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Commentaires et/ou Conseils d’achat de DVD – Peut dégénérer en étude de fond d’un auteur



dimanche 13 janvier 2013


Une Femme Disparaît
posté par Professor Ludovico

Le Professore n’est pas devenu snob, il est snob.

Aux alentours de 1983, une grande rétrospective Hitchcock enflamma Paris. Le Professore, jeune Rastignac beauceron, venait de monter à Paris pour mener les brillantes études que l’on sait. Reclus dans un cul de basse fosse à Malakoff, terrifié par les dangers de la capitale, il engloutissait l’essentiel de son maigre budget dans les salles de cinéma. Mais cet engouement pour un cinéaste populaire était plus que suspect à ses yeux. Que la multitude communie ainsi, de façon si œcuménique, sur La Mort Aux Trousses, Rebecca, ou Vertigo , le répugnait au plus haut point.

Un an plus tard, la MJC de Malakoff proposa elle aussi ce cycle Hitchcock, au modique tarif de 5F la place. Le sang beauceron de Ludovico ne fit qu’un tour : à ce prix-là, vingt dieux, on pouvait bien se damner pour un Hitchcock.

Ce film, c’était Une Femme Disparaît.

Dès lors, le Professore entreprit son chemin de Damas. Rétrospective complète, Ciné-Club avec Claude-Jean Philippe (sur Antenne 2 le samedi soir) ou Cinéma de Minuit, sur FR3, avec la douce de voix de Patrick Brion le dimanche soir, le but étant de voir les 53 Hitch possibles. Ainsi paré, il restait à lire la Bible (« Hitchcock/Truffaut ») conseillé par elBaba. Lecture indispensable à tout cinéphile, même si on ne s’intéresse pas à Hitchcock. Car ce livre dit tout ce qu’il faut savoir sur le cinéma, de la direction des actrices blondes à l’impossibilité d’adapter des Agatha Christie, en passant par la définition du célèbre McGuffin*.

Bref, j’ai revu hier Une Femme Disparaît, et c’est effectivement une bonne façon de commencer chez Hitch : tout y est, en mode léger. C’est une comédie, un film d’espionnage, un thriller, et on ne s’y ennuie jamais.

Pourtant ça commence très doucement : un hôtel dans les Balkans, bondé à cause d’une avalanche qui retarde un train. Cette première nuit inconfortable permet à Hitch d’installer ses personnages, sans placer pourtant l’enjeu principal : une jeune fille va se marier, un couple illégitime se dispute, deux anglais crypto-gays sont des obsédés de cricket, un musicien dilettante, pénible et charmeur, ennuie la future mariée et une vieille dame sympathique passionnée de musique folklorique.

C’est elle qui va disparaître, et la future mariée qui va s’en inquiéter. Après avoir débuté sur ce mode comique, Hitch change de ton. Bizarrement, et contre toute apparence, on accuse Iris (la jeune mariée) d’être mentalement dérangée. Non, elle n’était pas accompagnée d’une vieille dame dans le train, non, elle n’a pas pris le thé avec elle. Le scénario joue alors à la perfection de l’empathie que nous avons nouée avec ce personnage ; nous somme les seuls, semble-t-il, à croire Iris… Un principe qui sera repris dans les grandes lignes, et aussi dans les détails (le nom sur la vitre) dans FlightPlan, avec Jodie Foster.

La mise en place du début, qui peut sembler longuette, se révèle alors diablement efficace : les obsédés de cricket se taisent car ils ne veulent pas retarder le train, la maîtresse illégitime ment, car elle veut faire divorcer son amant. Et une TSI** commence à naître entre la future mariée et le musicien encombrant, modèle inusable de la comédie, associant la pimbêche et le fâcheux.

A la fin, chacun aura néanmoins révélé son vrai caractère : les anglais seront courageux dans l’adversité, l’amant, un vrai lâche, et le dilettante, un vrai courageux.

Outre le talent d’Hitchcock à bâtir une histoire passionnante autour d’un argument aussi mince, Une Femme Disparaît a plein d’atouts dans sa poche : une ambiance sexy (la scène des jambes, les actrices girondes, les sous-entendus sexuels, future marque de fabrique hitchcockienne), un humour très british (Une Femme Disparaît est le dernier film anglais de Sir Alfred), le tout dans une grande économie de moyens « Nous avons tout tourné dans un studio de 90 pieds », déclare-t-il à Truffaut.

