[ Les gens ]



mercredi 17 décembre 2014


The Affair s01e08
posté par Professor Ludovico

Pourquoi s’embêter à aller au cinéma ? Pourquoi s’embêter, en effet, quand vous avez, dans votre canapé, un film par semaine de la qualité de The Affair ? Car c’est bien de cela dont il s’agit : un drame d’une heure, intelligent – européen, oserait-on dire – filmé avec goût, esthétique et formidablement joué.

Un film chaque semaine qui traite des errements de l’amour, de la difficulté de vivre, de la vie et de la mort, des parents et des enfants, et qui rappelle les meilleures heures de Téchiné, Sautet, ou tout simplement de Six Feet Under ?

Pendant ce temps, que nous propose-t-on pour dix euros ? Les mêmes comédies rances du cinéma français, ses drames bourgeois, ses polars irréalistes, ou le recyclage infernal du patrimoine (Petit Nicolas et autres Benoit Brisefer).

Hollywood, en vérité, ne propose pas mieux. L’usine à rêves a renoncé aux adultes ; elle ne présente que la version aseptisée, infantilisée, des thèmes de The Affair. Rapport père/fille traité en mode balourd dans Interstellar, dilemmes psychologiques abracadabrantesques dans les films de superhéros. Le grand écart post moderne entre une prétendue modernisation de ces sous-genres et le vide criant de l’ambition affichée. Nous voilà revenus aux mauvaises séries B des fifties, mais maintenant, les séries B coûtent 200M$.

Quoi d’autre ? Le recyclage tout aussi infernal de l’animation 3D à base de pingouins, de zèbres, d’avions et de voitures anthropologiques, répétant à l’infini le scénario insupportable du roman d’apprentissage et de la rédemption. Sans parler, last but not least, de la sortie cette semaine du massacre, numérisé à la truelle, du plus grand conte de fées de tous les temps.

Je préfère passer l’hiver à Montauk.




dimanche 7 décembre 2014


Bastien Vivès est-il le meilleur scénariste du moment ?
posté par Professor Ludovico

Il y a en ce moment dans ce beau pays un scénariste génial, et le cinéma français l’ignore superbement. Il s’appelle Bastien Vives, il a trente ans et il est scénariste de BD. Et l’on pourrait tout aussi bien lui confier une mission de script doctor sur Un Village Français, Iron Man 3, ou Le Gamin au Vélo, car il est capable d’arranger tout cela…

Bastien Vives explose en ce moment avec Last Man, un incroyable monument de culture pop, avec ses deux complices, Sanlaville et Balak. Le pitch de cet ovni mi-BD, mi-manga : dans un royaume d’opérette, une jeune boulangère, Marianne, et son jeune fils Adrian vivent heureux, jusqu’à ce qu’ils rencontrent un mystérieux étranger : Richard Aldana. Arriveront- ils à gagner tous les deux la Coupe du Roi, ce combat rituel façon Tekken ou Street Fighter? Derrière ce pitch dragonballesque, Vivès, qui scénarise, s’est lancé dans une saga extraordinaire, qui a la capacité de se renouveler à chaque épisode (six au compteur). Mieux, il semble capable d’amener la série toujours plus loin, toujours plus haut. On pense à un modeste DragonBall à la française ? voilà que Last Man lorgne du côté de Mad Max, du catch américain, ou du Seigneur des Anneaux. La BD, vaguement regressive, et premier vrai manga à la française (rythme de parution, fan service, etc.), semble viser exclusivement les 12-15 ans ? Last Man regorge d’allusions pour adultes. Et alors, ne serait-ce qu’une aimable pochade ? Last Man est capable de passer à la romance ou au drame. Et si l’on croit avoir fait le tour de l’intrigue avec ce tome VI, la série relance la machine avec un incroyable final.

Mais il y a encore mieux : car au-delà du phénomène Last Man, le talent de Bastien Vives est protéiforme. S’imposant d’abord comme un auteur sérieux, dessinant les affres de l’amour adolescent (Le Goût du Chlore, Amitié Etroite), il a montré qu’il était capable de bien plus : le roman graphique sérieux (Polina), l’observation de nos travers quotidien (Le Jeu Video, La Famille) et même la parodie érotique (Les Melons de la Colère)…

Qu’attend donc le cinéma pour utiliser un tel talent ? Un projet d’animé Last Man est dans les tuyaux parait-il, mais Bastien Vives vaut plus que cela. Il sait écrire des personnages (pour Iron man ?), construire une dramaturgie, (intro, acte I, acte II, final, ce qui manque si cruellement au cinéma français (et à notre Village Français en particulier), il sait faire rire et faire pleurer (pour Un Gamin au Vélo).

