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Commentaires et/ou Conseils d’achat de DVD – Peut dégénérer en étude de fond d’un auteur



dimanche 18 novembre 2018


La Nuit des Généraux
posté par Professor Ludovico

La Nuit des Généraux est encore un de ces films dont on se glissait le nom sous le manteau, nous les maquettistes Matchbox/Revell/Italieri des années soixante-dix, nous les collectionneurs de films sur la Seconde Guerre Mondiale. Quoi ? Tu n’as pas vu La Nuit des Généraux ? Mais putain, c’est génial ! C’est une histoire de meurtre à Varsovie en 42 ! Y’a Peter O’Toole en général nazi, trop classe ! Y’a même Philippe Noiret !

Trente ans après, on réalise ses promesses. Bon, La Nuit des Généraux est un film assez foutraque mais intéressant par ailleurs. D’abord avec le personnage de Peter O’Toole, grande folle incroyable chez les nazis, maquillé comme Cléopatre. Et puis il y a aussi Donald Pleasence, et Charles Grey (futur narrateur du Rocky Horror Picture Show) en généraux nazis, mais aussi Philippe Noiret en flic français et Omar Sharif en flic allemand. Sharif veut trouver l’assassin d’une prostituée tuée à Varsovie ; il poursuit les généraux suspects jusqu’en 44, malgré l’attentat contre Hitler, malgré la libération de Paris…

Une curiosité, sans plus…




samedi 17 novembre 2018


Pandora
posté par Professor Ludovico

Une baie magnifique dans la Méditerranée, une cloche sonne le tocsin. Travelling arrière. Sur la plage, des pêcheurs et dans un filet, une main d’homme et une main de femme. Emmêlés. Morts, évidemment.

Ainsi commence le début magique de Pandora, un autre classique passé entre les mailles du filet de CineFast. L’histoire de Pandora (divine Ava Gardner) entourée de prétendants sybarites qu’elle rejette les uns après les autres, jusqu’à rencontrer le mystérieux Hendrick Van der Zee (James Mason), un hollandais dont le bateau mouille, solitaire, dans la baie. Albert Lewin, réalisateur quasi inconnu et auteur d’une poignée de films, relie ça sans barguigner, dès les premières scènes, à la légende du Hollandais Volant, le marin maudit.

Il n’a pas besoin des astuces scénaristiques habituelles, ce film, car il est tout simplement magique. Pas seulement grâce à Jack Cardiff, le grand chef op’ de Michael Powell, pas seulement par l’intensité érotique d’Ava Gardner. Non, Pandora est un sort en lui-même, jeté sur le spectateur ; il n’en échappera que 122 minutes plus tard.

Dès le premier plan (un guardia civil filmé comme un colosse de Memnon, statue de pierre, immobile, qui encadre Geoffrey, le protecteur de Pandora, et Stephen, l’un de ses amants éconduits), le ton est donné : magique, mystérieux, surréaliste, Daliesque. Pendant deux heures, le film ne cessera d’inventer et de créer du mystère. Pandora, séductrice mais emplie d’un étrange spleen… Hendrick Van der Zee, mystérieux peintre navigateur. Une corrida, un bain de minuit… Une fête sur la plage… une course dans la montagne… Et une galerie de prétendants, alcooliques, toréadors, champion automobile…

Pandora est clairement le précurseur du cinéma des tourments des années soixante, du Passenger d’Antonioni à la Belle de Jour de Buñuel. On pense aussi à Sueurs Froides, à Mulholland Drive. Tous ces films qui partagent le qualificatif de rêve éveillé….

Y’a-t-il plus belle définition du cinéma… ?




jeudi 8 novembre 2018


Orange Mécanique
posté par Professor Ludovico

« Il y avait moi, c’est-à-dire Alex, et mes trois droogies, c’est-à-dire Pete, Georgie et Dim. Nous étions installés au Korova Milk Bar à nous creuser le rassoudok pour savoir où passer la soirée. Au Korova on sert du Lait plus, lait plus Vellocet ou Synthemesc ou Drencrom. Nous, on en était au Drencrom, ça vous affute l’esprit et ça vous met en train pour une bonne petite fête d’ultra violence. »

En 1968, Stanley Kubrick sort du tournage éreintant de 2001. Son projet napoléonien est tanké par la Warner, suite à l’échec du Waterloo de Serge Bondartchouk. Il s’oriente alors vers un projet beaucoup plus simple : tourner rapidement, en décors naturels : ce sera Orange Mécanique, l’adaptation du livre d’Anthony Burgess. Publié en 1962, celui-ci a déjà fait scandale. Mais celui du film sera énorme. Incompris, malgré (ou à cause) de son succès public, Orange Mécanique est toujours aussi incompris aujourd’hui. Le film, très à la mode à sa sortie, est forcément daté aujourd’hui. Mais son « apologie de la violence » semble aujourd’hui bien terne.

