[ Les films ]



mercredi 18 octobre 2023


The Creator
posté par Professor Ludovico

Nous avions douze-treize ans, et nous nous repaissions de Science-Fiction. Les livres de Bradbury, Silverberg, Farmer, K. Dick , Asimov ou Frank Herbert nous faisaient rêver, mais c’était surtout leurs couvertures, signées Chris Foss, Caza, Frazetta, Vallejo, qui nous emmenaient au-delà des étoiles, au-delà de la galaxie. Au cinéma, les dômes en plastique de l’Age de Cristal, les vaisseaux oblongs des Thunderbirds n’étaient pas à la hauteur.

Puis le Discovery One de 2001 changea la donne (mais nous ne l’avions pas encore vu) et désormais tous les vaisseaux spatiaux lui ressembleraient : un fuselage blanc, avec pleins de zigouigouis dessus : Star Wars, Battlestar Galactica, Alien… Tous reprendraient ce canon esthétique, mais on restait encore loin de la beauté multicolore d’un Chris Foss*.

Il a fallu attendre 2009, et quelques images au début de Star Trek (version JJ Abrams) pour trouver enfin chaussure à notre pied. Villes gigantesques dans le brouillard lointain, façon Monades Urbaines de Christopher Priest. Ces images restent rares, mais on est enfin gâtés dans The Creator. Villes gigantesques, vaisseau spatial, mega-tank, Gareth Edwards reprend ce flambeau-là, et aussi celui d‘une judicieuse surcharge de détails façon Ridley Scott (Alien, Blade Runner, you name it). Mais c’est tout ce qu’on aura à se mettre sous la dent puisque nous avons affaire, avec ce Creator, à un Film Adolescent ; c’est-à-dire un film sûr de lui, qui ne se pose jamais de question, qui ne réfléchit pas à son scénario, ni à son univers.

Le film va ainsi proposer des incohérences à chaque seconde, mais rappelons d’abord le pitch : dans un futur proche, une explosion nucléaire, due à une IA défaillante, a détruit la moitié de Los Angeles. Cet incident a déclenché une guerre sans merci entre les Américains et la Nouvelle Asie qui soutient l’intelligence artificielle. Joshua Taylor (John David Washington), un soldat infiltré en Nouvelle Asie doit trouver l’IA pour la détruire. Dans ce monde futuriste, il y a des robots, des simulants qui ont visage humain, et une mystérieuse IA. Premier problème, ces simulants font tout pour ressembler à des humains : visages, expressions, sentiments. Ils mangent et boivent comme nous. Pourquoi ont-ils donc un magnifique trou à l’arrière de la tête ? Si ce n’est pour « faire un effet » censé impressionner le spectateur ?

Autre exemple, une patrouille de Marines débarque en pleine nuit dans une rizière. Mission classique d’infiltration… Mais leurs scaphandres sont saturés d’écrans de contrôle. C’est très beau à l’écran : ça fait des jolis taches blanches dans le paysage, et une très belle scène, mais pour le camouflage FOMBECTO**, c’est pas gagné…

Et ainsi de suite… le film est saturé d’objets, de décors, de sons, de lumière… et tout est sincèrement splendide. Splendide, mais stupide.

Et – c’est plus grave – on n’a pas réfléchi à ce que le film veut dire… En gros, G. Ewards, qu’on a connu plus intelligent dans son magnifique Monsters, nous dit que… les robots sont des êtres humains comme les autres ! Sur ce postulat, on assiste à des scènes assez cocasses : un robot qui s’habille et marche comme une grand’mère, un robot US qui salue ses maîtres comme un Marine (« c’était un honneur de combattre à vos côtés » ou quelque chose de ce genre), des Américains über-méchants parce qu’ils combattent une IA qui a rayé La La Land de la carte (en fait (je spoile), c’est pas de sa faute, elle était mal programmée)… Aucun cliché ne sous sera épargné : la proverbiale sagesse vietnamo-tibétaine, l’I.A. insérée dans une unique petite fille (ce qui la rend vraiment facile à éliminer, jamais intelligence artificielle n’a autant mérité son nom…)

Le film ne réussit jamais à nous intéresser à ses personnages, ni au soldat undercover fracassé par la guerre, ni son histoire d’amour américano-vietnamienne, ni la petite fille-robot… C’est là le nœud du problème. Comment peut-on s’identifier à une machine ? Quelques rares œuvres y ont réussi (Blade Runner, en inversant la proposition (qu’est-ce qui prouve, Deckard, que tu es humain ? Battlestar Galactica, en posant la question de l’Ennemi : que devient-on quand on comprend qu’on est soi-même un cylon ?) Sinon, il est quasi impossible d’éprouver de l’empathie pour une machine… C’est malheureusement le sujet central du Creator, qui essaie de nous faire prendre des vessies numériques pour des lanternes digitales.

