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Commentaires et/ou Conseils d’achat de DVD – Peut dégénérer en étude de fond d’un auteur



lundi 31 mars 2014


Good Bye Lenin
posté par Professor Ludovico

C’est toujours amusant de voir un film longtemps après la hype. Good Bye Lenin faisait partie des films qu’on m’avait violemment conseillés à l’époque, que je n’avais pas refusé de voir, mais bref, ça n’a s’était pas fait. Il est depuis passé à la télé plusieurs fois, et je l’ai raté à chaque fois. Le signe – quand même – d’une très faible volonté de la part du Professore.

Mais voilà la Professorinette passe le bac, et considérant que le meilleur des profs d’allemand, c’est encore le cinéma, décide de bosser sa compréhension orale en visionnant quelques films. Immédiatement, le Professore suggère La Chute et Das Boot, mais bizarrement la jeune fille préfère Good Bye Lenin.

Bon, ben, c’est bien, sans plus. Après toutes ces années, il ne reste que les souvenirs de la hype : des scènes soi-disant très drôles d’une RDA reconstituée. Il ne reste qu’une forme de nostalgie de la chute du Mur, mélangée à une forme d’empathie distanciée pour ces ossies qui voyaient le rêve socialiste s’effondrer.

Tout cela semble bien loin maintenant.




mardi 25 mars 2014


Le Juge Fayard dit le Shérif
posté par Professor Ludovico

Ça faisait des années que je voulais revoir le biopic d’Yves Boisset, Le Juge Fayard dit le Shérif. Aussi bizarre que ça puisse paraître dans une famille UDF, mes parents m’avaient laissé voir le film à la télé. Peut-être parce que, de droite mais pas gaullistes, ils n’appréciaient guère les magouilles du SAC de Charles Pasqua.

Aujourd’hui, pour la première fois à la télé, on entend le mot SAC. Car à l’époque, c’est un bip qu’on entendait : le SAC avait gagné en référé le droit de ne pas apparaître dans le film. Mais il y avait toujours un type pour le révéler aux Dossiers de l’Ecran, pour hurler que la télé de droite censurait les artistes, immédiatement démenti par un représentant du ministère le traitant de gauchiste irresponsable.

La force du film de Boisset, ce n’est pas sa forme qui, contrairement au Police Python 357 d’Alain Corneau, est très classique. C’est avant tout l’intrigue, très bien faite, pleine de suspens (l’évasion, le braquage) et son casting de révoltés fracassants (Patrick Dewaere, sa copine Aurore Clément, le flic intègre Philippe Léotard). Ils sont en très bonne compagnie, une flopée de seconds rôles incarnant cette France rancie (Michel Auclair, le gangster, Jean Bouise, le Procureur Général, Jean-Marc Bory, le type arrogant du SAC, Marcel Bozzuffi, l’ancien de l’OAS) et évidemment le magnifique Jacques Spiesser, ange blond de la vengeance.

Ensuite, si le film est un brûlot engagé, il est loin d’être gentillet. Fayard est un personnage sympathique, mais en demi-teinte. Face à sa copine prof, évidemment anti flic, Fayard est un républicain, un type qui croit lui aux institutions, et qui n’a pas, selon ses propres termes, renoncé à changer le monde.

Mais petit à petit, Fayard va se prendre au jeu de faire tomber ces notables. Obsessionnel, menacé, mais confronté à son impuissance, il devient un type odieux, capable de secouer un suspect sur son lit de mort. Sans parler du rôle trouble du Syndicat de la Magistrature, incarné par Spiesser, qui instrumentalise Fayard jusqu’à sa perte.

Le Juge Fayard, c’est aussi le sentiment d’assister à la fin d’une époque, illustré par la destruction finale de l’usine Camus (sic) : un monde qui implose sur les ruines du gaullisme, de l’Indochine, et de l’Algérie.

