mardi 29 novembre 2016


Casual
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

On ne regardait plus trop de sitcoms, car rien ne nous faisait rire. L’humour, ça se date plus sûrement que le Carbone 14. Parks & Recreation, par exemple, qui tord de rire mes enfants, peine à me décrocher un sourire. C’est tout simplement que ce rire-là ne nous est plus destiné.

On essaye pourtant ce qui passe ; Togetherness, par exemple, précédé d’une réputation flatteuse. On sourit mais on n’est pas suffisamment séduit pour s’engager dans la relation à long terme que représente une série.

Casual ressemble beaucoup à Togetherness (famille de californiens divorcés et problèmes de couple afférents), mais cette série-là, elle nous parle. Une histoire de quadras qui doivent se refaire une vie, et pas seulement sexuelle. Le pitch : Valerie est une psy qui a réussi (merveilleuse Michaela Watkins), mais qui vient de se faire larguer pour une jeunette de vingt ans. Elle emménage par nécessité chez son frère (Tommy Dewey), start-upper à succès, en embarquant sa fille ado (Tara Lynne Barr). Mais rien n’est simple. Le tonton est certes séduisant, très très (trop) cool, mais aussi un peu suicidaire. La jeune fille, elle, est très pressée d’expérimenter sa sexualité et la mère cherche désespérément à retrouver la sienne.

On l’a compris, les trois sont à la poursuite de ce casual sex que nous vante les sites de rencontres (et c’est justement le métier du tonton, tiens, tiens). Leur quête poursuit des motivations bien différentes, mais les résultats sont tout aussi catastrophiques. On ajoutera des grands parents dysfonctionnels (avec une Frances Conroy qui joue l’exact opposé de son rôle dans Six Feet Under) et un voisin black (Nyasha Hatendi), british et coinçouille, et vous avez une salade californienne particulièrement réjouissante.

Casual a l’intelligence de chercher le sourire avant l’éclat de rire, d’alterner le chaud comique et le froid dramatique, et la finesse de choisir des comédiens normaux, pas particulièrement beaux, et donc parfait contrepoint à cette Californie hygiéniste et politiquement correcte, où le rêve d’un sexe performatif et efficace côtoie les utopies d’un relationnel de couple fusionnel, sans accroc ni conflit.

On ne pouvait pas attendre moins de la férule de Jason Reitman, monsieur In the Air, Juno, et Thank You for Smoking




vendredi 25 novembre 2016


Le Client
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Le stade ultime de la civilisation, c’est la loi. Quand il n’y a pas la loi, il y a la vengeance, il y a l’humiliation. C’est ce que raconte Asghar Farhadi dans son dernier film, et c’est ce qu’il raconte dans tous ses films. Ici, on part du théâtre ; une scène, et un incroyable décor américain. Motel, Bowling, néons Las Vegas. On se pince, mais non, on est bien dans un film iranien. Ou plutôt au théâtre, ce royaume des apparences. On est bien en Iran, et la prostituée sans voile en a évidemment un, caché sous son chapeau rouge de fille légère. Et on répète Mort d’un Commis Voyageur.

Les deux acteurs principaux sont vraiment un couple ; d’ailleurs, ils déménagent dans un nouvel appartement, généreusement fourni par un autre acteur. Mais cet appartement a une histoire, et une locataire qui ne voulait pas partir. Les embrouilles commencent.

Comme d’habitude chez Farhadi, ça pourrait se passer à Paris, à Marseille, ou à New York. Comme d’habitude chez Farhadi, la petite secousse devient un tremblement de terre. Comme d’habitude chez Farhadi, c’est le chacun enfermé au cœur de nous-mêmes, la citadelle imprenable de nos valeurs, qui nous emprisonne et nous isole des autres… Qu’on les aime ou pas ne fait rien à l’affaire.

Ce Client n’est certes pas le meilleur film de Farhadi, il a ses longueurs et ses maladresses. Mais si tous les films étaient de cette qualité-là, nous passerions notre vie au cinéma.

Car Farhadi semble un des derniers réalisateurs à savoir raconter une histoire de façon classique, à créer des personnage et à les faire évoluer en deux heures. Le reste du cinéma mondial semble avoir renoncé à cette ambition, et l’avoir abandonné aux séries, à qui on laisse dix heures pour faire la même chose.

Ici, rien n’est simple pour les personnages, et pourtant, tout est compréhensible pour le spectateur. Le professeur, héros de cette histoire, est un prototype de réformateur iranien. Il hausse les sourcils quand on lui parle d’humilier quelqu’un ; quelques dizaines de minutes plus tard, Farhadi en aura fait un vengeur implacable. Sa femme se sera murée dans ses contradictions. Et l’ami qui leur a trouvé l’appartement ne sera pas récompensé, mais au contraire jugé sévèrement.

