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Commentaires et/ou Conseils d’achat de DVD – Peut dégénérer en étude de fond d’un auteur



mardi 13 avril 2010


Tonnerre sous les Tropiques
posté par Professor Ludovico

Une parodie d’Apocalypse Now. Une parodie de Platoon. Une critique du système des Oscars. Une critique des agents. Et des cinéastes européens qui se la pètent… Et de acteurs américains Actors’ Studio qui se la pètent…

Il y a forcément un truc pour vous dans Tonnerre sous les Tropiques, la comédie fourre-tout de Ben Stiller. Ne vous méprenez pas, ce n’est pas The Fatties, la comédie pétomane…

On le voit, on n’est pas vraiment chez les Monty Python, mais plutôt chez Zoolander, où Stiller taillait déjà un costard au monde de la mode.

Bien sûr, Tonnerre sous les Tropiques n’est pas un chef d’œuvre ; il lui manque – sur le thème de la satire Hollywoodienne – la finesse de Tournage dans un Jardin Anglais (avec déjà Steve Coogan) ou l’émouvante humanité de Galaxy Quest (Never give up! Never surrender!)

Ben Stiller n’est pas un grand cinéaste ; il ne sait pas trier le gag fin du gag lourd, et en plus il a beaucoup, beaucoup, beaucoup d’argent (95M$) : il aligne donc les plans, et ne sait pas s’arrêter sur un bon gag. Il surexploite l’incroyable Robert Downey jr, dans peut-être son meilleur rôle de poupée russe (jouer Al Pacino qui joue un noir qui joue dans un film sur le Vietnam)…

Il sous-exploite en revanche le meilleur acteur de sa génération, méconnaissable dans le rôle du producteur fou, qui laisse au moins une séquence finale de rap mémorable…

Mais bon, ce ne sont là que péchés véniels, eu égard à la force de la satire hollywoodienne, et à l’excellence des dialogues…

Il lui sera donc beaucoup pardonné…




dimanche 11 avril 2010


The Square
posté par Professor Ludovico

La magie du cinéma, c’est ça : il ma suffit de zapper dix minutes sur The Square pour avoir envie de voir le film (ce que je n’ai pas encore fait.)

Dix minutes magiques, quasi silencieuses, mais tellement bien filmées qu’on comprend tout : deux couples, un adultère, quelque chose de terrible entrain de se préparer… Un remords soudain, on veut tout annuler, mais c’est trop tard : le drame est en place…

Le tout impeccablement filmé, tout en retenue, en suspense, avec quelques regards échangés… Nash Edgerton a confiance dans le cinéma.

J’ai enregistré son film. Et je vais le regarder…




jeudi 8 avril 2010


Alatriste
posté par Professor Ludovico

Bonne idée que d’adapter le D’Artagnan modernisé d’Arturo Perez Riverte, Capitaine Alatriste. Bonne idée, aussi, que ce soit des espagnols qui s’en occupent (on sait de quels massacres sont capables les américains quand ils adaptent l’histoire européenne). Ici, belle déco réaliste, belles lumières…

Bonne idée, enfin, de confier le rôle du spadassin désespéré à Viggo Mortensen, qui, cereza sur los gatos, parle très bien l’espagnol.

Mais bon, ça s’arrête là. Car le reste est très décevant. Alatriste, le film, se veut désespéré, à l’image des romans ; il ne fait pas bon vivre pauvre et honorable à l’époque de Philippe II. Okay, on a compris… mais le film aligne les scènes de désespoir : la guerre, la maladie, les galères, tout va mal.

Le spectateur veut bien ressentir cette ambiance désabusée, mais il faudrait, par exemple, que l’on passe de l’espoir au désespoir, comme l’impossible amour d’Archer et de la Comtesse Orlewska dans Le Temps de l’Innocence.
Dans Alatriste, tout va mal, et de mal en pis, du début à la fin. C’est le décor, la toile de fond d’Alatriste. On s’y fait et on attend la prochaine scène en reprenant un tapas.

