[ Les films ]



vendredi 29 novembre 2024


Arcane saison 2
posté par Professor Ludovico

De certaines séries, on souhaite parfois qu’elles ne soient pas si diluées. Lost n’aurait dû durer que quatre saisons. Seinfeld aurait été meilleure si elle s’était arrêtée au départ de Larry David. La première saison d’Orange is the New Black était parfaite, etc., etc.  Mais Arcane, c’est différent, on voudrait une saison de plus.

La formidable entreprise de Riot Games/Fortiche se termine au bout de ce formidable dix-huitième épisode. Si la saison 1 a ravi la moitié de la planète, la saison 2 laisse un goût de trop peu. Multitude de personnages, arcs à conclure, mystères à résoudre, il fallait plus de 360 minutes pour savoir ce qu’il allait advenir de Vi et Jinx, et de tous les autres fabuleux personnages issus de League of Legends.

Qui trop embrasse mal étreint ? Peut-être. En tout cas, Arcane a beaucoup embrassé, et on en veut plus.

Quelque part, cette saison 2 est ivre de son talent, et de son succès. Elle déploie encore une fois une ambition scénaristique, politique, philosophique rarement vues dans une œuvre de genre. Sans parler de l’esthétique : la barre a été mis tellement haut qu’on souhaite bon courage à la concurrence.

Mais à force de rajouter des personnages, des storylines, des flash-backs, des concepts, on est perdu car la narration doit de se résoudre à des sauts narratifs incessants entre les personnages : l’épisode n’a pas le temps de déployer toutes ses ailes. Il doit faire appel à des ellipses complexes qui perdent le spectateur.

Il aurait fallu peut-être renoncer à quelques éléments supplémentaires (le personnage d’Isha par exemple), ou, au contraire, se donner les moyens de faire plus : une saison supplémentaire, ou trois/quatre épisodes additionnels.

Il n’en reste pas moins qu’Arcane reste un diamant parfaitement taillé et poli. Un miracle inexplicable, ou la preuve même de l’existence de Dieu.

La démonstration en tout cas qu’une œuvre, tirée d’une aussi grosse licence, ne doit pas forcément être écrite par une intelligence artificielle/une direction marketing, mais par des gens qui ont un cœur.

Et un cœur qui bat très fort.




mardi 5 novembre 2024


Jerry Maguire
posté par Professor Ludovico

Jerry Maguire, film de 1996, bénéficie – de façon assez inexplicable – d’une bonne réputation, trente ans après.

Quand on découvre le film aujourd’hui, c’est plutôt pénible à regarder*. Eternelle histoire de rédemption d’un crétin friqué qui rencontre de La Femme, Tom Cruise incarne un agent sportif qui, grâce à une gentille nunuche (Renée Zellweger) et son petit garçon tout mignon (Jonathan Lipnicki), comprend le Sens de la VieTM.  

Si le postulat de départ est originalement traité (Cruise devient un born again agent dès le générique, écrivant en pleine nuit une mission statement censée redéfinir le métier de l’Agence « moins d’argent, plus d’humain (sic) » et se faisant virer illico), la suite est assez horrible.

Voilà Jerry Maguire quasi seul, avec un misérable (et irascible) client, Rod Tidwell, footballer sur la pente descendante. Seule la petite comptable de l’Agence (Renee Zellweger, déjà folle amoureuse) accepte de suivre Mr Mission Statement, quoi qu’il arrive.

Les deux mâles (Cruise et Cuba Gooding Jr**) jouent sur stéroïdes, Zellweger minaude, Lipnicki est tout choupinet, et, au cas où vous ne sauriez pas où pleurer, une petite musique folk signée Nancy Wilson (Mme Crowe à l’époque) accompagne le tout. On passera donc toutes les étapes de la Romcom (le rendez-vous raté, le bisou sur le pas de porte, la grande sœur qui dit « si tu lui fais de la peine, je te tue »). Le propos humaniste prend quand même un coup dans l’œil quand l’agent et le wide receiver délivrent (sous coke ?) la citation la plus célèbre du film « SHOW ME THE MONEY !!! ».

On ressort épuisé, 139 minutes plus tard, devant tant de coke et de guimauve mélangées.

*Ce n’est pas une question d’époque : en 1996, c’est l’année de Fargo, The Rock, Une Nuit en Enfer, Mission: Impossible…

** Qui gagnera tout aussi inexplicablement un Oscar du meilleur second rôle…




jeudi 31 octobre 2024


Anora
posté par Professor Ludovico

Sean Baker nous a encore pris par surprise. Après Tangerine, errance angeleno sur iPhone avec les travelos de Los Angeles, il récidive avec Anora, un film qui vous glisse des mains comme une carpe.