* qui avait pourtant dessiné le Nostromo d’Alien

** Un combattant doit vérifier qu’il est bien camouflé grâce à l’acronyme FOMBECTO : Forme, Ombre, Mouvement, Bruit, Éclat, Couleur, Trace et Odeur.




dimanche 1 octobre 2023


N’attendez pas trop de la Fin du Monde
posté par Professor Ludovico

On prend les mêmes ingrédients et on recommence : sexe, provocation, brûlot anticapitaliste, Roumanie vulgaire et corrompue… Mais là où Bad Luck Banging or Loony Porn marchait du tonnerre de Dieu, là ça ne fonctionne pas du tout. Bad Luck Banging était drôle, musclé, original ; il se renouvelait à chaque minute. La Fin du Monde est long, pénible, et douloureux.

Même si on voit (au bout d’un moment quand même) où le cinéaste veut en venir, le film y va beaucoup, beaucoup, beaucoup trop lentement…

Il y a quelques fulgurances bien sûr, comme cette suite de plan silencieux sur des croix d’accidents de la route, mais ça ne suffit pas à faire un film.

Pour une rare fois – peut-être la première –, le CineFaster est parti avant la fin, constatant sur AlloCiné qu’il restait encore 43 minutes au film de 2h43. Ludovico a jeté l’éponge : Universitatea din Bucure?ti 1, UCLA : 0.




mardi 26 septembre 2023


Anatomie d’une Chute
posté par Professor Ludovico

Il aura fallu toute l’énergie du Professorino pour traîner le Professore jusqu’à Anatomie d’une Chute. Le film était d’ores et déjà plombé par une Palme des Alpes-Maritimes et les déclarations tonitruantes de Justine Triet sur la dictature Macroniste (on peut en dire des choses, mais plus intelligentes que celles-là !). Néanmoins, nous voilà à Bastille, devant la bête…

Existe-il meilleure position, en réalité, pour aller voir un film ? On a aucun désir, sinon faire plaisir à son fils. On est frais, on est prêt, on prépare ses punchlines. Le Professorino ne s’y trompe pas : sur le trajet, il sait qu’on réfléchit déjà au démontage en règle de la table basse Ikea de Mademoiselle Triet.  

Mais voilà, Anatomie d’une Chute, c’est une mécanique de haute précision : pas un gramme de graisse, un scénario au cordeau cosigné de Monsieur Triet (Arthur Harari, notre chouchou d’Onoda, 10 000 nuits dans la jungle). La mise en scène Trietienne est à l’avenant : millimétrée, avec une parfaite direction d‘acteur, passant du français à l’anglais – la langue du couple (tout sauf un détail, on le verra), mélangeant de façon inédite des numéros d’acteurs et des parties quasi documentaire lors du procès.  

Pour cela, il faut des acteurs exceptionnels, et ils sont là, à commencer par l’ « héroïne », absolument parfaite en allemande glaciale. Coupable, forcément coupable, Sandra (Sandra Hüller) a-t-elle tué son mari ? S’est-il au contraire jeté du balcon de son chalet savoyard ? Le spectateur navigue entre toutes ces versions, comme s’il assistait lui-même au procès.

Au milieu de tout cela, un avocat général pugnace et retors  (Antoine Reinartz), un avocat avec ses propres motivations (Swann Arlaud), un chien qui joue vachement bien, et un enfant, extraordinaire, (Milo Machado Graner), dont la coupe de cheveux évoque le Danny de Shining, et qui évidemment s’appelle Daniel…

À tout moment, on tremble : et si le film trébuchait ? Et si Triet sortait la grosse ficelle américaine du film de procès ? Ou se mettait à errer dans le film à thèse à la française ? Non, Justine Triet est implacable, inflexible, elle domine son sujet. Il n’y aura pas de rhétorique facile ou de rebondissement malvenu, ça n’arrivera pas, même dans la dernière ligne droite.

