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Commentaires et/ou Conseils d’achat de DVD – Peut dégénérer en étude de fond d’un auteur



jeudi 4 juillet 2024


The Celluloid Closet
posté par Professor Ludovico

France Télévisions a la bonne idée de ressortir, à l’occasion de la Marche des Fiertés, The Celluloid Closet. Cet excellent documentaire de 1995 sur l’homosexualité à Hollywood accumule de nombreux témoignages de personnalités d’Hollywood (gays et hétéros), et de multiples extraits qui en font un objet instructif et réjouissant.

L’homosexualité est d’abord utilisé comme objet de comédie dans le cinéma slapstick des origines (Charlot et consorts). Elle disparait avec l’arrivée du Code Hays (1930) qui réforme la Babylone Hollywoodienne. En apparence seulement, car le Code ne fait que renforcer la créativité des scénaristes et des réalisateurs, bien décidé à passer entre les lignes pour parler de sexe*…

Quand, au début des années 60, le code Hays s’effondre de toutes parts, l’homosexualité devient une thématique « Dossiers de l’écran », sous tous les angles possibles : maladie dangereuse, repaire de serial killers, ou, au contraire, l’autre forme de l’amour.

Mais l’intérêt de Celluloid Closet n’est pas là. Si Hollywood a appris aux hétéros à comprendre les gays, et les gays à se comprendre eux-mêmes**, personne n’a échappé à cette influence. Au-delà de son sujet, The Celluloid Closet démontre que le cinéma est le grand éducateur de nos vies ; comme le dit à un moment Tony Curtis, « Cary Grant m’a appris à me comporter avec une femme, à m’habiller le soir, à aller au restaurant ou à dîner. »  

Car un film n’est pas seulement, et pas toujours, et même rarement, la volonté de l’auteur. Mais il est toujours le produit du travail qu’effectue le spectateur dans la salle, qui y projette ses propres fantasmes. Comme le chantait Nougaro « Sur l’écran noir de mes nuits blanches, moi je me fais du cinéma »

The Celluloid Closet
En replay sur France Télévisions jusqu’au 27 août

* Howard Hawks, le renard argenté d’Hollywood, expliquait ainsi saturer ses scenarios d’allusions sexuelles : « Il y en a bien quelques-unes qui passeront ! » Allusions héteros ou gays, d’ailleurs…

**”Hollywood, that great maker of myths, taught straight people what to think about gay people, and gay people what to think about themselves. No one escaped its influence. “ Commentaire lu par Lily Tomlin

***”Movies are part of my life, part of everybody’s life. That’s where we learn about life. Cary Grant taught me how to behave with a woman, how to get dressed at night, how to go to a restaurant or to a dinner.”




vendredi 31 mai 2024


La Tragédie de Macbeth
posté par Professor Ludovico

On voit l’idée. Rendre hommage à la divinité tutélaire des cinéastes, le génie maudit castré par les producteurs, Mr Orson Welles lui-même, le formidable illustrateur du grand Will : Macbeth, Othello, Falstaff. On voit l’idée, donc : tirer de l’argent chez le grand méchant Apple et concrétiser une nouvelle fois le rêve d’Orson Welles, adapter Macbeth, version arty.

Avec des sous, mais dans le même esprit : décors minimalistes façon Chirico, noir et blanc classieux du chef op’ Bruno Delbonnel et acteurs AAA à tous les étages, Denzel Washington et Frances McDormand en  couple-titre, Brendan Gleeson en Duncan, etc.

Ils sont parfaits les acteurs ; ils arrivent d’un geste à faire comprendre la poésie de Shakespeare, mais ce qui manque, c’est tout simplement du cinéma… On attend plus de Joel Coen, où est-il là-dedans ? Quel est son propos ? Son Macbeth ? Qu’a-t-il gardé ? Qu’a-t-il coupé ? Comment souhaite-t-il raconter son histoire, au delà de filmer des dialogues ? Ses choix de réalisateur restent invisibles.

C’est magnifique, mais c’est du théâtre filmé…




mercredi 22 mai 2024


Barbarella
posté par Professor Ludovico

Il n’y a pas grand-chose à dire d’un film dont l’unique objectif semble être pour Roger Vadim de filmer sa femme dans toutes les positions possibles, en commençant par un strip-tease spatial. Jane Fonda, on la verra donc dans toutes les positions. Et comme par hasard, souvent humiliée, attachée, mordue. Puis comme c’est lassant au bout d’un moment, ce sera le tour d’Anita Pallenberg, autre top model des sixties.

