[ Les films ]



lundi 12 juillet 2021


Sound of Metal
posté par Professor Ludovico

On a failli partir plusieurs fois, et puis on est resté, notamment pour Riz Ahmed. Pas tant que le film était si mauvais, mais qu’on avait l’impression d’y être comme la compagne du héros (Olivia Cooke), confortablement assise dans un camping-car, et dévalant ces autoroutes qui sillonnent les Etats-Unis en de longues lignes droites.

Derek Cianfrance et Darius Marder nous avaient pourtant habitué à bien mieux dans The Place Beyond the Pines. Ici, malheureusement, chaque scène s’enchaine sans surprise à la précédente, déclinant comme un mantra les douze étapes du Voyage du Héros : Le handicap, la colère, la rédemption*… Les premiers progrès, et l’inévitable rechute…

Le monomythe n’est certes pas l’apanage des Star Wars et autre Avengers, mais Sound of Metal l’applique de façon si scolaire, à un genre par essence lourdingue (le film de handicap), que c’en est horriblement monotone…

Mais c’est au moment où l’on croit que le film va se vautrer jusqu’à la fin dans ce gloubi-boulga rédemptionnel et résiliental, que l’action du film est bizarrement téléportée à Paris (filmé à Anvers, sacrés ricains !).

Une scène de fête, une scène sur un banc, et Sound of Metal finit en beauté, c’est-à-dire sur le malheur.

*Obligatoirement à la campagne, parce la campagne c’est bien, la ville c’est le mal.
** Qui te garantit a minima une nomination aux Oscars (Rain Main, L’Éveil, My Left Foot, Le Temps d’un Week-End… la liste est trop longue)
***Si vous allez quand même voir le film, emmenez avec vous les douze étapes du Voyage du Héros :

Le héros dans son monde ordinaire : il s’agit d’une introduction qui fera mieux ressortir le caractère extraordinaire des aventures qui suivront.

L’appel à l’aventure, qui se présente comme un problème ou un défi à relever.

Le héros est d’abord réticent, il a peur de l’inconnu.

Le héros est encouragé par un mentor, vieil homme sage ou autre. Quelquefois le mentor donnera aussi une arme magique, mais il n’accompagnera pas le héros qui doit affronter seul les épreuves.

Le héros passe le « seuil » de l’aventure, il entre dans un monde extraordinaire, il ne peut plus faire demi-tour.

Le héros subit des épreuves, rencontre des alliés et des ennemis.

Le héros atteint l’endroit le plus dangereux, souvent en profondeur, où l’objet de sa quête est caché.

Le héros subit l’épreuve suprême, il affronte la mort.

Le héros s’empare de l’objet de sa quête : l’élixir.

Le chemin du retour, où parfois il s’agit encore d’échapper à la vengeance de ceux à qui l’objet a été volé.

Le héros revient du monde extraordinaire où il s’était aventuré, transformé par l’expérience.

Le retour dans le monde ordinaire et l’utilisation de l’objet de la quête pour améliorer le monde (donnant ainsi un sens à l’aventure).




jeudi 1 juillet 2021


La Servante Ecarlate, saison 4
posté par Professor Ludovico

Cinématographiquement, La Servante Ecarlate reste un objet difficile à critiquer. La série fait partie de ces œuvres à thèmes très lourds (la Shoah, le racisme, les banlieues, …) qui censurent toute forme de jugement.

Dans cette dystopie terrifiante, où une théocratie fasciste a dévoyé les principes de la religion (chrétienne) pour mettre les femmes en esclavage, The Handmaid’s Tale pose – comme une deuxième couche – la question de la place de la femme dans l’occident réel : mère-pondeuse, bonniche au foyer, ou prostituée destinée à ne servir que les désirs masculins ? C’est là où elle est passionnante, ce qui ne veut pas dire qu’elle est parfaite.

Critiquer la Servante, c’est très vite se voir opposer cela. « La série a peut-être des défauts, mais elle parle de quelque chose de tellement juste… » : c’est exactement le genre de chantage aux sentiments qu’on ne supporte pas ici, à CineFast.