Miracle de Cannes, pour une fois, la Palme couronne un chef d’œuvre, un vrai.




vendredi 15 septembre 2023


Starfighter
posté par Professor Ludovico

Voilà une bonne incarnation du Théorème de Rabillon : la passion de l’aviation fait faire bien des bêtises au CineFaster. Par exemple, regarder Starfighter, un téléfilm merdique de 2015, disponible sur Prime Video. Oui, le F-104 Starfighter de chez Lockheed, le Cercueil Volant, le Faiseur de Veuves, l’avion maudit de la Luftwaffe*. On se rappelle qu’un article de Paris-Match, dans les années 70, avait profondément marqué le jeune CineFaster : le poids de mots, le choc des photos.

Comment résister à un film sur le sujet, avec des zolis navions qui font des loopings et allument la postcombustion ? Le CineFaster est faible, il regarde, même s’il a compris avec la VF et la réalisation France 3 Bade-Wurtemberg, que ça n’allait pas voler très haut. Un sous-Top Gun avec virilisme, love story macho et reconstitution de la RFA sixties. N’est pas Tony Scott qui veut. 

Là, on est plutôt dans le film à dossier façon Bildschirmordner**. Sic Wikipedia : « Le Spiegel salue l’exactitude du film, qui lui confère une qualité de documentaire. » Tout est dit : c’est chiant comme la mort mais il y a de zolis navions…

*Entre 1961 et 1989, 292 des 916 F-104 allemands s’écrasent, occasionnant la mort de 115 pilotes (Wikipedia)
**On vous laisse chercher sur Google Trad.




mardi 5 septembre 2023


Blonde
posté par Professor Ludovico

L’Art, et particulièrement le septième d’entre eux, est une affaire de prototype. Il y a des méthodes pour faire un film, mais jamais aucune recette pour faire un succès.

Blonde est l’incarnation absolue de ce principe. Le projet a tout ce qu’il faut : un sujet ambitieux et fédérateur (Marylin Monroe, star parmi les stars, à jamais au firmament), un roman à succès de Joyce Carol Oates, unanimement salué par des millions de lecteurs, un authentique génie du cinéma à la réalisation (Andrew Dominik, Monsieur L’Assassinat de Jesse James par le Lâche Robert Ford et Cogan: Killing Them Softly), un producteur plutôt doué (Brad Pitt), de très grand musiciens à la BO (Nick Cave et Warren Ellis), des acteurs talentueux (dont une Ana de Armas époustouflante). Le film n’est pas putassier, il est au contraire plutôt indie, mêlant les obsessions formelles de Dominik à une narration ambitieuse et littéraire.

Pourtant, Blonde ne décollera jamais. Andrew Dominik n’arrive jamais à nous intéresser – c’est un comble ! – au sort de Marilyn. Ses malheurs nous sont consciencieusement exposés : mère psychotique, père abandonneur, producteurs profiteurs, amants manipulateurs, mari cogneur ou distant… Ana de Armas pleure beaucoup, mais on s’en fiche ! Et ça, c’est le pire crime en matière de fiction. Si on ne s’intéresse pas au personnage, il est totalement impossible de s’intéresser au film. Pourquoi Dominik n’y arrive pas, le mystère reste entier.

Hollywood n’a pas de recettes, et c’est très bien comme ça.




jeudi 27 juillet 2023


Barbie
posté par Professor Ludovico

Critiquer l’objet cinématographique Barbie est une gageure. Le film est un OVNI insaisissable : à la fois blockbuster à gros budget et film indé du power couple Baumbach-Gerwig ; auto-promo Mattel contenant une autocritique très maline, film comique bourré de bonnes idées, mais intrigue d’une indigence rare… Ce Barbie ne ressemble à rien , à moins qu’il ne ressemble à tout.

