[ Séries TV ]

Il n’y pas que le Cinéma dans la vie.. y’a aussi quelques séries TV…



mardi 22 août 2017


Où sont passés les magiciens ? Dans le Player’s Handbook !
posté par Professor Ludovico

Dans le Manuel du Joueur de Donjons et Dragons, Première Edition, il est dit qu’un magicien septième niveau n’a le droit de lancer que deux boules de feu par jour. En gros, la magie c’est bien, mais il ne faut pas en abuser.

Cette « septième » qui, par ailleurs, renoue avec la qualité des premières saisons, notamment du côté des dialogues, montre quand même les limites de notre couple de magiciens, Benioff & Weiss. Très bons adaptateurs, tant que George R. R. Martin, l’auteur du Trône de Fer leur fournissait matière à foison, et qu’il s’agissait de trier, piocher, réorganiser ce tas de fiction. Mais mauvais inventeurs ; depuis la cinquième saison, les voilà obligés de créer (et de conclure) et on voit bien que c’est là que ça cloche.

D’où cette subite accélération des transports en commun de Westeros (bateau, marche à pied, dragon) où tout ce qui était compliqué prend maintenant cinq minutes. D’où ces réunions d’anciens ennemis (parce-que-finalement-quand-on-y-réfléchit-on-est-du-même-côté) qui touchent parfois au grotesque. D’où ces deus ex machina qui viennent subitement sortir nos héros d’un triste sort, parce que oui, on ne tue plus les têtes d’affiche dans Westeros. Tout ça pour dire qu’on a plus l’impression d’être dans un scénario de Donjons&Dragons, où les gentils gagnent à la fin, que dans la superbe mécanique nietzschéenne, toute de noire carrossée, des débuts.

La faute peut être, à la maladie de la production télé : on le sait, les magiciens Benioff & Weiss ont déjà changé de cirque, et se préparent à proposer un nouveau tour, dans une autre ville : Confederate, la dystopie Guerre de Sécession qui fait déjà couler beaucoup d’encre. Autant dire que nos amis, comme le JJ Abrams de la fin d’Alias, ont autre chose en tête que de peaufiner le dernier chapitre de leur opus.

Tant mieux pour eux. Tant pis pour nous.




dimanche 20 août 2017


Twin Peaks saison 3
posté par Professor Ludovico

Il y a une justice finalement. Avec 250 000 spectateurs à chaque épisode aux États-Unis, Twin Peaks est un énorme flop. A titre de comparaison, la série réunissait 15 millions de spectateurs lors de sa première saison, en 1990.

A part les quelques francs-tireurs habituels, – Libé-Télérama*, you name it – qui ont cru bon s’extasier (et encore, seulement quelques journalistes au sein de ces rédactions), le reste du monde libre a compris que David Lynch était mort depuis longtemps en tant que cinéaste. Depuis Inland Empire, exactement, auquel cette saison fait paraît-il penser. Mais c’est si mal écrit, si mal joué, à un point qui serait inacceptable pour Joséphine Ange Gardien, que ça en devient une insulte. Une provocation, puérile et futile de la part d’un aussi grand cinéaste.

Bien sûr, il y a eu l’épisode huit – extraordinaire moment de cinéma expérimental à une heure de grande écoute sur une télé américaine – sur le Thrène pour les Victimes d’Hiroshima de Kristof Penderecki. Mais pour dire quoi ? On ne sait toujours pas, quatre épisodes plus tard. Lynch se moque du monde, mais cette fois-ci ce n’est pas drôle.

Une série, ce n’est pas un film. Une série, c’est avant tout des personnages auxquels on s’attache, qui font partie de la famille, que ce soit Columbo, Dr House ou Bobby, Audrey, Norma, et Dale Cooper. Ces fantastiques personnages, créés il y a vingt-cinq ans, c’est eux qui sont ridiculisés, humiliés, et insultés. Par leur propre créateur.