Et en regardant le premier épisode de cette quatrième saison, on ne peut qu’être frappé par des parallèles cinématographiques qui vont évidemment hérisser beaucoup de cinefasters : La Passion du Christ, de Mel Gibson, et 24 heures Chrono. Le martyr, et la vengeance…

Prolégomène nécessaire ; nous n’ignorons pas que La Servante Ecarlate se situe à l’opposé absolu sur l’échiquier politique. Ce n’est pas une série de droite, raciste, antisémite, ou prônant simplement la suprématie de l’Amérique sur le reste du monde. Mais pour autant, Handmaid’s Tale est essentiellement, fondamentalement, américaine. Peut-être même à son insu.

L’Amérique, depuis toujours, s’est construite sur ce fondamentalisme Ancien Testament. D’abord parce que les passagers du Mayflower* étaient à l’origine des fanatiques religieux, chassés d’Angleterre pour leurs convictions. Ils se sont ensuite identifiés au Peuple Elu – les juifs de l’Ancien Testament – obligés eux aussi de faire exode. Si le Nouveau Testament (le christianisme) prône le pardon, la rédemption et la joue tendue, l’Ancien propose plutôt la Loi du Talion – œil pour œil, dent pour dent. (merci le Framekeeper).

Cette obsession biblique irrigue tout le cinéma populaire américain, du western à la science-fiction. Du Clint Eastwood d’Impitoyable au Capitaine Kirk qui règle les problèmes de la galaxie à coups de poing, un bon père de famille américain ne se tourne pas vers son avocat en cas de problème : il se fait justice lui-même**.

A l’image de ce premier épisode saison quatre, où les femmes vont se venger de ce qu’elles ont subi (comprendre : depuis trois saisons). Un Commandeur qui n’arrivait pas à avoir d’enfants a fait violer sa femme par tous les hommes qui passaient par là. Notre héroïne, June, se laisse très rapidement convaincre qu’il faut torturer l’un de ces hommes, puis le lyncher. « Because we fight. »

Tout est dit. Il faut tuer, rendre coup pour coup, car il s’agit d’un combat et pas d’une justice à exercer. Pas de procès, pas d’application de la loi, pas d’éducation ou de rédemption du coupable. Ce progrès essentiel de notre civilisation, la loi qui s’intermédie entre le coupable et sa victime pour lui donner réparation ? Tout cela a disparu. Comme dans tout le cinéma de Droite, les Dix Commandements, Le Justicier dans la Ville, les films de superhéros ou tout le cinéma de Tarantino. La solution, c’est le lynchage. June Bauer est en cornette, mais c’est quand même la sœur de Jack Bauer.

La série se complait tout pareillement dans le martyr. Martyre, June l’est assurément. Enlevée, séparée de son mari et de sa fille, insultée, violée, torturée… Il serait impensable qu’il en soit autrement dans l’univers de Gilead, cette dictature terrible inventée par Margaret Atwood. Mais l’actrice-productrice Elisabeth Moss est-elle obligée de se réserver la moitié des plans, sur son regard halluciné, son visage giflé, son corps ensanglanté ? Cette obsession douteuse a fini par gangréner la série, qui gagnerait à mettre la pédale douce sur la Passion selon Sainte June, qui finit par confiner au ridicule***.

Ces scènes sanglantes, filmées avec une telle complaisance gore, et répétés d’épisode en d’épisode, ne cessent d’étonner. Et l’on est une fois de plus consterné devant la critique française, qui voue aux gémonies (au hasard : Neon Demon), mais s’extasie sans distance devant les yeux enfiévrée de la servante écarlate.

*Les costumes féminins de la série évoquent d’ailleurs le XVIIème siècle et la série se passe à Boston.

**Il y a évidemment un pendant progressiste à cela : les films de procès

***Dans un autre rôle, l’excellente Elisabeth Moss en disait tout autant, si ce n’est plus, sur le même sujet : Mad Men, évidemment.




mardi 22 juin 2021


Bobby Deerfield
posté par Professor Ludovico

Tout fan d’Al Pacino est completiste, et tout cinéphile se doit de l’être également. Il veut avoir tout vu, même le pire. En particulier les vieux films, qu’on imagine – souvent à tort – bons. L’effet magique de la patine du temps, j’imagine. C’est ainsi que Bobby Deerfield est sur ma liste Pacino depuis longtemps.

