[ Le Professor a toujours quelque chose à dire… ]

Le Professor vous apprend des choses utiles que vous ne connaissez pas sur le cinéma



samedi 11 mai 2013


Barsoom !
posté par Professor Ludovico

C’est par ce mot magique que se termine John Carter from Mars, le film le plus sous-estimé de 2012. Sans les conseils de Conrad, le navigateur le plus sûr sur les eaux tumultueuses du Reik, je serais moi aussi passé à côté de cette petite merveille pulp. John Carter n’est pas un chef d’œuvre, loin de là, mais c’est un film fait avec beaucoup de cœur, et cela suffit. Andrew Stanton a peut-être gâché sa carrière à Hollywood avec ce bide pharaonique, mais il a rendu hommage à ses livres d’enfance, et ça, ça n’a pas de prix.

En revoyant John Carter sur Canal+ avec le Professorino (qui ne cesse de m’assaillir de questions sur l’échec du film – lui non plus ne comprend pas –), je n’avais qu’un souhait : revoir ce dernier plan, où Dejah Thoris (Lynn Collins) prononce le nom de Mars, face caméra.

Car si, pour le reste, John Carter est un film d’aventure très réussi et très drôle, il ne prend réellement son envol que dans les dernières minutes, là où les grosses machines s’arrêtent habituellement. Après avoir vaincu ce pauvre McNulty (euh pardon, Dominic West dans le rôle de Sab Than), Dejah et Carter se marièrent et eurent beaucoup d’enfants… Ça c’est la fin de Star Wars, mais pas de John Carter. Car beaucoup de questions posées dans le prologue, dans l’Amérique post-Guerre de Sécession, n’ont pas trouvé de réponse.

Andrew Stanton va compléter son puzzle brillamment*, en dix minutes chrono, inclure la réalité dans la fiction (en faisant de l’auteur, Edgar Rice Burroughs, un personnage de sa propre histoire) et apporter une conclusion humaniste un poil plus complexe que la production US habituelle. Le cynique John Carter ne pense qu’à son or, comme les pires ennemis de Mars, les Therns, qui voyagent de planète en planète pour s’emparer de toutes les ressources naturelles. Mais son aventure martienne, en forme de quête initiatique, le transformera en héros de tout une peuple. Et se débarrasser du médaillon qui permet le transfert vers la terre (et donc toute possibilité de retour) pour devenir John Carter, From Mars. Car on n’est pas d’un pays, ou de la terre de ses ancêtres, ou attaché par un quelconque lien du sang. Son pays, c’est celui où l’on défend ses amis, là où bat son cœur. Carter vient de Jasoom (la Terre dans le langage martien), il n’arrête pas de le répéter pendant le film, pourtant il deviendra un martien, par amour, et par amitié pour tout un peuple.

Le peuple de Barsoom.

* Rappelons que Stanton n’est rien de moins que le scénariste en chef de la meilleure période de Pixar, avant qu’elle ne devienne une parodie de Disney : il est l’auteur de Toy Story, 1001 Pattes, deux chefs d’œuvres, et des blockbusters Toy Story 2, Le Monde de Nemo, Monstres et Cie, WALL-E, Toy Story 3.




samedi 6 avril 2013


Borgia saison 2 : une ou deux choses que je sais de Nicolas Machiavel (et de la fiction)
posté par Professor Ludovico

Hier, dans les épisodes 3 et 4 de la lamentable série de Canal+ sur les Borgia « Carbonara alla Fontana », le petit cœur du Professore a tressauté. Car IL était là, soudain, dans cette église de Florence, et rencontrait son maître, sa muse.

Je veux bien sûr parler de Nicolas Machiavel, rencontrant Cesare Borgia, le futur modèle du Prince, le manuel maudit de la politique, que le diplomate florentin écrira en exil, quinze ans plus tard.

Cette petite entorse à la réalité ne m’a pas choqué plus que cela : licence poétique, force de la fiction, etc. En effet, Machiavel a bien rencontré Cesare Borgia, mais beaucoup plus tard, en mission pour Florence, et il se fera même rouler dans la farine.