En fait, Orange mécanique est bien plus que l’objet pop, c’est une comédie noire, un conte voltairien, au message philosophique toujours aussi puissant. Décryptage.

Sexe et…
C’était le premier argument de vente du film : Sexe et Ultraviolence*. Ce n’est pas pour autant que le film soit très excitant. Il n’y a pas d’érotisme dans Orange Mécanique (contrairement à Lolita, Barry Lyndon, Shining). Non, il n’y a qu’une vision mécanique du sexe. La vision d’Alex. Baiser des filles à la chaine, d’accord ou pas d’accord. Prendre de la drogue et se bastonner. Puis écouter la musique du grand Ludwig van …
Mais comme souvent chez Kubrick, le sexe est là où on ne l’attend pas. Malicieusement caché dans le décor, à droite et à gauche : chez le disquaire, où des jeunes filles léchouillent des sucettes-pénis ; au Moloko Milkbar, où le lait dopé à la drogue sort des seins d’une statue actionnée par une manette en forme de bite… et c’est sans compter la femme aux chats, collectionneuse d’art contemporain aux toiles un peu spéciales et aux sculptures spectaculaires… Le sexe est partout dans Orange mécanique. Mais pas le désir. Et c’est précisément de ce désir qu’on va priver Alex, lors de la fameuse séance de la méthode Ludovico. Après avoir été forcé d’ingurgiter ce qu’il aimait avant (films violents, pornos, péplums et défilés nazis sur fond de Beethoven), Alex se voit présenter une vraie femme, un mannequin sublime, dont la poitrine nue fait sortir les yeux des orbites du Gardien Chef, et du prêtre de la prison. Mais Alex le violeur a été débarrassé de ses désirs : il n’en voudra pas, pire, il aura la nausée à la simple idée de toucher cette poitrine. C’est paradoxalement le moment où le sexe est le plus frontal que le désir est le moins important.


…Ultraviolence…

C’était l’autre argument de vente d’Orange mécanique ; évidemment on est servis. Comme toujours chez Kubrick, Eros et Thanatos ne font qu’un. Aujourd’hui, cette violence parait légère, mais c’est oublier qu’à l’orée de ces années 70, le film de Kubrick ouvre la voie avec d’autres (Peckinpah, Penn, Fuller) d’une représentation plus réaliste de la violence. Mais le thème de la violence parcourt depuis toujours la geste Kubrickienne. Peur et Désir. Ultra Violence et Sexe. Michel Ciment le signale dans son Kubrick et l’illustre, photogrammes à l’appui : Alex saute sur le pauvre Dim comme le singe de 2001 attaque ses congénères. Dès qu’on enlève l’enveloppe sociale, rien n’empêche la bête qui est en nous depuis la préhistoire reprendre le dessus. Full Metal Jacket, Shining, le sujet est le même : la sauvagerie, et le corset social qui tente de l’empêcher.

… et Beethoven
Mais le pire scandale à l’époque, c’est d’associer cette violence à la musique classique. Voilà un voyou, et il aime Beethoven, la musique de la bourgeoisie ? Scandale ! Deuxième film où l’auteur de 2001 renonce à utiliser une musique originale, Orange Mécanique magnifie chaque pièce utilisée. Le viol et la bagarre d’ouverture traitée comme un ballet, sur La Pie Voleuse de Rossini. Le sexe threesome sur L’Ouverture de Guillaume Tell. La Neuvième Symphonie, presque partout. Comme dit Alex, « on n’a pas le droit de faire ça à Beethoven ». Pourtant, Kubrick ne s’en prive pas. C’est en fait un double contrepoint : l’opposé exact de la symphonie 2001, où la musique magnifiait la pureté des images. Ici, le film est presque tourné en 16mm, et la musique est dénaturée par le synthétiseur Moog de Walter Carlos… Mais c’est aussi une musique commentatrice, qui ironise sur l’histoire d’Alex.

