[ Le Professor a toujours quelque chose à dire… ]

Le Professor vous apprend des choses utiles que vous ne connaissez pas sur le cinéma



mardi 30 décembre 2008


Kubrick, l’intégrale
posté par Professor Ludovico

Qui est vraiment Stanley Kubrick ? Y’a-t-il auteur plus mystérieux aujourd’hui ? Adulé par les cinéphiles, films connus du grand public (« Ah bon ? C’est aussi lui qui a fait Barry Lyndon ? »), jamais vraiment détesté mais le plus souvent incompris…

A leur sortie, la presse trouve toujours ses films moyens, puis elle les comprend, et dix ans après, elle les trouve géniaux. Le contraire de Woody Allen, en somme. Quelques exemples : Full Metal Jacket, considéré comme très en dessous de Platoon, réévalué depuis ; Shining, un Kubrick « trop commercial », 2001 « incompréhensible », mais considéré aujourd’hui comme chef d’œuvre du cinéma, Barry Lyndon, « joli » mais « inintéressant »… jetez un coup d’œil à votre programme télé : tous ces films sont désormais encensés.

Côté récompenses, c’est pareil. Pas un Oscar, pas un César, pas une Palme des Alpes-Maritimes !

Mais qu’a fait SK pour mériter un tel traitement ? Que lui reproche-t-on, au juste ? Sa carrière, peut être… parce que finalement, c’est sa plus grande œuvre : tous ses films ont été des succès financiers, qui peut en dire autant ? Pas un film n’est sorti hors délais ou hors budget (quoi de plus important, selon les critères hollywoodiens ?)

Osons le dire : si Kubrick est nul, c’est dans le people. Sa vie n’est pas intéressante : deux femmes seulement, pas de cul à la Polanski, pas de destin tragique à la Kazan, pas de corps à corps titanesques contre les studios à la Orson Welles.

Kubrick a souvent dit que les histoires qu’on racontait sur lui (peur des voitures, « réclusion » en Angleterre, répétitions interminables) étaient une façon pour la presse de combler le vide. Un vide créé par sa propre volonté de ne pas communiquer avec la presse. Rappelons qu’il ne s’agissait pas là d’une coquetterie Garboesque, mais bien d’une volonté artistique « Un film se vit en salle, entre le spectateur et l’œuvre : l’expliquer ne sert à rien ; pire cela le dessert. »

Non, Kubrick n’est qu’un artisan, maniaque et travailleur, à l’abri dans son atelier au fin fond de la campagne anglaise, peaufinant ad vitam æternam ses films. Mais aussi, s’assurant, une fois sortis, de leur diffusion en salles, et à la télévision.

La réhabilitation du Grand Homme sera donc la grande cause CineFastienne de 2009. Puisqu’on ne peut parler de lui, nous ne parlerons que de l’œuvre, film par film.

Autant commencer par le plus dur : le dernier. Les 10 ans de latence kubrickienne sont passés, le film peut désormais être abordé sans complexe et sans passion. Car Eyes Wide Shut traîne les habituels boulets kubrickiens : incompris à sa sortie (en 1999), malgré un buzz assourdissant (les Cruise-Kidman « emprisonnés » à Shepperton, les scènes de partouze, la mort de Kubrick et les questionnements légitimes sur la définitivité du montage), Eyes Wide Shut reste encore un mystère.

C’est à ce mystère que nous allons nous attaquer.

Toutes les chroniques :

Eyes Wide Shut
Full Metal Jacket 
Shining
Barry Lyndon (à venir)
Orange Mécanique 
2001, L’Odyssée de l’Espace
Dr Folamour
Lolita (à venir)
Spartacus (à venir)
Les Sentiers de la Gloire
L’Ultime Razzia 
Le Baiser du Tueur 
Peur et Désir




dimanche 28 décembre 2008


Dennis Hopper et le Nouvel Hollywood
posté par Professor Ludovico

Une mauvaise lecture du programme m’ayant fait raté la projection de Mesrine, je me suis rendu à la Cinémathèque non loin de là, pour y voir l’expo sur Dennis Hopper. Tout le monde connaît l’acteur culte, qui joue les cinglés depuis son étourdissant monologue d’Apocalypse Now. Depuis, on le caste dans tous les rôles de tarés apocalyptiques (Speed, 24, Blue Velvet).

