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Commentaires et/ou Conseils d’achat de DVD – Peut dégénérer en étude de fond d’un auteur



mardi 27 septembre 2016


Brigadoon
posté par Professor Ludovico

Gene Kelly. Cyd Charisse. Vincente Minnelli. Le gratin de la comédie musicale, à son âge d’or, 1954, deux ans après Chantons sous la Pluie, avec à peu près les mêmes (Stanley Donen et Gene Kelly aux manettes.)

Minnelli, c’est quand même Un Américain à paris, Tous en Scène !, Quinze Jours Ailleurs ou Gigi. Et bien ça ne suffit pas à nous emporter dans Brigadoon, un conte fantastique cucul la praline où Gene Kelly, parti à la chasse dans les highlands, découvre en même temps le village très endormi de Brigadoon et les jambes très éveillées de Cyd Charisse. Heureusement qu’elles les a, ces jambes, pendant une séquence dansée de cueillette de bruyère (sic) parce qu’à part ça, le pont de pierre joue de façon plus expressive.

Suite à une ancienne promesse, Brigadoon dort dans les brumes du temps et se réveille une fois par siècle ; pas de bol, c’est le jour où on a enregistré le Cinéma de Minuit. Puis le village se rendort, sauf si quelqu’un de très amoureux – suivez mon regard – cherche éperdument – suivez mon regard – son amour perdu.

Les chansons sont nulles, les ballets, de parfait mauvais goût, et les Ecossais sont laids.

Comme disait un ami, un gentleman, c’est quelqu’un qui sait jouer de la cornemuse et qui n’en joue pas.

Vincente Minnelli n’est pas un gentleman.




jeudi 15 septembre 2016


The Program
posté par Professor Ludovico

Pour avoir longtemps fréquenté le Tour de France de près – notamment pendant l’Age d’Or de Lance Armstrong -, pour tout simplement l’avoir regardé depuis ma plus tendre enfance, j’ai eu envie de regarder The Program.

Le film de Stephen Frears n’est pas si encourageant que ça ; on sait la difficulté d’aborder le sport au cinéma. Mais voilà, c’est l’été, pas de foot à la télé, et une indolence qui empêche, ou plutôt qui encourage, à regarder n’importe quoi. Donc The Program.

Et bien The Program, c’est pas mal du tout. Hormis la reconstitution cycliste assez faible (peu de moyens), mais ce n’est pas vraiment le sujet du film. On est plutôt à mi-chemin du film à thèse et du biopic. Les Hommes du Président meet Ali.

Première bonne idée : un point de vue, en la personne du journaliste David Walsh, auteur du livre LA Confidential et du scénario. On regarde Lance par ses yeux ; d’abord admiratif, puis suspicieux, avant d’être carrément excédé par le personnage. Reflet exact de ce qui est arrivé dans la réalité.

Deuxième bonne idée, c’est de faire non pas un personnage, mais deux. Le tricheur, Lance Armstrong, et le traitre, Floyd Landis. Tous deux également travaillés, ambigus, passionnants. La tragédie humaine d’un homme sorti du cancer qui veut tout gagner, contre la mort. Et celle tout aussi touchante, du petit amish qui ne peut plus continuer à mentir, d’autant plus qu’il se sent méprisé et floué. Les deux incarnés par deux grands comédiens, Ben Foster et Jesse Plemons.

Autre réussite, Le Programme est tout aussi fictionnant que réaliste : si ça n’avait pas été une histoire de gros sous (un assureur demandant le remboursement d’une prime versée pour ses Tours victorieux), Lance Armstrong n’aurait jamais perdu ses sept tours de France. Ce que le film montre très bien.




mardi 6 septembre 2016


Mission Impossible : Rogue Nation
posté par Professor Ludovico

Petit, on passait les mercredis après-midi à regarder Mission Impossible, puis à jouer à Mission Impossible. Dans la Rémarde, un fleuve de 3 m de large et de 20 cm de profondeur qui irrigue les vastes plaines du sud des Yvelines, on refaisait la mission en en dynamitant le pont, à l’aide de télécommande de train électrique comme détonateur, et de la pâte à modeler en guise de C4. Avec les talkies-walkies qu’on avait eus à Noël, et le télescope grossissement x60, on observait les allées et venues des voitures sur le parking, et on notait les plaques d’immatriculation. On ne sait jamais. C’était le temps de la Guerre Froide, une réalité tangible pour les enfants des années 70.