L’hypocrisie sociale et la corruption
Orange Mécanique est d’abord une charge noire contre une société occidentale (et en particulier l’Angleterre) en pleine déliquescence. Les élites ne savent plus à quel saint se vouer ; la police, la prison ne sont plus la solution pour contenir la délinquance. Le verrou de l’ordre et de la morale a sauté dans toutes les strates de la société ; les flics se comportent comme des voyous (on finit même par recruter les droogs d’Alex dans la Police), les politiciens sont corrompus, de droite comme de gauche. Même les vieux se comportent comme les jeunes. Le clochard, tabassé au début par Alex, se plaint qu’on ne respecte plus les personnes âgées. Mais lui-même inverse les rôles à la fin. La vieille dame aux chats donne des cours de Yoga, mais dit des obscénités, et en accroche au mur. Le Ministre de l’Intérieur, censé représenter la justice et l’ordre, n’est en fait que chaos et opportunisme derrière une façade élégante. Les partis de gauche n’hésitent pas à instrumentaliser Alex – jusqu’à le pousser au suicide – pour faire avancer la Cause.
Le gardien-chef de prison est très strict, très vieille Angleterre ; mais il n’écoute pas les sermons de l’aumônier, ou est troublé par les formes sculpturales du mannequin. Les parents, professent à tout bout de champ amour parental et filial mais refusent pour de basses raisons financières d’accueillir leur fils. Dans ce monde pourri, Alex fait office de martyr. C’est normal, Orange Mécanique est un conte augustinien.

Saint-Augustin et le libre arbitre
On trouvera dans le film une étrange incarnation de la théorie de Saint Augustin. Au cinquième siècle, le penseur chrétien nous dit que Dieu a confié à l’homme le choix de faire le Bien. Et que nous avons donc la liberté… de faire le Mal. C’est notre choix. Ce que nous dit Kubrick, dans la continuité, c’est qu’on ne doit pas priver quelqu’un de ce libre arbitre, au risque de payer de très lourdes conséquences. Appliqué au jeune droog Alex, la méthode Ludovico est tout le contraire du message augustinien : Alex est soigné pour faire le Bien, et uniquement le Bien. Il en devient malade, sans désir, sans famille, battu et humilié comme Job. Sauf que lui le mérite ? Non, dit Kubrick, on ne doit pas faire cela, même à une telle créature. Et, c’est comme par hasard un prêtre, seul véritable opposant à la méthode Ludovico, qui administre à Alex, (et donc au spectateur), ce message. Paradoxalement, Kubrick ridiculise pourtant l’aumônier dès sa scène introductive, où il lui fait surjouer son sermon. Pourtant c’est le seul personnage positif de cette farce, le seul qui n’ait pas d’agenda caché, le seul qui ne soit pas hypocrite. Il n’applaudit pas la démonstration de la méthode, il se dresse contre le politicien véreux. En vain, évidemment.

Le masque
Le masque est certes un thème récurrent chez Kubrick**. Mais il est particulièrement à l’œuvre dans Orange Mécanique. Les droogs portent des masques de nez-phallus pendant leurs méfaits. Mais le vrai masque, c’est le visage de protagonistes, et le jeu outré des acteurs qui les incarnent***. Le visage de l’écrivain handicapé (Patrick Magee), est à la fois un masque réel (le visage doucereux masquant ses complots futurs) et un masque de comédie (la jouissance de la vengeance). Car c’est bien de cela dont il s’agit. Qu’est-ce qui se cache derrière un visage ? L’outrageux maquillage des « gens des médias » de la scène au Moloko Milkbar ou celui, raté, de la mère d’Alex, le rire diabolique de son fils, les faux sourires timides des adolescentes qui rejoindront dans cinq minutes le lit dudit Alex… ? On voit bien le motif ; derrière le visage, le masque, l’apparence, c’est exactement le contraire qu’il faut lire. Le politicien de droite utilisera sans vergogne la racaille qu’il prétend combattre, le politicien de gauche utilisera le lumpen prolétariat à n’importe quel prix. Les gentils parents chercheront d’abord leur intérêt pécuniaire. Les droogs serviles d’Alex se vengeront de lui dès qu’il aura le dos tourné. Seul surnage le prêtre, ridiculisé, et Alex, le héros de cette histoire qui se présente lui-même comme un martyr du conte philosophique voltairien qu’on appelle L’Orange Mécanique. Tel Candide, il a erré de par le monde. Sa bosse une fois roulée, il vient nous raconter ses malheurs : « Allez-y, faites-moi la peau, bande de fumiers et de lâches. Je m’en fous, j’ai pas envie de vivre, surtout dans un monde aussi dégueulasse que celui-ci. »