Alors que Lynch avait réussi quelque chose de magnifique en réunissant à l’écran ces acteurs, et qu’il avait l’incroyable opportunité de raconter à nouveau l’histoire de cette ville, deux décennies après le drame**, il se perd à filmer en noir et blanc des phonographes et des îles battues par le vent.

Ce qui nous attriste, (plutôt que ce qu’il nous inflige à nous – victimes masochistes et consentantes, incapables d’abandonner et préférant boire le calice jusqu’à la lie), c’est de voir cet immense créateur brûler sa propre toile, sans être capable de trouver la moindre explication à ce massacre.

* L’hebdo met encore cette semaine deux T à la série de Lynch, et un seul à L’Année du Dragon. Ça me fait penser à ce que disait récemment Michel Ciment au Masque et la Plume à propos de T. Malick : « La critique française descend son dernier film parce qu’il est incompréhensible, mais s’extasie sur un film roumain filmé dans le noir pendant 90mn. »

** Lynch se contente d’esquisser cette possibilité : Norma et Shelly fidèle au poste du Double R Cafe, Bobby devenu flic, etc. Ces moments nous font toucher ce du doigt ce que Twin Peaks, The Return, aurait pu être, et ne sera jamais.




jeudi 10 août 2017


La Servante Ecarlate
posté par Professor Ludovico

Cette série, hautement recommandée par le Snake – qui aurait, paraît-il, fait quelques sous-titres – puis par le Rupélien, n’est pas une inconnue. Il y avait déjà eu une adaptation par Volker Schlöndorff avec la magnifique Natasha Richardson (le film n’était pas magnifique, lui).

Le pitch est donc connu : dans un futur proche, la pollution a réduit la fertilité humaine à une peau de chagrin : seules quelques femmes sont en mesure d’enfanter et sont devenues des richesses très convoitées. Réunies dans un ordre religieux, ces Servantes Écarlates sont mises à la disposition des nouveaux maîtres, les Commandeurs, pour créer, comme de bien entendu, une nouvelle race de seigneurs.

Le génie de cette version 2017, orchestrée par Bruce Miller (The 100), est de lui donner les couleurs du temps. L’époque s’y prête, entre l’Amérique réactionnaire de Donald Trump et le califat de Daech. Mais Bruce Miller fait mieux, en utilisant ce qui est déjà en germe dans le livre de Margaret Atwood. Ces servantes écarlates sont bien sûr une allusion à La Lettre Écarlate, où deux protoaméricains tentent de s’aimer dans l’Amérique puritaine du Mayflower.

L’action de Handmaid’s Tale se déroule donc au même endroit, Boston, dans quelques années. Et c’est là qu’opère la magie noire de la série ; en 7 ou 8 ans, l’Amérique n’a pas beaucoup changé, même si elle a basculé dans une dictature théocratique. Les riches roulent en 4×4, dans des banlieues tranquilles comme il en existe tant en Amérique (ou en France). Seulement voilà, on ne voit que cela, parce que l’héroïne, Kate, n’a plus le droit de sortir de ce minuscule univers : la maison, (sa chambre et celle du couple, où elle doit effectuer la Cérémonie, c’est à dire le viol qui permette d’enfanter une descendance au Commandeur), le magasin de fruits et légumes, et parfois, une place, où les servantes lapident une consœur désobéissante.

L’effet de transfert est terrifiant : nous sommes tellement habitués à ces décors, ce mode de vie américain qui est devenu le nôtre : leurs banlieues riches sont les mêmes, leur voitures aussi. Mais voilà, dans ce décor occidental, on vit comme en Arabie Saoudite ou à Mossoul. Oui, soudain, par l’effet de magique de la fiction, cela devient possible, plausible.

Dans l’Amérique de Donald Trump, où pour certains, les dinosaures n’ont pas existé, et où certaines souhaitent garder leur virginité pour le mariage ; où, en France même, on se met à contester l’avortement (et pas dans les fractions islamistes de la population), oui, cela devient subitement possible.