Bozzuffi en est le vivant emblème, soldat perdu de l’OAS mis au service d’intérêts particuliers qu’il méprise. En en prenant conscience, il préfère mourir en duel à mort face à Philippe Léotard, comme dans un western, plutôt que d’être pris. Quant à Dewaere, il meurt abattu comme un chien, pour n’avoir su lâcher du lest au bon moment.

Bozzuffi/Dewaere, deux idéaux opposés, mais qui se rencontrent dans la mort… Un final de rêve pour un film cauchemardesque.




mardi 11 mars 2014


Docteur Folamour
posté par Professor Ludovico

L’autre jour, c’était école du soir à CineFast : dans cette grande dictature éclairée, le Professorino et la Professorinette avaient cours du soir, option Kubrick. Ça n’a pas marché : trop long, trop vieux, trop compliqué. Pour des enfants qui l’étudient en cours, la Guerre Froide ne signifie pas grand’chose, pour nous, si. Petit, je vivais dans l’angoisse d’une guerre atomique, c’est peut-être pour ça que Docteur Folamour fait rire les gens de ma génération.

Le film reste néanmoins une pierre blanche dans la filmographie de Kubrick, et sa meilleure comédie (c’est facile, c’est la seule !) Revue de détail.

Eros et Thanatos
Kubrick avait titré sa première œuvre Peur et Désir : toute était dit, pour toujours : ce thème sera omniprésent dans l’œuvre kubrickienne, et à son apex dans Eyes Wide Shut.

Dans Docteur Folamour, elle prend un sens particulier, c’est le fondement même de l’intrigue : si le colonel Jack D.Ripper lance ses bombardiers à l’assaut de l’URSS, c’est bien parce que ses « fluides corporels » sont menacés. En clair, il ne bande plus. Kubrick va jouer du motif sexe/guerre pendant tout le film : dans le coffre des codes nucléaires du B-52, il y a des posters de filles nues, dans les rations de survie, cohabitent colt 45 et préservatif, et au lieu de retourner à son poste, le general Turgidson (dont le nom est tout un programme) préfére rester avec sa secrétaire en bikini. Quant au salut nazi du Docteur Folamour, il ressemble à une érection mal contrôlée. Le bon docteur est en train d’expliquer son plan de survie : s’enterrer dans des mines pendant en un siècle, entouré de jeunes femmes sélectionnées pour leurs « attrait sexuels » afin de favoriser la reproduction, et dans une proportion de dix femmes pour un homme, ce qui ne manque pas d’émouvoir profondément le General Turgidson (George C. Scott).

L’anti-militarisme
Peace is our Profession. C’est ce panneau publicitaire mis en évidence dans le cadre à plusieurs reprises, dans les arrière-plans. Comme Orange Mécanique, Docteur Folamour est évidemment un conte philosophique, une farce pour faire passer un message plus grand que la blague qui le contient. Ici, pas mieux qu’ailleurs, les militaires passent un sale quart d’heure. Stratège à la petite semaine, Petit César de Bataillon, Jack D’Ripper (Jack l’Eventreur, Sterling Hayden) est la version drôle des brutes galonnées qui hantent l’œuvre kubrickienne, de Full Metal Jacket aux Sentiers de la Gloire, de Peur et Désir à Barry Lyndon. Ici, dans un versant ridicule, mais tout aussi effrayant. Et c’est le message, évidemment, de Kubrick sur la Guerre Froide : il suffit d’un abruti comme Ripper pour sombrer dans l’apocalypse.

L’homme est une machine
Un autre élément central de Docteur Folamour, c’est le concept de l’homme-machine. Une idée assez centrale chez Kubrick : quand on met l’homme dans un système, il est capable de tout, et surtout du pire : l’aliénation du libre arbitre d’Alex dans Orange Mécanique, via la méthode Ludovico, la soumission à l’ordinateur dans 2001, à l’ordre social dans Eyes Wide Shut, à l’esprit de corps dans Full Metal Jacket.

