[ Le Professor a toujours quelque chose à dire… ]

Le Professor vous apprend des choses utiles que vous ne connaissez pas sur le cinéma



samedi 25 avril 2009


Le théorème de l’extension
posté par Professor Ludovico

Les BD Y : Last man on Earth etWalking Dead, subissent, comme l’éternelle loi des séries, l’usure due à l’allongement déraisonnable des saisons et des épisodes.

Partant de concept très forts (le dernier homme sur terre, les USA envahi par les zombies), ils sont condamnés (c’est la loi numéro un de la dramaturgie) à faire toujours plus, plus haut, plus loin, plus fort.

C’est ce qui guette Lost, c’est ce qui a tué Alias ou les X-Files, et, dans une moindre mesure, explique les coups de mous de Six Feet Under ou des Sopranos.

La raison est simple : ce qui gouverne la production US, c’est évidemment l’argent, pas l’art. Ce qui est positif ailleurs (des films bien faits, bien écrits), fait le malheur des séries, en les usant jusqu’à la corde.

Au départ, le créateur vend un concept : « Nice chick kicks ass » (Alias), mais ce concept doit à tout prix être le plus ouvert possible : si ça marche, on doit pouvoir délayer la sauce autant que faire se peut. D’où les monstruosités scénaristiques désolantes que le spectateur – qui, lui, a toujours foi à 100% dans le concept – doit subir, parfois dès la deuxième saison. Les extraterrestres dans Twin Peaks, le virage « clean » de Nate dans Six Feet Under, le complot dans le complot du complot (Alias, X-Files, bientôt Lost)… C’est la que les séries « sautent le requin »*

C’est dommage, mais c’est aussi la limite du cinéma US : pour quelques auteurs qui arrivent à maîtriser leurs œuvres (Seinfeld, David Chase des Sopranos, David Simon et Ed Burns de The Wire), le reste doit se plier aux contraintes du business…

*un petit mot pour dire que l’excellent site Jumptheshark n’est plus, gobé par TVguide, le Télé 7 jours US. Pourquoi, on ne sait…




mercredi 8 avril 2009


Oba(morganfreeman)mania
posté par Professor Ludovico

Les fans de 24 me gonflent, surtout lorsque je les asticote sur le républicanisme réac de leur série culte, alors qu’ils pretendent voter à gauche depuis 1936. Il m’opposent alors le seul argument progressiste de la série : « Ouais, y’a de la torture dans 24, mais c’est la première série où le président il est noir… »

Eh ben non : dans Deep Impact, le Prez il est noir, même que c’est Morgan « fucking » Freeman.

Et toc.




samedi 4 avril 2009


Des conditions idéales pour voir un film
posté par Professor Ludovico

Après « Pourquoi Aller au Cinéma », CineFast explore pour vous le « Comment ».

Car le cinéma, c’est, comme la messe, avant tout un rituel. Les horaires par exemple : pour ma part, je ne vais au cinéma qu’à 9h ou 22h. Quand j’y suis obligé, y aller à des heures normales est un vrai supplice : faire la queue ? Être assis à côté de quelqu’un ? Entendre le bruit du pop-corn ? No way !

Donc, voici les 6 commandements du parfait CineFaster

1) Silence
Se taire pendant le film, c’est une évidence, mais ce n’est pas toujours le cas. Rien de pire que le gars qui téléphone à ses copains pendant le film (vu), ou le papy qui raconte Barry Lyndon pendant tout le film (vu aussi)

2) Baisser la tête
Les gens grandissent, ou quoi ? Y’ a toujours un hurluberlu qui s’assoit devant vous, ou qui a adopté une coupe Sengoku. Très important de baisser la tête, et de s’installer bien confortablement au fond du fauteuil…

3) Être au milieu
C’est une évidence : il faut être installé dans l’axe, pour éviter les déformations latérales de l’écran, et de bénéficier au mieux de la stéréo. Il est important d’être pas trop loin de l’écran, pour que tout votre espace visuel soit absorbé. Pas trop près, quand même : si il y a une école « Collé à l’écran », je n’en fais pas partie…

4) Voir les bandes-annonces
Indispensable. Et on ne parle pas pendant les bandes-annonces… C’est ça qu’on va aller voir dans les semaines qui suivent… Alors, un peu de professionnalisme, SVP !