Quand le premier film Mission Impossible est sorti, ce fut une horrible déception, comme théorisé par El Baba : faire de Monsieur Phelps le grand méchant de l’histoire n’était pas juste une trahison, c’était empêcher la transmission de la série aux générations suivantes. Car quelqu’un qui découvre aujourd’hui Mission Impossible, la série, sait que le héros, Monsieur Phelps lui-même, va trahir, vingt ans plus tard, dans Mission Impossible, le film.

Si on oublie ça, il est toutefois possible de regarder la franchise. Ce dernier épisode, Rogue nation, est dans les standards : un James Bond amélioré, toujours plutôt bien fait. C’est agréable, peu crédible, mais on passe un bon moment.

Pourquoi ? Probablement parce que c’est drôle, toujours bien joué, ce qui fait oublier les rebondissements Bondesques (le fichier caché dans une clef USB au fond d’une centrale énergétique en Tunisie dans un bassin qu’on accède seulement par un ventilateur qui ne peut être coupé que…) et l’inanité du scénario (le Professore Ludovico est bien incapable d’en faire un résumé).

Mission Impossible faisait peur (nous étions enfants, en même temps), les films ne sont que distrayants. Est-ce nous ou Mission Impossible qui a changé ? Peu importe.




vendredi 19 août 2016


The Company Men
posté par Professor Ludovico

Il y a un truc que les Américains ne savent pas faire, c’est le film de gauche. Le film qui va décrocher Cannes ou Locarno, le Ken Loach, le Frères Dardenne. Le film social, le film contre le système, qui va faire pleurer dans les chaumières (enfin, les chaumières du sixième arrondissement).

Si certains réalisateurs y parviennent, c’est de manière extrêmement détournée comme le Fincher de Social Network (les pauvres gagnent contre l’aristocratie, s’ils se comportent comme des voyous) ou chez Cameron (les pauvres gagnent moralement s’ils séduisent la princesse). Mais le film ouvertement social, que peuvent réussir les Européens, est une impossibilité ontologique chez les américains. Company Men de John Wells (Un Eté à Osage County, A la Maison Blanche) en est la vibrante démonstration.

Trois cadres sont renvoyés de leur groupe de construction navale. Le petit con, directeur marketing qui ne se prend pas pour de la merde (Ben Affleck, décidément parfait dans les rôles de con), Bob, le vieux patron grincheux qui en a vu d’autres (Tommy Lee Jones, caricatural), et le mec parti de la base, ancien ouvrier devenu directeur, probablement le plus fragile (Chris Cooper, oui bon, ouais…) Comment vont-ils vivre leur chômage, eux qui se croyaient sur le toit du monde ?

Parti pour dénoncer un capitalisme de fonds de pension, le film tombe vite dans une morale à deux balles. Rien ne vaut en effet la rédemption par le travail manuel. Obsession américaine avec l’expiation des péchés à la campagne (voir Le Juge, Cars et à peu près tout Pixar)

Notre ami Ben Affleck va donc tomber de Charybde en Sylla (il a déjà vendu sa Porsche et sa belle maison que ses enfants aimaient tant mais tant pis, il faut faire des sacrifices to born again).

C’est là que tombé du ciel, ou plutôt du toit, la Providence intervient en la personne de son gauchiste de beau-frère (Kevin Costner), qui depuis le début du film est la voix du réalisateur sur les méfaits du capitalisme (je résume, ça ressemble plus à Springsteen qu’à Friedrich Engels).

Et la Providence a LA solution : un job de charpentier. Oui, vous avez bien lu, le directeur marketing ne peut pas trouver un autre job que charpentier… Ben Affleck va-t-il, par les vertus du travail manuel, se redécouvrir lui-même et devenir un gars bien ? Devenir sympa avec sa femme, comprendre son fils adolescent ? Tout cela est parfaitement gerbant. De très bons acteurs, et un très bon réalisateur, tout cela ne suffit pas à sauver un scénario indigent.




lundi 15 août 2016


La Vie de Brian
posté par Professor Ludovico

On n’ose le dire, pourtant c’est vrai. La Vie de Brian n’est plus aussi drôle qu’avant. Avant de le revoir hier sur Arte, on expliqua au Professorino comment dans les années quatre vingt, nous decouvriions, hilares à nous faire mal aux côtes, les films des Monty Python. Et si nous avons toujours preféré Sacré Graal à cette Vie de Brian, ces deux films étaient à notre panthéon, pour toujours.