C’est cela le message de Kubrick, le programme qui irrigue tous ses films. Nous prétendons être des hommes, on nous a confié ce précieux libre-arbitre, et pour autant, nous nous conduisons souvent comme des bêtes****. Pour une fois, Kubrick témoigne un minimum d’empathie pour son personnage, probablement parce que c’est le plus réellement, authentiquement, méchant de sa filmographie.

Est-ce pour cela qu’Orange Mécanique est toujours incompris ?

Mais au fond, Kubrick a-t-il jamais été compris ?


* « L’histoire d’un jeune homme qui s’intéresse principalement au viol, à l’ultraviolence, et à Beethoven »
** Il en a même fait un film : Eyes Wide Shut
*** Signalant au passage la volonté comique de l’œuvre
**** Héritage que reprend volontiers un David Fincher




vendredi 26 octobre 2018


Man on The Moon
posté par Professor Ludovico

On a voulu revoir Man on the Moon après avoir vu le documentaire Jim & Andy, et on pourrait dire, comme la première fois, que le film n’est pas bon. Même en marchant dans les traces d’Andy Kaufman, sorte de comique délirant US inconnu de ce côté de l’atlantique, mélange d’autiste fou et de roi du canular, malgré la performance d’acteur de Jim Carrey, malgré le casting et la tentative finale de décollage vers le fantastique, le film de n’est pas intéressant. Car, comme tous les biopics ,il n’est que l’illustration des Grands Moments du Grand Homme, comme dans la chanson de REM :

Now, Andy did you hear about this one?
Tell me, are you locked in the punch?
Andy are you goofing on Elvis? Hey, baby?
Hey, baby, are we losing touch?

Même bien fait, ça ne marche pas…




dimanche 21 octobre 2018


The Blind Side
posté par Professor Ludovico

Il y a des films qui vous tombent dessus comme ça, on ne sait pas trop pourquoi. Des films que l’on voit uniquement pour le sujet – ici le foot américain – sans connaitre un iota de l’intrigue, des acteurs ou du réalisateur. The Blind Side est de ceux-là. Et justement, le film ne devrait pas tenir la route. Un réalisateur inconnu, John Lee Hancock. Une déco à chier. Pas de mise en scène. Seul l’acteur principal, Quinton Aaron, Kathy Bates et Sandra Bullock semblent avoir déjà joué dans un film.

Sandra Bullock, parlons-en. Julia Roberts ayant refusé le rôle, Bullock l’a accepté du bout des lèvres, trouvant son rôle « trop républicain » pour elle. Elle a bien fait, elle a eu l’Oscar, et c’est peut-être le rôle de sa vie.

Mais le pitch ne tient pas debout non plus : une décoratrice d’intérieur, Leigh Ann Tuohy (Sandra Bullock), blonde, vulgaire, hyperfriquée, de Memphis, Tennessee, recueille Big Mike (Quinton Aaron), un gros garçon noir SDF, limite autiste, en provenance des mauvais quartiers de Memphis. La famille Tuohy, invraisemblable assemblage de do-gooders (le fiston à taches de rousseurs, la fille pom-pom girl mais gentille au fond, le mari aimant), va accepter la situation sans moufter.

Comment se fait-il, alors, qu’on ait pleuré pendant tout le film ? Parce que voilà, ça a beau être invraisemblable, c’est la réalité. Comme on dit dans tous les mauvais BOATS, The Blind Side est la véritable histoire de Michael Oher, Offensive Tackle des Carolina Panthers, recueilli par les Tuohy. The Blind Side n’est pas Sur Ecoute, et ce n’est même pas Friday Night Lights, mais le film a la force de ses convictions : l’élémentaire charité chrétienne, le sens inné du bien, de ce que le mot famille veut vraiment dire (et de ce qu’elle n’est pas, la plupart du temps), et aussi le sens d’un certain rêve américain, perdu dans les limbes des banlieues pourries des grandes cités américaines. Le blind side de l’Amérique.

