mardi 31 octobre 2023


Tel-Aviv on Fire
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Sur le conseil de Notre-Dame de Nazareth, nous regardons Tel-Aviv on Fire. Ça détend de BFM TV/France Info que nous regardons en ce moment, ou de Fauda, que nous binge-watchons également. Autant Fauda est sombre, une sorte de 24/Bureau des Légendes/Homeland ultra violent et pas toujours réussi, autant Tel-Aviv on Fire est léger et drôle, mais beaucoup plus profond peut-être.

L’argument pourrait sortir d’une comédie italienne des meilleures années, ou d’un Roberto Benigni bonne période : Salam est un proto-scénariste palestinien qui travaille à Ramallah, mais qui vit à Jérusalem. Il passe donc le checkpoint tous les jours. Mais quand Asi, son capitaine israélien, croit comprendre que Salam est le scénariste attitré du soap opéra préféré de sa femme, « Tel-Aviv on Fire », voilà Salam embrigadé dans un chantage sans fin. Soit il modifie le scénario selon les desiderata du capitaine, soit il ne passe plus, et reste coincé à Jérusalem.

De cette situation, Sameh Zoabi tire l’essentiel comique. A sa disposition, un très bon acteur, Kais Nashe. Bafouilleur, hésitant, gaffeur, indécis, il semble n’avoir aucune présence, mais de fait occupe l’écran.

Car au-delà de la comédie gentiment entrelacée de love story, d’oncle et de cousins encombrants, et de scénaristes patauds, Tel-Aviv on Fire travaille quelque chose de puissant sur les Israéliens et les Palestiniens. Ces deux-là sont pareils, écoutent la même musique, mangent la même nourriture, aiment les mêmes femmes, mais n’écoute pas le même dieu, qui leur dit pourtant grosso modo la même chose…

De leur inévitable mariage – métaphorique – naîtra  quelque chose, mais quoi ?




vendredi 27 octobre 2023


24 Hour Party People
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films -Les gens -Playlist ]

Le temps passe, on regarde 24 Hour Party People, le film de Michael Winterbottom pour la troisième fois. Le film a vingt ans, mais il ne vieillit pas, pas plus que son sujet.  Cette chronique ultra ciblée de la scène de Manchester aux tournants des années 80, Joy Division, New Order, Factory est une tragi-comédie qui ne cesse de faire rire et d’émouvoir.

À la base, l’histoire est extraordinaire. Tony Wilson, présentateur télé local, assiste au fameux concert mancunien des Sex Pistols au Lesser Free Trade Hall.  Nous sommes en 1976, les Pistols débutent, et, selon la légende, ils ne sont que 42 dans la salle. Pourtant, ils vont tous – ou presque – devenir célèbres. Ian Curtis, Peter Jook (Joy Division), Morrissey (The Smiths), Howard Devoto, Pete Shelley (Buzzcoks) assistent à ce concert*.  Tony Wilson, lui, ne montera pas de groupe, mais ouvrira un lieu pour les accueillir, puis un label pour les produire (Factory Records), puis une boîte pour les faire danser (The Hacienda), tous devenus légendaire, engendrant une scène qui révolutionnera plusieurs fois la musique populaire : Joy Division, New Order, Happy Mondays…

Au lieu d’emprunter aux codes classiques du Biopic, Michael Winterbottom invente l’autobiopic. Pour cela, il a un véhicule idéal : le toujours génial, toujours ultrabritish Steve Coogan. Tony Wilson brise le quatrième mur, commente l’action (la sienne comme celles des autres), fait intervenir les vrais protagonistes en cameo, qui eux-mêmes commentent l’action ou corrigent le propos. Tout cela foisonne, comme la réalisation : images d’époque, vidéo, 35mm… Quand la forme est en symbiose avec le fond, on ne s’ennuie pas.

Un montage épique, pour une épopée.




vendredi 27 octobre 2023


Michael Bay : pyrotechnie du patriotisme
posté par Professor Ludovico dans [ Les gens ]

Excellent podcast (comme d’habitude) de Frédéric Sigrist, Monsieur Blockbusters sur France Inter, cette fois-ci sur notre héros républicain d’Hollywood.

On y apprend des choses intéressantes, qui expliquent notamment l’œuvre Bayenne : enfant abandonné, puis adopté par une famille juive démocrate (sic), tyran sur les plateaux mais timide à l’extérieur, obsessions automobiles et service public, etc.