Mais Dennis Hopper est plus que ça : un cinéaste maudit par son gigantesque premier succès, Easy Rider, qui révolutionna l’Hollywood des années soixante. « Après l’avoir vu, explique Peter Biskind dans la référence Easy Riders Raging Bulls (Le Nouvel Hollywood), les cadres de l’Usine à Rêves n’avaient rien compris, mais ils voulaient tous faire leur Easy Rider… »

La tête gonflée par le succès (et quelques amphétamines), Dennis Hopper le réalisateur ne se releva jamais du succès d’Easy Rider : malgré des succès d’estime (The Last Movie), et un succès public (Colors), il dut laisser la place au Grand Méchant Acteur.

Mais l’exposition prouve que Dennis Hopper est bien plus que ça : comédien des 50’s (notamment avec James Dean), jeune collectionneur d’art aux goûts très sûrs (Rauschenberg, Basquiat), mais aussi peintre lui-même, photographe, mécène.

Cette expo vaut donc le déplacement, d’autant que vous pouvez la coupler à la collection (petite mais prestigieuse) de la Cinémathèque, et à l’expo Méliès, autre victime de La-Grande-Malédiction-du-Cinéma.

Tandis que d’autres filmaient les trains arrivant en Gare de La Ciotat ou de sombres histoires d’arroseur arrosé, Georges Méliès faisait son Spielberg, adaptait Jules Verne, filmait l’Enfer et l’Antarctique, peignait les premiers films en couleur, bref, inventait le cinéma… Et comme il y a une justice et que les méchants sont toujours punis, Georges Méliès a fini sa vie en tenant un stand de jouets à la Gare Montparnasse.

Dennis Hopper à la Cinémathèque,
51 rue de Bercy, 75012 Paris
Jusqu’au 19 janvier

Georges Méliès
Jusqu’au 30 juin 2009




samedi 20 décembre 2008


Lost, le véritable making of.
posté par Professor Ludovico

Les making of sont chiants. La plupart du temps, on n’apprend rien, si ce n’est que Machin a « adoré » travailler avec Truc.

Pourtant, ce qui se passe derrière le rideau est souvent passionnant. Prenez Lost, par exemple. On croit souvent (moi le premier !) que cette idée sort du cerveau – génial mais torturé – de JJ Abrams. En fait, pas du tout… Vous voulez la véritable histoire ? La voici.

En 2002, ABC, l’un des 4 grands networks américains, est au plus mal. NBC se maintient en pole position, Fox, boostée par American Idol (la Nouvelle Star US) devient un concurrent sérieux, et CBS, revenu d’entre les limbes, pète le feu avec Survivor (Koh Lanta).

Mais surtout, ABC est dans une mauvaise passe managériale : tout se décide au-dessus, chez Disney, entre les mains viriles de Michael Eisner. Lloyd Braun, le Président de ABC Entertainment est sur la sellette. Ne risquant plus grand-chose, il part faire un break à Hawaï en famille. A l’hôtel, on passe Seul au Monde, avec Tom Hanks. Braun caresse alors l’idée suivante : une série, à mi-chemin entre le film de Zemeckis et Survivor, mais réaliste. Il a même un titre : Lost.

Tétanisé par Disney, il n’ose le proposer, mais quelques mois plus tard, ABC, complètement à la ramasse, organise une « retraite » de cadres pour trouver de nouvelles idées. (Rappelons que cette tâche est normalement dévolue à la direction des programmes). Braun y pitche son sujet, avec un petit succès. L’idée est confiée à un scénariste, Jeffrey Lieber, qui le rebaptise The Circle. Et en plus, le scénario est très mauvais.

Braun se rappelle alors qu’il a un wonderboy sous son aile : JJ Abrams. Le petit coquin a signé un accord d’exclusivité de 4 ans avec Disney, pour la modique somme de 20M$… Mais JJ n’a rien écrit en quatre ans ! « Moralement ce n’est pas très juste, lui fait remarquer Lloyd Braun (ce qui n’est pas exagéré, NDLR). Il serait temps de payer tes dettes. Vois ce que tu peux faire avec ça. »

En plus, JJ Abrams n’a pas bonne presse, Alias est un succès critique, mais pas le carton prévu. Disney a demandé sa tête à plusieurs reprises. Pourtant Braun lui fait confiance, et JJ revient au bout d’une semaine avec une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c’est qu’il a trouvé ça bien, et qu’il a quelques idées. La mauvaise, c’est qu’il a trouvé ça bien, et qu’il a quelques idées ! Et quelles idées : « Votre histoire est nulle, leur dit tout de go Abrams. Le vrai personnage, c’est l’Ile ! Il faut que tout tourne autour d’elle. Et il faut tuer Jack dès le premier épisode. On se concentrera plutôt sur ce qui s’est passé avant, dans la vie des personnages. »

