelle drôle d’idée ! Ses premiers films, il est vrai, ressemblaient à des performances : Hunger sur l’IRA et sa peinture d’excréments, Shame sur l’obsession sexuelle, puis son chef-d’œuvre, Twelve Years a Slave, l’adaptation casse-gueule du récit d’époque d’un noir libre devenu esclave… avec à chaque fois l’impressionnant Michael Fassbender.

Puis McQueen bifurque vers un cinéma plus conventionnel, avec Les Veuves, polar façon Heat/The Wire et le voilà maintenant dans le mélo, le plus gentil, le plus mignon, le plus naïf qui soit. Pendant le Blitz londonien de 1940, George, un petit garçon doit partir à la campagne pour être protégé des bombardements allemands, au grand désespoir de sa mère célibataire. Pendant que la mère et le grand-père âgé se débattent dans Londres en ruine, George s’enfuit pour les retrouver.  

Qu’y a-t-il à raconter? Quasiment rien, des choses minuscules : un train, une usine, une maison en ruine, les refuges souterrains… Mais ces miniatures de la Grande Histoire abriteront d’autre sujets, chers à McQueen… Le racisme, la différence, car cet enfant est métis (mais ce n’est pas LE sujet), on découvrira l’origine de ce couple et ce qui lui est arrivé, la résilience anglaise, mais aussi ses bassesses. Tout cela amené avec la légèreté d’une plume d’oie.

Non, rien ne peut arrêter Steve McQueen.




jeudi 30 janvier 2025


Call Me by Your Name
posté par Professor Ludovico

Nous avons découvert Timothée Chalamet il y a 6 ans, dans The King pour être précis, où l’intensité de son jeu indiquait qu’il ferait un excellent Paul Muad’dib : intuition confirmée par la suite. On l’avait aussi entraperçu dans Hostiles, ou dans Interstellar pour ce drôle de petit rôle : un garçon dont le père se foutait complètement, mais qui pleurait à chaudes larmes sur sa fille. Mais ne me lancez pas sur Interstellar

Depuis, on ne cesse de le croiser. Et il ne cesse de nous étonner. Paul Muad’dib, Willy Wonka, The French Dispatch, et bientôt, Bob Dylan, où rien que la bande annonce impressionne. Une carrière qui ressemble déjà à un sans-faute, films indé et grosses productions, sans tomber dans le Marvel qui l’enfermerait à vie. Il se déploie aussi élégamment sur les plateaux de talkshows (Saturday Night Live, Quotidien), jouant le jeu de la promo tout en ne se la jouant pas…

Le Professorino avait conseillé Call Me by Your Name avec cet avertissement mystérieux : « Pas sûr que ça va te plaire, mais faudrait quand même que tu le voies » Il a souvent raison le Professorino, question d’ADN.

A un détour de bronchiolite dominicale, Call Me by Your Name passe sur le Canal+ de Notre Dame de Nazareth. OK. On se laisse gagner par la douce torpeur de l’Italie lombarde des années 80, du corps freluquet de Chalamet et de la statue grecque Armie Hammer (les Jumeaux Winklevoss à lui tout seul)…

Eh bien voilà : le film de Luca Guadagnino est un chef-d’œuvre de finesse. Voilà enfin une histoire d’amour homosexuelle sans pathos, sans sida, sans parents castrateurs, sans désapprobation de la société. Même si toutes ces possibilités sont évoquées, c’est une histoire d’amour banale, comme toutes les histoires d’amour.

Un ado et un jeune adulte se cherchent, se frôlent, se repoussent, avant d’avouer leur désir, sans qu’on y voit des problèmes de consentement.

Certes, Luca Guadagnino prend son temps. Mais ce temps est précieux si l’on veut prendre cette histoire d’amour au sérieux. Ce n’est pas simple d’être amoureux, et ce n’est pas simple d’être homosexuel dans l’Italie des années 80 ; Guadagnino n’esquive pas le problème. Mais il n’en fait pas des tonnes : le contexte est là, et puis c’est tout. Et Chalamet trône au centre de la pièce, même s’il est entouré d’une batterie d’acteurs talentueux (Michael Stuhlbarg, Amira Casar, Esther Garrel, Victoire Du Bois…).

Il est le soleil du film, autour duquel tourne d’autres planètes, dans une perfection cosmique…  




dimanche 5 janvier 2025


Jugement à Nuremberg
posté par Professor Ludovico

Quel étrange film que voilà ! Trois heures pour évoquer le jugement fictif de quatre magistrats nazis*, après les grands procès de 1945 (Göring, Hess, Ribbentrop, etc.) Un film pédagogique, d’une ambiguïté folle.