Autre problème : les scénaristes ont cru bon prendre les trois bouquins* et n’en faire qu’un seul (C’est dire s’ils croyaient au potentiel économique de leur sujet !) Si les bouquins de Perez Riverte ne sont pas des chefs d’œuvre de littérature, ils sont bien écrits et dramaturgiquement bien conçus. Chaque livre (Capitaine Alatriste, Les Bûchers de Bocanegra, Le Soleil de Breda) ont une intrigue, un début, et une fin.) On y comprend pourquoi Alatriste est si … triste, pourquoi son ami pamphlétaire risque gros, pourquoi le jeune Inigo ne devrait pas tourner autour de la belle mais dangereuse Donna Angélica.

Ici, on aligne dix ans d’intrigue en 2h20 interminables. Belles, mais interminables…




mardi 23 mars 2010


Pat Garrett & Billy The Kid
posté par Professor Ludovico

En 1970 pour son film More, Barbet Schroeder confie la musique à un petit groupe qui monte : Pink Floyd.

Quand on s’étonna, à la sortie du film, de la quasi absence de la musique au montage final, Schroeder rétorqua : « Ce qu’ils ont fait était trop bon. Leur musique bouffait mon film… »

Peckinpah, lui, est de la génération précédente. Il ne sait pas encore, comme Coppola trois ans plus tard, mixer The End et Apocalypse Now. Non, Peckinpah ne connaît pas grand’ chose au rock quand il confie en 1973 à Bob Dylan non seulement la musique, mais un rôle, dans Pat Garrett & Billy The Kid. Grave erreur. La musique de Dylan bouffe le film, et contrairement à Schroeder, Peckinpah ne sait pas où la mettre, quand la mettre, à quel volume la mettre.

Par tout vous dire, Peckinpah n’a jamais été pour moi un grand cinéaste, juste une sorte de pré-Tarantino qui aime le sang et la violence : Osterman Week End, Les Chiens de Paille, Croix de Fer, la Horde Sauvage, tout ça ne me fait ni chaud ni froid.

On serait tenté de dire que Pat Garrett & Billy The Kid c’est pareil : mal joué, mal filmé, monté à l’arrache, Il ne reste que la superbe photo de John Coquillon, le chef op’ attitré de Peckinpah.

Mais Pat Garrett, c’est plus que ça : une ode à la liberté, une réflexion sur la l’âge de la maturité, et une page d’histoire américaine.

Pat Garrett et Billy The Kid sont deux anciens hors-la-loi, et deux amis. Mais Pat Garrett, le plus vieux, (James Coburn) est devenu Shérif, et a reçu l’ordre des gros propriétaires terriens d’arrêter Billy (Kris Kristofferson). Il le fait à contrecoeur, mais Billy s’évade. Tant pis, il le poursuivra jusqu’au Mexique s’il le faut. Entre les deux, l’énigmatique Alias (Bob D.), fera le choeur grec.

Mais l’intelligence du film, c’est que si Pat Garrett représente la loi, c’est de manière bien lâche, et si Billy, représente la révolte, alors celle-ci est bien faible.

Car nous sommes dans une période clef de l’histoire de l’Amérique : 1880. La Conquête de l’Ouest se termine, et les États tout franchement réunis après une guerre de Sécession dévastatrice, cherchent à devenir un état normal. C’est donc ce moment crucial que filme Peckinpah, quand l’espace, la liberté, qui n’avaient pas de limite, incarnaient les valeurs fondamentales de la frontier : America, land of opportunity.

Mais la liberté totale, même au Paradis terrestre, c’est le chaos. « Ce qui est à moi est à moi, ce qui est à toi est négociable », comme disait Staline. Billy prend ce qu’il veut, pensant exercer une sorte de liberté inaliénable.

Garrett, lui a compris (comme Dylan !) que les temps changent. « Peut-être, mais pas moi ! Maintenant, tu es sheriff, et avant, moi je travaillais pour Chisum. La loi, c’est un drôle de truc » rétorque le Kid. Garrett est passé du côté du manche, même si ça le dégoûte, de travailler pour les gros propriétaires terriens qui posent des barbelés dans la prairie. C’est triste, mais c’est aussi le début des lois, de la justice. Quelqu’un doit faire le job. Garrett sera là pour le faire*.

