Alien vs Predator II : Requiem m’a donné envie de revoir Alien, de Ridley Scott (je suis au 7ème visionnage). Pour changer un peu, j’ai essayé de faire ce que je ne fais jamais : regarder les bonus, en l’occurrence le commentaire audio. Il existe un making of, qui passa autrefois sur Temps X (souvenirs, souvenirs), mais évidemment, il n’est pas sur le DVD.
Bon, le commentaire audio n’est pas passionnant : Ridley Scott nous explique ce qu’on sait déjà : Alien est un chef d’œuvre, comme Psychose ou Sueurs Froides. C’est le Citizen Kane du cinéma fantastique, c’est-à-dire LE truc qui remet les pendules à l’heure.
J’ai donc finit par rebasculer sur le film lui-même, et bien m’en a fait. Surtout que je me targue de posséder le film originel, et pas le stupide Director’s Cut dont Mr Scott nous a récemment gratifiés. Ironie suprême, il explique dans ma version, pourquoi il n’a pas gardé les scènes qui sont… dans le Director’s Cut !
Exemple : une scène où Lambert (la navigatrice hystérique) engueule Ripley (Sigourney Weaver), parce qu’elle voulait les laisser en quarantaine…Ridley Scott nous explique que tout ça peut rester « off », parce qu’on a pas besoin de comprendre tout ça ; ils sont de toutes façons pas copains, et ça se voit. Pas besoin de dialogue pour expliquer ça : un regard suffit, et la tension reste palpable. Bien sûr la scène fut rajoutée, comme celle où on comprend ce que sont devenus les petits camarades de Ripley, et ce que l’alien leur a fait. Tout ça a finit dans le Director’s Cut, pour notre plus grand malheur.
Autre leçon de cinéma, quand le réalisateur explique la fin ; on voulait l’obliger à finir sur la destruction du vaisseau. Scott explique qu’un film, c’est une musique (il ne tarit pas de compliments sur la musique de Jerry Goldsmith), et que si l’on finit par la destruction du vaisseau, il manque quelque chose. Non, il faut rajouter ce combat final, cette « fin dans la fin » comme il dit.
Et c’est vrai que tout le rythme du film est là : tension intense dans les vingt dernières minutes (la mise à feu de l’auto-destruction du Nostromo, le chat, l’alien dans le couloir, la tentative ratée de stopper le mécanisme de destruction), le rythme du film est alors à son apex. Puis c’est l’explosion libératrice, et ce drôle d’effet qui vous prend aux tripes, quand on comprend que le film n’est pas fini. Où est l’alien ? Cette question, qui nous hante depuis une heure, ressurgit. Car l’alien est parmi nous, dans Kane, puis dans le vaisseau, pourquoi pas dans le chat ?
Le génie du film, et la révolution copernicienne qu’il engendre, c’est bien de cacher ce qu’on voit d’habitude. Non seulement, réaliser cet incroyable travail de conception (Giger, Moebius, Foss, Cobb), ces décors, mais ensuite cacher ces incroyables décors, quand n’importe quel blockbuster voudrait les montrer, eux qui ont coûté si cher !
Non, dans Alien, tout se passe dans le noir, et surgit là on ne l’attend pas, quand on ne l’attend pas.
De même, la musique joue un rôle inversée au film d’horreur traditionnel, intervenant parfois avec l’action, parfois à contre temps. Les bruits permanents dans le vaisseau (ronronnements, souffles d’air, bourdonnements, bips électroniques) emplissent l’espace et servent de deuxième musique. Et quand une boîte tombe, quand le chat miaule, toute la salle saute au plafond !
Dernière remarque, rigolote : la production reprochait à Ridley Scott, qu’il n’y ait pas du tout de sexe dans le film. « Ne pourrait-on pas« , demande-t-elle benoïtement, « créer une romance entre Ripley et son capitaine ? » (la scène existe, elle a été coupée par Scott).
