Né du croisement improbable de la littérature de Fantasy* et du wargame napoléonien avec figurines, ce loisir était – quand nous l’avons découvert au début des années 80 – dans sa plus tendre enfance.
On créait un personnage sur une feuille de papier, en lui attribuant des caractéristiques chiffrées (sa force, son intelligence…), et on partait explorer des « donjons », sa plus simple expression ludique. Explorant virtuellement un ensemble de couloirs souterrains, nous y tuions à coup de dés le plus de monstres possibles… 40 ans plus tard, le Jeu de Rôles a bien évolué. Comme toute forme d’art, il a mûri. Des dizaines d’univers, des centaines de scénarios, bien plus subtils qu’une simple exploration de souterrains, ont été produits et joués. Et aujourd’hui, on incarne un personnage, on lui donne un passé, des dilemmes moraux : c’est un véritable personnage de fiction…
Tout ce que ne fait pas – somme toute – Donjons & Dragons, le film. Au-delà d’être un patchwork kitsch particulièrement laid, L’Honneur des Voleurs est une histoire ultra classique, sans personnages ni émotions. Des voyous à la ramasse, pitchés en une phrase (le père de famille négligent, la barbare en rupture de ban…) se retrouvent à lutter contre un mal antique qui veut détruire l’humanité… aka le scénario Copytop des studios hollywoodiens (Marvel & Co.) depuis des années…
Sur le plan visuel, pas mieux. En cela, le film respecte le matériau original : D&D a toujours été graphiquement atroce. Cinq éditions et quarante ans plus tard, il est toujours aussi laid : guerriers cheveux en brosse de quarterbacks texans, sorcières MILF peroxydées, châteaux dessinés par Disney… Normal pour un pays qui n’a jamais vu de châteaux forts… Le film fait de même en mélangeant allègrement des Marie-Antoinette, des Martin Luther et des épées antiques à la Conan le Barbare : tout ça est, pour les américains, est médiéval !
Mais le pire reste à venir : l’omniprésence du fan service, même pour le fan qu’est le Professore. Que le film cite visuellement des monstres (Mimic, Displacer Beast, Cube Gélatineux…), ou des objets magiques iconiques (Bag Of Holding , Horn Of Beckoning Death, Helm Of Disjunction…) fait plaisir. Mais le fan service sature littéralement les dialogues. Un name dropping totalement insupportable : Mordenkainen, Neverwinter, Baldur’s gate, etc., on cite même des règles du jeu…
Tout cela donne l’impression d’un gâchis (qui n’est pas immense, parce qu’on n’en attendait pas grand-chose), mais un gâchis tout de même. C’est mieux que le premier film de 2000, bien sûr, mais ça reste très loin de Game of Thrones, ou même de licences plus kitsch comme The Witcher ou Conan.
Et c’est dommage, car il y avait de la matière. D’une part, la partie comique est assez réussie, avec 2 ou 3 scènes cultes, et toute une série de blagues tongue-in-cheek pour initiés… Mais doublement dommage car Donjons & Dragons, le jeu, aurait pu s’appuyer sur les scénarios qui servaient de support à nos parties. Ces « modules » proposaient de belles aventures, mille fois plus originales que la lutte éternelle contre le grand méchant**… Hasbro n’avait qu’à se baisser pour les ramasser…
*Le Seigneur des Anneaux de JRR Tolkien, le Cycle des Epées de Fritz Leiber, Elric de Michael Moorcock, Conan le Barbare de R.E. Howard, Terremer, de Ursula Le Guin…
** The Sinister Secret of Saltmarsh, où un repaire de pirates mène à complot d’homme-lézards
Castle Amber, où l’on explore la maison hantée d’une antique famille
The Secret of Bone Hill/The Assassin’s Knot, où l’on explore une ile pleine de mystères et où l’on résout un meurtre étrange
The isle of Dread, où l’on explore une ile peuplée d’antiques créatures
Expedition To The Barrier Peaks, un donjon qui se révèle être… un vaisseau spatial
etc.
Chronique publiée également sur Planet Arrakis
posté par Professor Ludovico
Tandis qu’Avatar : La Voie de l’Eau est en ce moment sur les écrans, le seul chef d’œuvre de James Cameron se jouait hier au Stade de Lusail : la finale de la Coupe du Monde 2022. Après que le boa constrictor argentin ait étouffé nos Bleus pendant tout le match, la magie de la dramaturgie footballistique prenait enfin son envol. Le football n’est pas une science exacte, domination et possession ne valent pas score.
Après quatre-vingt minutes de dictature, les argentins faisaient une erreur, une seule ! et offrait un penalty à Mbappé qui n’en demandait pas tant… Et qui, selon la logique vicieuse du football, entraînait un deuxième but, car la panique s’était installée dans la pampa… C’était la remontada.
La France aurait pu (du) tuer le match ce moment-là, elle serait aujourd’hui championne du monde, mais le football est un trop beau spectacle pour se contenir dans ces clichés étroits. Prolongation, nouveau but de Messi. Nouveau penalty de Mbappé. Qui écrit un tel scénario, à part les James Cameron du football ?
Mbappé et Messi étaient sur la même planche, mais il n’y a pas de place pour deux : le plus grand drame sportif du XXIe siècle était en place, tout serait décidé au hasard, ou plutôt dans cet incroyable rendez-vous avec soi-même que sont les tirs au but. La fin fut sublime. Le roi Messi gagna. L’héritier Kylian perdit.