Dans Barbarella, il n’y a pas de scénario, tout est idiot, et tout est moche. On retiendra juste que le grand méchant Durand Durand a donné son nom un groupe rigolo des années 80.




mercredi 15 mai 2024


Le Procès Goldman
posté par Professor Ludovico

Dès les premières secondes, la cause est entendue. Les plans fixes, format 1:33, le 35 mm : on est dans le fatras intellectuel minimalo-naturaliste, en mode surligné Stabilo. Refaire le procès tel quel, sur la base des transcriptions de l’époque, et où rien ne manque, ni les pantalon patte d’eph, les petites lunettes dorées et les pull multicolores, ni les barbichettes et les chignons, voilà l’ambition cinématographique de Cédric Kahn*.

On subira pendant 1h50 le jeu théâtral des acteurs, qui débitent leur texte à la mitraillette, entrecoupés de silence lourds de sens. À aucun moment, on ne sera touché par un personnage : ni Goldman, ni son avocat, ni ses victimes.  

Kahn crée finalement un genre inédit de documentaire reconstitué avec acteurs, façon Secrets d’Histoire, mais sans Stéphane Bern. Pas de musique, pas de plan d’exposition, pas de mouvements de caméra… La réalité brute, si chère au cinéma français en mal de cinéma.

Ou d’imagination tout court.

* Le réalisateur a notamment déclaré au Monde :  « C’est de la fiction, mais avec beaucoup de vrai » : l’habituelle excuse des rois de l’autofiction, de Yann Moix à Christine Angot.




vendredi 10 mai 2024


Raël, le Prophète des Extraterrestres  
posté par Professor Ludovico

Pour une fois le Professore Ludovico ne va pas se fatiguer, à l’image de ce documentaire Netflix. Un simple copier/coller de Betaseries suffira : « Assez déçu. Il n’y a pas vraiment d’enquête dans ce documentaire. C’est juste l’histoire de Raël par le prisme de ses interventions à la télé. C’est intéressant mais on n’apprend pas grand-chose, quoi. » Merci Morley93, pas mieux ! Tout est dit.

Si vous regardez ce doc sur Raël et les Raëliens, c’est pour voir (ou revoir) les images parfois cocasses de la saga de Claude Vorilhon, le type qui a vu des ovnis, et qui a compris qu’il y avait là moyen d’amasser pouvoir et gloire, femmes et argent en créant sa petite secte des Elohim. Et que, comme dirait Richard Ford, c’était une bonne façon de passer sa Période d’Existence. Même si quelques témoignages de repentis viendront confronter les Raëliens hardcore (et la terrifiante Brigitte Boisselier, Docteur en Canular de Clonage), la partie la plus intéressante, c’est celle sur l’emprise, et le désir très profond de la transcendance.

N’empêche. Une petite contre-enquête sur les différents points qui grattent n’aurait pas fait de mal. De sorte que ces quatre heures sont un peu longues, pour si peu.




jeudi 18 avril 2024


13 Hours
posté par Professor Ludovico

13 Hours, c’est la démonstration mathématique – par l’absurde – du poison qu’est le BOATS ou le Biopic pour un cinéaste. Dans les mains d’un tâcheron, le poison fait des ravages (Le Discours d’un Roi, Bohemian Rhapsody, Moi, Tonya, etc.) Dans celle d’un auteur, au minimum, ils l’abîment.

C’est le cas de 13 Hours, où l’artiste Michael Bay ne peut donner que qu’il a, c’est-à-dire son talent inné de détruire des voitures et de filmer des fusillades. Car 13 Hours est le BOATS sur l’attaque en 2012 de la mission diplomatique de Benghazi. Six agents de sécurité vont défendre seuls ce Fort Alamo lybien contre les attaques répétées des milices djihadistes d’Ansar al-Charia.

Le film raconte ces treize heures, concluant comme il se doit (Masters of the Air, Band of Brothers, American Sniper…) d’un petit post scriptum final de jolies photos en noir et blanc nous rassurant sur le destin – heureux, forcément heureux – de nos héros : « John est retourné vivre dans l’Alabama où il cultive des carottes, entouré de sa femme et de ses filles, Melissa et Oggy. »

Si ce n’était pas un BOATS, ce serait un bon film de Michael Bay, un peu trop long (trop de de pan-pan et de boum-boum), mais il manque les aspérités habituelles qui font tout le sel de la tourte baysienne :  le-facho-pas-mauvais-dans-le-fond, le-petit-gros-sympa, la-fille-pointue-qu’a-pas-froid-aux-yeux …  Comme on parle de vraies gens, on n’y touche pas trop. Et il y a beau avoir de bons acteurs (sortis de The Office !), on s’ennuie ferme…

C’est ça le biopic.  




vendredi 12 avril 2024


Le Droit de Tuer
posté par Professor Ludovico

On l’a souvent dit, on regarde parfois des films pour de mauvaises raisons. Ici, Le Droit de Tuer, qu’on n’avait absolument pas eu envie de voir en 1996, parce qu’il promouvait sans vergogne la peine de mort.