Ça aurait dû m’alerter. Un film difficile à voir, il y a toujours une bonne raison pour ça : en général, il est assez mauvais. Même W9 n’en veut pas.

En fait, Bobby Deerfield est une tentative cynique de surfer sur les océans marketing de Love Story, le grand succès mélo de la Paramount des années 70. Pollack part là-dessus, avec un alibi littéraire : l’adaptation du Ciel n’a pas de préférés, d’Erich Maria Remarque. L’argument : une-très-belle-femme-au-caractère-complexe émeut un très beau protagoniste masculin, qui tombe bizarrement amoureux ; mais, pas de bol, ça va mal finir.

Là-dedans, il y a une bonne idée, très mal gérée par le metteur en scène d’Out of Africa : Bobby Deerfield est pilote de Formule 1 ; il voit la mort en face tous les jours (son coéquipier a un accident dans la première scène). La-très-belle-femme-au-caractère-complexe cherche de son côté à s’échapper d’un hôpital pour une maladie inconnue. Indice : elle perd ses cheveux.

On voit l’idée ; qui affronte réellement la mort, qui peut apprendre de l’autre… ?

Le caractère fantasque de Lilian est la bonne nouvelle du film. Heureusement qu’elle est là, Marthe Keller, car c’est elle qui apporte le grain de folie du film, dans tous les sens du terme. Son interprétation est tout simplement époustouflante, apportant complexité, naturel, et sensualité à fleur de peau.

À côté, et c’est une rareté, Al Pacino joue mal, dans un registre de petit gars timide (sa spécialité dans ses premiers films (le Michael de la première partie du Parrain, Panique à Needle Park, Justice pour Tous)) Malheureusement, ça ne colle pas du tout à la personnalité d’un pilote de Formule 1. Validant au passage la théorie du Professore sur les Césars/Oscars, Al Pacino a été nommé au Golden Globes 1978, tandis que Marthe Keller n’a rien eu.

Dernier clou sur le cercueil, Pollack essaye maladroitement de copier Antonioni en insérant dans son film totalement mainstream quelques plans ultra-allégoriques, comme ce passage dans le tunnel, surjoué et surfilmé.

Le problème de la collection du cinéphile, c’est qu’il ne peut jamais s’en débarrasser : les mauvais films prennent autant de place dans son cerveau dérangé que les chefs-d’œuvre.




samedi 22 mai 2021


Abbas Kiarostami à Beaubourg !
posté par Professor Ludovico

Les 46 films d’Abbas Kiarostami sont projetés au Centre Pompidou jusqu’au 26 juillet, qui veut venir ?

Nan, j’déconne…




mardi 23 mars 2021


Wild Wild West
posté par Professor Ludovico

Se serait-on trompés sur Wild Wild West ? Quand le film sort en 1999, c’est la bronca, menée notamment par le Professore, avant même d’avoir vu une seule image… On y décele déjà les prémices de la Cancel Culture : James West, notre vénéré Robert Conrad, un acteur qui à lui seul, dans son petit pantalon de velours violet, avait questionné les tréfonds de notre hétérosexualité, était remplacé par un acteur noir, Will Smith, (que nous aimions tout autant), mais qui n’était pas, au grand jamais, James West !

Le trauma était immense : rappelons que Les Mystères de l’Ouest, c’était la série de notre enfance. Nous avions huit ans, et La Une est à Vous la diffusait en fin d’après-midi, de sorte qu’il fallait courir pour rejoindre sa mère à la messe de 18h. Pendant le sermon, on reproduisait les péripéties d’Artémus Gordon (le grappin qui sortait de la botte se fichait – au moins dans notre imagination – sur le pilier de la nef), jusqu’à ce que la mère se demande ce qu’on fichait à gigoter comme ça ; question à laquelle nous ne pouvions évidemment pas répondre, puisque envoyé d’Ulysse S. Grant en personne !