Une Femme Disparaît possède aussi un troublant sous texte, pour un film de 1939 : condamnation du « pacifisme idiot » de l’avocat, américains écervelés et anglais tétanisés par le cricket, tandis que des pays d’Europe centrale sont au bord de la guerre. Une paix qui sera sauvée par un artiste : le musicien polyglotte et cultivé, tout un symbole.

Si vous ne connaissez pas Hitchcock, l’entrée est donc par ici, dans une gare perdue du Bandrika, au coeur des Balkans…

*Le McGuffin, est selon Hitch « un truc très important pour les personnages, mais pas du tout pour moi, le narrateur » (p.111 du Hitchcok/Truffaut). Dans Une Femme Disparaît, c’est le message secret que doit convoyer la vieille dame (on ne saura jamais ce que ce message contenait (et on s’en fout), mais les personnages se battent pour lui, et ça, c’est intéressant.


** Tension Sexuelle Irrésolue : quand un homme et une femme se désirent, mais du fait de l’intrigue, ne peuvent conclure : Mulder et Scully en sont le plus vibrant exemple




mercredi 26 décembre 2012


Charade
posté par Professor Ludovico

C’est quoi ce truc avec Charade ? Ce buzz multiséculaire autour de Charade, Hepburn, Stanley Donen. On soupçonne la critique des années 60-70 d’avoir fantasmé grave sur le plus jolie fille du monde : Miss Audrey Hepburn, comme d’autres le feront plus tard sur Ali McGraw, Kathleen Turner, Julia Roberts, Scarlett Johansson.

Car Charade est imbitable, pas drôle, avec des rebondissements abscons, et des dialogues (volontairement) absurdes qui devaient faire tordre de rire en 63, mais qui sont horriblement désuets aujourd’hui.

Bref fuyez cette Charade, pas plus fraîche que celles du Père Fouras !




vendredi 7 décembre 2012


Polisse
posté par Professor Ludovico

Il est des films qui vous arrivent comme dans un coup de poing dans la gueule. Par dandysme, je ne voulais pas voir Polisse à sa sortie. Trop de consensus, trop de branchouillerie Canal+, trop d’amis qui ne vont jamais au cinéma, mais qui t’expliquent que c’est le chef d’œuvre de l’année.

Hier, je cherchais un film pour me divertir (sic), pas trop long (il était déjà tard). Tiens Carnage, 76mn, why not ? Sauf que dans ma mémoire éléphantesque résidait une autre information, la péremption des films. Sur Canal à La Demande, les films restent deux ou trois mois, et après, nada. Va jusqu’au bout de la liste, Professore. Ils sont là, les films que tu dois voir en priorité.

Bam.

Polisse. Expire le 21 décembre. Allez, courage… On en regarde une heure, et on regardera la fin demain.

Comme le disait John Ford, il faut mettre la moitié du budget d’un film au début, et l’autre moitié à la fin. Le spectateur entre tout de suite dans l’histoire, et repart sur la meilleure des impressions, qui lui donne envie de revoir votre prochaine œuvre.

C’est exactement le programme de Polisse, qui vous scotche dès les dix premières minutes, s’arrange pour ne pas trop vous lâcher en route, et finit de manière grandiose. Pour sûr, j’irais voir le prochain Maïwenn.

Parfaitement servi par son cinéma-vérité, qui colle ici parfaitement au propos (la vie, la vie, rien que la vie), Polisse va enchaîner les morceaux de bravoure. Mélangeant les horribles témoignages des enfants abusés, les scènes de vie du commissariat (où l’on glande aussi), les vies annexes de la flicaille (anorexie, divorces, cocufiages divers).

Maïwenn souffle le chaud et le froid, alternant, avec un sens parfait du rythme, tragédie et comédie. Son art consommé du montage, qui semble capable de tirer parti de n’importe quel bout de pellicule, ou des multiples improvisations des acteurs. Et quels acteurs ! La Viard, impériale as usual, Marina Foïs, parfaite en vraie-fausse bonne copine de la précédente, Joey Starr, géniale oxymore dans un rôle de flic.