Anora, ça commence comme un documentaire sur le lap dance : dans son gentlemen’s club newyorkais, une jeune stripteaseuse, Ani (qui n’aime pas qu’on l’appelle Anora), est orientée vers un très jeune client, Vanya, parce qu’elle parle un peu russe. La lap danseuse fait son show, Vanya en redemande. L’argent coule à flot et bientôt, le jeune russe lui propose une girlfriend experience. Ani sera sa petite amie officielle : elle emménage dans la luxueuse mansion du garçon, visiblement très riche… Le film bascule alors dans une comédie romantique, avec demande en mariage à la clef… Mais voilà que débarquent les gros bras. Et le film devient une parodie scorsesienne, façon Affranchis.

Sean Baker va ainsi déjouer toutes les attentes. A chaque fois que le film frôle l’ennui, Baker repart. Un rebond de l’intrigue, un changement de genre, une métamorphose de la mise en scène, servie par des acteurs inconnus mais excellents…

Dans Tangerine, le trash talk des travestis de Los Angeles révélaient des vérités plus profondes sur les protagonistes, et les coulisses peu reluisantes de la Californie. Dans Anora, il en va de même. Derrière la vulgarité évidente de son sujet, Sean Baker cache un propos bien plus pénétrant.

Ani – qui n’a pas sa langue dans sa poche non plus – dit en creux la colère des petits contre les riches, jusqu’à ce qu’une fin magnifique lui révèle des vérités plus profondes sur elle-même.

Derrière la fable, le film de Baker cache une satire marxiste sur la lutte des classes et les ultrariches. Et en dernière extrémité, tout au bout de la comédie, une interrogation sur la profonde tristesse de nos vies…




mercredi 30 octobre 2024


Le Cercle des Neiges
posté par Professor Ludovico

Depuis deux mille ans, la chrétienté éduque la populace à l’aide d’une imagerie singulière, basée sur le supplice de son prophète. Quelle autre religion a réussi à imposer l’image d’un instrument de torture dans votre chambre, autour du cou de vos enfants, ou plaqué sur votre tombe ?

Le christianisme disparait, comment éduquer le peuple ? Par le Biopic. Qu’est-ce que le Nouveau Testament, si c’est n’est le premier biopic de l’histoire ? Les épreuves variées qui jalonnent le Parcours du Héros, jusqu’au succès de Jésus from Nazareth ?

Quand on y pense, les biopics sont dans cette veine judéo-chrétienne : une avalanche d’images doloristes autour du parcours sacrificiel du héros, quelle que soit l’étendue de ses souffrances. De Charles Aznavour, qui ne gagne pas assez d’argent, aux survivants des Andes, qui passent deux mois à s’entredévorer.

L’histoire incroyable des Old Christians de Montevideo a inspiré des documentaires, des livres, et un très bon film, Les Survivants, signé Frank Marshall. Le Cercle des Neiges n’est pas du tout de cet acabit. Il valide l’opinion – désormais vérifiée – que Netflix produit de bonnes séries mais de mauvais films.

Dans Le Cercle des Neiges, aucun personnage ne sera créé. Aucun enjeu non plus. Mais on subira pendant 2h24 tous leurs supplices. Gros plans sur les yeux exorbités, cheveux artistiquement souillés de sueur et de poussière, maquillages blessures prêts pour l’Oscar, et visages émaciés à tous les étages : le film convoque, comme beaucoup de films hollywoodiens, tout l’attirail de la pornographie de la souffrance. Avec évidemment une voix off qui explique tout*.

On s’ennuie autant que les survivants, c’est dire… Ce n’est pas un film, c’est un chemin de croix.

*Avec, concédons-le, un petit twist final




mercredi 23 octobre 2024


Incendies
posté par Professor Ludovico

On avait conseillé au Professore il y a bien longtemps l’un des très bons films canadiens de Denis Villeneuve. Il s’agissait d’Incendies, son dernier film avant Hollywood.

Incendies, c’est l’occasion de vérifier dans la pratique la théorie qui veut que Villeneuve est un simple metteur en images (Dune, Blade Runner 2049). Quand il n’a pas de scénario en béton, c’est un idiot de cinéma : il ne sait que faire. Et cette idiotie est cachée par de géniaux chef opérateurs, qui permettent au québécois de signer des œuvres magnifiques, mais vides de sens.

Mais ici, Villeneuve n’a pas Roger Deakins, il n’a pas Greig Fraser, et le scénario d’Incendies, adapté de la pièce de Wajdi Mouawad, est très bon.