6) Regarder le film jusqu’au bout
Ca aussi, c’est le professionnalisme cinefasteur : on ne peut pas juger un film dont on n’a pas vu le début et/ou la fin. Sans parler de lire le générique, notre base de travail, ou encore les petites séquences postérieures…




samedi 4 avril 2009


Brand recognition (Prédictions)
posté par Professor Ludovico

Au cinéma, c’est comme partout, y’a des marques. Celles qui donnent envie d’acheter tout de suite (Star Trek, Spielberg, Michael Bay), et celles qui font fuir illico : Nick Cage en prophète de l’Apocalypse par exemple. Etrange destin pour ce jeune comédien prometteur, qui de Birdy et de Sailor et Lula, passa – après une impressionnante séquence de muscu – à l’excellent Kiss of Death (de Barbet Schroeder), et s’y découvrit instantanément une vocation de star High Concept.*

Depuis notre Nicolas promène donc sa carcasse. Dans des nanars improbables, où, en général, il prédit l’avenir, équipée d’une prothèse capillaire tout aussi improbable : (Next et aujourd’hui Prédictions)

Ce qui fait qu’on a finit part s’en rendre compte, et donc, brand recognition oblige, ne plus y aller…

* rappelons que le scénario d’un film High Concept a pour vocation de tenir sur le dos d’une boite d’allumettes, selon la formule de Don Simpson)




samedi 28 mars 2009


Y : à quand la série ?
posté par Professor Ludovico

Le Professore s’est mis à la BD, et lit en ce moment deux petits bijoux : Walking Dead et Y : Last Man on Earth.

Si on s’attarde sur la dernière, on se demande combien de temps Hollywood va mettre à l’adapter en série TV, car elle en a déjà la forme.

Le pitch : Y, Yorick, est un jeune homme sympathique, d’autant plus sympathique qu’il est devenu… Le Dernier Homme sur Terre, suite à une mystérieuse catastrophe qui a tué tous les individus mâles, animaux compris. Suit un road movie à travers les USA pour que Yorick retrouve sa petite amie : authentique ! Yorick a 3 milliards de femmes à sa disposition, (et osons le dire, 3 milliards un peu en manque !), et notre héros ne veut voir que sa petite amie !!!

Disons-le tout de suite, c’est la le coup de génie de Y, qui joue sur un principe dramaturgique connu : le public sait ce qui est bien pour le héros (ici, profiter un peu de la situation), mais le héros, lui, ne le sait pas.

Étonné au départ par le manque de sexe de Y, dans un contexte qui devrait en déborder, on comprend ensuite que le comic est basé sur un concept bien connu des fans des X-Files : la TSI, Tension Sexuelle Irrésolue : Mulder et Scully ne font jamais crac-crac, mais le public ne pense qu’à ça pendant neuf ans.

Y joue sur la même idée. Tous les fantasmes masculins y passent, sans montrer un seul bout de fesse : la petite prof chinoise à lunettes, la mère de famille gironde, l’agente secrète black (avec menottes), la skinhead garagiste à forte poitrine, la milicienne bottée, tout y passe. Yorick ne fait rien, mais nous !!!

L’autre intérêt de Y : Last Man on Earth, c’est les questions qu’il pose sur la place des femmes dans notre société, et on voit bien que c’est ce qui a intéressé le scénariste Brian K. Vaughan ; comment fonctionnerait un monde sans homme ? Un monde où tous les pilotes de ligne sont morts d’un coup ? Un monde où le Sénat Américain est devenue soudain démocrate (très peu de Senatrices républicaines !) Un monde où l’Armée Israélienne est la plus forte du monde ?

Comme c’est très bien amené et présenté de manière humoristique, on marche à fond.

Ca ferait évidemment une série géniale, à la Lost, dont Y emprunte évidemment les astuces : cliffhanger à chaque épisode, personnages multiples aux destins croisés, intrigues secondaires, et intrigue générale à tiroirs…

A quand la série, donc ?




vendredi 27 mars 2009


Archives Kubrick
posté par Professor Ludovico

C’est une histoire assez drôle, et en même temps, terriblement Kubrickienne. En 1996, un jeune documentaliste anglais, Jon Ronson, est approché par un mystérieux interlocuteur, intéressé par ses photos prises dans les camps de concentration. Devant l’insistance du documentaliste, on finit par lui dire qui est son mystérieux commanditaire : Stanley Kubrick. Immédiatement, il souhaite rencontrer le génie. Refus, évidemment.