Bien sûr, il y a quelques faiblesses : le chef de brigade est un peu raté (et très mal joué), et le grand chef flic, franchement caricatural. Des choses marchent moins que d’autres : l’amourette Joey Starr-Maïwenn sent un peu le journal intime de la réalisatrice, et Mrs Maïwenn avec son Leica ne ressemble pas vraiment à un photographe embedded.

Mais tout ça ne sont que peccadilles, devant un film qui vous emporte, vous émeut, mais aussi vous fait rire. C’est la grande force du film, que de traiter d’un tel sujet en deux heures, si souvent mal-traité ou expliqué, et, de réussir à en faire le tour. Sans concession, mais pas sans compassion. Aborder les roms ou l’inceste sans se voiler les yeux, mais sans non plus tomber dans les clichés misérabilistes. Ça se passe ici, Paris Capitale de la France, pas à Outreau, et pas dans un bouge, mais dans une famille huppée, ou dans un gymnase, avec des petits blonds, ou des arabes…

J’ai fini le film à une heure du matin, et je n’étais plus fatigué.




mardi 4 décembre 2012


Le Stratège, deuxième
posté par Professor Ludovico

Un bon film, c’est un film qui vous hante. On continue donc de repenser au Stratège, et surtout à une scène en particulier (Brad Pitt qui écoute les matches de son équipe sur une petite radio, puis, nerveusement, coupant le volume, le remettant, le recoupant, comme pour éviter les péripéties du match – trop consommatrices de battements de cœur – et ne connaître que l’évolution du score.

Alors re-citons (récitons) Don de Lillo, qui a consacré son plus beau livre, Outremonde, à un balle de base ball :

« J’avais une radio portable que je trimballais partout. A la plage, au cinéma – là où j’allais ma radio allait. J’avais seize ans. Et j’écoutais les matches des Dodgers sur le toit. J’aimais être seul. C’était mon équipe. J’étais le seul fan des Dodgers dans le quartier. Je mourais intérieurement quand ils perdaient. Et c’était important de mourir seul. Les autres me dérangeaient. Il fallait que j’écoute tout seul. Et la radio me disait si j’allais vivre ou mourir. »

Impossible de croire qu’Aaron Sorkin n’a pas lu Outremonde, parce que cette scène, avec Brad Pitt seul dans un stade vide (on comprendra plus tard que son équipe joue à l’extérieur, et que Beane ne va jamais voir un match), le doigt sur le bouton volume d’un poste radio. Même s’il ne veut pas voir le match, Beane veut le résultat. Savoir, tout simplement, s’il va vivre ou s’il va mourir. Et dans ces cas-la, mieux vaut être seul, non ?




mardi 27 novembre 2012


La Neuvième Porte
posté par Professor Ludovico

Un grand film, c’est quoi ? C’est un film qui passe sur NRJ12 (en VF mal doublée), qu’on prend au milieu, et qu’on regarde jusqu’au bout, malgré l’alléchant Mad Men S05e1 qui nous attend sur Canal à la Demande.

Malgré tout ce qu’on a pu entendre sur ce film (à part un excellent plaidoyer, à l’époque, dans les Inrocks), La Neuvième Porte n’est pas un petit Polanski. Ou, au contraire, les petits Polanski sont les meilleurs Polanski (comme Ghostwriter, par exemple).

La Neuvième Porte, c’est une sorte de traduction cinématographique idéale du fantastique, un idéal qu’il a été quasiment le seul à atteindre. Pourquoi ? Parce que le genre y est enfin représenté en majesté, sans les habituels effets spéciaux, acteurs au rabais, scénarios gore ou inutilement violents. Pour une fois, on effleure le genre, en restant très proche du réel, ce qui le rend bien plus séduisant. Et bien plus terrifiant.

Les effets spéciaux, par exemple. Il y en a quelques-uns dans La Neuvième Porte, mais ils sont utilisés avec parcimonie. Pas de flot sanguinolent, pas de tête tranchée, pas de caméra virevoltante au-dessus du lit des damnés. Juste une petite musique entêtante, un regard de travers. Comme dans la vraie vie, quand soudain, l’irréel semble surgir du trottoir.