Dans cet Iran que l’on décrit ici de façon caricaturale sans jamais y aller, l’auteur de Une Séparation est capable de parler ouvertement de la censure, de montrer des femmes divorcées, de parler de prostitution, et de corruption. Comme cela nous avait été brillamment expliqué lors d’une projection particulière d’Une Séparation*, Farhadi, à l’instar des iraniens, n’est pas un opposant de la révolution iranienne ; il pense au contraire que la révolution n’est pas allée assez loin dans la réduction des inégalités. Ce qui explique sûrement l’incroyable succès de ce Client en Iran.

* Merci à France Mutuelle et à l’ami Philippe d’Avalon…




mardi 22 novembre 2016


Le Dormeur doit se Réveiller
posté par Professor Ludovico dans [ Hollywood Gossip -Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

C’est la meilleure nouvelle de la journée, de la semaine, du 21ème siècle ? La famille Herbert vient de trouver un accord avec Legendary Pictures pour une (des) adaptations de la (des) séries Dune! C’est à dire adapter à la télé ou au cinéma les livres de Frank Herbert mais aussi ceux du fiston avec Kevin Anderson…

Legendary Pictures, c’est la maison qui produit les DC comics (Batman, Superman), celle de Christopher Nolan (Interstellar, Inception), de 300 , Very Bad Trip, ou The Town, bref, y a du bon et du moins bon, mais c’est une excellente nouvelle quoi qu’il arrive…




vendredi 18 novembre 2016


Valley of Love
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Deux personnages errent dans la vallée de la mort. On a volontairement enlevé les majuscules, puisque c’est bien de cela dont il s’agit : un père et une mère, dans la vallée de la mort. Divorcés, les voilà réunis par les dernières volontés de leur fils suicidé : ils doivent doit se rendre – dans un jeu de piste macabre – dans 7 lieux différents de la Vallée de la Mort (avec majuscules cette fois-ci), et ce, à des heures précises. C’est à ce prix, et à ce prix seulement, qu’il reviendra d’entre les morts.

Ces parents, ce n’est pas n’importe qui. C’est Gérard Depardieu et Isabelle Huppert. Qui, dans le film, s’appellent Isabelle et Gérard. Guillaume Nicloux joue à fond de cette ambiguïté* ; Depardieu, le vrai, a lui aussi perdu un fils.

A ce drame, qui ne déparerait pas dans une nouvelle de Maupassant, la Death Valley fournit un écrin magnifique. Face aux monstruosités humaines (Depardieu obèse, Huppert ridée), le plus effrayant parc national américain fournit paradoxalement un décor parfait. Le ciel est un éclat bleu, le désert jaune, et les pelouses immanquablement vertes. Pour ceux qui y sont allés, ce n’est pas facile de filmer la vallée comme ça, qui est la plupart du temps jaunâtre.

Les acteurs sont magnifiques, on le savait déjà, mais il y a bien longtemps que Gérard Depardieu n’a pas été aussi bien. Huppert, comme d’habitude, est impériale, même si elle semble jouer son propre rôle.

C’est aussi que tout est fin et subtil dans ce scénario, qui ne s’emberlificote pas dans des intrigues annexes, et qui sait tout aussi bien allonger les scènes pour créer de l’étrangeté ou au contraire s’arrêter vite (1h28) quand le film doit finir. Cette Valley est une réussite.

* citant même des anecdotes proches aux acteurs (Nounours, homme de confiance de Depardieu dans la vraie vie, par exemple) Cette précision est copyright Ludo Fulci, qui m’a aussi conseillé de voir le film….




mardi 15 novembre 2016


Sixteen Candles
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Et il nous manquait un John Hughes, mais voilà c’est fait, nous avons vu Sixteen Candles. Bien sûr, Seize Bougies pour Sam a pris un coup de vieux, et les minauderies de Molly Ringwald, qui nous auraient enchanté en 1984, nous énervent aujourd’hui.

C’est pourtant le brouillon de l’œuvre de John Hughes. Une œuvre en devenir : le grand homme va donner dans les deux ans qui suivent Breakfast Club, Une Créature de Rêve et La Folle Journée de Ferris Bueller. Humour décomplexé, presque trash (petites culottes utilisées et tutti quanti), musique branchée, et un premier portrait empathique et compassionnel de l’adolescence avec ses joies, ses peines et ses difficultés.

On n’a pas fêté l’anniversaire de Sam, et pourtant c’est son seizième anniversaire. Ce n’est pas rien, seize ans, même quand on nait dans cette famille friquée du nord de Chicago. De cet argument chiche, John Hughes fait à la fois une comédie et un drame, car il saura – ici et plus tard – saisir à la perfection les désarrois, même minuscules, de l’adolescence.