De sorte qu’au bout de vingt minutes, sur le simple regard embué de la Bullock, et de la grande décision qu’elle prend à ce carrefour, vous savez que The Blind Side va vous emmener jusqu’au bout de la terre.

Pur mélo à l’américaine, The Blind Side ne plaira pas à tout le monde. Au contraire, il ne plaira qu’à une minorité. A Miss Mamina, qui partage cette passion irraisonnée pour Julia Roberts (et tout ce qui y ressemble), ou le Prince d’Avalon qui, comme le Professore, sait ce que bon mélo veut dire.




mardi 4 septembre 2018


El Clan
posté par Professor Ludovico

Perdu sur une île au milieu de l’Atlantique, surprise ! le Professore Ludovico tombe sur Dans Ses Yeux et force immédiatement la Professora à découvrir le chef d’œuvre de Juan José Campanella. Mission accomplie, on s’apprête à se coucher quand soudain Arte nous prévient que, dans le cadre de sa soirée « cinéma argentin », on va nous passer El Clan, recommandé de longue date par un cinefaster dont on a oublié le nom (écrire à la rédaction, qui transmettra). Comme quoi le dieu des cinéphiles fait parfois bien les choses.

Nous voilà donc obligé d’aligner deux films de suite, ce qui ne se fait pas, vous en conviendrez. Mais ce Clan est pourtant très bien. Passionnant de bout en bout, El Clan est un BOATS proprement hallucinant sur la famille Puccio, dans l’Argentine post-dictatoriale. Ou comment le patriarche, Arquímedes Puccio, un ancien barbouze du régime, aidé de sa femme et ses cinq enfants, a séquestré, puis rançonné quatre personnes avant de les assassiner froidement.

Les personnages sont bien esquissés, du fils joueur de rugby des Pumas sous la domination du père, de la mère, discrète mais semant la terreur, des frères et des sœurs qui n’en peuvent mais. Pablo Trapero tisse avec dextérité la toile d’araignée de sentiments contradictoires qui obligent chaque Puccio à commettre l’irréparable ; l’intérêt, la fidélité, la peur…

Bien évidemment, c’est le genre de BOATS qui marche particulièrement ici, puisqu’on ne connait rien, nous, de cette lamentable histoire. A voir, donc.




mercredi 8 août 2018


Le Grand Cirque
posté par Professor Ludovico

C’est l’exemple même de l’exploitation commerciale, qui ne date pas d’hier. Quand le livre de souvenirs du plus grand chasseur Français de la seconde guerre mondiale Pierre Clostermann sort en 1948, c’est un immense succès. Près de 3 millions d’exemplaires seront vendus. Il y a des raisons à cela, c’est non seulement un livre héroïque, mais c’est avant tout un très grand livre. Immédiatement germe l’idée d’en faire un film, qui sort, dirigé (si l’on peut dire) par Georges Peclet en 1950.

En l’occurrence, le film est pire que baclé. Vulgaire bout-à-bout d’images d’archives (à côté, Les Têtes Brulées, c’est Top Gun)*, le tout vaguement entrelardée de quelques scènes au mess et une histoire d’amour (avec Pamela Skiff) qui n’est pas du tout dans le livre. Tout cela incroyablement mal filmé, coupes apparentes, raccords à la mords-moi-le nœud et dialogues sans sous-titres en anglais, en allemand, et en français !

Seul point positif ; Peclet tente de mettre en scène la grande scène du livre, c’est à dire la fin du « cirque », et le paradoxal désespoir qui étreint ces soldats la guerre finie.

Bref Le Grand Cirque reste donc à adapter ; il serait possible de le faire aujourd’hui il faudra un Christopher Nolan français pour le faire.

*Plus quelques images tournées à Villacoublay avec des avions d’origines et d’époques qui consternent l’amateur d’aviation, mais c’est une autre histoire…




mardi 7 août 2018


Peau d’Ane
posté par Professor Ludovico

Au risque de me brouiller avec la Professora, posons la question qui fâche : « Que trouve-t-on exactement à Peau d’Ane ? » Ce film est en bonne place dans le patrimoine cinématographique français et pourtant, les décors sont nuls, les chansons sont nulles et tout le monde joue – et chante – comme un pied.