Parce que ce sont enfin de grands acteurs aux commandes (Johnny Depp, Frank Langella, Lena Olin, Emmanuelle Seigner, Barbara Jefford), qui jouent de vrais gens (bouquiniste voyou, millionnaire assoiffé de pouvoir, jet-seteuse sataniste à la petite semaine, sorcière du sabbat, vieil écrivain). Clichés de la littérature fantastique, ils sont enfin incarnés.

Parce que les décors sont réels. Le Paris des bouquinistes, le New York de la finance, le château à la campagne : tout sonne vrai.

Et parce qu’au milieu de cette trame simpliste (retrouver les 9 éditions d’un livre « écrit par Lucifer »), Polanski n’oublie pas de faire l’auteur, parsemant son film d’indices (les nombreuses portes, les représentations du diable (le chauffeur de taxi, le chien…)), ou en glissant son humour bien à lui dans une histoire, qui, sinon, se prendrait probablement trop au sérieux.

C’est ce mélange de terreur sourde et d’humour slave qui font de La Neuvième Porte un film étonnant, qui prend lentement – mais sûrement – sa place dans la cinéphilie.




dimanche 25 novembre 2012


Le Stratège
posté par Professor Ludovico

Le baseball, Aaron Sorkin, Brad Pitt, Soderbergh (puis finalement Bennett Miller aux commandes), voilà une affiche alléchante. Les américains sont passés maîtres dans le film sportif, probablement parce qu’évoluant dans une société plus égalitaire, le mépris du sport qui règne dans nos contrées n’existe pas outre-atlantique. Hollywood ne rechigne pas à faire des films sur le sport, sa beauté, son ingérable dramaturgie. La France, qui a pourtant de belles histoires sportives à raconter (France 98, le Tour de France, Noah, Tabarly…), nous en prive depuis toujours. La faute à la bourgeoisie française, qui fournit son quota de réalisateurs, et, partant, ses préoccupations et ses sujets.

Ici, Le Stratège entre dans cette longue lignée de film sur le baseball, mais amène un truc en plus, une modernité troisième millénaire qui est son principal atout : un film intelligent, subtil, pas si empathique que ça avec son héros. Un antihéros, plutôt : Brad Pitt est Billy Beane, ex-grand espoir du national pastime, mais qui a raté sa carrière de joueur et est devenu manager général des Oakland Athletics, les A’s. Problème : son équipe a un tout petit budget et chaque année, elle se fait piquer ses meilleurs joueurs par les Yankees ou les Red Sox.

Comment faire, alors, si ce n’est innover ? Au détour d’une négo pour acheter un joueur, il repère Peter Brand, un geek du baseball, qui connaît par cœur toutes les stats des 20 000 joueurs de la MLB. Uniquement à l’aide de ces chiffres, le stratège va bâtir une équipe moins chère, mais efficace. Avant, il devra combattre les réticences internes, les barons du baseball, les medias, et même sa propre famille. C’est la que Le Stratège est le plus intéressant.

Brad Pitt, qui prouve une fois de plus son immense talent, malheureusement masqué par son aura de star, incarne un Beane sympathique, mais pas plus que ça : un type entièrement centré sur son objectif, sans état d’âme, capable de virer un type en deux phrases.

Le contraire, somme toute, du mélo wagnérien façon Bruckheimer, Le Plus Beau des Combats, pourtant film-étalon du film sportif selon le Professore.

La bonne nouvelle là-dedans, c’est que la télé vient enfin régénerer le cinéma moribond, via Aaron « Maison Blanche » Sorkin. Le Stratège serait alors en fait être l’évolution naturelle du biopic, modernisé par l’inévitable Sorkin, qui ré-invente le genre après The Social Network avec ce motto : nous émouvoir sur le sort d’un connard génial.




mercredi 14 novembre 2012


Les Marches du Pouvoir
posté par Professor Ludovico

Le cinéma engagé de Clooney et Soderbergh est éminemment sympathique a priori, puisqu’il reste le seul à proposer un cinéma de gauche aux Etats-Unis qui soit à la fois réaliste, indépendant, intéressant, et passionnant sur la forme et le fond.