Mais on tombe dessus sur Canal+, et ça sent bon les années 90 : les acteurs jeunes et sexy de notre génération (Matthew McConaughey, Sandra Bullock, Samuel L. Jackson, Kevin Spacey, Kiefer Sutherland, Oliver Platt…), et les films de procès. Tout y est : « motion denied », « overruled », « faites court, Maître »… ça se laisse manger comme des petits pains au lait, avec beurre salé et carrés de chocolat dedans.  

Tout le monde est au top, malgré pour ce scénario invraisemblable de conneries et/ou de perversité.  

Au cœur du Mississipi, deux rednecks commettent un crime atroce, le viol et la tentative d’assassinat d’une petite fille noire de douze ans, mais elle survit. Avant de passer en procès, son père (Samuel L. Jackson) les abat en plein prétoire. Procès, le père risque la peine de mort…

Intrigue maline, basé sur l’éternel motto des partisans de la légitime défense, si-on-violait-votre-fille-est-ce que-vous-feriez-pas-pareil ? Et qui s’opposerait des gens aussi sexy que McConaughey ou la Bullock ? Qui voudrait pencher du côté de Kevin Spacey ou de Kiefer Sutherland, déjà abonnés aux rôles de méchants ? Tout le monde veut que Jackson soit pardonné ! Tant pis si deux types sont morts au passage, même pas jugés coupables, que la petite fille n’est pas morte, et qu’un flic innocent est en chaise roulante…*

Bref : Le Droit de Tuer est complètement con, parfaitement débectant, et en même temps d’une délicieuse nostalgie. 

*Ne t’inquiète pas, CineFaster, il pardonnera aussi au légitime défenseur !




mercredi 3 avril 2024


Le Mans 66
posté par Professor Ludovico

On regardait le film de James Mangold depuis deux bonnes heures – vroom-vroom, vroom-vroom ! – et on se demandait ce que Notre Dame de Nazareth avait pu trouver à la morale de cette histoire. « Morale » prononcé, comme il se doit, avec le petit sourire sibyllin dont elle a le secret.

Eh oui, quand le Professore utilise le Mot en M, le mot maudit, tout le monde se crispe. Pourtant l’art c’est ça, depuis Esope : « Tant va les Tuche à l’eau, qu’à la fin ils se cassent »…

On commençait pourtant à voir où James Mangold – le La Fontaine de Detroit – voulait en venir : la lutte éternelle du petit entrepreneur contre la méga corporation américaine  (les méchants Ford), contre les règlements chafouins de la FIA, le combat titanesque de nos David du V8, entourés heureusement d’une femme aimante et d’un petit gars bien choupinou fier de son papa… Des clichés à la truelle, mais filmés avec élégance (notamment les courses automobiles parfaitement réussies) et avec des acteurs qualité hollywoodienne (Christian Bale, toujours extraordinaire, et Matt Damon). Bref une très bonne réalisation, ennuyeuse à souhait.

Et puis voilà, dans le dernier virage – juste après les Hunaudières – Mangold nous a pris par le colback avec deux fins (et donc deux morales), totalement inattendues.  Une fin douce-amère qu’on n’attendait pas plus du faiseur qu’est devenu James Mangold*. Pendant cinq minutes, nous avons retrouvé l’auteur, celui de Copland.

Elle avait raison, la Dame de Nazareth. On ne savait pas ce que Ludovico allait penser du Mans 66. Le Professore non plus.

* Walk the Line, 3h10 pour Yuma, Wolverine, Logan, Indiana Jones et le Cadran de la Destinée




vendredi 29 mars 2024


Ambulance
posté par Professor Ludovico

Le continent Bayien, pourtant parfaitement cartographié, réserve toujours quelques surprises. Certes, dans Ambulance, on retrouve les figures de style chères à Michael Bay. Une idée d’œuvre Bayienne qui commence à faire son chemin (et qu’on défend ici depuis 2005, au tout début de CineFast*) : Thomas Cailley se réclame de l’immarcescible auteur de Bad Boys, des livres sortent – en français** ! -, et même des émissions sur France Culture

Ambulance est donc une partie prenante de cette œuvre-là : on y retrouve le duo viril qui a fait les grandes heures de Bad Boys ou The Rock, le gars sérieux et son sidekick drôle, fou, ou les deux (ici Jake Gyllenhaal) ; la fille au nez pointu et au regard clair, dotée d’une grosse paire d’ovaires… Mais aussi les tropes bayiens habituels : le soldat perdu dans une Amérique peu reconnaissante ; la nostalgie de l’enfance, si jolie au ralenti…