Autre curiosité du film : derrière Ringwald, des acteurs en arrière-plan se découvrent, c’est eux qui feront une carrière, plus ou moins mouvementé : le brat pack est à naître : Anthony Michael Hall, John Cusack, Jami Gertz, Joan Cusack…




samedi 12 novembre 2016


Un Village Français, finale : un naufrage français
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

C’est triste de voir couler le Titanic. Une série qui semblait insubmersible malgré ses défauts, et malgré les charges de plus en plus importantes qu’on lui demandait de porter : être une série pédagogique, mais excitante (donc feuilletonnante) avec des personnages crédibles, mais pas monolithiques, et qui ne rate pas sa sortie : l’Epuration, 1945, était toute désignée pour servir d’écrin à un final en beauté.

Malheureusement, la série déclinait déjà depuis deux saisons, et son naufrage n’en est que trop logique. Comme toutes les séries, on peut imaginer que ses fondateurs soient déjà partis comme des JJ Abrams de Marne-La-Coquette, avec en tête de nouvelles aventures, de nouvelles séries, et des projets à pitcher.

Mais quand même. Six scénaristes, un atelier d’écriture, un conseiller intrigue, un conseiller en psychologie des personnages ; tout ça pour ça ? Autant de monde pour torpiller dans les grandes largeurs le plus beau cuirassé que la France fictionnelle ait produit depuis des années ? Six épisodes pour massacrer consciencieusement ses personnages, les amener prendre des décisions les plus ridicules les unes que les autres, et leur faire jouer des situations les plus rocambolesques ? Un cake indigeste, nappé par-dessus le marché de quelques velléités graphiques tout aussi ambitieuses que ridicules ? Du fameux mouvement circulaire avant/après évoqué précédemment aux faux raccords de la scène d’amour des Schwarz, qui tentent péniblement d’évoquer La Ligne Rouge ?

Ça fait beaucoup pour le suiveur, comme on dit sur le Tour de France.

Et crime ultime pour une fiction : ne pas finir. Un Village Français avait déjà du mal à relier une saison à l’autre : pas de résumé de l’épisode précédent*, pas de scène de réintroduction contextuelle. On sait désormais que ce Village-là ne sait pas non plus faire un dernier épisode. Le Professore resta longtemps abasourdi avec sa petite famille devant le générique de fin, se demandant si c’était bien là la fin de Villeneuve.

* On suppose que, dans ce cas particulier, on fasse appel à « l’intelligence du spectateur »…




mardi 8 novembre 2016


Pas de Printemps pour Marnie
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Pas de Printemps pour Marnie faisait partie des « gros » Hitchcock qui manquaient à la collection du Professore. C’est désormais chose faite avec une diffusion magnifique sur Arte, en une HD remasterisée qui fait péter en technicolor les rouges et les verts de Marnie, la beauté glaciale de Tippi Hedren, et la coolitude absolue de Sean Connery.

Il y a deux films dans Marnie. L’un est réussi, l’autre moins.

Le début est parfait : une voleuse, Tippi Hedren, magnifique et kleptomane. Un riche héritier (Connery) qui le sait mais qui l’embauche quand même. Ce début parfaitement pervers, surveillé de surcroit par l’œil de de la belle-sœur (Diane Baker) va inspirer des générations de film à venir, Lynch en premier.

Puis le couple se marie, révèle à chacun ses traumatismes, ses frustrations, tout cela est un peu longuet, et l’histoire de Marnie se termine par un happy end, même s’il est ambigu, peu digne de Hitch.

Mais on n’oublie pas ces séquences mémorables, la course au renard, le viol marital, le gros plan sur le chignon, et ce travail sur les couleurs, entre le rouge (phobie de Marnie) et sa couleur complémentaire, le vert, qu’on trouve partout, sur les robes, la forêt, jusqu’au final à Baltimore.




samedi 5 novembre 2016


Shotgun Stories
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Brèves de bobines -Les films ]

Comme pour dire qu’on finit la collection Jeff Nichols, on regarde son premier film, Shotgun Stories.

C’est l’occasion de remarquer le chemin parcouru. Shotgun Stories est un premier film, avec les forces qui vont faire la carrière de Nichols, mais aussi les faiblesses qui seront corrigées ensuite. L’histoire est basique : l’éternelle vengeance des Atrides, au cœur de l’Arkansas. Comment des white trash (ces gitans de l’Amérique), vont se transmettre les rancunes de père en fils, jusqu’à l’absurde.