Quand on relit ces 7 critères, on verra que ça disqualifie beaucoup de films indépendants, de Little Miss Sunshine à La Nuit Nous Appartient, et qu’il reste peu de cinéastes américains disponibles sur le créneau.

Les Marches du Pouvoir fait donc partie du dispositif, écrit été réalisé par Clooney, produit par Di Caprio, et interprété par Ryan Gosling, Paul Giamatti, George Clooney, Philip Seymour Hoffman, et Evan Rachel Wood.

C’est bien, c’est intéressant, fort bien joué, mais il manque un tout petit peu d’épice pour que ça soit parfait.

Cette histoire de jeune conseiller idéaliste (Gosling) qui travaille pour le grand manitou des primaires (Philip Seymour Hoffman) commence comme beaucoup d’autres, de Primary Colors à Bob Roberts. Clooney va insérer petit à petit du venin dans son scénario, tout en se réservant le second rôle (le candidat aux Primaires), Démocrate parfait. Pourtant chacun va perdre ses illusions. Ainsi va la politique.

Bizarrement, Les Marches du Pouvoir n’a pas la force brute (et drôle) de Primary Colors, n’a pas le temps (comme The West Wing) de développer ses personnages, ce qui fait que tout cela nous laisse un petit goût de pas mal, mais qu’on aurait du mal à chaudement recommander.

En même temps, c’est ça ou Qui Veut Épouser Mon Fils ?




dimanche 4 novembre 2012


Starship Troopers
posté par Professor Ludovico

Comme bien d’autres, Paul Verhoeven fait partie de ces réalisateurs européens qui ont fait le voyage à Hollywood ; la grande Usine à Rêves, telle la déesse Kali, dévorant les jeunes talents pleins de fougue pour nourrir son ventre toujours plus gros.

Comme ses illustres prédécesseurs (Lubitsch, Hitchcock, Lang), Verhoeven a essayé d’insinuer un peu de poison dans la machine, un peu de cerveau européen dans le muscle américain, un peu de subversion dans un cinéma disneyé à l’extrême.

Starship Troopers en est la plus élégante démonstration. La plus pernicieuse, aussi.

Au départ, il y a un livre très réac, Etoiles, Garde à Vous ! écrit par Robert Heinlein en 1959. L’histoire est la même : des jeunes gens s’engagent dans l’infanterie mobile pour devenir des Citoyens. La guerre fait rage contre les extraterrestres, des arachnides grouillants n’obéissant qu’à un unique cerveau (si vous n’avez pas compris l’allusion à la vermine communiste, merci de changer de blog). Par leur courage indéfectible, nos jeunes fantassins infligent une terrible défaite aux arachnides. Le livre est particulièrement mauvais, même dans le contexte de la Guerre Froide.

Le coup de génie de Verhoeven, c’est de refuser absolument de moderniser l’histoire, mais au contraire de l’adapter telle quelle. Car son projet est autre : jouer le premier degré, c’est en effet exposer sa connerie au grand jour. Et Verhoeven ne va pas faire les choses à moitié : d’abord, il caste des beaux gosses incroyables et des filles sublimes dans les profondeurs du soap américain (Casper Van Dien et Dina Meyer (Beverly Hills), Denise Richards et Patrick Muldoon (Melrose Place), bref, que des dents blanches parfaites, des brushings au carré, même quand le sang verdâtre alien leur dégouline sur le visage.

Coup de vice supplémentaire, il va plaquer, en loucedé, une esthétique nazie sur l’ensemble. Costumes afrikakorps grisés pour l’aéronavale, aigle comme symbole de la Fédération, blonds aux yeux bleus à droite et à gauche, mais surtout, des scènes, piquées plan pour plan au Triomphe de la Volonté, le chef d’œuvre de Leni Riefenstahl (idéologie mise à part, évidemment !) sur le congrès de Nuremberg en 1934. Par exemple, la première scène, où chacun se dit prêt « au combat », ou une plus loin, une scène expurgée depuis : « D’où viens-tu soldat ? » « De Buenos aires ! » « De Dublin ! » « D’Austin, Texas ! », répondant aux mêmes plans de volontaires dans Triumph des Willens : « De Rhénanie ! De Franconie ! De Bavière ! »

Évidemment, ces allusions ne passèrent pas inaperçues à la sortie, et depuis, certaines scènes ont été coupées. Mais ces ajouts au roman initial, si profondément inclus dans la trame du film, ses dialogues, ses décors, transforme radicalement le propos.