Kubrick travaille alors sur l’adaptation de Wartime Lies, un film sur l’holocauste. Vexé par le succès de La Liste de Schindler, comme l’a brillamment raconté Frederic Raphael*, Kubrick passera à autre chose : Eyes Wide Shut, et il mourra.

Quelques années plus tard, nouveau coup de fil à Jon Ronson : « Toujours intéressé par visiter la maison Kubrick ? »

Évidemment, oui.

Et l’un des adjoints de Stanley de faire visiter les archives Kubrick, dans sa propriété d’Hertfordshire : la maison, depuis 30 ans, est emplie de boîtes de rangement, et ça déborde : on a utilisé toutes les écuries, et on a même construit des Algeco. Car Kubrick archive tout : scénarios, mémos, note de lectures, encarts publicitaires, lettres de fans, lettres d’insultes…

Maniaquerie, comme le veut une légende tenace ? Plutôt une méthode, hallucinante, pour organiser le chaos. Un exemple, parmi d’autres. Un type de Kingman, Arizona envoie une lettre d’insultes à la sortie de 2001 : il n’a pas aimé le film, et le fait savoir. Pourquoi garder ce courrier, vingt ans plus tard ? Ce type, on le contactera en 1987, à la sortie de Full Metal Jacket, pour vérifier la copie qui passe au cinéma de Kingman.

Toute sa carrière, Kubrick a travaillé ainsi : avec un réseau de correspondants, parfois bénévoles. Lecteurs, documentalistes, superviseurs de diffusion TV, de doublage, de pages de pub. Partout dans le monde se trouvaient des collaborateurs à la constitution de l’œuvre Kubrickienne : un type pour trouver des brosses à dent XVIII° siècle, un type pour doubler en français Shining (Michel Deville), un gendre pour repérer des pas de porte pour Eyes Wide Shut, un collègue américain qui s’aperçoit que Dr Folamour a été amputé de 10mn par une télé, etc. Ce peut sembler délirant, mais c’est le pilier de l’œuvre de Kubrick.

La perfection, tout simplement.

Pour quelqu’un qui n’a fait que 12 films en quarante ans, il fallait bien faire œuvre absolue. D’abord dans le choix des sujets, le casting, la préproduction : trouver les bons sujets (des centaines de lecteurs envoient des fiches de lecture), les bons extérieurs (le véritable Overlook Hotel, l’usine anglaise transformé en capitale vietnamienne). Ensuite, perfection du tournage (15 prises) ; enfin perfection de la vie du film, après. Et c’est peut être là que Kubrick est le plus étonnant. Là où finalement les autres abandonnaient leurs films aux exploitants (salles, TV, DVD), Stanley Kubrick s’est toujours préoccupé de la vie de ses films, de la qualité, et de l’intégrité de leur projection. Faire repeindre une salle à New York parce que les murs sont brillants, interdire une diffusion de Folamour parce que le film est coupé, renégocier en Australie les tarifs publicitaires parce que l’on s’est fait escroquer de quelques millimètres… C’est ça le système Kubrick, et qui fait que son œuvre est diffusée telle quelle, sans altération, et que c’est toujours le cas aujourd’hui. Ca n’a l’air de rien, mais c’est rarissime dans le domaine artistique, et encore plus dans le cinéma. Si Kubrick est vénéré par ses collègues, c’est parce qu’il a tracé une voie unique : Spielberg, Lucas, Cameron ont depuis suivi cette méthode avec succès.

Tout l’intérêt du documentaire, Stanley Kubrick Boxes (Stanley Kubrick – Archives d’une Vie) qui passe en ce moment sur TCM, c’est de montrer, au travers l’étendue des archives, un bout du cerveau du génie.

Et qui dit génie, dit aussi folie, thème Kubrickien par excellence. L’alignement de tous ces cartons, tous semblables (avec un prototype de carton conçu par Kubrick lui-même !), ne peut manquer de faire penser aux si nombreuses images de la folie dont Kubrick a parsemé ses films : le labyrinthe de Shining, les mémoires défaillantes de HAL dans 2001, l’application rigide des consignes dans Folamour

D’où la question fondamentale que pose tout Kubrickophile, et Michel Ciment le premier** : Kubrick était-il fou ? Ou a-t-il fait du cinéma pour éviter de le devenir ?