Peckinpah, semble, comme Alias, regarder cette Amérique mourir (dans de splendides soleils couchants), tandis qu’une autre va naître, à la fin du film, dans un petit matin ensoleillé.

*Suprême ironie, présenté dans l’intro de PG&BTK : Garrett périt vingt ans plus tard, de la même épée : il conteste le coût des baux de location, et on l’abat à l’ancienne dans une embuscade…




mercredi 3 mars 2010


Conspiracy
posté par Professor Ludovico

Un bon sujet, des bons acteurs, ça ne fait pas forcément un film, ni même un téléfilm. Conspiracy, c’est un téléfilm sur la conférence de Wannsee, où Reinhard Heydrich, n°2 des SS, organisa avec Eichmann, l’extermination des juifs en moins de deux heures.

Basé sur la transcription des débats (c’est bien ce qui perd les allemands, ce sens inné de la bureaucratie), le film essaie de donner vie à une dramaturgie qui n’existe pas : on n’a pas peur (et heureusement !) que la conférence échoue. Malgré l’excellence des comédiens (Kenneth Branagh est décidément excellent dans les rôles de méchant), le film ne décolle pas. Il reste néanmoins une sorte de docudrama terrifiant, sur ce que des techniciens, des juristes, des soldats, sont capables de faire, dans le calme d’une maison bourgeoise, au bord d’un lac, un verre de cognac à la main…




lundi 22 février 2010


Un Conte de Noël (2)
posté par Professor Ludovico

Noël, c’est l’occasion de revoir Un Conte de Noël, l’un des meilleurs, si ce n’est le meilleur, film d’Arnaud Desplechin.

Pourquoi Noël ? Parce que le film en parle, et que c’est une fête de famille, et que Desplechin, comme à son habitude, fait sa fête à la famille.

Une famille un peu particulière, il est vrai. Le père, Abel, (Jean-Paul Roussillon, soixante-dix ans) est mariée à une « jeunette », Junon (Catherine Deneuve). Ils ont eu dans les années soixante un fils, Joseph, atteint d’une leucémie foudroyante. Ils ont fait un autre fils (Henri, formidable Mathieu Amalric) dans le seul but d’obtenir du placenta qui permettrait de sauver Joseph. Las ! Celui-ci meurt à 6 ans. Henri, « désormais inutile » (sic) car il y a Elizabeth, la sœur, et désormais l’aînée. Puis il y aura aussi Ivan, farfadet jazzy, gai et gentil (Melvil Poupaud)

Au début de cette histoire, un autre drame frappe la famille Vuillard : Junon est très malade. Elle est atteinte d’une maladie très grave, et seule une greffe – tout à fait incertaine – peut la sauver. Bizarrement, et c’est là toute l’incompréhension que peut susciter le film de Desplechin, Junon et son mari prennent cela avec une certaine légèreté, et, pour le moins, un sens de l’humour acéré.

Mais c’est ne pas comprendre que cette histoire est mythologique, et, pour une fois qu ça a un sens, une véritable tragi-comédie grecque. Comme chacun sait, les dieux descendent parfois de l’Olympe pour vivre parmi nous. Leurs aventures nous aident à comprendre nos propres vies, c’est le but aussi de ce « conte » de Noël.

Car au travers de cette histoire banale (la maladie, l’amour, les conflits familiaux), Desplechin va tisser une toile virtuose et inhabituelle.

Tout d’abord les dieux de cette histoire ne se comportent pas comme dans la vraie vie ; ils disent tout ce qu’ils pensent : « Je ne t’ai jamais aimé » dit la mère a son fils; « Ton fils est bancal » dit le père à sa fille. Le tout sans colère, et au milieu d’une phrase. Les dieux peuvent tout se permettre.

Servi par sa bande habituelle (et sûrement parmi les meilleurs comédiens français (Amalric, Hippolyte Girardot, Deneuve, Roussillon), Desplechin déroule ses thématiques : la bourgeoisie « éclairée », la famille, lieu de bonheurs comme de conflit, la folie, la maladie, la mort.

Mais au contraire de ses concurrents français (y’en a-t-il ?), c’est fait avec invention (faux raccords, flash-back théâtraux, plans face caméra, effet de caches façon cinéma muet, et surtout avec énormément d’humour.