Puis le film sortit, nous mettant particulièrement en rogne. Nous n’étions pas seuls : Robert Conrad avait refusé de faire un caméo. Nous fûmes récompensés : le film était un terrible échec au box-office. Laissons le mot définitif à maman Smith, quand son fils lui demanda ce qu’elle en pensait : « You’ve done better, my son ! »

Mais depuis, le film passe de temps en temps à la télé, et dégage un charme steampunk bizarre. Et on a subitement envie de le revoir. Et la surprise est là : si le film n’est pas vraiment bon, il a de réelles qualités. Et tout d’abord un véritable sous-texte politique, caché sous les gags, que nous n’avions pas compris il y a vingt ans.

Un James West noir reste évidemment totalement irréaliste après la Guerre de Sécession. Mais c’est totalement assumé par Barry Sonnenfeld et Will Smith ; on pourrait même dire que c’est leur projet. Quand Artemus Gordon (le très bon Kevin Kline) lui propose de jouer le rôle, plus réaliste, de son valet, James West parodie l’accent de l’esclave « Oui Missié, bien Missié ! » Des scènes semblables vont se répéter à plusieurs reprises, où la chute sera évidemment la même : non je ne serai pas ton esclave, non je ne jouerais même pas à l’esclave…

Et puis il y a la scène culte du film, où James West est sur le point d’être lynché par une bande de notables louisianais. L’agent secret prend les devants en se lançant, la corde au cou, dans un discours parodique sur la différence*, qui prend à l’évidence un sens plus vaste : deux siècles après la Guerre de Sécession, un siècle après la fin de la ségrégation, on ne se comprend toujours pas entre blancs et noirs.

Et pour le reste, même si le film est raté, trop long dans sa deuxième partie, parfois moche et lourdingue, il y a beaucoup de choses à sauver. Les répliques fusent, dans une ambiance sexy, entre nos héros, Salma Hayek, Bai Ling (« East meet West »), et les girls de Loveless, qui permettent de retrouver à certains moments l’ambiance de la série originale. Il y a aussi, en mode méta, les imbroglio crypto-gays entre Gordon et West, et bien sûr la prestation réjouissante de Kenneth Branagh en Docteur Loveless. Enfin, Wild Wild West sera un des premiers films à l’ambiance steampunk

Wild Wild West n’est pas Les Mystères de l’Ouest, mais c’est pas mal quand même.  

*Capt. James West: [Whistles] I’d like to have everyone’s attention for a moment. It seems we have had series of major misunderstandings here tonight. First of all, the whole « drummin’ on the boobies » thing. Now in my native land…
Someone in crowd: Georgia?
Capt. James West: Africa. We use drums to communicate between villages. And as you can see by this gal, we could communicate all the way to Baton Rouge. Hell, on a clear night, we might even get Galveston. All I was saying to the gal was, « Hi, how ya doing? My name’s Jim. How’s your momma? » Then there was the whole « Redneck » comment. And I’m sensing that you took that negatively. But let’s break down that word « Redneck ». First word red, color of power, fire, passion. Second word neck… neck… hey I can’t think of nothing for neck right now, but without that you still got red and that’s something to be proud of.




mercredi 3 mars 2021


Full Metal Jacket Diary
posté par Professor Ludovico

Le livre de Matthew Modine est une double rareté. D’abord, c’est un beau livre avec reliure métal, on peut le laisser sur sa table basse. Sauf s’il y a déjà, comme dans Seinfeld, le livre de Cosmo Kramer sur les livres sur tables basses qu’on peut mettre sur les tables basses.

Ensuite, c’est l’un des rares témoignages d’un acteur, franc (et parfois naïf), sur le tournage d’un Kubrick. Il y a bien sûr des confidences de ci de là, la colère de Kirk Douglas sur Spartacus*, le désespoir de Malcolm McDowell, le voyage au bord de la folie de Shelley Duvall, mais là, c’est un livre entier sur un tournage, de la joie d’être casté jusqu’au dernier jour du tournage. Il manque seulement la réception du film, ce qui aurait été intéressant également.

Mais il s’agit bien d’un journal, c’est à dire des impressions au jour le jour d’un jeune homme de vingt-cinq ans emporté dans la tourmente kubrickienne. Comme il le dit d’ailleurs lui-même, c’est une chance que le tournage de Full Metal Jacket dure aussi longtemps, car il laisse matière à introspection et réflexion. Et c’est le sujet le plus passionnant ; les affres de l’acteur au travail.