Merci à Alexandra, qui m’a conseillé ce documentaire. Il était -inexplicablement- passé sous mon K-Radar.

Stanley Kubrick Boxes, un documentaire de Jon Ronson sur TCM
Lundi 30 Mars 2009 – 14:40
Jeudi 9 Avril 2009 – 04:20
Dimanche 12 Avril 2009 – 05:44

* Frederic Raphael : Deux ans avec Kubrick, chez Plon . Dans cet excellent livre, qui raconte la gestation d’Eyes Wide Shut, le scénariste revient sur l’anecdote suivante : Kubrick, trop lent, s’est fait grillé par Spielberg (un ami) sur l’Holocauste. Après le succès phénoménal de La Liste de Schindler, Stanley Kubrick savait que tout autre film serait jugé à l’aune du Spielberg.

Un jour, n’y tenant plus, Kubrick lance le sujet, sournoisement.

– Vous l’avez vu, La Liste de Schindler ?
– Oui, Stanley.
– Et vous en pensez quoi ?
– C’est Hollywoodien, mais c’est pas mal pour un film sur l’Holocauste…
– un film sur l’Holocauste ? Vous trouvez que c’est un film sur l’Holocauste ?
– Ben oui, fait Frederic Raphael, décontenancé. Pour vous, ce n’est pas un film sur l’Holocauste… ???
– Un film sur l’Holocauste avec une happy end ? C’est plutôt un film sur le succès, non ?

** auteur de la bible sur le sujet : Kubrick, chez Calmann-Levy




mardi 24 mars 2009


Qu’est-ce qui fait courir un CineFaster ?
posté par Professor Ludovico

Eh oui, question toute bête, pourquoi aller au cinéma ? Pourquoi sortir dans le froid, perdre sa soirée, se réfugier dans le silence, pour subir – parfois – le manque de talent, de courage, de créativité de nos amis d’Hollywood !?

L’objet de cette chronique n’est pas tant de lister les bonnes raisons d’aller au cinéma (« Mourir, rêver, revenir… », disait David Lynch), mais plutôt ce qui nous meut : le déclic qui fait lever de son canapé coûteux, (d’où nous regardions d’un œil torve, mais pourtant satisfait, l’OM humilier le PSG au Parc).

D’abord, et sûrement prioritairement bien qu’inconsciemment, le snobisme. Voir le film avant les autres, la masse, le type qui ne va que trois fois au cinéma par an ! Avec des conséquences dommageables : qui veut voir Slumdog Milllionnaire, maintenant que tout le monde l’a vu et expliqué que c’était bien !?? Pourquoi aller voir un film et dire que c’est bien si c’est le cas, ou aller s’ennuyer voir un film, quand on sait déjà qu’il est nul ?

Ensuite, la collec’. Les cinéphiles sont les pires maniaco-dépressifs, qui ne collectionnent que du vent : des souvenirs, des répliques, une image, un plan, une musique… « What dreams are made of… », pour reprendre la belle image du Faucon Maltais. Un cinéphile se fait donc un malin plaisir de voir tout ce que sort l’objet de son obsession : de voir tout Kubrick (facile : 12 films, et sans versions « remastered director’s cut » !), à tout Chabrol (beaucoup plus dur : 71 films, et pas que du lourd).

Et on peut varier infiniment sur ce thème : comment rater un Star Trek si on a vu les dix premiers ? Quelle excuse trouver pour n’avoir pas vu L’Ouragan vient de Navarronne, la kitchissime pseudo-suite (avec Harrison Ford !!) des Canons ? Sans parler de Mallrats, le seul Kevin Smith (Méprise Multiple, Clerks, Dogma) inédit en France ? Et comment éviter K-19, The Widowmaker, le dernier film de sous-marin en date ?