Dans Docteur Folamour, Kubrick s’attarde tout particulierement à cette logique. L’introduction, dans le bombardier B52, décrit de manière interminable la procédure, extrêmement rigoureuse, à appliquer en cas d’attaque nucléaire. Une façon de montrer que la guerre ne se lance pas à la légère, pense-t-on. L’équipe vérifie, revérifie, et revérifie encore, grâce à des procédures très absconses, codées comme dans une secte. Mais non, le « code R » a bien été déclenché. Après un petit discours de motivation « je ne suis pas très doué pour ça les gars, » dit le Major King Kong, alors que son discours est excellent (il promet des récompenses et des médailles à la fin, même pour les noirs !), on se lance de manière très professionnelle dans l’extermination de masse. Sans aucune crise de conscience des membres de l’équipage. Sans questionnement. Car le piège de la technique s’est refermé sur eux : les soldats sont devenus des robots. Ce que Kubrick va démontrer dans la scène finale, où le sort s’acharne sur eux (missile russe, incendie, soute à bombes en panne), mais, petits robots dévoués, ils triompheront des éléments pour détruire l’humanité. La scène finale répond alors à la première par une interminable litanie de chiffres : « cap 060, cible 5 miles, CPI enclenché à 7... » Quand la communication a échoué, il ne reste que le programme.

C’est le rêve du Docteur Folamour. Lui qui est l’incarnation de ce rêve, mi-homme, mi machine, avec son bras mécanique et sa chaise roulante. Le bon docteur explique en détail – et avec un plaisir non dissimulé – comment fonctionne la Doomsday Machine, l’outil de dissuasion ultime, puisque c’est un ordinateur russe qui décide, dans aucune intervention humaine, de la riposte nucléaire. Petit oubli : pour qu’il y ait dissuasion, il faudrait que l’ennemi en face le sache, mais les russes avaient oublié.

Échec de la communication humaine, triomphe de la machine, thème kubrickien par excellence.




samedi 8 mars 2014


L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot
posté par Professor Ludovico

C’est l’histoire d’un film maudit, un film que vous ne verrez jamais : L’Enfer, d’Henri-Georges Clouzot, l’un des plus grands – si ce n’est le plus grand – réalisateur français : L’assassin habite au 21, Le Corbeau, Quai des Orfèvres, Le Salaire de la peur, Les Diaboliques

En 1963, Henri-Georges Clouzot sort d’une grave dépression personnelle et il a ce sujet, l’histoire d’un homme qui reprend un hôtel au Viaduc de Garabit et devient jaloux de sa femme, jaloux jusqu’à la folie. Cette femme, c’est tout simplement Romy Schneider, splendide du haut de ses vingt-six ans.

Comment filmer la jalousie ? C’est ce qui préoccupe Clouzot. Il retient l’idée de filmer la réalité en noir et blanc, et les hallucinations en couleur… Va commencer alors un tournage délirant qui va mener le film à sa perte. D’autant plus que Clouzot est alors un cinéaste A-List : à telle enseigne que la Columbia, émerveillée devant ces premiers essais hallucinatoires, lui ouvre une ligne de crédit illimitée pour réaliser son film. Erreur dramatique : Clouzot va se lancer dans des recherches interminables, mais sublimes.

C’est l’objet de ce merveilleux documentaire, L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot, signé Serge Bromberg. Ces bobines sublimes nous montrent à la fois l’étendue du talent de Clouzot et ce que le film aurait pu être. Un film onirique, lynchéen, d’une perfection graphique et musicale sublime, à base d’effets de couleur, d’éclairages tournants, de musique électro-acoustique et dégageant un érotisme incroyable. Clouzot a tout simplement trois ans d’avance avant que la vague psyché ne déferle sur Londres avec les light show du Pink Floyd.