Certes, Matthew Modine est pacifiste et veut évidemment sauver la planète, comme tout Hollywood. Mais il nous livre surtout la vie d’un jeune comédien réalisant un grand film avec l’un des plus grands génies du cinéma. Modine raconte ses inquiétudes, ses jalousies ou ses mépris des autres comédiens. Sans rien cacher de ses conflits avec Kubrick. 

Ainsi, on va découvrir les caprices de Kevyn Major Howard (Rafterman) qui demande sans arrêt sa bouteille d’Évian, alors que tout le monde crève de soif. Ou son amitié, puis son inimitié, avec Vincent D’Onofrio. En bon comédien de la Méthode, D’Onofrio plonge en mode passif-agressif dans son personnage de Soldat Baleine, qui finit par déborder dans la vraie vie : D’Onofrio se met à haïr réellement son ami Modine.

Et puis il y a les interminables prises de Kubrick, et notamment ces mois passés à tourner une scène devant le muret de Hué, dans le froid novembre londonien censé représenter l’été vietnamien. Ou le cynisme sociopathe de Kubrick qui refuse à Matthew Modine d’assister à la naissance de son fils : « Tu n’es pas obstétricien, tu vas plutôt les gêner, non ? Et comment je fais pour le film, moi ? » Il faudra menacer de se couper la main pour aller à l’hôpital. Mais en bon artiste, Mathieu ne se plaindra jamais. Il n’y a que le résultat qui compte, tant pis pour les souffrances**.

Full Metal Jacket Diary montre aussi un Kubrick ouvert à toutes les propositions. Il n’y a pas de mauvaise idée, et même un simple chauffeur peut faire une suggestion. Mais gare à celui qui critique une idée émise. Ce que fera le jeune acteur, à ses plus grands dépens. Kubrick, déçu, se vengera en consultant tous les acteurs sur le sort à réserver à Joker, le personnage de Matthew Modine. Sans le consulter, évidemment.

L’autre intérêt de ce journal est de comprendre que tout ce qui fait réellement un film se passe en réalité au montage. Modine décrit ainsi de nombreuses scènes qui lui semblent géniales lors du tournage et que Kubrick a finalement coupé : une scène de sexe, souhaitée par l’acteur, avec la prostituée *** ou la décapitation finale de la sniper vietnamienne…

Le livre est rare, n’existe pas en français, mais si vous tombez dessus…

* Dans le Fils du Chiffonier, Douglas raconte que Kubrick essaya de signer le scénario à la place du blacklisté Dalton Trumbo.
** « On ne demande pas à une danseuse si elle saigne des pieds » : Catherine Deneuve à un journaliste qui lui demandait de confirmer que le tournage de Dancer in the Dark s’était mal passé.
*** Et dont le tournage finalement le terrifiera, en ces périodes de découverte du SIDA




lundi 1 mars 2021


Why Hollywood sucks?
posté par Professor Ludovico

Le coup fait mal, car il vient de l’intérieur. Rien de moins que de l’acteur Anthony Mackie, le Faucon des Avengers. James Malakansar nous conseille astucieusement une vidéo de 2017 où Mackie, probablement à un ComicCon ou quelque chose d’approchant, explique pourquoi Hollywood sucks

« Avant, le cinéma était une expérience, un truc familial, un événement… Aujourd’hui, les gens vont voir un film parce qu’il va être numéro un au Box-Office, tout en sachant déjà par Internet qu’il est mauvais…

Il n’y a plus de star de cinéma. Anthony Mackie n’est pas une star ! La star, c’est le Faucon ! Avant on allait voir un Stallone, un Schwarzy, un Tom Cruise, maintenant on va voir les X-Men ! Cette évolution vers les super-héros, c’est la mort des stars de cinéma… Et ça fait peur...

On fait des films pour les gosses de seize ans et la Chine, et puis c’est tout. Les films que vous avez vus enfant, Les Goonies, Halloween, The Thing, ça serait impossible à faire aujourd’hui … Les Goonies, c’est maintenant sur Netflix et ça s’appelle Stranger Things. C’est pour ça que les gens ne vont plus au ciné : parce que les films sont nuls… »




vendredi 26 février 2021


In Fabric
posté par Professor Ludovico

Envoûtant. Sexy. Drôle. Complètement fou. Une fois de plus, Peter Strickland nous envoûte avec son cinéma barré, mélange de Giallo et de cinéma arty des années 70. In Fabric, c’est-à-dire dans le tissu, fait la preuve qu’on peut encore faire du cinéma inventif, sexy et provocateur, tout en se payant le luxe de ne pas se prendre la tête.