C’est cette idée, évidemment, qui séduit ABC : avec ça, on tient une série, on peut facilement multiplier les épisodes. Très vite, et contre toutes les règles hollywoodiennes en cours, Lloyd Braun décide la fabrication d’un pilote : le scénario n’est pas écrit, à peine possède-t-on un synopsis deux fois trop long, mais le casting a débuté et le tournage commence. Une fois lancé, JJ Abrams fait joujou. Il commande une véritable carcasse d’avion, rajoute des personnages à chaque réunion… le budget et la durée du pilote explosent : 2 heures, 12 M$.

Et comme prévu, Lloyd Braun est viré.

Braun a déjà pris tous les risques pour mettre son bébé sur les rails, mais il franchit une nouvelle ligne jaune : il propose Lost aux chaînes concurrentes (NBC, CBS), et même à la Warner ! Il fait déposer, de nuit, des cassettes vidéos du pilote dans des boîtes aux lettres de ces décideurs ! Car Braun est alors convaincu que son enfant chéri – trop long, trop cher, trop feuilletonant – ne passera pas l’hiver.

On s’interroge en effet chez Disney sur le sort à réserver à Lost : série à part entière ou, pour sauver les meubles, mini-série de prestige sur 6 épisodes ? Mais aux Etats-Unis, les films et les séries sont toujours sévèrement testés par les services marketing, et Lost est testé lui aussi. Divine surprise, c’est plutôt bon, comme Desperate Housewives. ABC n’a plus le choix : avec seulement ces deux cartes en mains, et le surcoût délirant de Lost, la chaîne décide de tout miser sur ces deux séries dans sa campagne marketing de rentrée. Des sacs d’aspirateurs Desperate Housewives sont distribués en supermarché, et de véritables bouteilles à la mer Lost sont jetés sur la côte atlantique.

Vient l’heure du jugement, le 22 septembre 2004, à 20h, créneau inédit pour ce genre de série (drama) : Lost est un énorme succès, le meilleur score d’ABC pour une série depuis 4 ans (Desperate Housewives fera encore mieux dix jours plus tard).

Le premier réflexe de JJ Abrams est d’appeler Lloyd Braun ; ils sont tous deux au bord des larmes… Quelques semaines plus tard, Braun recevra un grand paquet à la maison : dans un cadre, un poster dédicacé par Abrams, Lindelof et Burk (producteur) : la carcasse de l’Oceanic 815, seul souvenir, désormais, de l’épopée Lostienne de Braun…

Le seul ? Pas vraiment. Toutes les semaines, Lost paie son tribut à son géniteur. Un tout petit tribut, en fait. Au début de chaque épisode, une voix off ânonne la phrase qui, chaque semaine, lance toutes les séries du monde : « Previously on Lost… » Cette voix, personne ne la connaît. Elle n’est pas très virile, ni très basse comme il convient. Abrams et sa bande avouent eux-mêmes ne pas savoir qui s’est occupé du casting voix. Pourtant, des cadres d’ABC jurent avoir déjà entendu cette voix quelque part… Pour cette voix, la production a choisi un acteur débutant, un parfait inconnu : un certain… Lloyd Braun.

Son nom n’est pas au générique (celui de Jeffrey Lieber l’est), mais, pour toujours, la trace de Braun est gravée dans le granit de l’Ile.

NB : cet article n’est pas le fruit d’une longue enquête, mais de la lecture – passionnante – du livre de Bill Carter, Desperate Networks, une chronique des télés américaines ces dix dernières années; l’arrivée des grandes séries, et la révolution de la télé réalité.

Bill Carter, Desperate Networks
Broadway Books




mercredi 3 décembre 2008


Othello
posté par Professor Ludovico

Depuis quelques années, je vais de plus en plus au théâtre. Quand je dis de plus en plus, attention, ça veut dire deux fois par an. Vieux réflexe d’étudiant, j’ai toujours trouvé le théâtre trop cher, trop chiant, trop inconfortable. Plutôt le Publicis Elysée et ses fauteuils de ministre que le Théâtre du Vieux Colombier et ses fauteuils de nains.