Mais quarante ans après, La Vie de Brian ne fait plus autant rire, et pour de multiples raisons. Comme nous l’expliquions avec Docteur Folamour, pour beaucoup rire, il faut avoir beaucoup peur. La peur de la Bombe disparue, Folamour n’est pas drôle pour cette génération.

En 1985, nous avions (eu) peur des curés. Certains, comme AG Beresford, avaient même subi pendant des années une éducation catholique. Voir la vie du Christ ainsi pastichée était libérateur. Nous avions évidemment, au retour du catéchisme, déjà envisagé à voix basse quelques cochonneries bien senties autour de la virginité de Marie, les impuissances sexuelles du pauvre Joseph, sans compter des mauvaises blagues sur la qualité des clous sous Pilate. Mais là, ça se passait au cinéma, pour la première fois. ET ça faisait scandale…

Depuis, l’eau a passé sous les ponts et ces parodies se sont démultipliées, grâce au travail originel des Monty Python ; les Nuls, les Inconnus, les Guignols, Dogma. La Vie de Brian n’est plus le seul à se moquer de la religion.

La deuxième raison est que le film est vieillot dans sa forme. On voit les mauvaises coupes, et les gags sont répétitifs. On est habitués aujourd’hui à un certain niveau de qualité, et à une avalanche de blagues. Ici il y en a peu, et répétées à l’envi.

Le bon point, c’est que ça incite à revoir Sacré Graal et même le Flying Circus. On fera ça à la rentrée.




jeudi 14 juillet 2016


La Neuvième Porte, bis repetita placent
posté par Professor Ludovico

Revoir La Neuvième Porte se fait toujours avec plaisir. Découvrir comment Roman Polanski – pour amener cette histoire à son terme avec beaucoup de subtilité – a glissé des motifs, et même en entrevoir de nouveaux.

Ainsi on découvre que la compagne de Johnny Depp est placée dès les premières scènes, que le code d’entrée de certaines portes s’ouvre avec le code 666, que Polanski fait une fixation sur les chaussettes, que Johnny Depp fume et boit comme un trou, et, qu’évidemment, il y a au moins une porte dans chaque scène.

Au-delà de métaphores sataniques détectées lors de récents visionnages, figures mythiques du diable (le taxi, le chien, …) le franchissement du Styx (ici une petite rivière qui ne laisse pas passer les Rolls Royce), et le feu, bien sûr, le feu omniprésent dans le film auquel répond les volutes de tabac qui sortent de la bouche de Johnny Depp.

Le diable n’est pas celui que l’on croit.




lundi 11 juillet 2016


The Knick
posté par Professor Ludovico

Steven Soderbergh ne cesse de nous étonner. Il est, avec quelques autres, un des derniers innovateurs du cinéma. Au moment même où il annonce (après Liberace) vouloir renoncer à un cinéma qui ne permettrait plus de faire des films ambitieux, le cinéaste et producteur protéiforme* se tourne vers la télé, dernier refuge de l’audace, où personnages adultes et propos intelligents peuvent cohabiter. À croire qu’il lit CineFast !

Steven Soderbergh s’est donc lancé en 2013 dans l’aventure The Knick, grâce à Cinemax (une filiale de HBO), terrain fictionnel permettant d’étendre totalement ses ailes.

The Knick c’est ça. Ce Grey’s Anatomy steampunk part d’une idée toute bête : de la musique électro (signée Cliff Martinez**) pour illustrer un film d’époque. Une façon d’éviter les écueils d’une reconstitution aux petits oignons (ce qu’est The Knick par ailleurs). Ensuite la violence du propos, et la description sans fard de l’Amérique en train de se construire, avec ses immigrants. New York, 1900.