Mais là n’est pas la question. La suite des épisodes s’est mis à raconter n’importe quoi sur le héros du Professore, et là, avouons-le, c’est plus possible ! Licence poétique, force de la fiction, je m’en fous, je ne peux pas laisser entendre que mon Niccolo a torturé. Car on en est là : 1494, Savonarole* installe à Florence une « démocratie chrétienne », qui devient vite à une dictature théocratique**. On brûle les livres, les jeux, les tableaux de nus, et chacun est sommé de s’habiller avec dignité. On envoie des enfants s’introduire, dans les maisons pour vérifier les bonnes mœurs des adultes. Savonarole prédit l’apocalypse, et l’arrivée de l’antéchrist, en la personne du pape, Alexandre Borgia, le père de Cesare. La première arrive : les français de Charles VIII ont débarqué en Italie. L’autre va gagner : l’antéchrist va triompher du prédicateur.

Pour le reste, Savonarole, sans arme, est renversé (ce qui inspirera Machiavel : « Tous les prophètes armés ont vaincu, et les désarmés ont été détruits, comme il advint de notre temps de frère Jérôme Savonarole. »). Le prédicateur est excommunié, pendu et brûlé.

Dans la série, il y a plusieurs erreurs historiques : Cesare Borgia n’est pas le représentant du pape à Florence, et Machiavel ne conseille pas Cesare Borgia. Au contraire il s’inspirera des hauts faits du Valentinois en Romagne (la région de Rome que pacifiera Borgia en 1500). Machiavel n’est pas le bourreau de Savonarole, il sera lui-même torturé par les Médicis quand ils reviendront au pouvoir.

Ici s’achève la séquence « Alain Decaux raconte » de cette chronique, en fait l’hommage du Professore à « nos amis les vraisemblants » comme les appelait Hitchcock ; ces spectateurs qui cherchent la petite bête, dans l’intrigue ou dans la véracité des situations. Vous en trouvez ici un vibrant exemple : si l’on ne s’est jamais intéressé à la période, la présentation des faits par Tom Fontana est tout à fait vraisemblable. Une des lois majeures de la fiction est d’ailleurs de faire « vivre » les événements via les personnages principaux et le moins possible par des personnages annexes. Que Cesare Borgia devienne le légat du pape est donc une nécessité scénaristique. Elle permet à Fontana de faire aboutir la transformation du personnage. En organisant une confontation avec Savonarole (l’Antagoniste), Cesare (le Protagoniste) flirte une dernière fois avec la foi, qui le taraude depuis le premier épisode. Mais le florentin le met face à ses contradictions. Après avoir défait le prédicateur, Cesare sait enfin ce qu’il veut être : un chef de guerre. Et c’est ce qu’il deviendra.

Donc Fontana a raison, le Professore a tort, et ce n’est pas un poisson d’avril.

* Formidablement interprété par le sosie de Ridley Scott, Iain Glen, l’immense Jorah Mormont du Trône de Fer.
** Evidemment, ce sont les vrais dates, pas celles de la série.




jeudi 14 mars 2013


Spielberg se prend pour Napoléon
posté par Professor Ludovico

Après AI, Steven récidive : il s’attaque au deuxième scénario abandonné par Kubrick : Napoléon. Un projet qui tenait à cœur au Maître, qui dut lâcher prise quand la Warner lui annonça qu’elle ne suivrait pas eu égard au retentissant échec de Waterloo, le film de Sergueï Bondartchouk avec Rod Steiger.

La mort dans l’âme, Kubrick renonça à son bébé, qu’il comparait auprès de Michel Ciment « à la campagne de Russie » ; arrêter le film avant l’hiver, éviter la bataille de trop, et échapper à la Berezina. Kubrick recycla le monumental travail de préparation dans Barry Lyndon.

La question, aujourd’hui, c’est qu’est-ce qui fait courir Steven ? Qu’est-ce qui pousse Spielberg à suivre, aussi obsessionnellement, les pas de Kubrick ? Dans son chef d’œuvre, Les Corrections, Jonathan Franzen nous met en garde contre la prétention des enfants à « corriger » les erreurs de leurs parents, sous peine d’immenses déceptions…

AI était, à cette aune, un demi succès. Une première partie Kubrickienne, glaciale, sur l’adoption, la parentalité, l’humanité… La deuxième, spielbergienne, partait dans tous les sens : le robopute Jude Law, Robin Williams Dr Know, mais se terminait en beauté avec la vision prémonitoire de New York, pris dans les glaces…

Napoléon est présenté par l’auteur des Dents de la Mer comme une mini-série, ce qui est déjà de bon augure. En 3 ou 6 épisodes, on pourra donner à ce Napoléon l’ampleur qu’il nécessite. Après, Spielberg est-il le bon réalisateur/producteur pour un sujet aussi peu consensuel ? On incline à penser que non. Lincoln, Amistad, Band of Brothers, The Pacific… Toutes ces séries ou films ont été des déceptions sur le plan historique, plombé par la volonté consensuelle de Spielberg.