Une fois cette phase de recherches terminée, Clouzot se lance dans le tournage à proprement parler. Et c’est là, ivre d’argent et de pouvoir, qu’il va échouer. Comme Coppola pour son Apocalypse Now, Clouzot a « trop d’argent, trop de monde » et pas assez de temps : il tourne au lac artificiel de Garabit, qui doit bientôt être vidé. Clouzot a trois semaines de tournage ce qui est largement suffisant, sauf qu’il décide de multiplier les prises, les caméras, les équipes, tout en voulant tout contrôler : le cadre, la lumière, la mise en place.

Evidemment, qui trop embrasse mal étreint. Les équipes attendent Monsieur Clouzot, puisqu’il va vouloir tout refaire, et le plan de travail n’avance pas. Le réalisateur du Salaire de la Peur harcèle ses jeunes assistants, démotive ses grognards, et pousse au burn out son acteur principal, Serge Reggiani qui rend son tablier, même sous la menace d’un procès.

Clouzot n’a pas le temps de trouver un remplaçant, terrassé lui-même par une crise cardiaque en filmant (sic !) une scène lesbienne entre Romy Schneider et Danny Carrel.

Il n’y aura jamais d’Enfer. Claude Chabrol en tirera un remake en 1994, avec François Cluzet et Emmanuelle Béart.

Clouzot fera encore un film (La Prisonnière) mais ne retrouvera jamais le niveau, et mourra 13 ans plus tard, à 70 ans.

Reste ces bobines magiques, exhumées dans ce magnifique documentaire. A ne pas rater.




mardi 18 février 2014


Jurassic Park III
posté par Professor Ludovico

Moins mauvais que dans mon souvenir, mais pas un chef d’œuvre non plus, tel est le bilan de la revoyure hier soir de Jurassic Park, troisième du nom, exigé par le Professorino.

A vrai dire, il manque quelqu’un au casting de Jurassic Park 3 : Steven Spielberg. Seul l’homme de Rencontres du Troisième Type ou E.T. pouvait magnifier ce scénario épais comme un sandwich SNCF, signé de l’immonde Alexander Payne (Sideways, The Descendants).

Le professeur Grant (Sam Neill, transparent as usual) est réembauché par les Kirby (William H. Macy, Téa Leoni), un couple de richards qui veulent se payer le grand frisson survoler l’île aux dinosaures. Évidemment il y a un blême ; ils ne sont pas riches, ils ne sont plus un couple, mais ils veulent retrouver leur fils qui s’y est égaré huit semaines auparavant sur l’Ile aux Dinos avec le nouveau chérie de madame.

Rien ne tient là-dedans, à part William H. Macy, toujours crédible en mari cocu (a-t-il jamais joué autre chose ?). Le Professeur Grant est toujours un non-personnage*, Tina Leoni a l’air de sortir de Enid, Oklahoma, comme Mélanie Laurent pourrait sortir de Pithiviers, et la bande de pieds nickelés qui sert de A-Team aux Kirby est à peine esquissée ; de toutes façons, ils vont mourir très vite. Il suffit de comparer avec ce que Tonton Steven fait avec Roland Tembo (Pete Postlethwaite), son chasseur de safari dans Le Monde Perdu, pour comprendre le fossé qui sépare Joe Johnston de Steven Spielberg.

Néanmoins la série fonctionne quand même, comme une série justement. On applique les recettes définies dans le pilote, et voilou. Face ahurie devant les dinos. Enfant qui crie en courant dans la forêt. Silhouette de dino en ombre chinoise à l’arrière-plan. Un couloir qui tombe dans le vide avec les héros dedans (un camping-car dans Un Monde Perdu, une passerelle ici). Des gags scatos…**

Joe Johnston, l’honnête faiseur de Chérie J’ai Rétréci les Gosses ou Captain America, réalise le plan de vol en pilotage automatique, aux commandes de Flight Simulator 2001 .

C’est pour ça que ça marche, et c’est pour ça que ça ne marche pas.