Pendant ces trois heures, on va au gré des personnages passer d’un sentiment à l’autre. Stanley Kramer nous met dans la position de Spencer Tracy, le vieux grand-père qu’on a nommé Juge, parce qu’on ne sait pas trop quoi en faire. On écoutera comme lui le réquisitoire d’un procureur déchaîné (Richard Widmark), bien décidé à châtier le plus sévèrement possible ces hauts fonctionnaires d’Hitler. Puis on basculera vers le camp adverse, au travers du personnage de Marlene Dietrich, veuve d’un officier allemand. Elle tentera de montrer que tous ses semblables ne sont pas des monstres. Puis par l’avocat, le tout jeune et brillant Maximilian Schell**, qui dénoncera l’hypocrisie de ce procès, alors que d’autres terreurs sont là : Hiroshima et Nagasaki, la ségrégation raciale aux Etats-Unis, le communisme qui s’étend à l’est. Devant l’aveuglement des alliés devant Hitler, n’est-ce pas toute l’humanité qui devrait être jugée ?

En coulisses, des magouilles politiques viennent troubler le procès : le blocus de Berlin fait pencher les autorités américaines vers plus de mansuétude envers les allemands, qui se serviront bientôt de glacis face aux soviétiques.

C’est oublier cet étrange accusé, Burt Lancaster, maquillé en vieil homme. Voilà une star qui n’a pas une ligne de dialogue pendant deux heures. Pourquoi ? C’est le génie de Jugement à Nuremberg : c’est toujours le dernier qui parle qui a raison. Et Ernst Janning (Lancaster) va bientôt parler…

À la fin, le film tirera une conclusion à la fois morale et douce-amère. La Loi, oui. La Justice, peut-être… La vérité, qui sait ?

* fictifs, mais basé sur un procès réel
** qui gagnera l’Oscar pour cette performance




samedi 4 janvier 2025


Christine
posté par Professor Ludovico

Et si Christine était la meilleure adaptation d’un livre de Stephen King  ? Provocation, bien sûr ! Il y a Les Evadés, Misery, La Ligne Verte et… Shining ! Mais Christine a une place particulière dans le cœur du Professore Ludovico. Vu six fois en salle en français, en anglais, et là, à nouveau, grâce à Oqee, la plateforme gratuite de Free. Quarante ans après, le film n’a rien perdu de sa force terrifiante, son mauvais esprit, son cul débridé…

Car le film joue à fond la métaphore sexuelle : voiture=sexe. Sous-entendus graveleux*, pelotages appuyés, mais surtout une histoire d’amour terrifiante entre un jeune geek et une voiture. On y verra aussi une critique en règle de la famille américaine, oppressive et rigoriste.

Et pour une fois, c’est le Jock qui a le beau rôle : Dennis la quarterback (John Stockwell) tentera de sauver son ami Arnie le geek (l’inquiétant Keith Gordon), tâche impossible car il est tombé amoureux d’une voiture, et cette voiture s’appelle Christine**.

*She had the smell of a brand-new car. That’s just about the finest smell in the world, ‘cept maybe for pussy.

** Let me tell you a little something about love, Dennis. It has a voracious appetite. It eats everything. Friendship. Family. It kills me how much it eats. But I’ll tell you something else. You feed it right, and it can be a beautiful thing, and that’s what we have.




vendredi 3 janvier 2025


Apocalypse, Now, 14ème 
posté par Professor Ludovico

Quel meilleur film de Noël qu’Apocalypse Now ? Même si ce n’est pas notre premier voyage au Vietnam, c’est l’occasion de le montrer à d’autres, et de revisiter le temple Khmer de Coppola. Car nous sommes en possession d’une rareté : le coffret Blu-Ray avec la version d’origine, sans générique ni bombardement final. Bref, un morceau de la Vraie Croix.

Rien de nouveau sous le soleil de plomb du delta, mais l’opportunité – toujours – de découvrir de nouvelles choses…

Ainsi, nous n’avions pas remarqué ces motifs qui se répètent au début et à la fin. Si le Parcours du Héros est parfaitement documenté, the Rise and Fall du Capitaine Benjamin L. Willard, cette symétrie ne nous avait pas frappé. Or, que constate-t-on ? D’abord, l’un des premiers plans est aussi le plan de fin, cet admirable fondu enchaîné sur le visage de Willard / les statues de rois khmers. Symboles de la répétition de l’histoire, et de sa violence éternelle.

Il y en a d’autres. Au début, dans un accès de delirium tremens, Willard se barbouille de sang. Dans la scène finale, il est aussi barbouillé du sang, celui de son ennemi / son double, le Colonel Kurtz. D’ailleurs, il s’est fait un masque camouflage identique à celui de Kurtz, quelques scènes plus tôt.

On continue. Dans la première scène, des soldats viennent chercher Willard pour lui confier sa mission, ils montent des marches (Rise). Dans la dernière, sa mission accomplie, c’est lui qui descend des marches une fois sa mission accomplie (Fall). Comme il est dit, « Je voulais une mission, et pour mes péchés ils m’en donnèrent une* » et, à la fin, « Ils allaient me nommer Major pour ça, alors que je ne faisais plus partie de leur putain d’armée ** ».