La Professorinette ne s’y est pas trompée : on lui avait proposé de jeter un coup d’œil, elle est restée jusqu’au bout…




dimanche 24 janvier 2010


Shoah
posté par Professor Ludovico

Shoah. Le film devenu nom commun. Que fait Shoah dans CineFast ? Et bien Shoah n’est pas seulement au panthéon du Professore Ludovico, Shoah n’est pas seulement son contenu, le documentaire le plus abouti à ce jour sur l’extermination des juifs, c’est aussi un très grand film.

La preuve l’autre soir, quand Arte rediffusa Shoah en deux parties de 5 heures. Car Shoah c’est ça, un film interminable mais qui vous accroche jusqu’au bout, quand la plupart des documentaires vous lâchent au bout de 90mn.

Claude Lanzman, par ailleurs plutôt détestable*, est un grand cinéaste. Il refuse les facilités habituelles du documentaire, et c’est peut-être pour ça que Shoah est un chef d’œuvre.

Quelques exemples : Lanzman ne coupe rien, il ne double pas les témoignages. Lanzman pose les questions en français, elles sont traduites en polonais, les réponse sont en polonais, traduites en français, et on a droit au quatre versions, en plan séquence. Résultat, pas de contestation possible : vous avez entendu le témoin, si vous voulez contester sa validité, vous pouvez traduire sa réponse. Imparable.

Ensuite, vous avez cet accès direct à la langue, aux accents, aux intonations, et c’est terrifiant. Les explications dans l’allemand gouailleux du Sergent SS, le polonais enjoué des enfants témoins devenus vieillards, l’allemand scandé, teinté de yiddish, du coiffeur de Tel Aviv, qui article parfaitement les mots de la mort : douches, fours, cadavres…

Ensuite, le refus du sensationnalisme est l’autre « marque de fabrique » de Shoah : pas d’images de propagande. Pas d’image de Nuremberg, pas d’images des armées britanniques ou US. Pas d’images nazies. Pas de photos, non plus, des morts du temps de leur vie, pas d’apitoiement. Au contraire, Lanzman filme aujourd’hui : pas les trains de la mort, mais les trains d’aujourd’hui… Pas les fosses pleines de cadavres, mais la plaine d’O?wi?cim aujourd’hui, avec, peut-être, au fond, la silhouette de Birkenau. Pas Treblinka, dont il ne reste rien, mais seulement un monument à Treblinka aujourd’hui (une horreur en pierre de 3 m de haut), dans un travelling terrifiant qui se termine sur l’interstice entre deux pierres, noir comme un trou sans fond.

Car Lanzman filme quelque chose d’impossible : le vide, le néant. Il n’y a plus rien des juifs d’Europe centrale. Comme le disait Primo Levi, dans les Naufragés et les Rescapés : « On ne peut pas raconter un naufrage, parce que ceux qui racontent, par définition, sont des rescapés. Ils n’ont pas participé au naufrage. »

Lanzman n’a que des rescapés à filmer, et très justement, le film respecte parfaitement ce propos.

*Claude Lanzman avait notamment « interdit » à Spielberg (au moment de la Liste Schindler) de filmer l’holocauste. Se prétendre l’ « unique dépositaire de la Shoah » est un des aspects les plus désagréables de Lanzman….




mercredi 30 décembre 2009


Top Gun
posté par Professor Ludovico

Revoir Top Gun après toutes ces années, quelle idée !! Encore une stupide histoire de relation père-fils, de passage de témoin, d’inculcation d’un peu de culture aux chères têtes blondes, de mythologie US en passion aéronautique.

Au final, Top Gun était mauvais comme cochon en 1986, et il le reste vingt trois ans après. La fusée de lancement Simpson/Bruckheimer, le film qui les propulsa avec Tom Cruise au firmament Hollywoodien, est une catastrophe cinématographique, même à l’aune de la production de nos deux inventeurs du high concept movie.

On peut accepter l’histoire archi-rebattue (le jeune maverick* lutte contre les fantômes de son père, pilote comme lui, et mort en mission. Avec ses méthodes de casse-cou, il se met à dos une partie de sa hiérarchie.)