Commença alors une autre pièce, un autre blockbuster, signé Shakespeare. Le jeune Hamlet Mbappé ne veut plus vivre. Devant une telle malignité de fortune (perdre en inscrivant un triplé), être ou ne pas être : telle est la question. A l’aube de de son vingt-quatrième anniversaire, le futur Roi du Monde ne peut comprendre que cette défaite le rendra beaucoup plus fort. Il ne peut, à lui seul, être le sauveur de la Nation. Mais la leçon est amère. Pour le moment, il n’est que douleur… Il y a quelque chose de pourri dans l’émirat du Qatar… On veut mourir, dormir, rêver peut-être…
Mais le football est cruel ; il honore les gagnants mais veut aussi humilier les perdants. Médailles en chocolat, discours interminables… Survient Claudius-Macron, le roi des Francs… Pour la première fois, le Président réussit à nous attendrir. Peut-être parce que son masque de porcelaine est exceptionnellement tombé, et que l’on voit enfin un amour authentique du football, et une sincère déception. Macron relève le Petit Prince du football, le réconforte, et l’encourage à aller chercher son horrible trophée (un soulier doré Adidas de meilleur buteur), en passant, sublime image, devant cette coupe qu’il désirait tant. Un simple regard, l’œil vide, une photo de groupe…
Bonne nuit, doux prince…
dimanche 11 décembre 2022
Same old story (morning glory)
posté par Professor Ludovico
Alors voilà… L’équipe de France de football est en demi-finale de la Coupe du Monde pour la 7e fois de son histoire. Les haters, qui, il y a 3 semaines, promettaient de boycotter l’Odieuse-Coupe-du-Monde-du-Qatar ressortent en urgence le drapeau bleu-blanc-rouge, les maillots 98 et leur 45 t de Gala, le bien nommé Freed from Desire. A commencer par les politiques ; le premier d’entre-eux nous abjurant de ne pas politiser le sport mais twittant à chaque match…
Les bobos parisiens (donc je m’enorgueillis de faire partie) ne sont pas choqués de fumer en terrasse sous des radiateurs au gaz, mais s’étaient scandalisés de cette odieuse Coupe du Monde climatisée.
Comme d’habitude, le football est l’exutoire commode des passions tristes ; il ne viendrait à personne l’idée de critiquer le Festival de Cannes qui convoie en jets privés le gratin hollywoodien et organise des parties sur les méga-yachts de la Baie d’Antibes. Ni de s’étonner de dépenser de 250 M$ de dollars à réaliser un film écologique… entièrement en image de synthèse.
Le football est le loisir du peuple ; la culture, c’est la meilleure façon de montrer que l’on en fait pas partie.
dimanche 13 novembre 2022
The end
posté par Professor Ludovico
John Ford disait qu’il mettait tout son budget dans le début et la fin ; le début pour installer les spectateurs dans le film, et la fin pour les faire revenir au cinéma. Si c’est assez évident pour le grand écran– il n’y a pas de grands films sans fin mémorable –, c’est moins vrai pour les séries.
On a pourtant déjà évoqué ici l’idée qu’une grande série, c’était avant tout une grande fin. Si elles offrent souvent plusieurs saisons éclatantes, cela se termine souvent en eau de boudin, pour de basses raisons de business model : les audiences ont baissé, la chaîne s’est désintéressée du show, et les créateurs sont déjà partis faire autre chose. Les acteurs ont la tête ailleurs, et la deuxième équipe tente de finir le travail…
Les séries chefs-d’œuvre racontent tout le contraire : le showrunner est toujours là, il écrit le dernier épisode, voire le dirige. Il a la volonté de conclure son œuvre en beauté. Les grandes séries ont toujours un dernier épisode (ou simplement une dernière scène) qui résume totalement le show. C’est le cas de Sharp Objects, dans sa dernière phrase, ou de Six Feet Under qui n’a pas toujours été bonne – loin de là -, dans sa dernière scène. Game of Thrones, elle, finit une saison 8 décevante par un dernier épisode méta si décrié, concluant pourtant en beauté tous ses arcs, et donnant une leçon de storytelling au spectateur…
Voici donc pour le Professore Ludovico 17 fins étincelantes, et donc 17 séries chef d’œuvre…
The Wire
The Sopranos
Twin Peaks (saison2, évidemment)
Mad Men
Battlestar Galactica
Seinfeld
Friday Night Lights
The Prisoner
Justified
The West Wing
Six Feet Under
Game Of Thrones
Sharp Objects
Generation Kill
Godless
samedi 29 octobre 2022
You shake my nerves and you rattle my brain
posté par Professor Ludovico
Too much love drives a man insane
You broke my will, but what a thrill
Goodness, gracious, great balls of fire
I laughed at love ’cause I thought it was funny
You came along and moved me honey
I’ve changed my mind, your love is fine
Goodness, gracious, great balls of fire
Kiss me baby, woo feels good
Hold me baby, well
I want to love you like a lover should
You’re fine, so kind
I want to tell the world that you’re mine mine mine mine
I chew my nails and I twiddle my thumbs
I’m real nervous, but it sure is fun
Come on baby, drive my crazy
Goodness, gracious, great balls of fire