L’intrigue sort de la photocopieuse Disney/Marvel/Pixar. En gros, il existe un Barbie World parallèle, où les Barbie ont le pouvoir (Barbie Présidente, Barbie Astronaute, Barbie Ouvrier de chantier…), et où les Ken sont de gentils faire-valoir. Tout va bien dans le meilleur des mondes, donc, jusqu’au moment où la Barbie Stéréotypée (c’est son nom, et c’est Margot Robbie) a des pensées morbides. La raison : un portail s’est ouvert vers le monde réel (Los Angeles, California) ; pour remettre les choses dans l’ordre, il faut retrouver la petite fille qui possède cette Barbie…

Car le monde réel est beaucoup moins drôle pour les femmes, les vraies. Il est beaucoup plus drôle pour les hommes, les vrais, comme va le constater avec ravissement Ken (Ryan Gosling).

Cette partie est assez drôle, notamment grâce à ses deux fabuleux acteurs, mais elle n’est pas très noire. Hollywood a tiré les leçons de Last Action Hero, qui proposait le même aller simple pour l’enfer à Schwarzy : la réalité faisait mal, physiquement. Ici, on est dans le divertissement pour fillettes : point trop de noir ne faut.

Le film devient alors assez vain, et caricatural : les macho Ken prennent le pouvoir à Barbie World, les Barbie s’unissent pour remettre le patriarcat à la poubelle, exonérant au passage le rôle de Barbie, la poupée, dans tout ce bouzin. C’est plaisant, plutôt drôle, sympathique, et on ne s’ennuie pas… La conclusion, elle, est très belle…

Mais on ne peut pas parler vraiment de chef-d’œuvre. Ou s’il y a chef-d’œuvre, c’est de publicité qu’il s’agit.




lundi 24 juillet 2023


King Kong vs Godzilla (Studios contre GAFAM)
posté par Professor Ludovico

C’est la polémique du moment : suite à la grève Hollywoodienne des scénaristes puis des acteurs, on voue aux gémonies Amazon, Netflix, Apple, etc. Il semble au Professore Ludovico (qui n’a rien à gagner dans l’affaire) qu’on confond deux problèmes.

Le premier, c’est l’avidité des studios, totalement avérée chez les GAFAM, mais qui n’est pas moindre chez Disney, HBO, où à la Warner. Et cela, de toute éternité. Si on ne les contraint pas, les studios ne font jamais évoluer les droits dérivés qui font vivre les différents artisans de l’Usine à Rêves… Il y a vingt ans, c’étaient les droits DVD qui enrichissaient télés et majors, et les artistes touchaient peanuts. Moralité, déjà une grève dévastatrice… Aujourd’hui, c’est le streaming, mais l’idée est la même.

Le deuxième problème serait de considérer ces GAFAM comme les destructeurs d’Hollywood, comme une récente interview de Mel Brooks, consterné de voir Prime Video occuper aujourd’hui les anciens studios de David O’ Selznick, Monsieur Autant en Emporte le Vent.

Pourtant c’est le contraire : les Netflix, Apple, Prime injectent non seulement des milliards de dollars dans la production, mais les résultats sont à la hauteur . Les séries originales (Stranger Things, Severance, For all Mankind, Bonding, The Boys, Too old to Die Young, Arcane…), les documentaires (Tiger King, Wild Wild Country, Fran Lebowitz (pretend it’s a city), Drive to Survive…) sont tous d’excellents produits télévisuels.

Seuls les films sont restés un peu en dedans (en donnant carte blanche à des films qui ne le méritaient pas (Mank, The Irishman, Athena…)), mais produisant aussi des réussites impossibles en salle (The King, The Vast of Night, Prospect…)

Les GAFAM, comme la télévision en son temps, puis le magnétoscope ou le DVD, sont en train de révolutionner le cinéma et de bousculer les studios. Qui survivront, ou pas. Mais le cinéma, lui, restera.

Time waits for no one.




jeudi 20 juillet 2023


Oppenheimer
posté par Professor Ludovico

Il a suffi d’un petit quart d’heure pour que le Professorino retourne le paternel comme une crêpe. Pourtant, en sortant de l’Opus Magnus de Christopher Nolan, le Ludovico avait un mal de crâne épouvantable. Trois heures de violon albanbergien avait eu raison de son ouïe, et de son cortex cinephilo-spinal.