* Il refuse même de partir à la recherche du gamin, c’est dire le type de héros que c’est !
** Décidément, les américains aiment bien mettre la main dans du caca. Voir Jurassic Park, Titanic, etc.




lundi 17 février 2014


L’homme au Bras d’Or
posté par Professor Ludovico

L’homme au Bras d’Or est un ovni cinématographique. Quand Otto Preminger s’empare, en 1955, du livre de Nelson Algren, la drogue et les drogués sont un sujet tabou aux États Unis. Une seule vision émerge*, celle du dope fiend, le camé, danger pour la société. Il faudra beaucoup de temps, et peut-être L’Homme au Bras d’Or, pour voir les drogués comme des malades et des victimes.

Frank Sinatra avait raté Sur Les Quais, il n’allait pas rater L’homme au Bras d’Or. Avant d’avoir fini de lire le script, il accepte de tourner le film.

Certes, le film est daté, dans sa volonté très Actor’s Studio. Les acteurs en font des tonnes, comme dans Sur les Quais. A commencer par Sinatra qui surjoue la scène de sevrage cold turkey. Son épouse, mythomane en chaise roulante (Eleanor Parker), en fait de tonnes. Sa maîtresse, Kim Novak, sublimement sensuelle, bien plus belle que chez Hitchcock, est aussi un peu too much. Et le dealer d’héroïne à l’air bien propre sur lui. Pas grave, le film marche quand même.

Grâce à Sinatra, impeccable au final… Grâce au fatum, dans lequel tous les personnages semblent englués…. Grâce à la musique jazzy d’Elmer Bernstein, une première au cinéma.

Grâce à Otto Preminger enfin, qui aligne les plans séquence comme d’autres alignent des strike.

Une curiosité à redécouvrir.

* si bien décrite par Burroughs dès Junky




mardi 11 février 2014


Beginners
posté par Professor Ludovico

« I’ve nothing much to offer
There’s nothing much to take
I’m an absolute beginner
And I’m absolutely sane
As long as were together.
»

C’est l’histoire d’un petit film pas très loin du 20/20 mais qui s’abîme dans son immaturité autoproclamée.

L’histoire est belle : Oliver, 40 ans, illustrateur brit perdu à Los Angeles (Ewan McGregor), est encore dans le deuil de son père qui vient de mourir d’un cancer. Mais surtout qui digère péniblement la révélation tardive (à 75 ans !) de son homosexualité…

Oliver noie son chagrin dans ses dessins. Mais on l’emmène à une fête où il rencontre une jeune actrice Anna (Mélanie Laurent), elle aussi un peu déprimée. On l’aura compris, Beginners est le film de trois débuts, trois façons de commencer à vivre. Pour Oliver, nouer enfin une relation stable, pour Anna se poser quelque part, et pour Hal, le père, (Christopher Plummer), vivre normalement sa sexualité pour les quelques années qui lui restent à vivre.

Mike Mills, le metteur en scène, joue habilement ces trois partitions en emmêlant le présent, le passé proche avec le père, et le passé lointain de l’enfance avec la mère. Peut-être un peu trop habilement, c’est ce qu’on pourrait lui reprocher. Superbement filmé, Beginners est parfois un peu immature dans la description des relations, notamment entre Anna et Olivier. Mélanie Laurent trouve ici enfin un rôle qui lui correspond, car c’est un rôle fait pour elle. Beginners minaude comme elle. Mais on regardera avec attention la suite du travail de monsieur Mills, car il y a du potentiel.




mardi 4 février 2014


Stars 80
posté par Professor Ludovico

C’est devenu la spécialité de Thomas Langmann ; s’asseoir sur un tas d’or et ne pas savoir qu’en faire. Après Astérix aux jeux Olympiques, voici Stars 80. Une licence en or, avec les droits des chansons mythiques des années plastique, et une tournée live qui a déjà prouvé que l’idée de réunir Femme libérée, Eve lève-toi et Voyage Voyage était en or massif… Toutes ces chansons, pour plagier Le Faucon Maltais qui plagiait Shakespeare, fait de l’étoffe de la nostalgie.