Steven Soderbergh a une certaine façon de regarder cela en biais, comme il l’a fait dans le reste de son œuvre. S’approprier un genre populaire (ici la série médicale) et le travailler sérieusement, socialement, politiquement. Ici, les progrès de la médecine, à pas de géant, mais aussi au forceps, ne sont qu’un prétexte pour attaquer les thématiques qui hantent l’opus soderberghien (en gros : sexe, mensonge, corruption). Avec une quatrième couche au millefeuille : le racisme, incarné par le parcours d’un médecin noir recruté par une famille progressiste, au milieu de l’establishment blanc.

Pour cela il faut un casting énorme, sans grande star, pour incarner cette galerie de personnages tous aussi passionnants les uns que les autres (le grand patron megalo (Clive Owen), la jeune infirmière carriériste (étonnante Eve Hewson***), les jeunes coqs prodiges (André Holland, Eric Johnson, Michael Angarano) et la sublime Cornelia, dame patronnesse de l’hôpital, l’héritière Robertson (Juliet Rylance)…

Le premier coup de génie du réalisateur, c’est à la fois d’avoir soigné la reconstitution (on se demande pendant tout le film où tout cela est tourné, tant on a le sentiment d’être physiquement dans le New York du début du siècle, sans la béquille habituelle de la 3D) et d’avoir filmé ça dans son jus, comme un reportage, caméra à l’épaule, sans éclairage supplémentaire.

C’est d’ailleurs Soderbergh qui tient la caméra, et le travail des éclairages est tout à fait extraordinaire. Prendre la caméra à l’épaule, ça permet de gagner beaucoup de temps et d’argent (pas de mise en place compliquée) ; mais ça permet surtout de mettre le budget ailleurs : dans un plan séquence incroyable (le bal, saison 2) ou dans un décor coûteux (la fête foraine).

Ce mélange d’esthétique est de naturalisme n’est pas à la portée de tous.

* Il suffit de jeter un œil – à rebours – à son incroyable filmographie : le film social caché dans un film de Chippendales (Magic Mike), les limites du porno (Girlfriend Experience), le biopic (Che, Liberace), le blockbuster détourné (Ocean’s 13, Erin Brockovich), la série ou le film politique (K Street, Traffic), le film SF élégiaque (Solaris), le film d’auteur (L’Anglais, Sexe, mensonges et vidéo)…

** Non content d’avoir été le premier batteur des Red Hot Chili Peppers, et d’avoir composé la musique des Soderbergh et des Nicolas Winding Refn, il travaille pour aussi Xavier Gianolli ou Harmony Korine…

*** Message personnel à Notre Agent au Kremlin : vous aviez raison, finalement…




jeudi 7 juillet 2016


Game of Thrones, saison 6
posté par Professor Ludovico

Après un passage à vide en saison cinq, les dragons sont de retour pour une sixième saison. Avec une certaine émotion, vu que l’on sait qu’il ne reste plus que deux saisons, et une douzaine d’épisodes pour terminer cette immense saga. C’est donc la nostalgie qui prévaut, car on voit bien que la série est en train de replier ses ailes. Les personnages se regroupent, prennent des décisions plus tranchées, et des personnages mineurs (générateurs d’intrigues annexes) sont éliminés purement et simplement.

C’est son premier défaut. On ne devrait pas voir la technique scénaristique à l’œuvre. Le magicien doit cacher la main qui fait le tour. Mais à côté de cela, c’est beaucoup mieux que la cuvée 2015. Même s’il y a peu de rebondissements, la saison avance inéluctablement. On s’opposera – suivant le regard que l’on porte à chacun des personnages – sur le réalisme de tel ou tel rebondissement. Les spécialistes des batailles moyenâgeuses, de la portée d’un arc, du rôle d’un vassal, s’affronteront avec les tenants de la dramaturgie ou de la technique cinématographique (ah, le hors-champ dans Game of Thrones !) mais l’on s’accorde sur le fait que la saison 6 est une bonne saison. Pas excellente, néanmoins, car il lui manque le sens de la repartie, les dialogues mouchetés qui ont fait le succès des quatre premières.

Mais on voudrait déjà être en avril. Une fois que l’hiver sera passé.




samedi 2 juillet 2016


L’Assaut
posté par Professor Ludovico

Le DVD, obligeamment prêté par Mon Lieutenant, a traîné très longtemps sous ma télévision. Il y a pris la poussière, et j’ai été obligé de le nettoyer à plusieurs reprises. Décidé un jour à le rendre, un autre ancien militaire m’a très fortement conseillé d’y jeter un œil. Je ne voulais pourtant pas regarder ce film, que je soupçonnais d’être purement esthétique et sans intérêt.