L’histoire est simpliste, peut être trop. Mais le talent de Michael Shannon se révèle là, lui qu’on avait jusque-là (dans notre cinéphilie sélective) cantonné dans rôles subalternes*: Pearl Harbor, Un Jour Sans Fin, Vanilla Sky, Bad Boys II. Pour Michael Shannon, il y a un avant et un après Shotgun Stories.


* comme on dit dans Drôles de Dames




jeudi 3 novembre 2016


Jack Reacher: Never Go Back
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Comme disent les Inconnus, il y a les bons Jack Reacher et les mauvais Jack Reacher. On avait adoré, à notre grande surprise, le premier Jack Reacher, ses répliques pointues, ses bagarres incroyables et improbables, et une certaine forme d’innocence.

C’est donc sans vergogne qu’on s’est jetés, avec James Malakansar, sur le deuxième opus. Mais celui-ci n’est qu’un simple décalque du premier, sans le talent du scénariste de Ralph McQuarrie, mais celui, un peu daubé, du réalisateur Edward Zwick aux manettes (et aux pommes) depuis Le Dernier Samouraï, dernier bon film vu, ou du fameux Glory.

Tout est mou dans ce second Jack Reacher, un peu à l’image de Synchronicity, le film où Michael Keaton générait des doubles de lui-même, qui sont de plus en plus idiots. Rosamund Pike était pikante, elle est remplacée par Cobie Smulders, une brune fadasse qui joue la MP de service, à qui on ne la raconte pas. Miss Smulders est excitante comme un chargeur de M-16 : n’est pas Demi Moore qui veut. Les dialogues sont moins drôles (on est incapable de citer une réplique de ce Jack Reacher-là, alors qu’on ressort le coup de l’ambulance à qui veut l’entendre*) ; les bagarres sont molles, et il faut dire que Tom Cruise semble avoir un peu abusé des donuts.

Ce qui était peu plausible dans le premier, mais très drôle, est aujourd’hui, totalement, pathétiquement improbable. Et comme notre nouveau couple révèle tout ce qu’il sait dans les taxis ou les navettes d’aéroport, plus besoin d’Echelon ou de la NSA pour qu’on les piste, de Washington à la Nouvelle-Orléans.

Bref, vous n’êtes pas obligés d’aller voir ce Jack Reacher. Pire, si ça passe sur TF1, il vaut mieux regarder PSG-Angers sur Canal.

* Gary: I’m gonna need to see some I.D.
Jack Reacher: Go get Sandy.
Gary: Well, I need to see something.
Jack Reacher: How about the inside of an ambulance?




mardi 1 novembre 2016


Un Village Français, la der des ders
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

C’est parti pour les six derniers épisodes de notre série fétiche sur la France de 40, et, à vrai dire, il est temps que ça s’arrête. La série, qui était composée à 90% de réalisme historique et à 10% d’intrigues feuilletonnantes, est en train d’inverser cette proportion. Elle aligne les rebondissements les plus improbables, les uns après les autres, croyant que ça fait système. Au contraire, le spectateur, dépité, amoureux désabusé de sa maîtresse infidèle, décroche un peu plus à chaque scène.

Ainsi, Müller, dont personne ne nous a dit ce qu’il était devenu (les résumés à l’américaine, c’est vulgaire), revient dans la Grande Scène du IV. Une scène abrupte, absurde, incompréhensible, qu’on explique après (par un dialogue évidemment. Don’t show. Tell, it’s cheaper!) : Müller a été retourné, il est devenu un agent de l’OSS, comme beaucoup de nazis à cette période. N’importe qui, d’Asghar Farhadi à Hitchcock, de Marcel Carné à Steven Spielberg, vous aurait expliqué qu’il faut faire l’inverse, pour créer la suspense, pas la surprise.

Mais bon, UVF n’en est plus là. Elle préfère dépenser son argent dans un très bel effet spécial, qui mélange, d’un tour de caméra, passé et présent ; une façon de montrer que rien n’a changé sous la France de De Gaulle. Car il reste de belles choses dans Un Village Français ; les « corvées de bois » de la Guerre d’Algérie qui s’annoncent dans la scène des prisonniers allemands, les gaullistes qui ne s’embarrassent pas trop de principes, les communistes non plus. Il reste aussi quelques beaux personnages : Larcher, Schwartz, Servier, Bériot.

Dans quelques années, on oubliera les prestations calamiteuses des autres acteurs (peu aidés, la plupart du temps, par des situations scabreuses) pour retenir le courage ultime d’un Servier, la gouaille d’un Marchetti, l’assurance morale d’un Schwartz.

Car Un Village Français nous a beaucoup donné. Et s’il nous a un peu repris ces dernières années, le cadeau originel ne s’oublie pas.