Et la série est très brillante là-dessus, en transférant des images connues dans ce contexte tout aussi connu, par exemple des églises détruites par le nouveau pouvoir (car les chrétiens modérés sont chassés et pendus, sur une grue, comme en Iran). Par un ingénieux système de flashback, on torture le spectateur en montrant les bonheurs simples d’aujourd’hui (draguer en achetant des hot dogs) et la terrifiante vie de demain, où les femmes sont soit des pondeuses, soit des bonniches, et où les hommes doivent se restreindre de tout désir.

Les flashback permettent aussi d’économiser une fastidieuse mise en situation. Par ces retours pointillistes, on découvrira comment, sous couvert de terrorisme, on verrouille progressivement les libertés individuelles. Comment s’installe, jusque dans les esprits, cette théocratie fondamentaliste. Au travers notamment du terrifiant personnage de Serena (magnifique Yvonne Strahovksi, nouvelle Cersei Lannister). Cette femme forte, intelligente, épouse du commandant incane une Lady Macbeth impuissante, symbole de l’ambiguïté du nouveau régime.

Mais c’est sans compter la nouvelle performance hallucinante d’Elisabeth Moss, également coproductrice. La fille du Président Bartlet, la Peggy des Madmen, la Robin du Top of the Lake de Jane Campion réalise une de ses plus belles prestations en Defred, la Servante Écarlate du Commandeur.




dimanche 9 juillet 2017


O.J.: Made in America
posté par Professor Ludovico

C’est l’histoire d’une injustice. C’est l’histoire de plusieurs injustices. Un horrible ping-pong entre noirs et blancs, dans un pays qui n’en finit plus de régler l’esclavage, la Guerre de Sécession, la ségrégation.

C’est tout cela que raconte O.J.: Made in America, le documentaire oscarisé qui raconte non pas seulement le procès du siècle, mais cette histoire de l’Amérique. Los Angeles, le LAPD, les émeutes de Watts de 1965, celles de 1992 et Rodney King, et le procès d’O.J. Simpson, le footballeur noir qui a tué sa femme et que tout accable, mais qui sera acquitté, comme une revanche de toutes les injustices précédentes.

Injustice sur injustice, plus exactement : O.J. Simpson perce grâce au foot dans le monde des blancs, car, comme le dit Johnnie Cochran, son avocat, il doit « courir plus vite, sauter plus haut » qu’un blanc pour atteindre les mêmes objectifs.

Lui qui ne s’intéresse qu’aux blancs, ne sera jamais présent auprès des noirs, sera pourtant sauvé par eux : deuxième injustice. Grace à un jury totalement acquis à sa cause, il s’en tirera malgré les faits, l’ADN, le mobile.

Puis parce qu’on délocalisera le procès, perdra 30M$ au civil, devant un jury parfaitement blanc. Dettes qu’il ne règlera pas… injustice, injustices.

Et dans un dernier rebondissement, ironie divine (parfois, contrairement à ce que disent les suédois, Dieu ne punit pas tout de suite), O.J. Simpson prendra trente ans de prison pour avoir menacé, bousculé, volé des collectionneurs d’objets sportifs… Là où nimporte qui prendrait deux ans.

Simpson avait échappé de son pire crime grâce à une justice à deux vitesses, parce que les blancs ne le considéraient pas comme un noir, et parce qu’il était riche. Redevenu pauvre, O.J. est soudain redevenu noir.

C’est ce que raconte O.J.: Made in America, incroyable documentaire, où, malgré la durée, on reste fasciné de minute en minute*. Tout en étant conscient que progressivement, l’Europe en général et la France en particulier glissent vers les mêmes tentations délétères…

O.J.: Made in America
En Replay sur Arte+7

* Et démontre au passage l’excellence de la fiction de Ryan Murphy, The People vs OJ Simpson




lundi 26 juin 2017


The Night of
posté par Professor Ludovico

Quand on voudra analyser les années 2000, les historiens se pencheront sur HBO. Pour comprendre l’histoire des Etats-Unis post-11 septembre, ou de l’Occident en général, il suffira de regarder les Soprano, Sur Ecoute ou The Night Of. En huit épisodes, la série – sous le faux prétexte d’une enquête policière* – trace le plus précis des portraits de notre monde actuel. Un monde gangréné par la peur du terrorisme, la drogue, le racisme, et le fric.