Ecrire à CineFast, qui transmettra.




jeudi 30 octobre 2014


Bye bye Jimmy
posté par Professor Ludovico

C’est plein de tristesse que nous apprenons la fin de Canal Jimmy. Car c’est sur le câble, et sur cette chaîne, sous le précieux conseil de madame Dolly, que commençât notre passion des séries. C’était en 1992, et nous regardions Dream On, la Mère de toutes les Batailles. Dream On, dont les créateurs ne sont rien de moins que David Crane et Marta Kauffman, futurs auteurs de Friends. Dream On, l’histoire délirante d’un éditeur divorcé toujours amoureux de sa femme, mais tellement biberonné de télé qu’il pense littéralement avec des extraits de films (avec une petite fixette pour la filmographie de Ronald Reagan). Une thématique qui ne pouvait que nous toucher, nous qui parlons souvent comme Apocalypse Now ou Y’a-t-il un Pilote dans l’Avion ?

Mais surtout Dream On – et Jimmy – furent l’impulsion initiale : après vinrent Seinfeld, Star Trek, Friends, Profit, Les Soprano et la première saison de Sur Ecoute

Jusqu’à ce que Canal+ réalise ce que nous avons déjà compris ; sa filiale était assise sur un tas d’or, ce magot des séries télévisées américaines, si incomprises, si méprisées dans l’hexagone. Elle rapatria Seinfeld sur Canal, et nous avec. Il ne restait plus qu’à la TNT d’achever les chaînes payantes, et à Jimmy de mourir avec.

Bye bye Jimmy… Thanks again.




samedi 18 octobre 2014


The Gospel According to Saint Alfred#9 : J’aurais préféré que rien ne soit dit
posté par Professor Ludovico

« Des photographies de gens qui se parlent » : c’est ainsi qu’Alfred Hitchcock définissait avec mépris le cinéma de son époque. Un cinéma qui n’avait pas foi en lui-même, incapable de se vivre autrement que comme une basse formule d’entertainment, entre le tour de magie et le cirque. Pas un art, en tout cas. Ce sera toute l’œuvre de Truffaut : démontrer que le cinéma est un art, et, partant, Hitchcock, l’un de ses plus grands artistes.

Car, comme un artiste, Hitchcock cherche en permanence à engendrer l’émotion. Et son art, c’est d’atteindre cette émotion en manipulant tous les aspects de la chose cinématographique : son, cadrage, montage, costumes, bruitages, …

Dans un de leurs échanges, Truffaut explique ses problèmes de montage sur Les 400 Coups, c’est passionnant.

Le cinéaste français raconte à Hitchcock une scène, un enfant et sa mère de chaque côté d’un trottoir. L’enfant voit sa mère au bras d’un autre homme. La mère voit que l’enfant l’a vue. Et, ajoute Truffaut, le dit à son amant : « Je suis sûre qu’il m’a vue ».

Alors Hitchcock soupire : « J’aurais préféré que rien ne soit dit… »

Eh oui ! Ce qui est fort, c’est cet échange de regard, qui dit tout ce qu’il faut savoir. L’adultère, et la découverte de l’adultère. Les sentiments mêlés qui en jaillissent… Ce qui est fort, c’est le cinéma à l’état pur. Quand le spectateur intègre silencieusement toutes les implications : la honte, le remords, la colère…

En faisant parler la femme, Truffaut fait décrocher le spectateur de ce petit travail mental ; il s’intermédie dans ce rêve éveillé avec soi-même, cette chose magique et merveilleuse qu’on appelle le cinéma.




lundi 6 octobre 2014


Tetris
posté par Professor Ludovico

Interdit de rire. On avait déjà entendu parlé des adaptations de Monopoly et de Risk, par Ridley Scott himself. Mais depuis que Peter Berg est capable de faire un film à partir de la Bataille Navale, il est interdit de rigoler devant le projet qui s’annonce.

Tetris. Oui un film sur le truc avec des carrés rouges, les L et des T. Qui pour jouer le Cube ? On ne sait. Quelle va être l’intrigue ? On ne sait pas non plus. En tout cas, ça promet.

On a tort de dire que Hollywood n’a plus d’imagination…




jeudi 14 août 2014


« You know how to whistle, don’t you Steve ? »
posté par Professor Ludovico

C’est par cette réplique culte que commença la carrière de Lauren Bacall, dans Le Port de l’Angoisse, et personne ne manqua de noter toutes les implications sexuelles de cette scène. Mas c’est aussi avec ce film que débuta l’un des couples les plus mythiques du cinéma : Bacall-Bogart. Il avait 44 ans, elle en avait 19, il était marié, elle devint sa maîtresse malgré le scandale, puis sa femme, et le resta jusqu’à sa mort.