Très british, il répond à ça pendant LA scène culte que toute la population mâle de 40 ans peut vous citer, quand Ripley se déshabille et apparaît enfin féminine, magnifique, en petite culotte blanche. « Voilà un peu de sexe, quand même », dit le réalisateur dans le commentaire audio.
Un peu de sexe ? Il ne manque pas d’air, le rosbif ! Parce qu’on va la revoir, cette petite culotte, quelques secondes plus tard, quand Sigourney, tétons en avant, va faire le grand écart – la caméra opportunément en contre-plongée – pour entrer dans sa combinaison et combattre une dernière fois l’alien. Alien, qui justement, nous sort à ce moment-là sa bouche-phallus, couvert d’un liquide poisseux (je vous passe les détails).
Y’a-t-il un film plus sexe qu’Alien ? Il n’y a que ces grand nigauds d’américains qui n’ont pas vu que le film est un incroyable porno gore, parsemé de pénétrations diverses et variées : Lambert qui se fait tuer d’un coup de queue remontant lentement entre ses jambes, Parker et Brett se prenant le phallus dans le crâne, Kane qui étouffe parce qu’on lui introduit ce tube dans la bouche, qui l’étrangle en même temps !! Sans parler de Ash, le robot asexué, qui, une fois qu’il a perdu la boule, se met à suer un liquide blanchâtre, et tente de tuer Ripley en lui introduisant dans la bouche un magazine porno roulé en tube. « The closest thing to sex for a robot ? », s’interroge, rigolard, Scott.
Enfin, c’est oublier de ces fameuses vingt dernières minutes : une longue montée de l’orgasme, sans paroles, ponctuée du seul halètement de Ripley en sueur, une Ripley qui finit par s’étendre pour assister aux trois explosions orgasmiques de son vaisseau, la bouche entrouverte, les yeux fermés…
The closest thing to sex, peut être ?
posté par Professor Ludovico
Voilà c’est fini, la dernière saison des Sopranos est terminée. L’occasion pour CineFast de revenir sur ce débat brûlant : qu’est ce qui distingue une bonne série d’une autre, sinon la fin ?
Précisons d’ores et déjà que c’est une simple vue de l’esprit : les séries ne sont pas conçues comme ça, (c’est-à-dire comme un film), avec un début et une fin. Les séries sont faites pour être extensibles à l’infini, et leur argument de départ doit être suffisamment souple pour permettre une adaptation semaine après semaine, en fonction des études d’audience que les télés réalisent après chaque épisode. Charge aux auteurs de suivre alors les goûts du public : étoffer tel personnage apprécié par le public féminin, rajouter de l’action pour le public masculin, etc.
Ainsi, Twin Peaks a commencé sur un coin de table : Mark Frost et David Lynch ont dessiné un plan de la petite ville du Northwest sur la nappe du restaurant, placé le collège, la station service, le bureau de shérif, puis ils se sont demandé qui faisait quoi ! Le tournage a même débuté sans savoir qui avait tué Laura Palmer !
Tout cela pour une bonne raison : les chaînes achètent en général le pilote, et, si ça marche, 12 épisodes, voire, en cas de confiance absolue, l’intégralité d’une saison, soit 24 épisodes. Pour 24, les producteurs avaient prévu 3 fins différentes en fonctions des réactions de la Fox. Si ça n’avait pas été un succès, ils auraient probablement tué Jack Bauer au dernier épisode.
Donc, auteur ou commerçant, le scénariste-créateur de série ne sait jamais bien où il va, et sûrement pas comment ça va finir. D’où le sentiment d’intense frustration à la fin d’Alias, des X-Files, bref de toutes ces séries qui avaient fait de leur intrigue addictive un fond de commerce… Une fois la décision prise de ne plus réaliser de saison supplémentaire pour X-Files, Chris Carter a relié comme il le pouvait tous les éléments de la série pour apporter un semblant de solution, avec le résultat ridicule que l’on sait. De même pour la dernière saison d’Alias : personne ne comprenant plus rien à la série, on a fini par demander au créateur quelques explications. Réponse, sans rire, de JJ Abrams « Je n’en sais foutre rien, je suis en train de préparer Lost à Hawaï », ce qui, entre parenthèses, promet tous les affres du désespoir aux fans du Projet Dharma…
Mais c’est là la dure réalité, le cercle vicieux : les téléspectateurs se lassent, l’audience chute, la chaîne décide d’arrêter et l’artiste passe à autre chose : il y a en quelque sorte une conspiration collective contre la série.