Le problème de Spielberg, c’est qu’il fait trop de films. Si Kubrick a cette œuvre minérale, presque parfaite, c’est qu’il a fait très peu de films. D’autant moins de chance d’en rater un. Spielberg, lui, amasse les films, comme Hitchcock. Il aime tourner. Il ne pourra pas faire œuvre, il y a trop de taches dans son CV.

Il est temps pour lui de renoncer à devenir un grand cinéaste reconnu (ce qu’il est déjà), d’expier son péché originel (avoir coupé l’herbe sous le pied d’Aryan Papers (le projet de Kubrick sur la Shoah, mort-né avec le succès de La Liste Schindler).

Il est temps de tuer le père.




lundi 11 mars 2013


Manque de culture cinématographique et paranoïa australienne
posté par Professor Ludovico

Dès le titre, on comprend que CineFast ne pouvait manquer de vous narrer cette anecdote.

Rapportée par le Professora, et trouvée dans cette grande revue cinématographique qu’est Air et Cosmos, no 2344.

Dans un avion qui relie Sydney à Wellington, un jeune homme se promène avec un T-Shirt. Pas n’importe quel T-Shirt, non, mais portant l’inscription suivante :

– « My name is Inigo Montoya, you killed my father, prepare to die… »

Le CineFaster aura reconnu la réplique fétiche de Princess Bride, où Inigo Montoya, immortel Mandy Patinkin (le mentor de Carrie dans Homeland), recherche pendant tout le film le spadassin à six doigts qui « a tué son père »…

Si l’avion était empli de CineFasters, l’histoire se serait arrêtée là. Mais malheureusement, il était plein d’australiens, semble-t-il toujours tétanisés par le 11-septembre, et qui ont exigé le retrait du menaçant vêtement.

Le pauvre T-Shirt fut enlevé, et le vol reprit sa trajectoire normale. L’histoire ne dit pas quel film était programmé dans l’avion…




dimanche 10 mars 2013


Dr House vs Scrubs
posté par Professor Ludovico

Qu’est-ce qui distingue une grande série d’une série de consommation courante ? La même différence, finalement, qu’il y a entre un sandwich jambon-beurre de chez Paul, au goût millimétré, et celui que vous vous préparez en achetant, au cœur de l’Auvergne, le pain, le beurre et le jambon…

Hier, dans un de ces épisodes désordonnés dont TF1 a le secret (épisode 2 : machin a le cancer, épisode 3, il se porte comme un charme, et caetera, et caetera), Dr House soigne une jeune fille de multiples symptômes (dérèglement du foie, migraines, etc.)

Là, le CineFaster moyen se met à hurler : mais qu’est-ce que vous foutez devant Dr House, Herr Professore ???

Bon ça va, les gars, c’est les vacances ! Y’a que la TNT aux Arcs, et même la Ligue des Champions ne passe plus en clair…

Bref, Dr House soigne cette petite, dont la mère n’est autre que Sherilyn Fenn, qui a pris quelques kilos depuis qu’elle faisait des nœuds aux queues de cerises dans Twin Peaks…. Mais je m’égare… La Professorinette a beau pronostiquer que la gamine va sen tirer (« car ils s’en tirent tous », cf. le jambon-beurre de chez Paul), pas de bol, elle y passe.

Dans une des dernières scènes, la pauvrette jette un coup d’œil désespéré à Monsieur House (ou à une de ses sbires, peu importe), qui vient de lui annoncer qu’il a finalement trouvé la raison de sa maladie :

– « Je vais mourir, docteur ?? »
– « Oui. »

Voilà, c’est fini. La mère se jette dans les bras de sa fille, quelques explications entre toubibs, générique.