Seul le grand Will me donne systématiquement envie d’aller au théâtre. D’abord qu’il est souvent incompréhensible à lire, alors que sa poésie devient limpide sur scène. Mais surtout parce que c’est un immense dialoguiste, et un super scénariste. Encore deux-trois pièces comme ça, et je le vois bien partir à Hollywood, le british ! Même si, il faut bien l’avouer, il a tout piqué à Hitchcock. Regardez Iago, le grand méchant de ce drame obamesque qu’est Othello : petit blanc jaloux (de sa femme, de son maître, des amis de son maître), voilà qu’il révèle son plan machiavélique des l’acte I. Et le spectateur de trembler, pourtant tout à sa connaissance de l’intrigue : Othello va tomber dans le piège, Desdemone va y passer, etc. Mais ca, c’est l’ironie dramatique : le spectateur a une longueur d’avance sur les personnages, et pourtant il tremble pour eux. Et s’il tremble pour eux, c’est qu’il est en totale empathie, qu’il les aime pour de bon, qu’il voudrait les toucher, leur parler : Desdemone, rebelle toi ! Othello, n’as tu pas mal placé ta confiance en Iago ? Ne devrais-tu pas, un instant, ecouter ton amour ? Iago, toi qui vois si clair dans le coeur des hommes, pourquoi fais tu tout cela ?

Que ces cordes, 400 ans plus tard, vibrent toujours, tient du miracle…

Comme beaucoup d’oeuvres de ce jeune dramaturge, Othello est déjà disponible en DVD (réalisé par un certain Orson Welles), mais la pièce se joue toujours au Théâtre de l’Odéon, avec un Michel Fau exceptionnel en Iago.




lundi 1 décembre 2008


Je ne vais pas me faire que des amis, mais…
posté par Professor Ludovico

…bon, oserais-je dire que j’approuve la loi sarkoziste sur la suppression de la publicité sur France Télévisions ? Que je la soutiens, tout simplement, parce que je l’ai toujours soutenu ? Car qui veut une télé de qualité doit accepter une télé sans pression de l’Audimat, et donc sans publicité.

Qu’avons-nous à perdre, sincèrement, d’une France Télévisions au rabais ? La suppression des animateurs-producteurs (Delarue, Drucker, Sébastien) ? Les séries américaines au kilomètre (Cold case, FBI Portés Disparus, Urgences ? On les aura ailleurs, non ?) Les séries françaises pour retraités ? les sagas de l’été ? Fort Boyard ?

Moi ça me va ! Il y a bien longtemps que je ne regarde plus France 2, ses émissions, ses séries, ses variétés idiotes, son journal « pensée unique », aussi mauvais (peut être plus, si on réfléchit bien), que celui de TF1.

Donc je serais ravi de voir la grille de Janvier de France 2 -France 3, même si je ne m’attend pas à grand’ chose, du moins dans un premier temps. Mais dans 3, 4 ans, qui sait ? Peut-être qu’une Arte populaire et franco-française renaître des cendres du soi-disant Service Public…

PS : je précise qu’en revanche je n’approuve pas le volet Napoléonien de la loi (nomination du PDG par le Président de la République, ou comment retricoter en 2 ans ce que Pompidou, Giscard et Mitterrand avaient mis 25 ans à détricoter…)




samedi 1 novembre 2008


Le « pauvre » cinéma français face à l’Ogre Américain
posté par Professor Ludovico

Il est une légende française bien répandue, et qu’il nous plait beaucoup à CineFast de démolir : celle du pauvre cinéma français, qui manque traditionnellement de moyens, face au bulldozer américain, qui lui « aurait tout ». Comme si le cinéma n’était qu’affaire de gros sous ! On le sait, pour n’observer que la planète Hollywood de notre petit observatoire, que c’est déjà faux : un Lynch de 15M$ vaut souvent mieux que trois blockbusters à 100M$. C’est l’équation que cherche à résoudre au quotidien les executives d’Hollywood ; trouver la formule, le coup sûr ! Julia Roberts+George Clooney+le réalisateur qui monte+le mec des effets spéciaux de matrix+la BO de Britney Spears, ben oui, mais ça marche pas ; quoiqu’on en dise, le cinéma reste un art, avec son lot de ratés, et aussi sa magie.

Juste deux chiffres pour illustrer ce faux débat (© FrameKeeper) : deux films sortis en 1995 : à ma droite, Usual Suspects, blockbuster américain virtuose, superbe musique, comédiens excellents, action, suspense. A ma gauche, Le Garçu, de Maurice Pialat, drame intime à la française, Depardieu, Géraldine Pailhas, et une cuisine et une salle de bains.