C’est pourquoi les fins réussies, réalistes, « dans l’esprit », sont rarissimes. Dans mon panthéon personnel, il y en a deux, aux deux extrêmes de la production : Le Prisonnier, qui finit dans l’absurde métaphysique qui procède dans toute la série, et Seinfeld. La plus grande sitcom US de tous les temps (et aussi la plus profitable : Jerry Seinfeld rapportait tellement d’argent à NBC qu’il obtint 5% de la chaîne pour une neuvième saison !) finit elle aussi en apothéose : un double épisode en forme de procès condamnant les héros à la prison, où Jerry se retrouve – ô symbole – obligé de continuer à faire son show pour distraire les taulards.
Dans la catégorie « chef d’œuvre, bien fini », on mettra évidemment Les Sopranos. Par une pirouette scénaristique la série termine là où elle avait commencé, c’est-à-dire nulle part. Pour cette série ultra-réaliste, qui n’avait d’autre ambition que de filmer la vie quotidienne d’une famille américaine des années 2000, (certes au travers du prisme de la mafia), il était hors de question de finir avec Tony Parrain des Parrains ou Tony en prison. Les Sopranos finiront donc dans une sorte « coïtus interruptus », mais je vous laisse le découvrir vous-même.
Dans la catégorie « pas loin du chef d’œuvre, et bien fini », on peut mettre Six Feet Under : après un horrible passage à vide (saison 3&4), la série nécrophage a su s’achever de manière exceptionnelle, dans un ultime épisode où évidemment… tout le monde mourrait. On peut mettre aussi NYPD dans cette catégorie.
Pour les autres, on l’aura compris, il faudra faire le deuil d’une fin correcte et accepter tel quel le plaisir que le show a bien voulu nous donner, pendant une, deux, trois, cinq années…
NB on consultera avec profit le site Jump the shark, qui recense, par vote des internautes, la saison exacte où votre série a « sauté sur le requin », ou, en bon français, est devenue irregardable…
samedi 15 décembre 2007
Dans l’espace, personne ne vous entend pleurer…
posté par Professor Ludovico
Intéressante anecdote racontée l’autre soir sur Arte, dans un très éclairant documentaire sur notre Jean Giraud – Gir – Moebius national. Réuni autour du premier projet d’adaptation de Dune, on trouvait en 1975 quelques pointures : Jodorowski à la réalisation, Dan O’Bannon au scénario, Moebius, Chris Foss et Giger à la direction artistique.
Après des mois de travail, les financiers abandonnent le projet avant qu’une seule scène ne soit tournée. Chacun réagit à sa façon : O’Bannon pleure toute la journée, quand Jodorowski décide de ne verser « aucoune larme pour ces imbécillles qui n’ont pas vôu laa chef d’œuvre que nous allions réaliser ! ».
Mais O’Bannon se console d’une étrange façon : il écrit immédiatement un autre script, une histoire d’ouvriers de l’espace, des rêveurs (c’est ainsi qu’ils sont décrits dans la novellisation tirée du film), qui se font dévorer, un par un, par une bête immonde qui pousse à l’intérieur de leur estomac. Ce film s’appellera bientôt Alien, designé par Moebius, Chris Foss et Giger.
Ensuite, à Métal Hurlant, Moebius s’emparera d’un vieux scénario de Dan O’Bannon (The Long Tomorrow), qui deviendra L’Incal, LA BD de référence de Moebius/ Jodorowski, mais qui sera aussi l’inspiration du prochain film d’O’Bannon, un certain… Blade Runner.