Le chemin est accompli : Willard n’est plus un soldat des Forces Spéciales, mais il ne s’est pas transformé en Kurtz (comme les autres, ou comme il le craignait lui-même). Il n’est pas devenu ce Dieu du Chaos prêt à bombarder ses propres indigènes*** (comme dans le fameux happy end absent de la version originelle). Non, Willard est devenu le Roi. Le peuple de Kurtz ne s’y trompe pas ; ils rendent les armes et s’inclinent devant leur nouveau souverain. Willard descend les marches. Roi magnanime, il a dans les mains une épée (le Guerrier, la Justice) et un livre (les souvenirs de Kurtz) : la Loi.

This is The End : La musique des Doors, présente au début et lors du meurtre de Kurtz, s’est arrêtée : seul subsiste le calme de la pluie… La boucle est bouclée ; y’a-t-il un début, une fin à cette histoire ?

Ou simplement, éternellement : the horror, the horror…

*”Everyone gets everything he wants. I wanted a mission, and for my sins, they gave me one. Brought it up to me like room service. It was a real choice mission, and when it was over, I never wanted another.”

** “They were gonna make me a Major for this, and I wasn’t even in their fuckin’ army anymore.”

*** EXTERMINATE THEM ALL, écrit en rouge dans le récit de Kurtz




jeudi 2 janvier 2025


Le Train
posté par Professor Ludovico

Parmi les dizaines de films de guerre que le Professore a vu depuis les années 70, il manque toujours quelques icônes : Le Train de John Frankenheimer en fait partie. Et voilà que Prime Video nous annonce que le film va quitter la plateforme, et nous voilà comme qui dirait, obligé de le regarder.

Et là, le choc.

La carrière de John Frankenheimer ne nous jamais ébloui, c’est un de ces artisans talentueux d’Hollywood qui n’ont pas vraiment d’œuvre, ni même de coup d’éclat. Dans sa filmographie, on retient 7 jours en Mai, Un Crime dans la tête, Ronin

Rappelons l’argument de ce Train : 1944, la deuxième DB est aux portes de Paris, les Allemands fuient la capitale et Waldheim, un colonel allemand (Paul Scofield) se promène, de nuit, dans les couloirs du Grand Palais. Grand admirateur de peinture, il est venu voler ces toiles pour les emmener en Allemagne, au grand désarroi de la conservatrice (Suzanne Flon)… Celle-ci s’adresse à la Résistance, pour qu’elle bloque ce train pendant quelques jours, le temps que Paris soit libéré. Mais Labiche (Burt Lancaster), chef de la résistance cheminot, a d’autres chats à fouetter : stopper le ravitaillement des Allemands.

Faut-il sacrifier une quelconque humaine pour quelques tableaux ? Le film va poser cette question philosophique comme un fil rouge, sans jamais vraiment y répondre. Mais pour cela, il convoque tous les talents possibles du cinéma. Car, n’hésitons pas à le dire (à CineFast on ne fait pas dans la demi-mesure), ce film est parfait.

La photo d’abord. Un noir et blanc somptueux (dû à deux chef op français, Jean Tournier et Walter Wottitz) qui met en valeur les visages couverts de charbon de Michel Simon et de Burt Lancaster, deux genres de beauté, on en conviendra, très différents. Les cadrages sont magnifiques de précision : un premier plan avec des clous de rail saboté, et au fond, en flou, les bottes allemandes qui s’approchent. Le casting est parfait. Mélange d’acteurs français connus (Suzanne Flon, Michel Simon, Jeanne Moreau) et d’autres au visage connu (Jacques Marin, Albert Rémy, Charles Millot), appareillés à un Burt Lancaster minéral en résistant antihéros. En face, un couple illustrant deux visions de la défaite allemande Scofield en colonel jusqu’au-boutiste et Wolfgang Preiss en commandant désabusé.

La construction du film elle-même est un chef-d’œuvre d’accumulation d’enjeux : Pourquoi Michel Simon demande de la monnaie sur son billet de cinq francs ? Pourquoi Jeanne Moreau n’a pas très envie d’aider la résistance ? Pourquoi Labiche ne veut pas sauver les tableaux ? Tout cela s’empile comme la pyramide de Khéops, qui aboutit au chef-d’œuvre final, dans la mise en scène serrée de ce grand croyant dans le cinéma qu’est John Frankenheimer. Très peu de dialogues, aucune explication inutile, l’action est scandée par le montage, la discrète musique de Maurice Jarre, et les bruits diégétiques…

Comme cette locomotive à l’arrêt, dont les échappements de vapeur ponctuent le final.

Ils n’ont pas fini de nous hanter…




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