Immédiatement, j’ai pensé à Scrubs. Une série beaucoup plus légère, drôle, sympa, mais capable d’engendrer de la tragédie au coin d’un gag.

Dans un épisode de Scrubs, le chef médecin (formidable John C. McGinley) vient réconforter notre héros, JD Dorian, (génial Zach Braff), qui va bientôt perdre un patient en phase terminale. « On ne peut pas les sauver tous, JD. Certains patients viennent à l’hôpital pour mourir. En fait, un sur trois meurt à l’hôpital. » À ce moment, le spectateur se rappelle, comme notre héros, qu’il a trois patients, et que oui, il faut se résigner, il en a déjà sauvé deux.

Un quart d’heure plus tard, les trois patients sont morts. L’épisode, commencé comme une guignolade, finit comme un drame. L’auteur, Bill Lawrence, a installé sa dramaturgie, a laisse le temps aux sentiments de s’installer. Il ne s’est pas contenté de sa formule (les-patients-sont-comme-des-enquêtes-policières) pour délivrer ses quarante minutes de programme.

Dr House n’est pas une grande série. Scrubs l’est.




samedi 16 février 2013


The Deep Impact of 2012 Armageddon
posté par Professor Ludovico

Mieux que Michael Bay, mieux que Mimi Leder, mieux que Roland Emmerich : Youtube !

Découvert sur le site polyartitisque de l’ami Ostarc, Le Glob est Plat, le plus beau plan séquence sur la forêt de Tungunska depuis les X-Files.

Profondeur de champ, stabilité du cadre, équilibre des couleurs, il ne manque que la musique d’Alexandre Desplats.

A vous de juger…




dimanche 27 janvier 2013


Topten 2012
posté par Professor Ludovico

C’est la saison des galettes et le retour de l’inévitable Topten, institution morganienne depuis dix huit ans (de Morgane, l’association où le Professore a réalisé une poignée de chefs d’œuvres en Super8 dans les années 90). En clair, une bande de potes et de potesses qui s’étripent sur les films de l’année.

Un exercice un peu vain, vu qu’ils n’ont pas vu les mêmes. Entre l’école GCA (Grosse Connerie Américaine, Battleship en tête) et GcrA (Grosse comédie romantique Américaine, Jusqu’à Ce Que LA Fin du Monde nous Sépare), entre ceux qui ont vu deux cent films, donc forcément quelques films ouzbeks, et ceux qui ont en vu vingt, dont forcement Astérix, ceux qui aiment encore Pixar, et ceux qui le détestent depuis Monstres et Cie. Bref, c’est magouille et compagnie (« Allez, vote, Gilles ! On fera gagner John Carter !)

Le Professore, aidé des outils les plus modernes (Excel 2003), avait préparé son Topten, et ça donnait ça :

1 Les Enfants de Belle Ville
2 Martha Marcy May Marlene
3 Margin Call
4 Damsels in Distress
5 Looper
6 Cogan Killing them softly
7 Les Adieux à la Reine
8 Battleship
9 John Carter
10 Moonrise Kingdom

Et son Bottom Five :

1 Prometheus
2 Cosmopolis
3 Les Bêtes du Sud Sauvage
4 Les Seigneurs
5 The Descendants

Aucune surprise, donc, pour ceux qui suivent ce blog.

Les Topten de chacun furent passés à la moulinette mathématique du Président Philippe (ceux qui n’ont vu que 45 films ne peuvent voter que pour 10 films, par exemple)…  ça finit par donner ça :

1 Starbuck
2 Argo
3 Margin Call
4 De Rouille et d’Os
5 Anonymous
6 ex ae Cloclo
   ex ae Jusqu’à Ce que la Fin du Monde nous Sépare
8 Les Adieux à la Reine
9 ex ae John Carter
    ex ae La Part des Anges

Et le Bottom 3 :
1 Prometheus
2 Associés contre Crime
3 Astérix au Service de sa Majesté

Au final, comme dans toute GcrA qui se respecte, tout le monde tombe d’accord pour dire que 2012 est un très bon cru avec beaucoup, beaucoup de bons films, et peu, très peu de mauvais films.