Entre temps ils firent quelques chefs d’oeuvres, ensemble ou séparément : Le Grand Sommeil, Les Passagers de la Nuit, Ecrit sur du Vent. Plus vieille, la carrière de The Look sera loin d’être déshonorante : Le Dernier des Géants, Misery, Birth et deux von Trier, Dogville et Manderlay.

C’était une femme très belle et une grande actrice ; Bacall nous manquera doublement.




mardi 12 août 2014


RIP Robin williams
posté par Professor Ludovico

C’est un immense comédien qui meurt ce soir, et une grande perte : Robin Williams a plutôt aligné les mauvais films, mais il est très bon dans quelques films, et ces quelques films ont suffit à imprimer notre rétine de cinéphile pour toujours : dans le désordre : Will Hunting, Photo Obsession, Le Monde selon Garp, Le Cercle des Poètes Disparus. C’est dans cette veine qu’on le préférait, bien sûr, un peu noir, un peu triste, ou même terrifiant.

Malheureusement, Robin Williams a fait l’essentiel de sa carrière dans une veine feelgood, du passable (Mrs Doubtfire, Good Morning Vietnam, Le Roi Pêcheur) au consternant (Hook, L’Eveil). Une carrière disneyenne censée rattraper – on ne le saura jamais – une image écornée par la drogue et l’alcool. Comme le sont souvent les comique? Robin Williams était un grand angoissé, et c’est cet angst qui l’a emporté.




mercredi 11 juin 2014


The Gospel According to Saint Alfred#6 : the Art of Casting
posté par Professor Ludovico

Ce qu’il y a de plus passionnant dans les entretiens Hitchcock/Truffaut, pour nos regards modernes, c’est probablement la franchise débridée des deux cinéastes. Une franchise d’autant plus étonnante pour nous, spectateurs d’aujourd’hui, qui sommes habitués au cirque publi-promotionnel des stars en service après-vente ou en making-of : « J’ai adoooré travailler avec Truc ! » « Quand vous avez une actrice aussi exceptionnelle que Machine… » « J’avais toujours rêvé d’adapter les œuvres de Bidule… », etc., etc.

Avec Hitchcock, rien de tout cela. Tout le contraire plutôt. « Selznick voulait faire ce film, et il me l’a confié parce que je rapportais trop d’argent à la concurrence* » « Machine était très belle, mais c’était une assez mauvais actrice » « Gregory Peck n’est pas vraiment crédible en avocat anglais, car ce sont souvent des gens très cultivés » « Travailler avec Raymond Chandler était une idée catastrophique », etc., etc.

Certes, Hitchcock est à la fin de sa carrière et il sous-estime sûrement le retentissement que va avoir le livre, mais c’est aussi une leçon de casting qu’il transmet.

Humanistes que nous sommes, nous nous refusons à enfermer les gens dans des cases. Pourtant, il est évident qu’un acteur ne peut pas tout jouer. Gregory Peck n’est pas crédible comme avocat dans Le Procès Paradine mais il sera un excellent commando dans Les Canons de Navarrone. Allida Valli est trop belle pour jouer une bonne. Tout comme le soulignait récemment un critique du Masque et la Plume (suscitant par là une belle polémique et des dizaines de lettres outragées), Golshifteh Farahani est aussi trop belle pour faire une institutrice crédible chez les bouseux de My Sweet Pepperland.

Tout comme HBO a choisi principalement des acteurs britanniques pour Game of Thrones car un acteur américain est tout simplement incapable de prononcer un anglais précieux, et c’est l’idée qu’on se fait d’un personnage moyenâgeux, a fortiori noble.

Par ailleurs, Hitchcock explique qu’un acteur doit être beau, tout simplement pour que le public l’aime et s’identifie à lui. C’est pour cela qu’on voit bien souvent dans les rôles principaux des vieux beaux avec des petites jeunes. Pas par pur sexisme, mais bien parce que le Tom Cruise (51 ans) de Edge of Tomorrow continue de faire fantasmer les femmes, tandis que les hommes préfèrent une Rita jeunette, façon Emily Blunt (31 ans).

Hitchcock explique aussi que bien souvent, c’est avant tout des contingences extérieures, le plus souvent économiques, qui décident du casting. Si Allida Vali joue dans Le Procès Paradine , c’est parce qu’elle est en contrat avec Selznick et que celui-ci pensait pourvoir en faire la nouvelle Ingrid Bergman. Si justement Ingrid Bergman est la star des Amants du Capricorne – un film raté selon les propres dires de son auteur – c’est qu’Hitchcock pensait à tort qu’elle allait faire vendre le film.