Désormais, Starship Troopers a deux couches : un film d’action très réjouissant, Full Metal Jacket rigolard (les séquences d’entraînement plutôt gore), western insectoïde façon Alamo (le fortin assiégé), Star Trek dans la Kriegsmarine (batailles dans l’espace kitschissimes), Love Story à deux balles (un homme, deux femmes, la guerre). Au service de cela, le casting ultra brite, le ton enjoué des dialogues « C’mon you apes, you wanna live forever? », la déco ultra kistch et ultra propre des vaisseaux, des costumes, et des fusils en plastique.

Mais dans le même temps, Verhoeven peint sa deuxième couche autoparodique : les combats sont extrêmement réussis, violents et gore (éventration, suçage de cerveau, membres tranchés dans le vif avec giclées de sang sur la camera) ; on voit des seins (assez rares dans le cinéma US), et si les décors et les vaisseaux sont peu réalistes, les arachnides sont incroyablement modélisés en 3D.

Mais le coup de maître, c’est quand Verhoeven ajoute ces fameuses séquences informatives, parodie d’Internet « Do you want to know more? », du Triomphe de la Volonté, et de Why We Fight, les films de propagande US réalisés par Capra pendant la guerre.

Le piège se referme alors sur le spectateur : si on aime ces personnages, ces scènes d’action hypervitaminées, et ces films d’endoctrinement très drôles, alors en quoi est-on différent des nazis ?

Ce fut l’explication de Verhoeven à l’époque « La guerre rend tout le monde fasciste ». son humour caustique, dévastateur, est évidemment une attaque déguisée contre l’Amérique proprette qui se veut toujours le parangon de la démocratie. Mais comme le dit Jean Rasczak, le Professeur redevenu Lieutenant d’Infanterie : « le droit de vote, c’est un pouvoir ; le pouvoir, c’est exercer une violence* ».

Insérer une leçon de morale politique bien cachée au fond d’une GCA, il fallait le faire, Verhoeven l’a fait.

Rien que pour ça, il faut voir Starship Troopers.

* « When you vote, you are exercising political authority, you’re using force. And force, my friends, is violence. The supreme authority from which all other authorities are derived. »




jeudi 1 novembre 2012


Case Départ
posté par Professor Ludovico

Case Départ, c’est un peu Retour Vers le Futur aux Antilles. Qui n’a pas la prodigieuse construction de son ancêtre (accumulation d’enjeux jusqu’à l’explosion de rires finale), mais qui n’est pas sans attrait. D’abord le sujet, car il y a très peu de films sur l’esclavage, encore moins français, et encore moins de comédies sur le sujet.

Le pitch déjà est étonnant ; lui aussi : deux noirs d’aujourd’hui, caricatures assumées. Joël (Thomas N’gijol), est un petit voyou, braqueur de vieille dames, père à la ramasse, obsédé sexuel, mais se prétend « victime du racisme », et qui prétend avoir trouvé la rédemption dans l’islam. Une paire de fesses dans un jean trop moulant l’écartera rapidement de cette nouvelle vocation. Régis (Fabrice Eboué) est tout le contraire : un métis très intégré, trop intégré. Conseiller municipal, il se croit obligé de rires aux blagues FN de son maire, et fait la leçon aux africains qui ont le malheur de passer dans son bureau. Marié à une femme blanche moins raciste que lui (Blanche Gardin, qu’on aimerait voir plus souvent et dans d’autres rôles que seconds), il mange du Pont l’Evêque, et écoute Laurent Voulzy.

Un coup de téléphone va les réunir : leur père est mourant. Les voilà demi-frères. Ils se découvrent et, évidemment, se détestent. Sur son lit de mort, Le père leur livre un ultime héritage, le trésor de la famille : le document qui émancipa leur ancêtre en 1780, et en fit un homme libre.