En huit épisodes d’une subtilité incroyable (on est sûr que Nazir n’a pas tué la fille, alors qu’aucune preuve ne vient étayer cette idée ; la série va jouer avec ce préjugé), The Night of traitera tous ces sujets, la vidéosurveillance partout, les avocats des riches et les avocats des autres, Rikers’ Island, le dur boulot de flic ou de la procureure, miné par l’obsession du résultat, la médecine à deux vitesses, etc., etc.

Porté par le meilleur du casting d’HBO, John Turturro, qu’on ne présente plus, Riz Ahmed (Rogue One), Michael K. Williams (Omar de Sur Ecoute), Bill Camp (The Leftovers, Twelve Years a Slave), Peyman Maadi (Une Séparation, A Propos d’Elly), J.D. Williams (Sur Ecoute, Oz), chaque scène est un merveille de réalisme, de subtilité, d’intelligence, portée par des comédiens extrêmement sobres.

La mise en scène est au diapason : jamais spectaculaire, totalement au service du scénario. La base du cinéma, tout simplement : show, don’t tell. Un regard, et Turturro décide d’aider ce gosse perdu dans sa cellule du 21th precinct. Le visage fermé du flic remplissant sa déclaration de retraite : pas besoin d’une ligne de dialogue pour comprendre qu’on ne met pas trente ans de boulot aussi simplement aux archives. Ou la transformation visuelle de Nazir qui vient jeter l’ambigüité sur le personnage et nous obligent tout à coup, peut-être, à réviser nos préjugés sur l’innocence du héros.

The Night of est simplement l’une des plus grande séries de ces dernières années…

* Un jeune américain d’origine pakistanaise a-t-il ou non sauvagement assassiné son coup d’un soir ? Le spectateur comprend vite que ce n’est pas le sujet de The Night of




lundi 19 juin 2017


Missions
posté par Professor Ludovico

Bonne nouvelle : les Français se mettent à la série TV SF. Mauvaise nouvelle : les Français se mettent à la série TV SF. Bah oui, comme d’habitude, c’est très beau : générique splendide, décors incroyables (les images de Mars, on ne sait pas où ils les ont tournées*) et les vaisseaux en 3D, parfaits. La musique techno, French touch, magnifique.

Qu’est-ce qui cloche, alors ? Comme d’habitude : le moins cher. Les dialogues, écrits par une classe de cinquième. Et les acteurs qui les jouent : une classe de quatrième**. C’est dommage parce que les idées sont bonnes, à savoir une sorte d’anthologie-clin d’œil de tout ce qui fait la SF depuis 100 ans.

* dans le désert marocain, merci internet.
** malgré le génial Mathias Mlekuz, disparu depuis Nos Enfants Chéris




dimanche 18 juin 2017


Twin Peaks, s03 e1234
posté par Professor Ludovico

On aurait dû s’en douter quand on a appris, en mai, qu’à la projection des deux premiers épisodes, David Lynch avait été ovationné à Cannes. Les mêmes ayant probablement poussé des cris d’orfraie en 1990 contre La 5 et le pouvoir destructeur de la télé, qui venait d’absorber le plus grand cinéaste de sa génération. Cannes se trompe toujours d’une guerre.

Donc si elle applaudit le reboot Twin Peaks « 25 years later », c’est qu’il y a un problème. Et il y a un problème. Ce que les Alpes Maritimes applaudissent aujourd’hui, c’est la veine auteuriste de David Lynch. Et c’est tout ce qui ne va pas dans Twin Peaks.