Il est des refus qui sont féconds, non ?
dimanche 2 décembre 2007
Le paradoxe de l’argent
posté par Professor Ludovico
Suite à une remarque sur le cinéma français, j’ai soudain eu la révélation du paradoxe suivant : l’Amérique n’a pas de complexe avec l’argent, mais renâcle à le montrer au cinéma, tandis que notre cinéma hexagonal propose à l’écran des héros bourgeois, dans un pays où, pourtant, il est tabou de dire combien l’on gagne.
Je n’ai pas d’explication particulière à ce phénomène, il s’agit surtout d’une constatation. Chez nous, il n’y pas de honte d’être médecin, avocat, prof… On se moque parfois des riches, comme dans Le Dîner de Cons, mais ça reste anecdotique.
Dans le cinéma américain, le méchant est souvent très riche ; le héros systématiquement middle class. Un bon exemple, c’est Colombo, le brave type qui propose son bon sens et sa bagnole pourrie (et française) face aux riches de Beverly Hills qui opposent eux, crimes, mensonges et trahisons…
Dans les GCA, le méchant est toujours très riche et fomente un complot visant à l’être plus encore… Les profs, et en général ceux qui représentent l’autorité, font souvent problème : ridiculisés (comme dans Ferris Bueller), les patrons sont souvent imbus d’eux-mêmes et chantres du mauvais goût (Heroes, Les Sopranos. Un autre exemple, c’est Batman : très riche, (mais philanthrope !), il apparaît coincé quand il est en costume de riche, mais à l’aise en super héros : l’habit ferait il le moine ?
dimanche 2 décembre 2007
Leçon de cinéma dans Flightplan
posté par Professor Ludovico
L’avantage de Canal+, c’est de revoir des films à la volée, dans un délai assez court après leur sortie en salles, mais suffisamment loin du buzz et des critiques de la sortie. Flightplan n’est pas un grand film, loin de là, mais à la revoyure, il offre une intéressante leçon de cinéma, notamment en matière de Point de Vue et de Casting.
Tout est effectivement affaire de point de vue dans Flightplan. Jodie Foster, veuve et mère de famille, est-elle réellement montée à bord de cet avion en compagnie de sa fille ? N’est-elle pas au contraire en pleine bouffée délirante, liée à son deuil récent ? Pendant la première moitié du film, on est avec l’héroïne, son deuil, son retour aux USA, sa fille. Lorsque celle-ci disparaît, on est toujours avec elle, dans l’inquiétude d’une mère qui pourrait être confrontée immédiatement à un second deuil.
Mais lors d’une séquence formidablement maîtrisée, le réalisateur inverse notre point de vue : et si Jodie Foster était folle ? Et si le commandant de bord, suspect au début, n’était pas finalement le good guy ? Et cet US Marshall, à bord de l’avion, qui pose les bonnes questions : Pourquoi personne n’a vu votre fille ? Pourquoi n’est-elle pas sur le manifeste de l’avion ?
En quelques minutes, le spectateur est plongé dans le doute… Lorsque soudain, sur la base d’un indice irréfutable, il rebascule dans la Réalité, la vraie, que je ne révélerai pas ici. Tout est minutieusement agencé dans cette mise en scène : choix de la bande-son, où par exemple le ronronnement des réacteurs s’efface pendant que Jodie Foster assène sa démonstration, puis revient lorsque le commandant de bord accède à sa requête….regards croisés des seconds rôles, qui autorisent toutes les interprétations aux spectateurs… intrigues secondaires (terroristes arabes, psys manipulateurs, américain trop sympa pour être honnête…) qui perdent le spectateur (et lui offrent aussi la jouissance de bâtir) plusieurs histoires possibles…
Il y aussi un autre génie dans Flightplan, c’est celui du casting, cet art souvent ignoré du grand public, mais pourtant art fondamental du cinéma. Car quoi qu’on en dise, tout le monde ne peut pas tout jouer ; un acteur a l’écran dispose d’un a priori (positif ou négatif) au départ, et tout l’art du film est d’utiliser cet a priori pour conforter – ou égarer – le spectateur.