Probablement, ce qui s’appelle enfance, c’était dire découvrir pour la première fois la féerie du cinéma : le manteau magique, les personnages du roi en bleu, le Prince charmant en rouge et le chat blanc. Et oui, Catherine Deneuve est d’une beauté à couper le souffle, tout comme Jacques Perrrin. Et comme tout conte de fées, il apprend aux filles à ne pas être trop proche de leur papa.

Mais si on n’a pas eu cette enfance-là, c’est trop loin et c’est trop long.




dimanche 22 juillet 2018


Le Point de Non-Retour
posté par Professor Ludovico

Si le deuxième film de John Boorman (1967) a pris un coup de vieux, on peut y voir, comme archéologue de la cinéphilie, les intentions d’hier et les fautes d’aujourd’hui. C’est avant tout l’œuvre d’un grand formaliste, et on voit que ça ne suffit pas.

Qu’est-ce que ça veut dire, formaliste ? Quelqu’un qui s’attache avant tout à la forme de l’image, à la beauté du plan, c’est-à-dire un photographe plus qu’un cinéaste. Mais si l’on se considère cinéaste, c’est à dire comme Hitchcock / Kubrick / Spielberg, on défend dès lors le cinéma comme mode d’expression.

On ne sent pas beaucoup de propos dans Le Point de Non-Retour, mais l’envie de dynamiter la mise en scène traditionnelle du polar. Car l’histoire est bateau : on a doublé Lee Marvin, et il est pas content. Il remontera toutes les strates de l’Organisation (la Mafia ?) pour retrouver son pognon.

Boorman transcende tout cela à coup d’expérimentations pop : visuelles, sonores, et scénaristiques : une narration éclatée, un Los Angeles dont on magnifie l’architecture sixties, et des idées, toujours des idées, rien que des idées : jouer sur le flou/net, sur les reflets dans une vitre, sur le son étouffé par un chanteur qui beugle dans un night-club. Le polar tourne à la farce macabre et c’est fini. Intéressant, comme une borne sur l’histoire de la cinéphilie, et plutôt distrayant, mais pas plus.




jeudi 19 juillet 2018


Persona
posté par Professor Ludovico

On continue de profiter de l’été pour visiter les cathédrales de la cinéphilie. Après Théorème, Persona. Ingmar Bergman. Là où Théorème est un immonde verbiage marxisto-catholique, Persona, qui charrie pourtant des obsessions semblables et est filmé à la même époque, se présente au contraire comme un diamant noir, un linceul blanc. Et c’est un noir intense à l’encre de Chine, c’est un blanc immaculé comme la mort. Au milieu, tout le reste est gris, c’est-à-dire nous, nos âmes troublées, nos imperfections d’insectoides humains.

Au-delà de la perfection graphique de chaque plan, Bergman ose tout ce qui est interdit au cinéma : le contrechamp sauvage, le zoom impromptu, la scène jouée deux fois d’affilée, les plans inserts abscons : une araignée, un cadavre, une bite…

Tout cet exercice expérimental serait assez vain, s’il n’était au service d’un propos. En l’occurrence, la crise existentielle que traversent la (ou les) protagonistes. A savoir, une actrice devenue subitement muette (Liv Ullmann) et son infirmière (Bibi Andersson), qui, forcément, parle pour deux.

Petit à petit, se noue une relation pour le moins ambiguë entre la patiente et l’infirmière. Une affection, une admiration, qui va tourner au quiproquo lesbien. Puis, au mitan du film, surgit une incroyable confession, qui fait basculer le film.

Tout le dispositif cinématographique bergmanien sert à exprimer cette intention ; l’ambiguïté des images questionne ce que le spectateur est réellement en train de regarder, et met littéralement le spectateur au centre de la folie rampante des personnages.

Le film se conclut également de manière abrupte, laissant le public à ses interrogations et à ses doutes.

L’impact de Persona fut immense ; on retrouve ses traces chez Altman (3 Femmes), Lynch (Mulholland Drive) et bien sûr, Woody Allen, qui vénèrait Bergman. Mais on peut aussi repérer des traces tardives, trente ans plus tard, dans le Kubrick d’Eyes Wide Shut : une confession semblable, celle de Kidman, fait basculer Cruise dans la folie.




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