Le génie de la série en 1990 était d’injecter au sein du format ultra classique du soap opéra, le poison d’un auteur, et pas n’importe lequel, le plus freak d’entre eux, l’homme d’Eraserhead et des courts métrages The Alphabet ou The Amputee. Le poison était dans la machine, et allait changer la machine pour toujours.

Aujourd’hui la télé a bien changé, mais elle reste toujours un média relativement conformiste. Lynch voit bien le parti qu’il peut tirer de ce retour tant attendu ; faire ce qu’il veut sans le moindre contrôle de la chaine. C’est à dire le contraire de 1990 où le rapport de force était inversé ; Lynch était à la ramasse, business-wise, et se remettait péniblement de l’échec dantesque de Dune, tout en conservant une aura critique (Blue Velvet, Sailor et Lula).

Aujourd’hui, il n’a plus rien à prouver, ne fait plus de cinéma, et donc peut se permettre n’importe quoi. Il a imposé ses choix à Showtime, menaçant de partir s’il n’était pas entendu. Il sait qu’il a des millions de fans derrière lui. Et Showtime s’en fout ; Twin Peaks ne booste pas l’audience, mais les abonnements, et c’est ça qui compte.

Lynch peut donc s’amuser avec les trucs de mise en scène expérimentalo-sixties de ses vingt ans. Tant pis pour le fan, tant pis pour le spectateur. Quatre premiers épisodes interminables, filmés à l’envers, gags étendus à l’extrême (« heeellllooooo ! »), drame raté (Bobby revoyant l’image de Laura à vingt ans), pas un plan de Twin Peaks, la ville. Pas de Badalamenti, qui a tant fait pour la série. Pas une goutte d’humour, pas une goutte d’amour.

Que du poison.




samedi 17 juin 2017


Girls, saison 5
posté par Professor Ludovico

Problème de poils dans le dos, d’aisselles mal rasées, de canon esthétique « blanc / chrétien » pour un mariage : vous l’avez compris, les Girls sont de retour. Comme à chaque fois, on hésite avant de s’y remettre ; la peur d’être déçu par nos amoureuses, Hannah, Marnie, Jessa et Shoshanna.

Mais voilà, trente secondes après, le talent de Lena Dunham est toujours là. Personnages au cordeau, qui évoluent dans le chaos vers la vie d’adulte, description de la boboïtude newyorkaise ou des incompréhensions intergénérationnelles, tout est dans Girls.

Il faut dire que la série n’est pas seulement portée par des dialogues brillants, mais surtout par les comédiens incandescents, jusqu’au moindre petit rôle, qui les portent. Ainsi, Zosia Mamet venait de nous convaincre que transplanter au Japon le petit lapin Shoshanna était parfaitement génial ; il a suffi qu’elle se retourne face caméra, deux simples larmes dans les yeux, pour nous persuader du contraire.

Il ne manquait plus que la musique de David Bowie pour nous dire que Girls était la meilleure série du monde, parce qu’elle nous parlait, nous qui ne sommes ni filles, ni newyorkais, ni twentysomething, tout simplement de nos étranges vies.

Life on Mars.




mercredi 14 juin 2017


Le Serment
posté par Professor Ludovico

Fascinés par les premiers épisodes de ce Serment, nous sommes allés voir sur IMDb pour y trouver le nom du réalisateur : Peter Kosminsky. Bon sang, mais c’est bien sûr, l’homme de Warriors, le chef d’œuvre sur les casques bleus en Bosnie, qui nous avait pris aux tripes en son temps. La définition même du cinéma pas gentillet.

Ce Serment est pareil, six heures de pédagogie décoiffantes sur la Palestine 1946, la naissance d’Israël et les Britanniques qui n’en peuvent mais. Le tout habilement mêlé, du moins au début, à une intrigue contemporaine. Une jeune britannique découvre le journal de son grand père aux portes de la mort, et son rôle dans cette histoire moyen orientale. Elle profite d’une invitation de sa meilleure amie israélienne qui part faire son service pour découvrir le pays. Les contradictions d’aujourd’hui étant évidemment celles d’hier, les deux histoires pinpongent plutôt bien jusqu’à la dernière heure, où, comme une bonne blague juive, on commence à se demander si ce n’est pas notre héroïne qui porte la poisse, tant l’inétgralité du conflit israélo-palestinien semble retomber sur ses épaules.