Mais surtout, résonne à nos oreilles une petite musique qui ne peut que nous réjouir. On commence, en effet, à parler d’œuvre Bayenne : comme pour Hitchcock, comme pour Spielberg, la reconnaissance arrive.

Et à CineFast, nous sommes patients…

Michael Bay : pyrotechnie du patriotisme, sur les podcasts France Inter




jeudi 26 octobre 2023


Les Grandes Familles
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

En 1958, Jean Gabin est dans sa seconde carrière. Après avoir joué le beau gosse rebelle des années 30 dans sa pentalogie magnifique (Pépé le Moko, La Grande Illusion, Le Quai des Brumes, Le jour se Lève, Remorques) il revient fatigué dans les années 50. Le Gabin d’après-guerre se spécialise dans les rôles de vieux con paternaliste. Ça donne des merveilles comme Le Président ou les Maigret, ou des coups de moins bien comme ces Grandes Familles

Le film commence comme une comédie où une voix off, sarcastique, énumère ce qui fait une Grande Famille : un général, un académicien, un mandarin… Au milieu de tout ça, Noël Schoudler, le patriarche, Jean Gabin himself, le seul comme d’habitude à avoir les pieds sur terre. Mais de fait, cela devient rapidement irritant. Schoudler fait la leçon à tout le monde, à son fils qui veut moderniser son journal, à une gamine enceinte dont on ne connaît pas le père, à son cousin, le dilettante qui dépense l’argent qu’il ne gagne pas (Pierre Brasseur, génial comme toujours…)

On imagine bien ce que pense le grand public à cette époque, celle de la  France d’OSS 117 et de René Coty : qu’est-ce qu’il leur met, le père Gabin ! Heureusement qu’il est là pour tenir la baraque, pour incarner les valeurs familiales !! On imagine également, exaspérés, les jeunes de 1958, du rock ‘n’ roll naissant et de la Nouvelle Vague…

Mais voilà, c’est à ce moment précis, où l’on commence vraiment à se lasser du show Gabin, que le film prend une drôle de tournure… Schoudler, dont on a pas vu une seule trace d’amour pour son fils (Jean Desailly), décide de lui donner une leçon financière. Il lui confie la gestion des sucrières Schoudler, le joyau familial, pour mieux démontrer son inaptitude, tout en confondant le dilettante. Il croit faire d’une pierre deux coups, ou, comme on dit en anglais, tuer deux oiseaux avec la même pierre. Il va en tuer un.

On comprend alors le piège tendu au spectateur par Denys de La Patellière : vous aimez bien Gabin ? Et bien voilà ce que ça donne, en réalité…

Comme dans un film américain, néanmoins, le film n’ose pas conclure aussi frontalement, ce serait trop noir pour la star Gabin. Un final un peu tiré par les cheveux va l’exempter d’une partie de la responsabilité, dans une pirouette qui ne trompe personne. Mais le ver est dans le fruit, la Nouvelle Vague arrive…




mardi 24 octobre 2023


Cash
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Brèves de bobines -Les films ]

Sur la recommandation du Rupélien, le Ludovico a regardé ce petit film sympathique sur Netflix… Cash commence fort puisque ça se passe à Chartres, le Midwest du Professore. Cette partie-là (ambiance prolos au service des notables) est pour le coup plutôt bien vue.

Ensuite il y a l’excellent Raphaël Quenard, excellent en arcandier de la Beauce, une intrigue de braquage très bien foutue, emboîtée comme des poupées russes. C’est brillamment rythmé, les prolos sont réussis : on se croirait dans un film américain.

Petits bémols : la bourgeoisie, le monde des cadres sup, est caricaturale et ratée. Et Agathe Rousselle, terrifiante dans Titane, n’est pas excellente. Comme quoi la comédie, c’est un métier plus dur que la tragédie…




jeudi 19 octobre 2023


First and Last and Always ?
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Pour en finir avec ... ]

En 1958, Danny & the Juniors chantaient « Rock’n’roll is here to stay, it will never die ». Hier, le Professore est allé voir The Sisters of Mercy à La Cigale, un concert qu’il attendait depuis 35 ans. 35 ans, c’est à dire 1988, quand Mikke Pikke Pö nous exhortait à sortir du « fuckin’ boogie woogie » des Stones, du Pink Floyd et de Bowie ; ouvrant ainsi la Boite de Pandore des Pixies, de Joy Division et des Sisters of Mercy.