Budgets : Usual Suspects 6M$, Le Garçu, 10M€.

Je ne comparerai pas les box offices respectifs, parce qu’évidemment, ce n’est pas le même cinéma, la même ambition, le même public. Disons simplement que Usual Suspects est, et reste un énorme succès public et critique, et que Le Garçu fut un succès critique et un échec public. On peut même dire que c’est un film quasi oublié aujourd’hui, ce qui n’est pas le cas de tous les Pialat. Mais là n’est pas la question : derrière l’argent, où est le travail ? La créativité ? Avec 6M$, la production des Suspects tire le meilleur de cet argent, en termes de talents : scénariste, décorateur, musicien, acteurs… mais où sont les 10M€ du Garçu, à part dans la poche de Gérard ?

Ce qui est intéressant, ici, ce n’est pas un échec, mais bien que les moyens existent dans le cinéma français, il y a de l’argent, et notamment l’argent de l’Etat, notre argent. La question, c’est comment est-il employé ? Qu’en fait-on ? Pour éviter, à l’avenir, l’argent fainéant, comme ici…

PS Dans la série « Les Chiffres Qui Font Plaisir », il y a aussi ça.




mardi 28 octobre 2008


Fanny
posté par Professor Ludovico

J’adore Marcel Pagnol. Sans me vanter, je pense que j’ai tout lu… Mais je n’aime pas Pagnol cinéaste, et à part peut être La Fille du Puisatier et La Femme du Boulanger.

Moi qui adore la Trilogie Marseillaise, eh bien, je n’ai jamais pu dépasser les dix premières minutes, ce qui tendrait à prouver que le théâtre et le cinéma ne font pas bon ménage.

Entre nous, c’est ce que je pense depuis longtemps, car, comme le dit Coppola, le cinéma a bouffé l’opéra, qui lui-même avait bouffé le théâtre. Le cinéma, c’est un peu tous les arts en un seul : de la comédie, de la sculpture, de la peinture (aussi appelée « photographie »), de la musique… Le seul art original du cinéma, c’est le montage.

C’est ainsi : les passerelles cinéma-théâtre sont dangereuses et mal fréquentées, un peu comme l’échelle de corde d’Indiana Jones et le Temple Maudit. Les comédiens de théâtre sont très souvent catastrophiques au cinéma (Torreton, pour n’en nommer qu’un), et ne dit-on pas, un brin narquois « c’est du théâtre filmé ».

Tout ça pour dire que Fanny, au théâtre, mérite d’être vu (en ce moment au Théâtre du Petit Colombier). La comédienne est très bonne, et malgré l’âge de la pièce (70 ans au compteur, et le thème un peu dépassé des filles-mères), elle reste d’actualité.

Car Pagnol, sans avoir l’air d’y toucher – et sous l’alibi de comédie – touche à l’essentiel. Il reste aussi un de nos plus grands dialoguistes :

– « Cet enfant il pesait quatre kilos quand il est né, aujourd’hui, il en pèse sept. Tu sais ce que c’est, ces 3 kilos ? C’est de l’amour. Et pourtant, c’est pas lourd l’amour ! Il en faut beaucoup pour faire un kilo ! Alors, c’est sa mère bien sur, mais c’est surtout Panisse qui lui en a donné ! Et toi, Marius, combien tu lui en a donné, à ce petit ? »

CQFD.

Fanny
Jusqu’au 31 octobre, Théâtre du Vieux-Colombier, 21, rue du Vieux-Colombier, 75006 Paris. Mais surtout, c’est sur France 2, samedi 1er novembre, à 20h50.




mardi 14 octobre 2008


Halte au marketing, on veut des scénarios !
posté par Professor Ludovico

Ma copine Alex me disait hier qu’elle était passée devant l’affiche de La Loi et l’Ordre, avait hésité dix secondes, et passé son chemin. « Je savais à l’avance que c’était mauvais », conclut-elle. Venant de quelqu’un qui abandonnerait sans hésiter ses enfants si le Grand Al le lui demandait, cette remarque n’est pas innocente. Elle a du voir tous les De Niro et tous les Pacino, et l’idée de les voir à nouveau ensemble, je ne vous en parle même pas ! Pourquoi ne pas y aller, alors ? Tout simplement, parce que ce film pue le marketing ! Quel est le projet ? Où est le scénario ? N’a-t-on rien de mieux à proposer à ces deux montagnes qu’une énième cop story, peu crédible de surcroît, quand on connaît l’âge des capitaines ?