Que de l’archi-classique, mais pourquoi pas.

Mais, contrairement au reste de la production Simpson+ Bruckheimer+Tony Scott, c’est très mal fait. On ne comprend rien aux combats aériens, certes longs et spectaculaires**, mais imbitables. On ne comprend rien à l’intrigue amoureuse (Tom draguouille Kelly McGillis, mais quand il peut passer à l’attaque, il ne se passe rien ; quant à elle, elle ne semble intéressé que par ses connaissances du Mig-23 : plus sexe, tu meurs.

Bizarrement, il refuse de lui communiquer ces informations ; de là à se demander si Tom « Maverick » ne serait pas un) pedé et deux) traître, c’est un pas que nous ne franchirons pas… Car quelqu’un de plus talentueux l’a franchi pour nous, un certain Tarantino Quentin : pour lui, Top Gun est le plus grand film crypto-gay de l’histoire d’Hollywood… c’est hilarant, bien vu, et c’est ici.

Alors comment expliquer le succès incroyable de Top Gun ? C’est en fait la première marche du cinéma des années 80/90 : histoire simplette avec de l’action pour les garçons, romance pour les filles, musique du top 50 (on vendra des tonnes de BO Top Gun). Résultat : le film rapporta 150 M$ et resta un an à l’affiche…

Depuis, il est rarement diffusé à la télé, c’est un signe… Moins en tout cas que son hilarante parodie Hot Shots, qui devrait faire l’objet d’une prochaine chronique…

* Petite merveille rebelle en VO
** On lira à ce propos l’évocation étonnante qu’en fait Jean-Michel Valantin dans son livre« Hollywood, le Pentagone et Washington, Les trois acteurs d’une stratégie globale », narrant les péripéties de la Navy pour vendre « ses avions » contre ceux de l’air Force. Elle mit ses moyens considérables au service du film.




mercredi 30 décembre 2009


Tintin et le Lac aux Requins
posté par Professor Ludovico

Séquence nostalgie hier : voir enfin Tintin et le Lac aux Requins, trente ans après avoir lu la BD. Les puristes vous expliqueront que ce n’est pas un vrai Tintin, mais bien un simple projet, scénarisé par Greg, et validé par Hergé.

Mais autant la BD me terrifiait, autant le film est nul, mal dessiné, mal animé. Reste le plaisir de deviner, quelques secondes avant le Professorino, les rebondissements de l’intrigue. Lui a aimé, alors qu’il refuse de les lire, les Tintin ! Allez comprendre la jeunesse d’aujourd’hui !




samedi 19 décembre 2009


La Chute
posté par Professor Ludovico

C’est toujours bon de revoir les films, même pour de mauvaises raisons. J’avais envie de revoir La Chute pour la performance de Bruno Ganz, après l’avoir revu dans la délicieuse parodie de Brice Hortefeux à Seignosse, qui a fait le tour du web.

Je n’avais pas complètement aimé La Chute à la sortie. Le film succombait, en plusieurs occasions, à l’habituelle fascination pour le régime nazi. Et, comme l’avait brillamment de montré Wim Wenders à l’époque : Oliver Hirschbiegel filmait avec complaisance la mort des enfants Gœbbels, mais pas le suicide du Führer ; comme si c’était le tabou insurmontable, et il oubliait un peu vite que les « héros » de son histoire (le médecin SS, la secrétaire) ne pouvaient ignorer la nature antisémite du régime : le servir au moment de sa chute n’était pas innocent…

Mais à la revoyure, tous ces défauts semblent avoir disparu. Avons-nous accepté, entre temps, le côté révolutionnaire de La Chute ? Car pour la première fois, les allemands regardent leur passé sans culpabilité, sans honte, et sans révisionnisme non plus. Il fallait peut-être le temps d’admettre, aussi, que les jeunes allemands d’aujourd’hui ne paieraient pas éternellement les fautes de leurs parents et grands parents…