Pire, Langmann avait une bonne histoire ; une BOATS qui pouvait tenir la route, l’histoire de deux producteurs à la ramasse (Hugues Gentelet et Olivier Kaefer), qui créent la RFM Party 80, à base de chanteurs ringards interprétant uniquement leurs tubes 80’s. Vider les poubelles de l’histoire, ramasser ces one hit wonders, et en faire une tournée, au succès que l’on sait. Tout est là, en germe, pour faire un bon scénario. La success story auquel personne ne croit, le méchant banquier, le showbiz incrédule, les associés qui se prennent le melon ou les caprices des ex-stars, réels ou inventés.

C’est en fait la seule réussite de Stars 80. La vraie/fausse réconciliation de Peter et Sloane, les caprices de Jeanne Mas, et la performance hallucinante de Jean-Luc Lahaye, patron de boîte biker qui se la joue, donc pas très loin de la réalité…

Il n’y a rien de plus horrible que de voir une belle idée gâchée. A fortiori gâchée par la fainéantise et la mégalomanie de Langmann qui veut à tout prix, comme dans Asterix, signer le film, alors qu’il n’est ni cinéaste, ni scénariste. Il aurait dû se contenter de produire, ce qu’il fait plus qu’honorablement (Mesrine, The Artist). Ici, on sent à chaque plan son ombre de producteur interventionniste qui cache le scénariste frustré ou le monteur amateur : Coupe là ! C’est trop long ! Rajoute la musique ici ! Plus fort !

Malheureusement, il y a des gens dont le métier c’est d’écrire et d’autres de monter. Les dialogues de Stars 80 sont donc parfaitement plats, les gags lourdement appuyés, les situations jamais amenées. Climax : le plantage d’une des meilleures idées du film (Gilbert Montagné en révérend gospel) qui n’hésite pas à plagier plan pour plan la scène de l’église – trampoline compris – du Blues Brothers de John Landis*.

Heureusement, il reste les chansons, et leurs chanteurs. Ces quinquas, déjà ringards en 1982, usés par l’âge, les rides, la graisse, et détruits par ce show business qui élimine toute part d’humanité en vous. La grande surprise du film, c’est qu’ils sont formidables, malgré la faiblesse du scénario. Ce sont eux, la bonne idée du film : créer de vraies-fausses intrigues basées sur la personnalité des chanteurs. Peter et Sloane se sont engueulés ? Inventons une réconciliation. Sabrina était une bombe sexuelle ? Un des personnages est toujours amoureux d’elle. Jeanne Mas se la pétait ? Faisons-en une Mylene Farmer inaccessible… ; bref mettons de la fiction dans le biopic.

Une des rares scènes réussies illustre cela : la première date de la tournée est un bide ; on se retrouve au restaurant et pour faire passer le blues qui s’installe, on se met à boeufer autour du piano, dans ce restaurant familial. Évidemment, trois chansons plus tard, il y a le feu dans le restaurant. Qui n’a pas dansé sur Tropique, en se disant que la plus belle fille de la fac ressemblait vraiment à Muriel Dacq ? Qui ne s’est pas vanté de connaitre par cœur le rap de Nuits de Folie** ? Qui n’a pas regardé en douce le Lui « spécial Sabrina/Samantha Fox » ?

Tout d’un coup, le cinéma de Stars 80 incarne une idée ; celle de notre rapport ambivalent à la culture pop. Nous détestions cette musique en 1980, parce que nous n’avions pas d’argent, nous n’étions pas à la mode, nous n’avions pas de mocassins Weston , pas de Golf GTI… Nous étions de l’autre côté de la barrière : Les Clash, les Dogs, les Rita Mitsouko, Frenchy but Chic dans Best, les Motels, les Specials : une musique bien plus intéressante, et nos titres de gloire aujourd’hui, à l’heure de l’expo EuroPunk. Mais si tout le monde fait la moue devant Sabrina, ses paroles idiotes, et ses seins « accidentellement » à l’air dans la piscine, comment nier qu’elle est un souvenir très importante de notre vie de mâles adolescents ?