Vous pensez que tout ça a bien changé, que le Professore affabule, que l’âge d’or esclavagiste des Studios est mort dans les années soixante ? Allez voir Map to the Stars. C’est la bonne nouvelle de la semaine : David Cronenberg is alive. And kicking.

* Hitchcock était loué à l’époque à la Fox




mardi 13 mai 2014


H.R. Giger
posté par Professor Ludovico

Il y a des nouvelles qui vous touchent plus que d’autres. Comme disait Desproges, « quand Tino Rossi est mort, j’ai repris deux fois des nouilles ». Mais là, c’est Giger qui est mort, et le Professore en est tout retourné. Pourtant, le plasticien suisse n’est l’auteur que d’une seule « œuvre », le monstre d’Alien, qui popularisa son œuvre biomécanique, jusque-là inconnue du grand public.

Mais comme Georges Perec, je me souviens. Je me souviens que Giger devait travailler sur les Harkonnen du Dune de Jodorowsky. Le projet ne se faisant pas, son travail fut recyclé (comme celui des autres (Chris Foss, Moebius) sur la production du nouveau film de Dan O’Bannon : Alien.

Je me souviens du choc que fut Alien, quand la première fois, au cinéma de Villers-sur-Mer, un beau soir de l’été 1979, je vis la Bête, magnifié par le clair-obscur de Ridley Scott. Car si Giger fut le Michel Ange d’Alien, Ridley Scott en fut le De Vinci. Avec l’intuition géniale de filmer le moins possible cet ange exterminateur, et nous faire découvrir, ici une mâchoire, ici une queue, ici un crâne luisant…

Pour la première fois, ce tandem Giger-Scott concrétisait à l’écran nos rêves les plus fous. Nous les geeks, nous les damnés de la terre, nous les losers qui n’aimions pas le foot, nous les lecteurs de science-fiction – la vraie, pas celle de Star Wars mais celle de Frank Herbert, pas celle de Cosmos 1999, mais celle de Philip K. Dick, pas celle de E.T., mais celle de Lovecraft, tenions enfin notre revanche. Quelqu’un pensait comme nous, connaissait le secret des espaces intersidéraux : Quand l’humanité rencontrerait un extraterrestre, il ne ressemblerait pas à quelque minable contrebandier en plastique de la Cantina de Tatooine, ni à un idiot à bicyclette cherchant à téléphoner à sa maison. Non il ressemblerait à Alien ; cette majestueuse créature nietzschéenne, sans morale, qui n’aurait pas la moindre considération pour l’humanité ni, pour citer Lovecraft « l’effroyable position que nous occupons [dans l’univers], sur cette île placide d’ignorance, environnée de noirs océans d’infinitude… »

Bien sûr, je me souviens du reste, une expo Giger à Montmartre dans les années 90, la pochette de l’album de Debbie Harry, les couvertures de Métal Hurlant. Mais tout ça n’est qu’un détail dans l’œuvre de Giger, pourtant nombreuse (des meubles, des tableaux, des statues…)

Non, de Giger, il ne restera que ça. Une créature immortelle, ancrée dans l’inconscient populaire, et flottant pour toujours dans l’éther glacé et infini.




samedi 10 mai 2014


Les girls
posté par Professor Ludovico

Lena Dunham. Allison Williams. Jemima Kirke. Zosia Mamet.

Retenez ces quatre noms. Mais aussi ceux là : Adam Driver, Christopher Abbott, Chris O’Dowd. Car ces boys and girls, ce sont bien les acteurs incroyables de Girls, la géniale sitcom next gen de HBO. Certes, ils dont servis par un scénario impeccable et une dialoguiste hors pair en la personne de Lena Dunham, à la fois créatrice de ce joyeux bordel new yorkais et sa principale protagoniste.

Mais ils sont aussi, en tant que comédiens, les principaux acteurs de ce renouveau. Les colères rentrées de Marnie, la folie d’Adam, la rock attitude de Jessa et la mièvrerie de Shoshana, n’auraient pas le même impact dans d’autres bouches, sur d’autres visages, dans d’autres corps, car il n’y a rien de pire qu’une sitcom mal jouée. Ces jeunes acteurs, s’ils n’ont que quelques films derrière eux – mais pas forcément les moindres (Frances Ha, Matha Marcy May Marlene, The IT Crowd, 40 Ans Mode d’Emploi, Mad Men), ont surtout l’avenir devant eux.




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