L’intrigue est toujours totalement invraisemblable : course poursuite façon OJ Simpson avec un braqueur de banque réfugié dans une ambulance (Jake Gyllenhaal), assisté de son copain d’enfance, soldat revenu d’Irak qui n’en peut mais (Yahya Abdul-Mateen), flanqués de deux otages : une jeune infirmière (Eiza González) et un flic abattu par le braqueur, mais qu’il veut maintenir en vie contre toute logique. Ledit braqueur se faisant aider d’un gang de latinos particulièrement violents, qu’il exterminera à la fin pour un mot de travers sur son père – qu’il semble pourtant détester – le tout poursuivi pour un nombre invraisemblable de voitures de police qu’on va casser en petits morceaux. Assaisonnez à cela des dialogues piquants et référencés (où on parodie Bad Boys et The Rock***, et vous avez Ambulance.

Mais il y a toujours des surprises chez Bay. Les flics (deux services concurrents comme d’habitude (le LAPD contre l’Etat Centralisateur, le FBI)). Le LAPD est dirigé par notre chouchou psychopathe (Garret Dillahunt, vu dans Deadwood mais surtout une flopée de chefs d’œuvre****), le flic du FBI est dirigé par… un homosexuel, (Keir O’Donnell, vu dans Fargo). Première concession inclusive de l’auteur d’Armageddon, où les homos étaient plutôt sujet de moquerie. La conclusion douce-amère (il faut de l’argent volé pour qu’un héros décoré paye un traitement contre le cancer dans l’Amérique d’aujourd’hui) est aussi une rareté de l’œuvre Bayienne.  

Tout ça est un peu long mais pas déplaisant. Ce n’est plus du grand Michael Bay, mais c’est quand même pas mal du tout…

* Armageddon, ou le goût de l’Amérique

** « Michael Bay : La Fin de l’innocence », de Robert Hospyan

*** Officer Mark: You remember when Sean Connery said, ‘Losers whine, winners get to fuck the prom queen’?
Officer Zach: Mmm. That’s… super aggressive. No, I don’t remember that.
Officer Mark: The Rock?
Officer Zach: The Rock. Yeah, he’s an actor. Was a wrestler first.

**** No Country for Old Men, L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, Looper, Twelve Years a Slave




vendredi 15 mars 2024


Fiction à l’Américaine
posté par Professor Ludovico

On fait souvent au Professore le reproche d’exiger du cinéma actuel d’être aussi bon qu’une série. Dune, pour ne pas le citer, n’a pas le temps, en deux heures, de développer ses personnages, ses arcs, ses enjeux.

Foutaise ! répond l’Imam Caché de UCLA. Cela reviendrait à dire serait avouer que Rio Bravo n’a pas d’arc, Star Wars n’a pas de personnages, que Le Juge Fayard ou Garde à Vue n’ont pas d’enjeux…

Non, il est possible en deux heures de raconter une histoire, c’est le cas d’American Fiction, petit film Prime Video dont la réputation augmente de jour en jour depuis qu’il a décroché un Oscar (meilleur scenario d’adaptation).

Le pitch est intéressant plus d’un titre : un écrivain noir (le toujours très bon Jeffrey Wright) en a assez de voir les afro-américains cantonnés dans les clichés raciaux*. Monk est un bourgeois, fils de bourgeois. C’est un romancier doué, qui écrit sur son expérience de bourgeois américain. Mais ses manuscrits sont régulièrement refusés. Pourtant ce qui marche, c’est une littérature de Blaxploitation qui met en avant le côté le plus obscur (et néanmoins juste) de l’expérience afro-américaine : la violence, le ghetto, la prison, le racisme…

A bout de nerfs – et sous l’emprise de l’alcool – il décide par pure provocation, d’écrire un livre gangsta sous pseudonyme. Evidemment, comme dans toute bonne comédie, le piège se referme sur lui. Son manuscrit est accepté.

Le talent du film n’est pas là, mais il prouve en deux heures qu’on peut parler des noirs, des gays, des vieux et du racisme, sans être woke, créant ainsi une forme raccord avec le propos.

Mais surtout, il crée une galerie de personnages avec leurs enjeux, en vingt petites minutes de mise en place : un sourire, un haussement de sourcil, un plan large, un travelling…

Il lui reste 100 minutes pour les développer – et les résoudre.

Ça s’appelle le cinéma.

*  « You’re not fed up with it? Black people in poverty, black people rapping, black people are slaves, black people murdered by police, whole soaring narratives about black folks in dire circumstances who still manage to maintain their dignity before they die.I mean, I’m not saying these things aren’t real, but we’re also more than this. »




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