Stars 80, avec un peu de travail, aurait pu être cela, une comédie douce-amère sur notre jeunesse. The Big Chill avec des paillettes, et des Golf GTI. C’est tout ce qu’ont lui reproche.

* Même le Professorino s’en est rendu compte (12 ans)
** Et tu chantes danses jusqu’au bout de la nuit
Tes flashes en musique funky
Y a la basse qui frappe et la guitare qui choque
Et y a le batteur qui s’éclate et toi qui tient le choc…




mercredi 29 janvier 2014


Actualité d’Apocalypse Now!
posté par Professor Ludovico

Chose promise ici, chose due : depuis je me suis acheté un lecteur Blu-ray et que j’ai trouvé un jeune vierge en la personne de Magic Arno (un gars qui bosse dans le cinéma depuis vingt ans avec les plus grands réalisateurs français et qui n’a jamais vu Apocalypse Now! Si c’est possible.)

Après avoir fébrilement ôté l’enveloppe plastique, le moment tant attendu est arrivé, non sans angoisse : Coppola n’a-t-il pas salopé le boulot ? Après 10 ans d’infamie redux, voilà enfin le retour la vraie version d’Apocalypse Now! 2h17 de perfection cinématographique, sans plantation française, sans Willard voleur de surf, sans Brando en pyjama. Et une première immense satisfaction : l’édition est splendide, magnifiquement remasterisée, dans peut-être la meilleure version – malgré 10 visionnages – que le Professore ait jamais vue. Les dix fois précédentes, dont la première, émoliente, en 1980, dans un petit cinéma du Quartier Latin, étant toutes entachés par un petit défaut technique. Mauvais format. Son crachotant. Rayures sur la bobine… Mais là, par la magie du numérique, tout est parfait. Une version qui rend grâce à la cathédrale de Chartres de Vittorio Storaro : chaque plan est un tableau parfait dans la composition, dans la lumière, comme une veduta de Canaletto (les jonques sur le delta), un autoportrait de Bacon (le visage camouflé de Willard) ou un paysage de Turner (les couchers de soleil sur la rivière Nung).

Après, le chef d’œuvre n’a pas changé d’un pouce : perfection esthétique bien sûr, mais aussi perfection scénaristique, perfection du montage, de la musique, des acteurs. Et quoiqu’on en dise, le final de Brando, certes long, est la clef de voûte du film, sa conclusion morale. Et c’est bien sûr ce que voulait Coppola : pas le film de guerre de plus, mais une réflexion philosophique sur l’humanité, comme il est dit au début par le Colonel Corman « Because there’s a conflict in every human heart, between the rational and irrational, between good and evil. » Prenant pour prétexte le livre de Conrad, Au Cœur des Ténèbres, et l’adaptant au Viêt Nam, Coppola déroule sa thèse. D’un côté l’occident chrétien, sûr de son bon droit, de l’autre le Viêt Minh, qui n’a jamais laissé un occupant chinois, français, ou américain l’envahir trop longtemps. Face à la détermination morale, les dollars ne servent à rien.

A la fin, dans une image sublime, le guerrier Nietzschéen Willard, mi bouddha, mi guerrier, a remplacé Kurtz qu’il vient de tuer. Dans la main droite, une faux, dans la main gauche, les mémoires de Kurtz. L’Arme et le Livre. L’Ordre et la Loi. Willard lâche l’arme. Son combat est fini. Il ne reste que la mémoire. Car la guerre est finie.




dimanche 26 janvier 2014


La Mort Suspendue
posté par Professor Ludovico

Ça commence par une escroquerie fomentée par la Princesse Elfe. Tu aimes les films d’alpinisme ? Ben oui, j’adore ! Moi qui ai le vertige, j’ai dévoré Premier de Cordée, Tragédie à l’Everest de Jon Krakauer, et j’aime le décrié mais pourtant très bon Cliffhanger, le thriller montagno-terroriste de Stallone…

Tiens, me dit-elle, voici La Mort Suspendue. Tu m’en diras des nouvelles ! J’insère le DVD dans le lecteur et là, horreur : ce n’est pas une fiction, mais un horrible docudrama.