Non, le cinéma actuel meurt de cela : malade en fin de vie de la photocopieuse Pixar, des projets bodybuildés sans âme (Voyage au Centre de la Terre, Pirates des Caraïbes II et III, Star Wars I, II, III), des auteurs qui se répètent (Les Promesses de l’Ombre (Cronenberg), Noces Funèbres (Burton), des films prétentieux et pourtant intellectuellement peu épais (L’Illusionniste, La Nuit Nous Appartient, Gomorra)…

Quoi de commun à tous ces films ? Absence de scénario, absence d’écriture, absence de style…

Certes, nous sommes vieux, notre coeur est sec, nous avons vu trop de films, nous avons perdu notre âme d’enfant, nous avons la nostalgie mal placée… Mais pourtant ! Il y en a, du talent, à la télé ou même dans le jeu vidéo…

Lâchez les commandes, amis tâcherons d’Hollywood et d’ailleurs! Laissez travailler les professionnels, les vrais conteurs d’histoire ! Laissez Aaron Sorkin, David Simon, Marc Cherry faire les films qu’ils méritent et que nous méritons…

PS : Un ami commun, Guillaume, avait des places pour l’avant-première avec les deux géants. Tous les deux, sans s’être concertés, et pourtant fans transis, avions mieux à faire. Lassitude, snobisme ? Sûrement pas. Nous aimons trop ces deux-là derrière l’écran pour prendre le risque d’être déçu devant.




mercredi 24 septembre 2008


Richard Avedon, Photographies 1946-2004
posté par Professor Ludovico

Richard Avedon au Jeu de Paume, c’est comme Leibovitz : c’est l’histoire du plus grand portraitiste de sa génération. Sauf que c’est comme Leibovitz, mais en plus vieux, en plus noir et blanc, en plus mort, et surtout, en plus fort. Pendant que la petite Annie soigne ses mises en scène, Avedon, c’est la rigueur Joy Division : un fond blanc, photo noir&blanc, regardez l’objectif siouplai !

Exemple pervers : pour The Family, série réalisé pour Rolling Stone de la campagne électorale 1976, il demande à ses modèles (les 69 personnes les plus influentes des Etats-Unis) de s’habiller « comme ils veulent » Et qui a l’air malin, trente ans après, en costume synthétique et cravate à pois ? Le jeune Donald Rumsfeld, secrétaire d’Etat à la défense, le quadra George Bush père, chef de la CIA !

Et puis il y a une superbe série sur l’amérique de l’ouest, des decent american people, mineurs, SDF, truckers… Fond blanc, netteté parfaite : l’Amérique vous regarde dans les yeux.

Richard Avedon, Photographies 1946-2004 au Jeu de Paume jusqu’au 27/9 (oui, je sais, je sais)




samedi 13 septembre 2008


Annie Leibovitz
posté par Professor Ludovico

J’ai un problème : je vais toujours voir les expos à la dernière minute ; il y a donc peu de chances que vous ayez le temps d’aller voir Annie Leibovitz, A photographer’s Life 1990-2005, à la Maison Européenne de la photo.

Ce n’est pas grave, car les photos de Leibovitz sont partout (Vogue, Rolling Stone, Vanity Fair) ou dans un très beau (et très coûteux) catalogue de l’expo.

En quoi cela intéresse le CineFaster de base ? Eh bien Annie Leibovitz, c’est un peu la portraitiste de ces quarante dernières années, la Gainsborough, la Poussin, ou la David, de la noblesse d’aujourd’hui : plus de Madame de Maintenon, plus de Général Murat, mais plutôt les petits marquis d’hollywood, la noblesse rock, et les vaniteux people. Aussi peint-elle un Daniel Day-Lewis sur son trône hamletien, la détermination mafieuse de l’équipe Bush (qui fait un écho troublant à un autre cliché : la série publicitaire pour Les Sopranos), la folie foutraque de Nicholson, le charme Vegas de Scarlet Johansson…

Annie Leibovitz n’est pas la plus grande, ses photos sont classiques et elle n’est pas un tournant de la photographie ; mais ses photos sont l’époque.




décembre 2025
L M M J V S D
1234567
891011121314
15161718192021
22232425262728
293031