vendredi 7 décembre 2012


Polisse
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Il est des films qui vous arrivent comme dans un coup de poing dans la gueule. Par dandysme, je ne voulais pas voir Polisse à sa sortie. Trop de consensus, trop de branchouillerie Canal+, trop d’amis qui ne vont jamais au cinéma, mais qui t’expliquent que c’est le chef d’œuvre de l’année.

Hier, je cherchais un film pour me divertir (sic), pas trop long (il était déjà tard). Tiens Carnage, 76mn, why not ? Sauf que dans ma mémoire éléphantesque résidait une autre information, la péremption des films. Sur Canal à La Demande, les films restent deux ou trois mois, et après, nada. Va jusqu’au bout de la liste, Professore. Ils sont là, les films que tu dois voir en priorité.

Bam.

Polisse. Expire le 21 décembre. Allez, courage… On en regarde une heure, et on regardera la fin demain.

Comme le disait John Ford, il faut mettre la moitié du budget d’un film au début, et l’autre moitié à la fin. Le spectateur entre tout de suite dans l’histoire, et repart sur la meilleure des impressions, qui lui donne envie de revoir votre prochaine œuvre.

C’est exactement le programme de Polisse, qui vous scotche dès les dix premières minutes, s’arrange pour ne pas trop vous lâcher en route, et finit de manière grandiose. Pour sûr, j’irais voir le prochain Maïwenn.

Parfaitement servi par son cinéma-vérité, qui colle ici parfaitement au propos (la vie, la vie, rien que la vie), Polisse va enchaîner les morceaux de bravoure. Mélangeant les horribles témoignages des enfants abusés, les scènes de vie du commissariat (où l’on glande aussi), les vies annexes de la flicaille (anorexie, divorces, cocufiages divers).

Maïwenn souffle le chaud et le froid, alternant, avec un sens parfait du rythme, tragédie et comédie. Son art consommé du montage, qui semble capable de tirer parti de n’importe quel bout de pellicule, ou des multiples improvisations des acteurs. Et quels acteurs ! La Viard, impériale as usual, Marina Foïs, parfaite en vraie-fausse bonne copine de la précédente, Joey Starr, géniale oxymore dans un rôle de flic.

Bien sûr, il y a quelques faiblesses : le chef de brigade est un peu raté (et très mal joué), et le grand chef flic, franchement caricatural. Des choses marchent moins que d’autres : l’amourette Joey Starr-Maïwenn sent un peu le journal intime de la réalisatrice, et Mrs Maïwenn avec son Leica ne ressemble pas vraiment à un photographe embedded.

Mais tout ça ne sont que peccadilles, devant un film qui vous emporte, vous émeut, mais aussi vous fait rire. C’est la grande force du film, que de traiter d’un tel sujet en deux heures, si souvent mal-traité ou expliqué, et, de réussir à en faire le tour. Sans concession, mais pas sans compassion. Aborder les roms ou l’inceste sans se voiler les yeux, mais sans non plus tomber dans les clichés misérabilistes. Ça se passe ici, Paris Capitale de la France, pas à Outreau, et pas dans un bouge, mais dans une famille huppée, ou dans un gymnase, avec des petits blonds, ou des arabes…

J’ai fini le film à une heure du matin, et je n’étais plus fatigué.


3 commentaires à “Polisse”

  1. Karl Ferenc Scorpios écrit :

    Bonjour Professor, heureux d’apprendre que vous avez été libéré par vos geôliers. Je viens à peine de voir le film pour des raisons similaires aux vôtres avec en plus de très forts a priori négatifs sur la troupe du film et sa réalisatrice à tête bizarre.
    Ah vieux frère d’arme, comme la lecture de votre chronique fût un ravissement car OUI tout de go Polisse est un grand film français dans la lignée des « la femme flic » pour le traitement de la pédophilie ou de « L.627 » pour le côté réaliste sans esthétisme (1). Vous conviendrez que de nos jours en France seul Jacques Audiard (2) arrive à faire carton plein dans ce genre, assez délicat, consistant à filmer le mal banal, les gens de la vraie vie, les situations douloureuses, sans jamais ennuyer son spectateur ou lui faire subir une leçon indigeste de morale (3).

    Un grand merci Madame Maïewenn car un grand film c’est aussi un film populaire, surprenant et transgénérationnel qui fait du bien même avec un sujet dur.

    Cependant, encore un effort : abandonnez définitivement le métier d’actrice pour vous concentrer sur celui de réalisatrice, récupérer des financements via vos filières et adaptez nous quelques bons romans français. En un mot bosser dur les quelques défauts notés par le Professor et élargissez votre palette.

    Une idée ? Aller le Karlo n’est pas chiche, prenez en main les Racines du mal de Dantec (4) pour voir ce que vous donnez avec un peu d’action. Moi je fais le pari que vous allez encore nous surprendre avec votre air un peu énervant de ne pas y toucher !

    (1) Petit défaut ou parti pris des films cependant excellents de Monsieur Marchal.
    (2) Mine de rien et gisement de pas grand chose, Polisse je viens juste de le mesurer à Boisset / Tarvernier / Audiard.
    (3) Même Monsieur Gavras vieillissant s’y fait prendre.
    (4) Kassovitz s’est cassé les dents sur Babylon.

  2. Ludo Fulci écrit :

    Dommage que sur ce site, on ne puisse faire des « Like » … Eh oui, dans la trilogie 2011 (Intouchables/The Artist/Polisse), c’était bien celui qui a eu le moins de récompenses … qui était le meilleur du lot (ce qui confirme une autre théorie cinefastienne).

    Sinon j’aurais bien aimé voir Dewaere jouer dans le cinéma de Maïwenn …

    Suis pas bien sûr qu’elle sache faire de la SF/Anticipation barrée à la Dantec … en revanche, elle pourrait nous offrir une vision décoiffante/inhabituelle/réaliste d’une histoire période WWII, genre la Résistance façon Maïwenn, ça pourrait donner qqch …

    Sinon c’est quand même chouette un site où l’on parle de Boisset / Tavernier / Audiard … Manque plus que Melville / Corneau / Sautet … et ce sera le site idéal !

    Cinefast 4 Ever !

  3. Ludo Fulci écrit :

    Sinon rien à voir, mais en regardant le site Wiki de Dujardin, je viens de voir qu’il joue dans le prochain Scorcese (et pas un p’tit rôle) !!! Un « nous C nous » chez Scorcese, ça semble … irréel …. et mossieur Dujardin se permet de cumuler ça avec le 1er rôle dans le prochain Rochant (Les Patriotes, autre grand film du cinéma français) …

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