Et on repart du Topten avec une liste de films à voir, les bonnes résolutions de l’année : Starbuck (déjà conseillé par une CineFasteuse canadienne), Premium Rush, Camille redouble, Oslo 31 août, Du vent dans les mollets, Le bus 678

Au travail !




jeudi 10 janvier 2013


Avoir une idée… Et la réaliser
posté par Professor Ludovico

En ce moment, sur les écrans, il y a un film qui a plagié le Professore. Si. Si. Il s’agit De l’Autre Cóté du Periph’, avec Omar Sy et Laurent Laffitte. Deux flics que tout oppose (classe sociale, style, méthodes) mais qui coopèrent malgré leurs différences, nous avons eu cette idée avec l’ami A.G. dans les années 90, et nous nous voyions bien, avouons-le, dans les premiers rôles.

Tout ça pour dire qu’il ne suffit pas d’avoir une idée. Il faut, comme disait Kubrick, l’incarner, et c’est ça qui est difficile. Tout le monde a des idées, et même des idées géniales. Mais l’art, ce n’est pas que de l’inspiration : c’est avant tout du travail, beaucoup de travail, et aussi de la chance. Et de la persévérance.

Prenons les Rolling Stones. Avaient-ils plus d’inspiration que les autres groupes de blues en 61-62 ? Sûrement pas. Ils étaient une pelletée à l’époque, à s’acharner sur les standards de Jimmy Reed et Muddy Waters, et à tourner autour du même mentor, Alexis Korner. Alors qu’avaient de plus Jagger/Richards ? Si ce n’est une terrible envie de réussir ? Et la peur de se faire virer par celui qui avait plus de talent qu’eux : Brian Jones ?

Pour compenser, ils ont travaillé dur. Et ils ont eu un peu de chance, il en faut dans ce métier. Selon le joli mot de Jagger, il y avait un groupe au Nord (les Beatles), et il fallait un groupe au Sud. Ce furent eux, les Rolling Stones. Quant à Brian Jones, qui avait tant de talent, il se dispersa, ne travailla pas assez, n’avait pas suffisamment envie : son exclusion du groupe par les deux autres carriéristes était inéluctable.

Pour revenir au Periph’, il eut sûrement fallu un peu de chance au Professore et à son compère, mais surtout, il aurait fallu travailler, beaucoup, et et de l’obstination pour ne pas se faire « piquer » l’idée de De l’Autre Cóté du Periph’.




samedi 5 janvier 2013


Salaire des acteurs : mea culpa
posté par Professor Ludovico

Petite précision due à la lecture du Parisien ce matin. Les aides du CNC sont financées par les recettes des films (une vertu que j’indiquais déjà). Mais le financement public est plus faible que je ne le pensais : 1,7% du budget des films.

Donc mea culpa, ma conclusion est fausse :votre argent sert rarement à financer le salaire de Danny Boon.

Il reste qu’une partie du système reste vicieux : le poids des acteurs dans le montage du film (l’article du Parisien est très éclairant là-dessus), les obligations des chaînes qui les invitent à produire tout et n’importe quoi, et le système de copinage propre à l’organisation même du CNC.

Mais bon, ce n’est pas une raison pour écrire n’importe quoi.




lundi 31 décembre 2012


Le salaire des acteurs
posté par Professor Ludovico

Voilà une petite controverse qui aurait pu passer inaperçue, au cœur du trou noir Noël-Jour de l’An. Mais c’est la période des bilans, et Le Parisien a ouvert le bal avec un article sur les tops/flops de l’année, tout en dégonflant quelques baudruches : oui, La Vérité Si Je Mens est 4ème est un succès en nombre d’entrées (4,6M), mais c’est quand même une déception pour ses auteurs, car le film, ayant coûté 25M€, espérait bien plus (le deuxième de la franchise avait fait 7M€).

Car la règle d’or dans ce business, ce n’est pas les entrées (qui reste néanmoins le critère du public et des médias), mais bien le ratio recettes/investissements. Ainsi Paranormal Activity, Le Projet Blair Witch restent des résultats marquants, car pour des budgets minuscules (15 000$ et 60 000 $), ils ont rapportés énormément d’argent (107 M$ et 140M$). Ce qui n’empêche pas, évidemment, d’investir énormément, dans l’espoir de gagner encore plus.