Un docudrama, vous voyez ce que c’est ? Un mélange d’interviews face caméra sur fond noir chichiteux, des reconstitutions minables, vaguement dialoguées, et surlignées au stabilo par une voix off qui est censée vous faire comprendre les enjeux terribles auxquels les personnages sont confrontés.

Mais bon, j’ai confiance dans la Princesse Elfe et j’ai decider de poursuivre mon chemin en direction du Siula Grande, un petit sommet andin de 6 344m.

Car c’est à lui que s’attaquent Joe Simpson et Simon Yates, 25 ans ; l’ascension d’une voie inédite, sur l’un des sommets les plus difficiles de la Cordillère des Andes. Et ils y arrivent, au bout de deux jours d’efforts.

C’est en redescendant que se noue le drame. Joe se brise une jambe. Au prix d’immenses efforts, les deux montagnards britanniques décident de poursuivre leur descente en glissant. Mais perdus dans le brouillard et la tempête, Joe glisse et tombe dans le vide au milieu de la tempête. Il n’est retenu que par sa corde ; lieu commun (cf. Tintin au Tibet) de la tragédie alpinistique : soit on meurt tous les deux, soit on coupe la corde et seul un des deux y passe. Croyant que Joe est déjà mort, Simon Yates coupe la corde. Puis il redescend jusqu’au camp de base au prix d’immenses difficultés.

Mais Simon n’est pas mort. Par chance extraordinaire, il est tombé au fond d’une crevasse qui a amorti sa chute. Impossible de remonter, cependant. Va commencer alors cette odyssée extraordinaire où un homme blessé, affamé, déshydraté, va se traîner sur des kilomètres jusqu’au camp de base, au bout de toutes ses ressources psychologiques et physiques.

Si La Mort Suspendue est un docudrama, alors il est très bien fait. Les reconstitutions sont tellement bluffantes qu’on se demande si les alpinistes acteurs n’ont pas refait l’ascension*.

Mais évidemment, ce sont les témoignages qui emportent le tout. Nos deux british de Sheffield que l’expérience a transformé pour toujours. Mais pas dans une happy end convenue à l’américaine. Dans le Making of qui suit le film, on retrouve nos deux compères obligés de retourner sur les lieux du drame, vingt ans après. Et c’est sûrement la partie la plus passionnante. Si Touching the Void, le film, est électrisant par la force même du drame, le making of est tout à fait passionnant. On a confié une caméra vidéo à Joe, pour tenir une sorte de journal intime. D’abord rigolard, son visage se ferme à l’arrivée au village, puis commence à montrer de l’angoisse pure quand ils arrivent au bord du lac, leur ancien camp de base. Car Joe Simpson est convaincu que ce terrible accident a été une forme de bénédiction pour lui. Une chance incroyable d’avoir réussi à survivre, puis un événement qui a changé sa vie. Apres ses dix opérations de la jambe, il a écrit Touching the Void pour disculper son camarade. Puis d’autres livres, qui lo’ont rendu célèbre. Et si la chance, maintenant que la boucle est bouclée, se vengeait ? Et s’il n’était venu que pour mourir ici, une bonne fois pour toutes ?

Si Joe a toujours soutenu le geste fatal de son compagnon (y’avait-il autre chose à faire ?), Simon, pour sa part, vit – sans l’assumer – sa culpabilité d’être « le mec qui a coupé la corde ». Et d’assener finalement cette révélation peu politiquement correcte : « nous n’avons jamais été amis et nous ne les serons jamais… Nous ne sommes que des compagnons d’escalade »

Ici encore, le festin nu.


*En fait, personne n’a jamais refait cette voie depuis. Le film a été tourné en partie sur place et en partie dans les Alpes.




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