Non vraiment, vous n’avez pas d’excuses…

Il y a, enfin, l’amitié. La cinéphilie est une course de relais : même si j’adore aller seul au cinéma, l’effet d’entraînement en solitaire est d’autant plus faible que le coefficient soirée PSG-OM est plus fort. Mais quand on a une (ou plusieurs) âmes soeur(s), c’est moins dur. « Qu’est-ce que on va voir demain ? » « Slumdog ? » « Na. D’jà vu ! » « Et alors ? » « Comment dire ? » « Ouais trop naze, j’m’en doutais, babe ! Bon alors, on va voir quoi ? Destination finale 3 ? »




dimanche 1 mars 2009


Dany ne Boone plus
posté par Professor Ludovico

Bon finalement, le dany s’est dégonflé. Devant d’amicales pressions, il s’est rendu à la soirée potache de George Cravenne, pour autocélébrer – comme les autres – le cinéma français avec cet humour lourdingue qui fait le succès de cette soirée.

Dommage, cette rébellion-là était intéressante.




dimanche 1 mars 2009


Titanic, deux leçons de cinéma pour le prix d’un blockbuster
posté par Professor Ludovico

Incoulable Titanic ! 0h20, la semaine dernière, il reste dix minutes au chef d’œuvre de James Cameron. Malgré tout, on regarde la fin, qui contient sûrement l’une des plus belles du cinéma.

Un canot de sauvetage file lentement dans la nuit étoilée de l’Atlantique. On dirait un tableau. L’Officier, superbement joué par Ioan « Captain Fantastic » Gruffudd, cherche désespérément des survivants.

Autre tableau : Rose Dawson, Ophélie moderne, gît glacée sur son lit de bois, serrant la main de Jack : il est mort et elle ne le sait pas.

Ce qui est très fort à ce stade du film, c’est que Cameron arrive à nous faire croire que Rose est en danger de mort, alors que c’est elle qui nous raconte a tragédie, 90 ans plus tard, à bord du Keldysh.

Comment s’y prend-il ? En dilatant le temps à l’extrême, en retardant le climax, moment où le spectateur soulagé va assister au sauvetage de Rose.

Du grand art, en vérité : d’abord un simple reflet de lampe-torche sur le visage de Rose. Mais elle ne réagit pas, engourdie par le froid. Puis son regard accroche la lumière ; elle comprend, tente de réveiller Jack, et perd des secondes interminables : « Jack !? Jack !? Jack !!! » Petite subtilité qui fait la différence, Rose ne hurle pas, elle chuchote. Signifiant qu’elle est quasi-mourante, gelée, enrouée… Son destin semble ne tenir qu’à un fil. Mais réalisant finalement son serment (ne pas mourir ici, comme ça), elle abandonne Jack dans un dernier baiser. Se rue sur le cadavre le plus proche, s’empare du sifflet et maladroitement (le maladroitement est aussi très important), siffle de toutes ses forces. Elle est sauvée, d’ailleurs Cameron ne s’ennuie pas à filmer le sauvetage lui-même.

Les cinq dernières minutes serviront à boucler tous les arcs dramatiques : Rose ne reverra jamais sa mère, son fiancé se suicidera en 1929, le Cœur de l’Océan ne sera jamais retrouvé, etc.

Mais surtout, dans ces cinq dernières minutes, Cameron part avec la caisse. Au début du film, il avait fait en quelque sorte un pari avec le spectateur : « Vous êtes venu voir un film catastrophe ? Et bien moi, je vais vous raconter une histoire d’amour, et je vous parie que vous allez pleurer comme des madeleines à la fin ! »

Pour cela, Cameron va mettre en place un dispositif très malin, pour faire basculer le spectateur de son côté. Pendant les vingt premières minutes, Titanic-le-film s’attache aux aspects les plus prosaïques, pour ne pas dire vulgaires de la mythologie Titanic : chasse au trésor, pilleurs d’épaves, naufrage, catastrophe, etc. Ces éléments installent le spectateur dans un registre connu : le film d’aventure, le film catastrophe, le blockbuster racoleur…

Comment ? D’abord, en décrédibilisant la narratrice : « vieille dame », »fofolle amnésique », « actrice ». Ensuite, en tuant tout suspense. Et pour cela, il utilise deux outils tout aussi vulgaires : l’ingénieur nerd, l’image de synthèse cheap. Lors d’une réplique mémorable, l’ingénieur Bodine (gros barbu à lunettes, T-Shirt Watchmen) explique crûment à la vieille Rose comment s’est déroulé le naufrage, mais surtout, il déflore le sujet en parlant en fait au spectateur : voilà ce que vous, au fond de votre siège, vous allez voir dans les 120 prochianes minutes : « She hits the berg on the starboard side, right? (…) finally she’s got her whole ass sticking up in the air – And that’s a big ass, we’re talking 20-30,000 tons. Okay? (…) The bow section planes away, landing about half a mile away going about 20-30 knots when it hits the ocean floor. « BOOM, PLCCCCCGGG! »… Pretty cool huh? ». Côté image, c’est aussi cheap : des images de synthèse, mais pourries.