De nos jours, des jumeaux – frère et sœur – découvrent à l’ouverture du testament de leur mère, que leur père n’a pas disparu, et qu’ils ont un frère, tous deux restés dans leur pays d’origine, qui ressemble au Liban. Leur mission : leur porter chacun une ultime lettre, signée de sa main.

Nawal est loin d’avoir été une mère parfaite, et ses enfants n’ont aucune envie de se plier à ses dernières volontés. Néanmoins, la fille s’exécute. Le film va désormais tisser un tapis persan composé de deux intrigues : d’une part , la fille et le fils à la recherche de leurs origines, et d’autre part, trente ans auparavant, la vie de la mère dans ce pays en proie à la guerre civile.

Ce tissage implacable, absolument maitrisé par Villeneuve, va faire émerger une image au centre du tapis : la Vérité, rien de moins. Incendies est un film sur le tabou ultime, qui taraude chacun d’entre nous : découvrir qui étaient réellement nos parents, avant que nous n’existions.

Villeneuve est à la fois le maître parfait de son intrigue et de ses comédiens, il maintient la tension de bout en bout, tout en parvenant à créer des personnages sensibles et variés. Trois ans plus tard, il fera de même sur son premier film Hollywoodien : Prisoners.




samedi 19 octobre 2024


The Making of The Guns of Navarone
posté par Professor Ludovico

Ce n’est pas un très bon livre. Nous l’achetons, nous le lisons, parce qu’à notre connaissance il n’y a pas d’autres livres sur la question, c’est-à-dire sur Les Canons de Navarone, un des films du panthéon du Professore Ludovico. C’est plutôt un livre d’amateur, genre autoédité. Brian Hannan se passionne pour le Box-Office, combien de dollars ont fait les films des différents acteurs, ou des Billings, c’est-à-dire leur position sur l’affiche*.

On apprend quand même des choses dans ce Making of, et notamment la principale : Hollywood ne change pas, Hollywood ne changera jamais :

•      Le producteur est le vrai fabricant du film. Carl Foreman, réalisateur frustré, exilé en Angleterre pour cause de Maccarthysme, remonte la pente grâce aux Canons de Navarone. Il s’occupe de tout : scénario, casting, recherche de sites. Il impose même l’idée qu’il n’y aura pas de deuxième équipe, puisque la première équipe, c’est déjà lui qui la dirige ! Il finira par y renoncer, sous la pression de son réalisateur (J. Lee Thompson, finalement assisté de Peter Yates, futur réalisateur de Bullitt, La Guerre de Murphy, Krull…)

•      Le casting est l’art principal du cinéma, avec le montage. Foreman choisit de modifier le livre d’Alistair McLean pour des raisons de narratologie et de marketing. Tous les personnages sont masculins : impossible de faire un film sans femme, ce qui équivaut à se priver de la moitié du public. Foreman crée alors deux pseudo-histoires d’amour (Gia Scala et Gregory Peck, Anthony Quinn et Irène Papas)**. Il faut aussi des grecs, pour aider à la production (Quinn et Papas), des jeunes (James Darren***, Gia Scala) pour toucher un public teenager

•      L’adaptation est une trahison. Foreman aménage l’œuvre pour intégrer ce casting marketing, mais aussi pour transformer un livre en objet filmique. Le livre d’Alistair McLean est passionnant, mais descriptif. les personnages se parlent peu. C’est un commando qui agit en silence. un film, lui, a besoin d’interactions entre les différents personnages, et c’est Foreman qui les crée.

•      Les choix des uns et des autres sont dictés par des contingences bien matérielles : Gregory Peck accepte le rôle parce que sa carrière est financièrement à la ramasse. Cary Grant, un moment envisagé, trouve le personnage trop noir et refuse. Tant mieux, il aurait fait un horrible Mallory… Gregory Peck accepte, car le tournage en Angleterre est très intéressant fiscalement.

Le film sera un gros succès au Box-office, 2ème de l’année aux états unis, derrière West Side Story. Il inspirera une mauvaise suite, L’Ouragan vient de Navarone, avec… Harrison Ford.

The Making of The Guns of Navarone, Brian Hannan
Baroliant Press

* Ce qui, justement, donne une idée exacte de leur position au box-office.

** A ce propos, Foreman est très en avance : il propose un partenariat avec Olympic Airways, la compagnie aérienne grecque. Les apprenties starlettes se verront offrir un billet d’avion pour les emmener à Londres faire leur audition. Elles seront cantonnées dans un dortoir, et filmées en permanence par un circuit de télévision. Bizarrement, la production refuse…

*** Futur héros de notre série sixties Au Cœur du Temps




jeudi 10 octobre 2024


Simple comme Sylvain
posté par Professor Ludovico

La force de la littérature – en tout cas de la grande littérature – c’est sa capacité à décrire avec profondeur et justesse les sentiments humains. C’est ce qui fonde les grands livres, de Céline à Conrad, de Yourcenar à Franzen.