On met quand même le DVD dans lecteur*, et là, surprise, L’Assaut est un film est musclé sans un gramme de graisse. Ou alors très peu. En l’occurrence, quelques finasseries sur émotionnelles (ma fille, ma femme, ma famille).

Mais le reste est vrai. Rappelons que L’Assaut raconte la prise d’otages, le 24 décembre 1994 de l’avion Air France à Alger par le GIA. Et l’assaut par le GIGN sur l’aéroport de Marseille ; on craignait alors que les terroristes ne veuillent jeter l’avion sur la Tour Eiffel. A l’instar du Vol93 – chef d’œuvre s’il en est – les terroristes sont aussi réussis, plausibles et même émouvants, que les services secrets français. Comme le disait quelqu’un, un grand James Bond réussi, c’est un grand méchant réussi.


* Rien qu’en lisant cette phrase, on se sent déjà vieux.




dimanche 19 juin 2016


Snow Therapy
posté par Professor Ludovico

Snow Therapy fait partie de ces films qui font envie sur le papier, et qui finissent dans la poubelle des « J’ai pas le temps d’y aller ». Celui-ci nous avait été chaudement recommandé lors du Top Ten. Snow Therapy passe sur Canal+, c’est bien, on regarde.

La difficulté à vendre Snow Therapy, c’est qu’il ne faut quasiment rien dire du pitch, car c’est là sa très grande subtilité. Une famille suédoise part au ski, dans les Alpes. Un événement arrive. On ne dira pas lequel, même si la bande annonce, la presse, ou les amis s’en sont déjà chargés.

Cet événement – plus subtil que tout ce qu’on aura pu vous dire – dérange l’équilibre de la famille. On ne peut en dire plus, car on perdrait là l’essentiel.

La subtilité, la délicatesse, la finesse des situations, c’est ça le charme de Snow Therapy. Qualités, vous l’avez compris, que cherche le Professore Ludovico et qu’il a de plus en plus de mal à trouver dans le cinéma contemporain.

Car le film de Ruben Östlund est finalement un mélange étonnant de Festen et d’anti-Festen. Un film sur la famille, et ses conflits internes qui couvent sous la surface. Mais là où Festen est destroy et foutraque, et en plein trip Dogma95*, Snow Therapy est dictatorialement beau, léché, en accord avec son propos. Sous la surface blanche immaculée de la famille nucléaire archétypale (papa fort, mère protectrice, charmants bambins), le magma est prêt à exploser.

Snow Therapy atteint une forme d’abstraction qui va se nicher dans les moindres détails. Östlund enlève par exemple – et ce ne peut être un hasard – toute notion de marque sur les skis, les anoraks, ou les télécabines**, comme si le réalisateur ne voulait pas qu’on puisse s’accrocher à un quelconque détail… et donc nous obliger à se concentrer sur les visages, voir ce qui se passe à l’intérieur de ces âmes. A l’évidence la chose la plus dure à filmer.

Ruben Östlund joue aussi avec les codes du ski, qui parleront à toute personne ayant déjà fréquenté une piste verte. Les télésièges, les téléskis, et la descente elle-même deviennent prétexte à de majestueux travellings.

Le bruit d’un remonte-pentes devient une inquiétante musique concrète, le tunnel sur tapis roulant, une source d’angoisse à la Shining, les hôtels chaleureux, d’inquiétants HLM sans vie. Et c’est sans parler de ce blanc immaculé, omniprésent, qui entoure la plupart du temps des personnages. Les acteurs de cette tragédie minuscule s’agitent sur des pistes étonnamment vides : un grand blanc, brouillard ou de neige poudreuse les encerclent en permanence.

Nous avons là affaire à un très grand film, et un auteur.

* On aime beaucoup Festen.
** Dans un univers de frime intense, ou chaque skieur se jauge sur la marque de son matériel, des lunettes aux chaussettes, tout au plus reconnaitra-t-on la mention « Les Arcs » sur une télécabine, à un moment du film…




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