Mais surtout, La Chute se révèle un excellent film. D’abord, La Chute est un BOATS, qui évite les icebergs habituels du genre. Tirée d’une histoire vraie, adapté de l’excellent livre de Joachim Fest*, et des souvenirs de Traudl Junge, il contourne le problème en décentrant sa caméra, en ne racontant pas les derniers jours du dictateur, mais au travers d’un Point de Vue, c’est à dire un personnage avec lequel le public sympathise : Traudl, la jeune secrétaire d’Hitler… Jeune, jolie, un peu perdue dans cet univers décadent, Traudl est notre Alice chez les nazis…

L’autre coup de génie, c’est le casting. Que des comédiens excellents, bien sûr, mais un casting très tactique : la star, c’est Hitler, il faut donc une star pour le jouer, et c’est l’immense Bruno Ganz qui s’y colle. Le plus grand des acteurs allemands y livre une performance époustouflante, atteignant parfaitement l’objectif de Bernd Eichinger, producteur-scénariste. Tour à tour sympathique, hystérique, désabusé, visionnaire, Bruno Ganz fait du dragon, un homme. Un fou dangereux, mais un homme. Comme disait Hannah Arendt à propos d’Eichmann, tant qu’on n’acceptera pas la banalité du mal, on ne comprendra rien aux systèmes totalitaires.

En face, il met une bonne actrice, mais inconnue : Alexandra Maria Lara, ma chouchou de Control. En évitant la star – et donc le surjeu – Hirschbiegel facilite grandement l’identification du spectateur. Nous sommes avec elle, tremblante dans la Tanière du Loup lors de son entretien d’embauche, inquiète trois ans plus tard quand tombent les premiers obus russes sur Berlin, fidèle quand elle décide, un peu exaltée, de ne pas abandonner Hitler.

De mêmes, tous les comédiens sont de la même trempe, interprétant la racaille nazie dans cette ambiance fin de règne : incompétente, conspiratrice, traîtresse, fanatique jusqu’à la folie, fidèle jusqu’à la mort, qui sert de cour au monstre mégalomaniaque qui les a entraînés dans cette terrible aventure.
Il ajoute également une deuxième intrigue, complémentaire, celle d’une jeune garçon Hitlerjugend qui sert une batterie de DCA., Tiraillé entre la folie fanatique nazie et son père, ancien combattant qui essaie de ramener son fils à la réalité de la défaite, il incarne le projet d’Eichinger : montrer l’Allemagne dans sa globalité, endormie et fanatisée par les nazis puis martyrisés par eux. Propos difficile, car le cinéma nous a jusque là peu aidé dans ce travail historique : les gentils soldats US d’un côté, les barbares nazis de l’autre, sauf « le courageux Rommel », le « noble von Rundstedt » du Jour le plus Long.
Le tout est baigné dans une reconstitution aux petits oignons, mais sans les fioriture inutiles dont sont coutumiers les films de guerre. Pas de mouvements de foule, pas de jolis plans aériens avec Messerchmitts et Mustang P-51, pas de coûteuse reconstruction 3D de Berlin en ruine.

Tous ces dispositifs (scéniques, casting, scénaristiques) servent parfaitement le propos : Hitler était un homme comme les autres, les allemands ont souffert eux aussi de la guerre, et la jeunesse n’est pas une excuse. D’où cette fin splendide, sans lequel le propos du film piquerait un peu les yeux : après avoir sauvé l’héroïne, le jeune Hitlerjugend, sur un beau plan bucolique, s’en vont tous deux « àààà bicyclette » !

Mais on revient à la réalité. A savoir au premier plan du film, une séquence vidéo tournée avec la vraie Traudl, quelques années avant sa mort, en 2002. « Quand j’ai appris, par le procès de Nuremberg, que six millions de juifs avaient péri, j’ai été profondément choquée. Mais je n’avais pas fait la connexion avec mon passé… Je ne me sentais pas personnellement coupable, ne connaissant pas l’énormité des crimes commis. Mais un jour, je suis passée devant une plaque commémorative de Sophie Scholl, sur la Franz-Joseph-Strasse. J’ai vu quelle avait mon âge, et qu’elle avait été exécuté l’année où j’ai commencé à travailler pour Hitler. Et j’ai réalisé alors que la jeunesse n’était pas une excuse. Et qu’il avait été possible de savoir ces choses…»

*Les derniers jours d’Hitler
Joachim Fest
Editions Tempus




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