Ce qui nous amène à la controverse du jour : comme le signale cruellement Le Parisien, « Les grosses stars hexagonales n’ont pas fait recette » : ni Adjani (David et Madame Hansen, 100 000 entrées), ni Gad Elmaleh (Le Capital, 400 000), ni Dany Boon, ni le casting all-stars des Seigneurs (2,7M). Et Fabrice Leclerc, de Studio Ciné Live, un magazine peu réputé pour être un histrion de la contre culture, de conclure : « Contrairement aux américains, nombre de réalisateurs français ne bossent pas suffisamment leur scénario » ; encore un qui lit CineFast !

Mais l’assaut le plus sournois ne vient pas des odieux médias, ou des horribles critiques (ces réalisateurs frustrés), non, l’attaque vient de l’intérieur, via une charge destroy dans Le Monde datée du 28 décembre (et aimablement indiqué par l’ami Fulci). Cette charge ne vient pas de n’importe qui : Vincent Maraval, patron de Wild Bunch, un des plus gros distributeurs français The Artist, Le Discours d’un Roi, Le gamin au Vélo, Polisse, Old Boy, La Chambre du Fils, etc.

Maraval parle carrément de « désastre »*. Reprenant le bilan du Parisien, il constate que tous les gros films français se sont plantés cette année. Pire, même les gros succès commerciaux perdent de l’argent. Moralité : les films français sont tout simplement trop chers.

Et d’indiquer la source du mal : les stars françaises, surpayées. Et de balancer des chiffres, qui malgré l’inclination naturelle du Professore, l’ont que même cloué sur son siège : les films français ont le deuxième budget moyen après les USA (bizarre, pour une production peu orientée sur le blockbuster à effets spéciaux). Ensuite, les cachets des acteurs : 3,5M€ pour Dany Boon dans Un Plan Parfait, une somme qui n’est pas couverte par les entrées du film ! et 1M€, pour quelques minutes dans Astérix… Ou Vincent Cassel, qui demande 226 000€ pour Black Swan et 1,5M€ pour Mesrine : dix fois moins de recettes que le film de Darren Aronofsky, cinq fois plus de salaire ! Et de multiplier les exemples avec des stars internationales comme Benicio del Toro, ou Soderbergh, qui gagnent moins que… Marylou Berry ou Philippe Lioret.

Il n’y aurait aucun mal à cela si ces chiffres étaient produit par le marché : Depardieu vaut 2 parce qu’il va rapporter 20. Le Professore, citoyen d’honneur de Los Angeles, California, est évidemment est pour le marché, et n’a jamais trouvé scandaleux le salaire des footballeurs, par exemple. Pourquoi ? parce que le salaire des stars, les primes de match, c’est l’argent des mécènes (le Qatar, Abramovitch, Aulas) ou celui des sponsors. Ils font ce qu’ils veulent de leur argent, parce qu’ils pensent que ça va leur rapporter quelque chose, de l’argent ou de l’image.

Mais là, c’est votre argent qu’il s’agit. Car si ce système existe, c’est dû au fameux fonctionnement du cinéma français. La fameuse exception culturelle dont on nous rebat les oreilles, et qui génère un régime très particulier et extraordinairement déficitaire (l’intermittence : 223 M€ de cotisations pour 1 276 M€ de paiements, et aucun chômage). Mais aussi un système extrêmement vicieux de financement**, via le CNC, Canal+ et les chaînes de TV, ce qu’explique très bien Vincent Maraval : les acteurs célèbres permettent au film de se faire, uniquement sur leur nom. Dès lors, ils disposent d’un droit de vie ou de mort sur le film, qu’ils monnayent à prix d’or. Au final, que le film ait coûté cher ou pas, qu’il ait du succès ou pas, qu’il fasse un bon score ou pas à la télé, ne change rien. Les chaînes sont obligées d’acheter des films et d’en diffuser, donc tout le monde vit bien avec ça.

Sauf le contribuable.

Moi je veux bien financer Arte, même si je la regarde rarement. Mais ça m’embête de financer Dany Boon dans Astérix.

Vraiment.

* A lire également, la réfutation par Jean-Michel Frodon, qui n’est pas n’importe qui non plus, et qui relativise en partie le propose de Maraval, notamment le « désastre ».

** qui a une seule vertu : les gros films (français et étrangers) financent les plus petits




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