Le pitch : une quinquagénaire récemment divorcée achète une robe pour son premier rendez-vous. Mais la vendeuse du magasin (L’excellent Fatma Mohamed, présente dans tous les films de Strickland) est une sorte de harpie victorienne, en robe en dentelle noire, corset serré et lèvres purpurines, chignon imposant. Son patron n’est pas mieux ; regard exorbité et éclairé par en-dessous, tout droit sorti des films de la Hammer

La cliente s’interroge sur la taille de la robe ? « Les dimensions et les proportions transcendent le prisme de nos mensurations ! » Elle hésite devant la couleur, trop voyante ? « L’hésitation dans votre voix ? Bientôt un écho dans un coin des sphères de la vente au détail ! »

Le spectateur est rassuré : il sait qu’il est arrivé dans Stricklandia, monde magique indéterminé, à la fois aujourd’hui et hier, peuplé de papillons et d’ébénistes, d’ingénieurs du son et de femmes de ménage…

Mais la harpie lui vend la robe. Une fois celle-ci enfilée, les ennuis commencent. In Fabric est à mi-chemin entre Suspiria et le Christine de Carpenter ; une sorte de David Lynch drôle qui nous entraîne dans une série de fausses pistes où, à chaque fois, le spectateur jubile. On y verra une critique fellinienne des soldes, une parodie pas si parodique d’Entretien Annuel d’Evaluation, et Brienne de Toth en ado insupportable. Car toi qui entre dans Stricklandia, abandonne tout espoir de réalisme. Pour autant, rien de potache ici, tout est au cordeau, technique, acteurs ou scénario…

Peter Strickland est le génie méconnu de ce début de siècle.

*Dimensions and proportions transcend the prisms of our measurements.
**The hesitation in your voice, soon to be an echo in the recess in the spheres of retail.




mardi 16 février 2021


Katalin Varga
posté par Professor Ludovico

L’abondance des chaînes de streaming, fait que désormais tout le cinéma – ou prou –  est désormais à notre portée. On s’abonne donc, via Prime Video, à MGM, à MUBI, pour voir les chefs-d’œuvres invisibles de Peter Strickland, Monsieur Duke of Burgundy et Berberian Sound Studio.

On parlera bientôt de son dernier film In Fabric, mais voici donc Katalin Varga, le premier film qui a coûté son héritage au petit Peter. Une fois mis sur la table les 30 000 €, Peter Strickland a pu tourner 17 jours avec une équipe réduite, au cœur de la Transylvanie*. Il en a ramené un film, mais surtout les tropes de son cinéma : les « choses cachées depuis la fondation du monde** » et que le spectateur doit découvrir, une ambiance fantastico-vampirique accolée au monde actuel, et une ambiance mi-sexy, mi-macabre, et des punchlines mystérieuses***. Peter Strickland y a aussi découvert son actrice fétiche, Fatma Mohamed, qui irrigue depuis sa filmographie.

Soyons francs, Katalin Varga n’est pas vraiment au niveau de ses futurs films. Il n’en a pas les moyens, mais les racines sont déjà là. Quand la jeune paysanne éponyme est obligée de révéler à son mari que son fils n’est pas son fils, la voilà jetée sur les routes des Carpathes pour « rejoindre la grand-mère malade »… En tout cas, c’est ce qu’elle dit à son fils.

Un antique chariot à cheval, un enfant, des rencontres, et l’intrigue qui, peu à peu, se dévoile. Où va Katalin Varga ? A Jadszereda… Pour y faire quoi ? Retrouver quelqu’un… Le film serait très basique s’il ne se contentait que de cela. Mais par la musique, le cadrage, Strickland transforme cette épopée dans les Carpates en pur cinéma : zooms étranges, barque qui virevolte en travellings circulaires, musique angoissante, bruits amplifiés… Bientôt le spectateur est ailleurs, mais où ?