Le cinéma a du mal à faire ça ; c’est un art visuel, moins profond, il n’a pas les mots pour décrire les sentiments. Il lui faut donc des visages, des situations, des intonations, des dialogues, pour donner les sentiments en spectacle…

Simple comme Sylvain peut pourtant démontrer le contraire. Caché derrière une comédie romantique innocente, le film de Monia Chokri se révèle d’une grande profondeur, tout en restant drôle et simple d’accès.

Sophia est professeure de philosophie à Montréal. Trentenaire en couple, c’est une bobo bien-pensante, totalement intégrée dans son milieu. Lorsqu’elle rencontre Sylvain, un charpentier venu aménager son chalet au bord d’un lac des Laurentides, ils tombent immédiatement amoureux. Et follement. S’agit-il d’une passade, intense mais ponctuelle ? D’une incroyable alchimie sexuelle ? Ou de la fin d’un couple, et la création d’un nouveau ?

Avec une grande économie de moyens, et, en même temps, un génie simple de la mise en scène, Mona Chokri organise les débats avec virtuosité pendant 110mn, sans une seule minute d’ennui. Ses comédiens, chacun s’évertuant dans leur propre trajectoire, sont parfaits. L’intrigue est même parsemée de virgules philosophiques, sous la forme des cours données par la bien nommée Sophia. Mais la cinéaste n’est pour autant pas dupe de la fracture sociale qui est à l’œuvre.

Une comédie romantique et réaliste : une rareté, donc.




lundi 7 octobre 2024


Megalopolis
posté par Professor Ludovico

L’échec cosmique que représente Megalopolis – et le suicide artistique qui va avec – nous oblige à démonter enfin la légende du génie Coppola, colportée depuis cinquante ans. C’est l’objet de cette rubrique « Pour en finir avec » qui en a vu d’autres, mais celle-ci sera probablement la plus prestigieuse.

Qu’est-ce qu’un génie  ? C’est a minima quelqu’un qui a réalisé de nombreux chefs-d’œuvre. Si on se cantonne au cinéma, cela existe : Fellini, Welles, Eisenstein, Clouzot, Hitchcock, Kubrick, Ozu, Miyazaki, Spielberg… Ça ne veut pas dire qu’ils n’ont pas connu d’échec, mais qu’il y a une certaine continuité dans l’œuvre.

Coppola, pour sa part, est l’auteur de trois chefs-d’œuvre : Le Parrain I et II, et Apocalypse Now, placé, comme on le sait, tout en haut du panthéon du Professore.  

Pour le reste, il y a fait quelques films intéressants : Cotton Club, Jardins de Pierre, Dracula, des films moyens : Outsiders, Rusty James, Peggy Sue s’est Mariée, et des films oubliables et oubliés : Jack, L’Homme sans Age, L’Idéaliste, Tetro, Twixt… Et aussi quelques films prétentieux et mégalomaniaques qui l’ont ruiné : Coup de Cœur, Tucker.

On peut dire sans se tromper, que depuis trente ans, et le flamboyant Dracula, Francis Ford Coppola n’a rien fait.

Où est le génie, dans ce cas ?

Malheureusement, chez les marketeux du cinéma et leurs victimes (les cinéphiles), on appelle abusivement génie quelqu’un qui combat seul le méchant système des studios. Rien n’est moins vrai, évidemment. Le cinéma est l’affaire de millions de dollars, de francs, de lires, de yens et d‘euros. Et rien, absolument rien, ne se fait sans les studios. Même Godard, même Kubrick, même Justine Triet, aucun film ne se fait sans une dizaine d’acteurs, une centaine de techniciens, et un producteur.

S’agissant de Coppola, ses grands films ont été faits grâce aux studios. Le Parrain ne serait rien sans le très grand patron de la Paramount Robert Evans, tout simplement parce que Coppola ne voulait pas le faire. Et même Apocalypse Now, produit pas Coppola lui-même, n’aurait pas existé si United Artists n’avait accepté de le distribuer.   

La jolie histoire qu’on raconte sur Megalopolis veut que Coppola se soit ruiné une nouvelle fois pour produire sa grande œuvre, que personne ne voulait. Vrai ou faux, cela a peu d’importance. Le film est projeté en salle, donc il a trouvé un distributeur (Le Pacte)… et donc parlons-en.