Cet égarement est à l’œuvre dans Flightplan. D’abord le choix de Jodie Foster. La petite fiancée de l’Amérique est parfaitement à son affaire dans ce film-là : elle qui collectionne depuis le début les rôles de victimes (Taxi Driver, Les Accusées) mais aussi les rôles de Mère Courage (Panic Room, Le Silence des Agneaux), joint ici les deux : Victime et Mère Courage. On l’a vu plus haut, on hésite même un moment entre les deux : elle sera les deux, finalement.
En face, tout se joue sur l’ambiguïté des protagonistes : Sean Bean, star grand public depuis son rôle dans Le Seigneur des Anneaux (Boromir, le traître malgré lui), a collectionné depuis les rôles de méchant : Benjamin Gates, Troy, The Island. Il est donc parfait en commandant de bord, dont on suppute pendant tout le film le rôle trouble dans l’affaire. On peut même dire que c’est sa prestation dans le rôle qui fait basculer un banal Boeing en piège de métal. Jusqu’à son apparition, l’avion est un endroit normal, quotidien. Lorsqu’il parait, on sait que Foster est en mauvaise posture. Et tout à coup, l’équipage, les hôtesses de l’air se transforment en créatures maléfiques, tandis que le mise en scène lorgne vers les codes des films d’horreurs (éclairs, flou sur l’arrière plan puis brusque mise au point, etc.)
Au contraire, Peter Sarsgaard, l’US Marshall, peu connu du grand public (il a surtout joué dans des films indépendants), offre sa voix douce et son visage lisse à toutes les interprétations : good guy ? Bad guy ? je vous le laisse découvrir à la fin de Flightplan…
En ce moment sur Canal+
mardi 27 novembre 2007
Eloge du cinéma français
posté par Professor Ludovico
On me met en demeure via le jeune Giovanni Drogo (N’as-tu donc pas mieux à faire jeune Drogo ? Surveiller ton désert, par exemple ?), de sortir de cette antienne pro-américaine qui fait la spécificité de CineFast, et de s’ouvrir enfin au cher vieux pays en vantant les mérites du cinéma hexagonal. Et on me jette en pâture Melville et Sautet.
Je veux bien m’incliner, mais pas devant ces deux-là ! Pour des raisons fort différentes, d’ailleurs. Melville est pour moi un bon réalisateur (Le Cercle Rouge, L’armée Des Ombres) mais aussi un esthète chiant (Le Samouraï, Les Enfants Terribles). Gotlib avait, en son temps, pointé les clichés du cinéma melvillien dans une Rubrique à Brac assez bien vue. Melville a gardé depuis sa mort une sorte d’aura un peu incompréhensible, mais bon !
Sautet est plus doué (Un Mauvais Fils, Vincent, François, Paul… Et Les Autres, Max et les Ferrailleurs) mais il est – et ce n’est pas de sa faute, évidemment -, l’inventeur du cinéma bourgeois à la française qui depuis fait florès. Un cinéma qui fait tout le charme de notre production germanopratine : des histoires de médecins et d’avocats, qui ont des problèmes d’adultère de médecins et d’avocats, pour un public de médecins et d’avocats.