La réponse n’a que peu d’intérêt, car il ne s’agit en réalité que d’une chose.

De cinéma.

* Il a galéré ensuite pour se payer une postproduction
** Pour citer René Girard ou le Framekeeper
***« Ne remerciez jamais quelqu’un qui vous indique la route de Jadszereda »




mercredi 20 janvier 2021


Subway
posté par Professor Ludovico

On a le longtemps renâclé à l’idée de revoir Subway. Le film de nos vingt ans était trop important, trop viscéral. Et on ne savait que trop bien ce que le cinéma de Besson était devenu. Quelques scènes du Grand Bleu avait suffi à nous convaincre qu’il ne fallait pas retourner sur les chemins de la jeunesse ; ils avaient changé – nous aussi.

Pour autant, il est difficile d’expliquer aujourd’hui ce que Subway représentait pour la jeunesse de 1985. C’était avant tout un film d’action excitant, drôle, émouvant. Mais surtout, il était fait pour nous, par l’un d’entre nous. Besson n’avait pas fait d’école de cinéma, il sortait de nulle part : c’était l’équivalent punk du septième art. Mais il avait à peu près notre âge, savait ce qui nous émouvait, ce qui nous faisait rire… et il était bien le seul dans le cinéma français ! Si un type comme lui pouvait trouver de la pellicule pour tourner Le Dernier Combat, on pouvait le faire aussi…

Subway incarnait cela, mais plus encore : notre état d’esprit, fait de rébellion et d’arrogance, contre ces horribles années 70, giscardiennes, à la fois hippies et compassées. Subway parlait des Halles où nous traînions. Des catacombes, où nous nous aventurions la nuit venue… De musique, où nous nous lancions…

Le casting de Subway était le reflet parfait de cette génération : Adjani, qui était à trente ans la reine incontestée du cinéma français, Christophe Lambert, qui émergeait, mais aussi Richard Bohringer et Jean-Hughes Anglade, qui incarnaient les outsiders de génie, déjà vus dans Diva ou à venir dans 37°2 Le Matin, autres films cultes de cette génération.

Revoir Subway aujourd’hui, c’est donc se confronter à ce cinéma (qui a techniquement peu vieilli) mais aussi aux valeurs un peu surannées qu’il transporte. Certes, la rébellion bourgeoise d’Adjani à la table du Préfet sonne un peu faux aujourd’hui*, alors qu’elle faisait notre joie en 1985.

Mais le reste tient la route. Besson est le premier à montrer l’autre France, ces immigrés qui font le métro (la fête d’anniversaire, l’haltérophile). Cela a l’air évident aujourd’hui, mais Besson fut le premier, au moins dans ce genre grand public.

Il ridiculise la police, en la personne de Batman** (déjà génial Jean-Pierre Bacri !) et du commissaire Gesberg*** (immense Galabru !), mais derrière la comédie, se profile une belle tragédie : l’histoire d’un enfant blessé, autiste, clown triste et punk (Lambert) qui vole les riches (Adjani) pour monter un groupe de rock. Une vraie tragédie, qui finit mal.

La force du film, c’est à la fois les décors d’Alexandre Trauner, les comédiens, servis par les meilleurs dialogues que Besson écrira : une sorte, – osons la comparaison de l’époque – d’Enfants du Paradis des années 80.

Mais le plus étonnant là-dedans, c’est que tout le cinéma de Besson à venir est dans Subway : le cinéaste ne fera que des copies de ce film : des femmes belles et rebelles (Nikita, Jeanne d’Arc, Lucy), des héros au visage d’enfant (Leon, Arthur et les Minimoys), des voitures dans des courses-poursuite incroyables (Taxi, Le Cinquième Elément), des flics idiots (Taxi) et des adultes défaillants (Le Grand Bleu, Arthur). Mais on ne peut pas faire à cinquante ans le film qu’on faisait à vingt.

C’est toute la force de Subway, et toute la faiblesse du cinéma de Besson.

*« Monsieur le préfet, votre dîner est nul, votre baraque est nulle, et je vous emmerde tous ! »
** « Chier, merde ! Chier !! »
*** « C’est terrible, hein? Cette violence qui sommeille en chacun de nous ! »




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