C’est la partie la plus artificielle du film. On voit bien que Kosminsky est plus attaché à transmettre son message qu’à s’intéresser à ces viles péripéties, love stories et autres problématiques Best Friend Forever.

Que cela ne vous décourage pas de découvrir ce serment-là…




samedi 10 juin 2017


Westworld
posté par Professor Ludovico

Ce Mondwest défie l’analyse. Passionnant mais pas émouvant. Intéressant, mais sec comme un coup de trique. Surprenant mais sans cliffhanger. Cette série-là prend son temps, ne semble pas s’intéresser aux émotions du spectateur, mais pourtant on ne s’ennuie jamais. Westworld installe patiemment son puzzle et attend les derniers épisodes pour en révéler les contours.

Mais en même temps, elle offre trois mises en abîmes passionnantes, sur notre besoin de fiction, nos addictions aux jeux vidéos, et sur la psychanalyse.

Résumons. Westworld, c’est un parc d’attractions pour ultrariches (il y est dit que la journée y coûte 40000 dollars), où l’on peut faire absolument ce que l’on veut avec des robots ultraréalistes. Évidemment, les touristes ne font que deux choses : les tuer et les baiser.

Sur notre irrépressible besoin de fiction, le spectateur est indirectement confronté là-dessus, au travers de dialogues à double sens posés aux visiteurs du parc : « C’est bien ce que vous voulez vivre, non ? des aventures ? découvrir votre véritable vous-même ? » Une question qui pourrait être posée directement du showrunner au spectateur venu visiter, via HBO, le « parc d’attractions du sexe et de la violence », les arguments marketing de la chaîne depuis ses débuts*. Des questions qui sont posées en fait au spectateur ? Une vieille technique que J.J. Abrams a utilisé dans Lost et qu’il réutilise aujourd’hui.

N’est ce pas là la définition d’une œuvre d’art ? Faire réfléchir. Faire rêver. Faire vivre autre chose, par procuration ? Le sexe, la violence, l’exotisme ?

Mais c’est la deuxième partie de la phrase « découvrir votre véritable vous-même » qui est le fond de Westworld. La critique du jeu video est assez anecdotique, plutôt clin d’œil au gamer que critique en profondeur ; les niveaux, le « labyrinthe », comme boss de fin de niveau, etc. C’est sur la psychanalyse que Westworld est passionnante.

La série propose en effet cette figure de style régulière : un concepteur face à une de ses créatures, comme par hasard toujours nue (ne dit-on pas « se mettre à poil »?). Les concepteurs demandent au robot de « baisser le niveau d’émotions », ou les enjoint à passer en mode « analyse ». La créature (comme on parle de créature de Dieu**) doit alors faire le bilan de l’action qu’elle vient de décrire, dans une perspective mécaniste : « je me suis mis en colère parce que j’ai improvisé sur une des lignes de mon script ». Encore une fois, mélange de la fiction et du psy.

Qui suis-je ? D’où viens-je ? Mes perceptions sont-elles réelles ? Suis-je vivant ? Êtes-vous morts ? Les vieilles questions métaphysiques sont omniprésentes dans la série, et l’empreinte de Philip K. Dick, toujours royalement présente.

Ces questionnements éternels de l’humanité, Westworld y apporte des réponses, parfois troublantes. Au-delà de la formidable cathédrale romanesque qui se construit devant nous (et n’est visible qu’à la toute fin du dernier épisode), c’est bien ça qui passionne.

* HBO a commencé par être une chaîne de boxe puis est devenue, selon la légende, la seule chaîne où on pouvait dire « fuck » à la télé.
** Les robots étant programmés pour croire que les humains sont des dieux, et les moments où ils sont analysés / réparés, des rêves.




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