Je ne vais plus trop aux concerts rock, leur rituel me bassine désormais, moi qui ai tant aimé ça : l’attente, le bruit, la fumée, la promiscuité. Tout ça me fascinait, tout ça m’ennuie. Je ne vais plus voir que des gens que je n’ai jamais vu et qu’il faut voir avant de mourir : Dylan, P.I.L., Joan Baez, ou Lady Gaga…  

Mais depuis quelques mois, je me dis qu’il faut que je m’arrête : j’en ressors à chaque fois énervé et frustré : est-ce vraiment la peine de mettre des dizaines d’euros dans le genre de soirée ? Ce n’est pas eux, bien sûr, c’est moi, mais c’est quand même un petit peu eux…

Voir un type chanter la révolution (alors qu’il possède sa maison à Ibiza ou un château en Touraine), ou sa frustration sexuelle (tendance viagra plutôt qu’orgiaque), c’est carrément insupportable. C’est la spécificité du rock. On peut jouer du blues, du classique, de la variété, en ayant soixante-dix ans. Pas du rock.  

Hier, les Sisters of Mercy étaient partagés en deux. La moitié du groupe venait du groupe originel : Andrew Eldritch, Chris Catalyst, faciles à reconnaitre à leur look sexagénaire, tendance Gaetan Roussel. Deux jeunes guitaristes assuraient devant. Charge à eux d’assurer la posture rock : look eighties, (Rayban Aviator de Eldritch à son heure de gloire), pantalons de cuir et poses guitar hero. Ils surjouaient les Sisters of Mercy de 1988 : totalement pathétique.

Où était passé, par ailleurs, le bruit et la fureur ? Le public pourtant mixte (50% de vieux à T-Shirt First and Last and Always, 50% de jeunes vampires, rouge à lèvres noir) ne dansait pas et chantait peu.

Je ne suis pas un jeuniste. Je ne pense pas que c’était mieux avant. Mais comme Mick Jagger, je pense que le rock est comme la déesse Kali, elle mange ses petits-enfants, et tout cela n’est simplement plus de sens. La révolte est ailleurs : dans le Rap (dont je me fous) ou sur Internet (qui m’intéresse beaucoup plus)…

En est-il de même des autres arts ? Pas sûr…  La musique classique survit malgré (ou peut-être grâce) à sa spécificité CSP+, le théâtre évolue, le cinéma se réinvente dans les séries. Mais le rock est peut-être comme le cinéma américain ; il meurt comme expression d’une culture, celle des boomers, celle d’une certaine révolte contre l’ordre ancien de l’avant-guerre. Le cinéma US était porteur de ces rêves-là, comme Elvis ou Little Richard.

Le rock n’est pas mort, mais les rockers, oui.




mercredi 18 octobre 2023


The Creator
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Nous avions douze-treize ans, et nous nous repaissions du Science-Fiction. Les livres de Bradbury, Silverberg, Farmer, K. Dick , Asimov ou Frank Herbert nous faisaient rêver, mais c’était surtout leurs couvertures, signées Chris Foss, Caza, Frazetta, Vallejo, qui nous emmenaient au-delà des étoiles, au-delà de la galaxie. Au cinéma, les dômes en plastique de l’Age de Cristal, les vaisseaux oblongs des Thunderbirds n’étaient pas à la hauteur.

Puis le Discovery One de 2001 changea la donne (mais nous ne l’avions pas encore vu) et désormais tous les vaisseaux spatiaux lui ressembleraient : un fuselage blanc, avec pleins de zigouigouis dessus : Star Wars, Battlestar Galactica, Alien… Tous reprendraient ce canon esthétique, mais on restait encore loin de la beauté multicolore d’un Chris Foss*.

Il a fallu attendre 2009, et quelques images au début de Star Trek (version JJ Abrams) pour trouver enfin chaussure à notre pied. Villes gigantesques dans le brouillard lointain, façon Monades Urbaines de Christopher Priest. Ces images restent rares, mais on est enfin gâtés dans The Creator. Villes gigantesques, vaisseau spatial, mega-tank, Gareth Edwards reprend ce flambeau-là, et aussi celui d‘une judicieuse surcharge de détails façon Ridley Scott (Alien, Blade Runner, you name it). Mais c’est tout ce qu’on aura à se mettre sous la dent puisque nous avons affaire, avec ce Creator, à un Film Adolescent ; c’est-à-dire un film sûr de lui, qui ne se pose jamais de question, qui ne réfléchit pas à son scénario, ni à son univers.