Donc s’il me faut défendre notre cinéma, je choisirais un autre binôme, plus proche de ma nostalgie et de mon panthéon personnel : Yves Boisset et Pierre Granier-Deferre. S’agissant du premier, qui certes ne fait plus que téléfilms ou des mauvais films depuis Le Prix du Danger (1983, tout de même), voilà un réalisateur qui a enchanté mes années 70 : Le juge Fayard dit le Shérif, Espion, lève toi, Un Taxi Mauve, La Femme Flic, Dupont Lajoie, RAS : la liste est longue de films qui certes ne sont pas des chefs d’œuvre, mais forment une œuvre qui tient la route. Des films « de gauche » comme on disait à l’époque avec des comédiens formidables (l’immense Dewaere, bien sûr, mais aussi Lino Ventura, Jean Carmet, Michel Piccoli, Philippe Léotard, etc.) Ses films étaient des films engagés, mais toujours avec un scénario en béton, dialogués, avec de l’action. Et ils n’hésitaient pas à se colleter avec les problèmes du temps : les agissements du SAC, la corruption des notables locaux, la guerre en Algérie, le racisme ordinaire… Des problématiques qu’on appelle aujourd’hui, trente ans après, à voir enfin sur nos écrans de télévision.
Pierre Granier Deferre est un peu comme Yves Boisset (sauf qu’il vient de mourir !). On lui doit Adieu Poulet, mais aussi Le Chat, La Horse et l’excellent Une Etrange Affaire avec Piccoli et Lanvin. Il a aussi réalisé ensuite un paquet de niaiseries dont l’inénarrable et cultissime Toubib avec Alain Delon et Véronique Jeannot. Mais pour la bonne partie de sa cinématographie, il fut un réalisateur rigoureux et un scénariste minutieux.
mardi 6 novembre 2007
Une petite confirmation…
posté par Professor Ludovico
Une petite confirmation…
…comme ça en passant : Barry Lyndon, diffusée hier sur Arte a réussi un record de 7,5% de part de marché (Arte fait d’habitude 3%) ; pas mal pour un film de 1975 qui montre que « le soleil se couche le soir »! Un film qui gagna 4 oscars, tous techniques (Costume, Musique, Direction Artistique, Photographie) et rata tous les oscars avec « Stanley Kubrick » marqués dessus (Scénario, Réalisateur, Meilleur Film)…
jeudi 1 novembre 2007
Qu’est-ce qu’un chef d’œuvre ?
posté par Professor Ludovico
Voilà un terme bien galvaudé, que vous retrouvez cent fois par jour dans votre magazine ciné ou votre programme TV. Comment se repérer au milieu de ces milliers de chef d’œuvre décrétés ? C’est très simple : le temps, qui fait son œuvre.
Prenons Heat, par exemple. Un film qui a reçu un bon accueil critique à l’époque, et qui a plutôt bien marché. Catalogué en 1995 comme un très bon film de genre, il est aujourd’hui propulsé comme chef d’ouvre, et – signe qui ne trompe pas -, multidiffusé à la télé, notamment sur TF1 : le chef d’œuvre, par essence, casse le genre, brise les barrières sociales, et s’impose à tous : PDG ou prolo, fan des cahiers ou ménagère de moins de 50 ans.
Dans le même ordre d’idée, au moment où sont rediffusés tous les Kubrick cette semaine sur Arte, rappelons qu’ils ont rarement eu la chance d’un bon accueil critique à leur sortie. Un chroniqueur américain moquait ainsi Barry Lyndon à sa sortie : « M. Kubrick nous montre que le soleil se lève le matin et se couche le soir, ce que nous savions déjà. »
Rappelons également que le Stanley n’a jamais reçu d’Oscar ou de Palme des Alpes Maritimes. La réputation du « maître » s’est plutôt faite peu à peu, comme si le public prenait du recul avec le temps et pouvait apprécier l’œuvre dans son entier*. Mais, même à la fin, pour Eyes Wide Shut, que n’avons nous entendu ? Film plat, un peu raté, à côté de la plaque… 8 ans après, le film s’est imposé, comme tous les autres.
A contrario, qui se souvient aujourd’hui de Porté disparu ? La Ballade de Narayama ? Les Meilleures Intentions ? Le Goût de la Cerise ? L’Eternité et un Jour ? **
*grâce notamment au fabuleux livre de Michel Ciment « Kubrick »
**Palmes d’Or 1982, 1983,1992, 1997,1998