Pour une fois, les frères sont d’accord : cet héritage, c’est de la merde ! Furieux de ne pas hériter d’un vrai trésor en doublons sonnants et trébuchants, les deux compères déchirent le parchemin, au grand dam de leur tante. Pas de chance, celle-ci est une mambo, une sorcière vaudoue. D’un nuage de fumée de sa pipe magique, elle les envoie d’où ils viennent : les Antilles, 1780.

Comment rejoindront-ils leur présent ? Trouveront-ils la rédemption ? C’est le sujet de Case Départ.

La première réussite du film est d’utiliser ses deux caricatures pour traiter, dans les grandes largeurs, les thématiques habituelles du Jamel Comedy Club. Et comme le fit cette nouvelle scène, d’apporter un nouveau souffle à la comédie à la française, en abordant des thèmes jusque là interdits aux comiques français de souche, comme dirait la famille Le Pen. On peut enfin traiter le racisme sous tous ses angles, sans complexe, comme par exemple l’homophobie noire. Gag récurrent de Case Départ (avec un final pour le moins attendu), les deux personnages s’efforcent de démontrer pendant tout le film « qu’ils ne sont pas pédés ». De même, l’épisode des Neg’ Marrons montrent nos personnages prêts à tout, enfin presque.

Le seul regret que l’on pourra opposer à Case Départ, c’est probablement une caricature trop appuyée des blancs, trop gentils ou trop méchants (mais quand on voit le traitement du camp d’en face, difficile d’appuyer trop longtemps cette critique).

Plutôt, on leur reprochera de n’en avoir pas assez fait. Il y avait matière à saturer Case Départ de gags (à l’image du running gag du T-Shirt Scarface), et de pousser ses gags le plus loin possible.

A coup sûr, on guettera les prochaines productions Ngijol & Eboué.




dimanche 14 octobre 2012


Copland
posté par Professor Ludovico

J’ai résilié mon abonnement à TCM, parce que je n’y regardais jamais rien. Mais il me reste encore un mois, et en zappant, on ne tombe pas que sur Arsenic et vieilles Dentelles ; on peut aussi tomber sur Copland, le chef d’œuvre de James Mangold, pour ceux qui n’étaient pas nés dans les années 90.

Copland, c’est le surnom d’une petite ville fictive du New Jersey. Le shérif de Copland n’est autre que Sylvester Stallone, qui signe là son plus grand rôle, loin des bêtises sur la boxe ou le Vietnam. La vie du shérif Heflin est tranquille, entre accidents de voiture et chiens perdus sans colliers. Et pour cause ! Copland porte bien son nom : elle n’est peuplée que par de flics New Yorkais, venus trouver un havre de paix pour leurs familles, pas loin de la grande cité.

Mais derrière cette vision idyllique, se cache une organisation parallèle, quasi-mafieuse, organisée par des flics ripoux, et dirigée par Ray Donlan (Harvey Keitel), qui gère tout, de l’attribution des logements aux chantiers de construction, et qui se rémunère par de généreux pots de vin.

Une bavure, que l’on tente de couvrir tant bien que mal, va déclencher un tsunami dans cette bourgade bien tranquille, et amener les flics du BIA (la police des polices americaine) à s’intéresser à Copland. Au milieu de l’action, Heflin, le flic un peu benêt (en fait à moitié sourd) va finalement se révéler héroïque.

Si vous n’avez pas encore vu Copland, il est temps de réviser ses classiques. Son scénario est implacable, sa description des caractères impitoyable (de l’ex-cocaïnomane (Ray Liotta) au flic frustré du BIA (Rovert de Niro). A la tête d’un casting impeccable, où l’on retrouvera les plus grandes star télé des années 2000*, siège Sylvester Stallone, immense en héros handicapé, tentera de ménager la chèvre et le chou jusqu’au bout, car solidaire de la communauté qui le protège depuis toujours. Mais sa profonde honnêteté aura-t-elle le dessus ?

C’est tout l’enjeu de Copland, que je vous laisse découvrir.

* Peter Berg (futur réalisateur de Hancock et Battleship), Robert Patrick (X-Files), Michael Rapaport (Prison Break), John Spencer (The West Wing), Frank Vincent ou Edie Falco (Les Soprano), John Doman (The Wire, Borgia)




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