Mais bon sang ne saurait mentir… Formé dans les meilleures écoles (Eric Taylor Elementary School à Dillon, Texas, Master en Social Network à Harvard, pour finir à la James McNulty University de Baltimore), le garçon a des lettres.

Lui était sorti enchanté du cours de physique nucléaire de Monsieur Nolan, et tenait à peu près ce langage : on ne peut pas reprocher tout et son contraire au réalisateur du Prestige. Pour une fois, il tient son sujet. Nolan a un point de vue clair sur Oppenheimer, l’homme, son génie, ses ambigüités. Pas de gloubi-boulga capitalo-marxiste façon Dark Knight Rises. Pas d’intrigue incompréhensible façon Tenet. Pas de cours nébuleux d’astrophysique façon Interstellar.

Pourtant Oppenheimer, ça commence mal : deux heures de docudrama sur la jeunesse du grand homme, ses recherches, ses amours, ses convictions changeantes, et le passionnant problème de la construction de bâtiments au cœur du Nouveau Mexique. Ce pourrait être Secrets d’Histoire, avec Stephane « Nolan » Bern.  La pédagogie est réussie (particules, fission, fusion, etc., mais on a perdu Nolan le cinéaste. Champ / contrechamp, musique insupportable (et permanente), le cinéaste esthète ne reprend jamais son souffle (ni le nôtre). Il ne s’arrête jamais pour contempler la beauté du monde, lui qui sait si bien le faire. Les quelques images d’électrons, de trous noirs en création, de neutrons en collision durent une microseconde, alors qu’on nous inflige le visage émacié de Cillian Murphy

Mais la troisième heure vient sauver tout ça. La bombe a explosé, et Nolan a le bon goût de ne pas s’extasier devant le nuage radioactif. Au contraire, le film commence. Oppenheimer a des doutes. Oppenheimer comprend (dans une très belle scène de discours) qu’il vient de donner aux hommes l’arme ultime. Il voit les dégâts infligés aux habitants d’Hiroshima (là aussi, Nolan a le bon goût de ne pas les montrer). Il exprime ses doutes et devient un personnage dangereux, qui voudrait éviter la course aux armements. Potentiellement, Oppenheimer devient un traitre.

Commence alors un film de procès, spécialité américaine, mais où le talent, la vivacité Nolanienne, excellent. Porté comme à son habitude par des acteurs exceptionnels, même dans de tout petits rôles (Gary Oldman en Truman), Oppenheimer – le film révèle enfin ses enjeux : le génie qui a sauvé l’Amérique va-t-il être voué aux gémonies ? Son mentor, Lewis Strauss, va-t-il connaitre le même destin ? Enfin, on a peur pour nos personnages, enfin on sort du docu-biopic…  Pour une fois, le propos est d’une rare clarté, tout en laissant son personnage principal dans ses zones d’ombres…  

Oppenheimer, le film, ne lève pas le voile sur Oppenheimer l’homme, et c’est tant mieux comme ça…




lundi 17 juillet 2023


Indiana Jones et le Cadran de la Destinée
posté par Professor Ludovico

Dans les années 60, nos parents allaient voir John Wayne, le héros de leur jeunesse, dans Les Bérets Verts, une rodomontade patriotique sur la guerre du Vietnam. Ils allaient voir un très mauvais film, pour le simple plaisir de retrouver l’âge d’or de Rio Bravo ou de la Prisonnière du Désert.  

Aujourd’hui nous allons voir Harrison Ford, le héros de notre jeunesse, dans la cinquième itération d’Indiana Jones.

Nous sommes devenus nos parents.

Le film de James Mangold laisse en effet une drôle d’impression. C’est à la fois un film extrêmement maîtrisé et réussi, et en même temps, une extorsion marketing de la nostalgie. Un adieu sincère à la saga et un copier-coller honteux, sous forme de best of de ses meilleurs moments. S’il y a un film de fan service, c’est bien Indiana Jones et le Cadran de la Destinée. Chapeau, fouet, nazis, objet sacré, antiquité, sidekick féminin pointu : tout est dans Indiana Jones 5, et inversement.