Avec cette scène, il a déjà désamorcé le suspens, mais surtout, il a démonté l’aspect sensationnaliste inhérent à ce genre de film. Le film catastrophe, c’est cheap !

Mais maintenant, il faut que le film bascule : il faut inverser la vapeur, passer au film romantique, à l’histoire d’amour, à la tragédie. Rejoindre le vrai projet du film : pas un film catastrophe, mais bien un drame humain. Cameron va alors réutiliser la vieille dame, mais sur un brusque changement de pied : « Thank you for that fine forensic analysis, Mr. Bodine. Of course, the experience of it was… somewhat different. ».

Tout est dit : la vieille folle est devenue une narratrice crédible*. Le film catastrophe est une histoire humaine. L’épave qui vient de couler en 3D est « the Ship of Dreams ».

L’Histoire peut commencer.

*Tant et si bien qu’à la fin, le film aura changé de héros, passant de l’explorateur (Bill Paxton) à Rose (Kate Winslet – Gloria Stuart)




dimanche 15 février 2009


Vive Danny Boon !
posté par Professor Ludovico

Bon, j’ai très peu de considération pour Bienvenue chez les Ch’tis, et encore moins pour les Césars. C’est pourquoi je soutiens chaleureusement le boycott de ladite cérémonie par le comique, et également son idée d’un César de la comédie.
Ce qui éviterait la surreprésentation des drames et autres « performances d’acteurs » qui empoisonnent ce genre de remise de décorations : Darling, My Left Foot, Le Scaphandre et le Papillon, etc. Jouez un aveugle, un estropié, un schizophrène profond, un cowboy pédé, et c’est l’Oscar/César/Ours berlinois/Palme maritime garantie. Et quoi qu’on en dise, la plupart de nos comédiens ne rechignent pas devant les récompenses, et décorations. C’est ainsi que Robert Evans convainquit Mia Farrow de dire non à Sinatra et oui à Polanski (décision risquée, vu les petits amis du rital) : « Si tu finis Rosemary’s Baby, je te garantis l’Oscar ! »

Si les Oscars ne valent pas mieux que les Césars, ils ont au moins le mérite (ils sont américains, après tout !) d’être plus près des goûts du public. Et s’ils encensent My Left Foot ou Brokeback Mountain, il couronnent aussi systématiquement les gros succès publics (Autant en Emporte le Vent, Titanic).
Mais, comme les Césars, pas les comédies…

Genre maudit depuis toujours, faire rire n’est pas noble. Au panthéon des comédiens, pas d’humoriste, pas d’imitateur, pas d’acteur comique, mais uniquement des tragédiens. Pire : quand ces derniers s’aventurent dans la comédie, c’est instantanément salué (Deneuve, de Niro…), mais quand les comiques attaquent l’Everest de la Tragédie, ils sont attendus au tournant (Jim Carrey, Coluche).

Sociologiquement parlant, il faut comprendre que le jury des Césars (3500 votants) est composé essentiellement de professionnels du cinéma, en majorité âgés. C’est eux qui nominent les films, et ensuite votent pour ces films.

C’est pourquoi, évidemment, ils dédaignent Le Grand Bleu (un film qu’ils ne sont probablement même pas allés voir à l’époque) ou, aujourd’hui, Bienvenue Chez les Ch’tis, Mesrine, « films de jeunes », réalisés par la nouvelle génération de cinéastes français, qui n’ont pas les appuis qu’il faudrait pour susciter un maximum de votes.

Donc oui à un César de la meilleure comédie, mais pas pour Bienvenue chez les Ch’tis ! Cette année, je donnerais plutôt la statuette à Un Conte de Noël, où j’ai bien ri, ou mieux encore, à Burn After Reading




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