mardi 27 juillet 2021


Titane
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

En parlant de provocation, Paul Verhoeven ferait bien d’aller voir la dernière Palme d’Or des Alpes Maritimes. Julia Ducournau n’y va pas avec le dos de la cuillère en Titane. Et c’est une cinéaste, tout autant que Verhoeven.

On avait déjà été fasciné par Grave, une histoire plus simple, et mieux tenue. Ducournau tient les rênes de Titane plus lâche, mais le film est aussi plus ambitieux, et formellement, beaucoup plus beau.  

Mais il y a ici un goût de trop-plein, une envie de trop bien faire, où chaque plan, chaque scène est censée être signifiante, d’époque. Film de genre, film sur le genre, chevauchant les ambiguïtés de la paternité et les angoisses de la maternité, formalisant le transhumanisme homme-machine ? On finit par y perdre son latin, même si, sur la scène du Palais des Festivals, Julia Ducournau a fourni une première piste en remerciant le jury de « laisser entrer les monstres* ».

Si c’est le cas, le propos est non seulement abscons, il est effroyable. Car dans sa première partie, Titane tutoie effectivement le cinéma de Tarantino, c’est-à-dire un cinéma sans âme ni conscience qui se plaît à reconstituer, de manière parfaitement « fun » – et parfaitement esthétique – toutes sortes de meurtres commis par son héroïne serial killeuse.  La réalisatrice fournit dans la scène d’intro une explication très faible à toute cette violence : le manque d’attention du père vers sa fille. C’est un peu court, jeune fille ! Est-ce que, comme dans OSS 117, les serial killers auraient droit à une seconde chance ?

C’est le propos de la deuxième partie, mais paradoxalement, c’est là où le film, après de multiples sauts périlleux, se rattrape aux branches. L’arrivée de Vincent Lindon, métamorphosé en pompier, vient éteindre l’incendie moral qui commençait à gronder en nous. Pour ce père éploré, la paternité n’est pas une question de sang, mais bien de sens.

Un final très Cronenbergien viendra valider cette hypothèse en proposant une conclusion à la fois dérangeante et satisfaisante.

On restera ainsi entre la chèvre et le chou :  oui, Julia Ducournau est une grande cinéaste, mais une grande cinéaste en devenir.  

«* Satisfaire le besoin viscéral qu’on a d’un monde plus inclusif et plus fluide… Merci au jury de laisser entrer les monstres … »


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