Pourquoi aller voir ce Cadran de la Destinée, alors ? Pour revoir des poursuites, de l’action, un baiser sur un coude ? Bref, de la pure nostalgie. Pour pleure sur notre jeunesse enfuie. Est-ce une bonne raison ? Sûrement pas. Mais cette nostalgie est bien faite, et propose un contre-feu intéressant : l’adieu (semble-t-il définitif) à la saga… Cette partie-là est particulièrement réussie… Si elle n’ose pas aller jusqu’au bout de ses idées, et conclure par une fin particulièrement mélodramatique, européenne, elle propose un happy ending plus conventionnel, plus américain, mais émouvant quand même.

Comme évoqué au début de cette chronique, notre John Wayne à nous, c’est Harrison Ford, notre Han Solo, notre Rick Deckard, notre Indiana Jones. Justement, la technologie offre deux Harrison Ford pour le prix d’un : le jeune Doctor Jones, (merci la CGI), et le vieux, largué dans une époque qui n’est pas faite pour lui. Double effet d’identification pour le spectateur…

Mais la CGI, c’est justement ce qui pose problème. Comme nous l’avions intuité depuis longtemps, les trucages numériques tuent la magie primitive du cinéma. Nous savons que Harrison Ford ne fait plus ses cascades, qu’il surfe sur un fond vert, qu’il ne va tomber nulle part… Nous n’avons plus peur pour lui, ni pour personne d’ailleurs. Nous ne sommes plus impressionnés par cette pyrotechnie qui faisait le charme du cinéma. Rien ne nous émerveille, puisque l’ordinateur peut tout faire*.

Il est d’ailleurs très intéressant d’observer la promotion de deux autres films à l’affiche : Oppenheimer et Mission Impossible 7. Nolan a bâti de longue date sa promo sur le fait qu’il filme toujours sur de la pellicule traditionnelle (et donc pas en numérique) et qu’il n’utilise pas de CGI**. Tom Cruise fait de même, en montrant son making of AVANT de montrer son film. Instagram est inondé de vidéos décryptant son saut en moto-parachute, ou sur la VERITABLE loco qu’on a détruite, etc. Comment mieux dire que ces films souhaitent renouer avec l’antique magie du cinéma, contrairement aux Marvel, contrairement à Indiana Jones ?

*Ce qui est techniquement faux : beaucoup de cascades, d’effets spéciaux sont tournées puis retouchées. Mais comme pour beaucoup de choses, c’est la perception qui compte…

** Il a déjà crashé un véritable avion pour Tenet, fera-t-il sauter une bombe atomique pour Oppenheimer ?




vendredi 14 juillet 2023


Devotion
posté par Professor Ludovico

Le Théorème de Rabillon nous fait faire bien des bêtises. Après USS Greyhound, on a envie de voir des F4U-Corsair. Oui, l’avion rigolo de Papy Boyington, avec des jolies ailes en W et un beau ronronnement au niveau du moteur. C’est pour le Corsair que le Ludovico se cogne 2h19 de Devotion, un film de 90 millions de dollars entièrement à la dévotion de l’armée américaine, son courage imputrescible contre le communisme, et au passage, quelques idées philosophiques fortes, comme quoi l’amitié et la famille, c’est vachement important.

En fait, Devotion confirme qu’Hollywood est retourné, Back to the Future, aux années 50. Les DC-Marvel à la place des péplums (mêmes slips), les westerns remplacés par la Fantasy (les orcs font de très bons indiens, on peine à voir la différence), et Devotion en bonne itération de l’excellent (!) Diables de Guadalcanal, avec John Wayne. On reviendra d’ailleurs sur le sujet John Wayne très prochainement…

Devotion est évidemment basé sur une histoire vraie, celle du premier aviateur naval afro-américain (Jesse L. Brown, joué à la 12,7 par Jonathan Majors) dont on raconte le combat pour exister au milieu des centaines de pilotes blancs, son amitié inaltérable avec son ailier Tom Hudner (Glen Powell), les bagarres-avec-les-fantassins-en-perm, la-Guerre-de-Corée-où-il-fait-super-froid-dis-donc, etc., etc. Le tout à grands coups de clichés, légers comme de la DCA coréenne.

Rien de manque à ce war movie, y compris le petit message final : les deux familles sont restées très amies depuis la guerre…

Seul point positif, les combats aériens, formidablement filmés : on a rarement vu aussi bien.

Et pis y’a plein de Corsairs. Et c’est beau, un Corsair !




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