Megalopolis est la démonstration, comme les innombrables remontages et director’s cut de son vrai chef d’œuvre conrado-vitenamien, de ce qu’est un film sans producteur. Un film de mégalomane, qui s’est auto-proclamé génial, sans personne (commanditaire, collègue ou ami) pour lui dire son fait. Plus personne d’ailleurs ne peut dire quelque chose à Francis Ford Coppola, et il n’a pas l’intention de demander conseil. Il sait ce qui est bien pour le film, pour ses acteurs, et pour ses futurs spectateurs.    

Personne n’a pu lui susurrer que son film était prétentieux, pontifiant, verbeux, incompréhensible, mal monté, et par-dessus tout, d’une laideur absolue. Que son pitch – les États-Unis vu comme une Rome décadente au bord du gouffre – était plausible, mais qu’on ne voyait pas ce que venait faire là-dedans son histoire d’architecte façon Cités Obscures de Schuiten/Peeters ? Que ses dialogues – volés à Shakespeare -, sa parodie de Trump – pas très claire -, et l’Amour avec un grand A faisait un drôle de cocktail… Et que sa vision, très rancie, de la décadence (des femmes qui s’embrassent, vraiment ?), n’était plus trop de saison.

Non, comme César Catilina, son architecte, Coppola était seul tout en haut du Chrysler Building, à ruminer de noires pensées, un pied dans le vide. Comme lui, il espérait arrêter le temps, et peut-être revenir en arrière. En arrière, quand Francis Ford Coppola était un génie.

En 1979.




dimanche 22 septembre 2024


Succès artistique, succès commercial…
posté par Professor Ludovico

C’est la phrase du jour : « Le succès artistique est délibéré, le succès commercial est accidentel ». Attribué à Herbert Ross, bon faiseur de Hollywood mais surtout réalisateur du très bon Potins de Femmes (Steel Magnolias), qui l’aurait fait broder sur un coussin.

Quoi de mieux pour résumer l’industrie du prototype qu’est Hollywood ? Pour être un artiste, il faut le vouloir. Vouloir se battre pour ses idées, lutter contre le système qui veut appliquer des formules pour obtenir un succès à tout prix, et qui coûte le moins cher possible. Si vous arrivez à survivre dans cette fosse aux requins, vous réussirez artistiquement, quitte à ce que le film soit un bide…

Mais obtenir un succès commercial à tous les coups, c’est très difficile. On le voit avec les franchises, capables d’échouer alors que toutes les chances ont été mises de leur côté : budget, artistes, techniciens, et licence solide…

Une anecdote, parmi mille autres, pioché dans l’excellent « Il y a bien longtemps, dans une salle de montage lointaine, très lointaine », le livre de souvenirs de Paul Hirsch, prêté par le Professeur Pichard. Paul Hirsch, le monteur attitré de Brian de Palma mais aussi de La Guerre des Etoiles, La Folle Journée de Ferris Buller et de Mission Impossible




lundi 16 septembre 2024


Emilia Pérez
posté par Professor Ludovico

On avait quelques doutes sur le génie Jacques Audiard. Les génies ne sont pas éternels, et Les Olympiades montraient quelques signes d’essoufflement, de vieillissement, chez l’un de nos plus grands cinéastes.

Le sujet d’Emilia Pérez n’était pas fait pour rassurer : un narco mexicain veut devenir une femme pour faire le bien sur la terre : on avait connu chez Audiard sujet plus réaliste.  

Mais bon, nous voilà assis au fond du MK2 Bastille Beaumarchais, pour profiter pleinement, non pas de la photographie sublime de Paul Guilhaume, mais des 55 éclairages d’évacuation, quand Zoe Saldaña se met à chanter. Et à danser.

Et là, tout bascule.

Sur un tel sujet, un film sérieux (comme à l’habitude d’Audiard), aurait été abscons, irréaliste, insupportable de naïveté politique. Mais en comédie musicale, Emilia Pérez passe dans une autre dimension, celle de la fable, du conte moral.

Porté avec une grande fluidité par trois actrices d’exception (Zoe Saldaña, Karla Sofía Gascón et Selena Gomez) le film explose le genre. Pas le genre masculin, mais le genre cinématographique. Le film n’est pas une apologie de la transidentité, mais une métaphore du changement, une histoire de rédemption. Quelqu’un qui décide de changer tout pour devenir enfin, peut-être pas quelqu’un de bien, mais quelqu’un de mieux.

Audiard ne perd pas le réalisme en route ; tout le reste sonne juste : le Mexique, les narcos, le polar. L’intrigue, abracadabrantesque, retombe sur ses pieds dans un final impeccable.

Le génie français est de retour.




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