Le film va ainsi proposer des incohérences à chaque seconde, mais rappelons d’abord le pitch : dans un futur proche, une explosion nucléaire, due à une IA défaillante, a détruit la moitié de Los Angeles. Cet incident a déclenché une guerre sans merci entre les Américains et la Nouvelle Asie qui soutient l’intelligence artificielle. Joshua Taylor (John David Washington), un soldat infiltré en Nouvelle Asie doit trouver l’IA pour la détruire. Dans ce monde futuriste, il y a des robots, des simulants qui ont visage humain, et une mystérieuse IA. Premier problème, ces simulants font tout pour ressembler à des humains : visages, expressions, sentiments. Ils mangent et boivent comme nous. Pourquoi ont-ils donc un magnifique trou à l’arrière de la tête ? Si ce n’est pour « faire un effet » censé impressionner le spectateur ?

Autre exemple, une patrouille de Marines débarque en pleine nuit dans une rizière. Mission classique d’infiltration… Mais leurs scaphandres sont saturés d’écrans de contrôle. C’est très beau à l’écran : ça fait des jolis taches blanches dans le paysage, et une très belle scène, mais pour le camouflage FOMBECTO**, c’est pas gagné…

Et ainsi de suite… le film est saturé d’objets, de décors, de sons, de lumière… et tout est sincèrement splendide. Splendide, mais stupide.

Et – c’est plus grave – on n’a pas réfléchi à ce que le film veut dire… En gros, G. Ewards, qu’on a connu plus intelligent dans son magnifique Monsters, nous dit que… les robots sont des êtres humains comme les autres ! Sur ce postulat, on assiste à des scènes assez cocasses : un robot qui s’habille et marche comme un grand’mère, un robot US qui salue ses maitres comme un Marine (« c’était un honneur de combattre à vos côtés » ou quelque chose de ce genre), des Américains über-méchants parce qu’ils combattent une IA qui a rayé La La Land de la carte (en faite (je spoile), c’est pas de sa faute, elle était mal programmée)… Aucun cliché ne sous sera épargné : la proverbiale sagesse vietnamo-tibétaine, l’I.A. insérée dans une unique petite fille (ce qui la rend vraiment facile à éliminer, jamais intelligence artificielle n’a autant mérité son nom…)

Le film ne réussit jamais à nous intéresser à ses personnages, ni au soldat undercover fracassé par la guerre, ni son histoire d’amour américano-vietnamienne, ni la petite fille-robot… C’est là le nœud du problème. Comment peut-on s’identifier à une machine ? Quelques rares œuvres y ont réussi (Blade Runner, en inversant la proposition (qu’est-ce qui prouve, Deckard, que tu es humain ? Battlestar Galactica, en posant la question de l’Ennemi : que devient-on quand on comprend qu’on est soi-même un cylon ?) Sinon, il est quasi impossible d’éprouver de l’empathie pour une machine… C’est malheureusement le sujet central du Creator, qui essaie de nous faire prendre des vessies numériques pour des lanternes digitales.

* qui avait pourtant dessiné le Nostromo d’Alien

** Un combattant doit vérifier qu’il est bien camouflé grâce à l’acronyme FOMBECTO : Forme, Ombre, Mouvement, Bruit, Éclat, Couleur, Trace et Odeur.




dimanche 1 octobre 2023


N’attendez pas trop de la Fin du Monde
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

On prend les mêmes ingrédients et on recommence : sexe, provocation, brûlot anticapitaliste, Roumanie vulgaire et corrompue… Mais là où Bad Luck Banging or Loony Porn marchait du tonnerre de Dieu, là ça ne fonctionne pas du tout. Bad Luck Banging était drôle, musclé, original ; il se renouvelait à chaque minute. La Fin du Monde est long, pénible, et douloureux.

Même si on voit (au bout d’un moment quand même) où le cinéaste veut en venir, le film y va beaucoup, beaucoup, beaucoup trop lentement…

Il y a quelques fulgurances bien sûr, comme cette suite de plan silencieux sur des croix d’accidents de la route, mais ça ne suffit pas à faire un film.

Pour une rare fois – peut-être la première –, le CineFaster est parti avant la fin, constatant sur AlloCiné qu’il restait encore 43 minutes au film de 2h43. Ludovico a jeté l’éponge : Universitatea din București 1, UCLA : 0.