[ Le Professor a toujours quelque chose à dire… ]

Le Professor vous apprend des choses utiles que vous ne connaissez pas sur le cinéma



mercredi 7 mai 2025


Ben Mendelsohn, un simple haussement de sourcils
posté par Professor Ludovico

Voilà dix minutes que Le Roi, la saga historico-shakespearienne de David Michôd a débuté. Ben Mendelsohn, l’acteur qui interprète Henri d’Angleterre se fait insulter par Hotspur, un de ses vassaux, qui quitte la salle.

Et là, Ben Mendelsohn hausse les sourcils. Et le temps s’arrête.

C’est tout le talent, toute la nuance qui manque aux mauvais films, et aux mauvais acteurs. A côté de ce Roi, les autres films hurlent leurs dialogues.

Ici, Henri, diminué, malade, hirsute, crie son indifférence… d’un simple haussement de sourcils. Une indifférence coupable, qui va précipiter l’Angleterre dans la ruine : voilà ce que signifie ces trois secondes d’acting.

Et c’est Ben Mendelsohn qui s’y colle. Le très grand acteur australien, souvent abonné aux seconds rôles (Bloodline et une tripotée de chef-d ‘œuvres*) n’a jamais cessé de nous impressionner.

En contrepoint, il y a une autre scène plus loin dans Le Roi, une scène intéressante. Un assassin français est arrêté. Henri V (Tim Chalamet himself) l’interroge. Interprété par un acteur français (Tom Lacroix), il joue mal. Ce n’est pas de sa faute. Chalamet, qui l’interroge en français,  joue mal aussi. Pourquoi ? C’est le grand défaut du cinéma américain. Quand on fait jouer des acteurs étrangers, Hollywood ne prend visiblement pas la peine de se faire aider par quelqu’un « qui a l’oreille », comme le recommandait Hitchcock. Un réalisateur qui pourrait diriger l’acteur, le corriger. Hollywood n’a pas le temps et en plus, Hollywood s’en fout**.

Mais dites-donc ? Une petite visite dans le moteur de recherche de CineFast et on réalise – ô Horreur – qu’on n’a pas chroniqué Le Roi !

Ça vient, ça vient !

*Le Nouveau Monde, The Dark Knight Rises, Cogan: Killing Them Softly, The Place Beyond the Pines, Lost River, Rogue One, et à la télé : Girls, The Outsider, Andor…

** Comme Tomer Capone, acteur israélien qui joue plutôt bien Frenchie dans The Boys, mais devient ridicule dès qu’il parle français.




lundi 28 avril 2025


The show must go on
posté par Professor Ludovico

À l’issue de Stade Français-Stade Toulousain, défaite 21-27, Jean-Bouin a fait retentir les accords mineurs de la chanson de Queen, The show must go on.

Dans un match que le Stade Français ne pouvait pas (et ne devait jamais se permettre) de perdre, a fortiori contre l’équipe Z de Toulouse, on indiquait au supporter parisien ce qu’il devait en penser : une défaite triste, oui, mais le spectacle continue…

Voilà que le sport est devenu : un show comme les autres. Ce qu’il n’est pas, évidemment. Son idiosyncrasie, c’est de rester imprévisible, insaisissable, et non scripté. Personne ne pouvait prévoir, la même semaine à Old Trafford, l’incroyable 2-4 devenu 5-4 en douze minutes pour Manchester United contre l’Olympique Lyonnais. Si l’on mettait autant de rebondissements dans un film ou dans une pièce, cela serait particulièrement ridicule, mais ici, That’s football, le spectacle capable des plus incroyables rebondissements de dernière minute.

Aussi, prendre les codes du spectacle, de l’Entertainment, pour les appliquer au sport est une erreur tragique. Le sport vit de cette imprévisibilité, qui n’a nul besoin d’être souligné par quelconque feu d’artifice, jingle, ou Pompom girls. Le public réagit, et cela suffit.

C’est malheureusement aussi une tendance dans le cinéma. Spielberg dit qu’un bon film pourrait se comprendre muet, sans dialogue ni musique. Un film comme Dune indiquera pourtant, avec force accents Zimmeriens, ce qu’il faut ressentir : la Peur, le Mystère, l’Amour. C’est aussi le cas des dialogues, qui surexpliquent l’intrigue. Un article récent signalait d’ailleurs l’explosion des sous-titres aux Etats-Unis, le pays où ils n’existaient tout simplement pas, faute de VO. Sur leur plateforme de streaming préféré, les spectateurs américains affichent désormais les sous-titres, pour mieux comprendre l’action.

Il devient d’autant plus simple de distinguer les grands films, les grandes séries, à ce qu’elles laissent une part, volontairement incompréhensible, à la sagacité du spectateur. Fargo, Succession et leurs dialogues qui ne veulent rien dire, sauf à montrer l’imbécillité des personnages et leur vacuité. Ou au contraire l’absence de dialogues, qui laisse le cerveau tirer lui-même ses conclusions, comme dans la scène finale de Lincoln, ou celles d’Adolescence.

Adolescence ? Justement, on y vient…




mercredi 12 mars 2025


Anora, tristesse et paillettes
posté par Professor Ludovico

Les producteurs d’Anora ont révélé avoir dépensé 18M$ pour leur campagne des Oscars. Campagne fructueuse,  puisque le film de Sean Baker a remporté 5 trophées dont meilleur film, meilleur réalisateur, meilleure actrice.

Pour remettre l’église au centre du village, 18M$, c’est la somme qu’a rapporté le film aux USA (38M$ à l’étranger). Mais c’est surtout trois fois le budget du film (un petit 6M$)… Sublime ironie d’un film dénonçant les excès des ultrariches…

C’est pourtant un investissement calculé, qui met le studio de production en évidence (FilmNation Entertainment), et rend éminemment bankable l’actrice et le réalisateur pour de futurs projets. C’était la stratégie, en son temps, d’un certain Harvey Weinstein, qui attirait les talents en leur promettant une statuette.

Mais c’est aussi la folie insensée de ce business, qui préfère mettre 18M$ dans cette campagne, plutôt que de faire trois films avec…




jeudi 20 février 2025


Guignol’s Band
posté par Professor Ludovico

C’est l’œuvre d’une vie : le démontage, pierre par pierre, des soi-disant Temples du Bon Goût, appelés aussi Palme d’Or, Lion d’Or, Césars, Oscars, BAFTA, Grammys, Emmys, Tonys… En réalité, cérémonies professionnelles où l’on s’autocongratule et où l’on assure la promotion des films en cours ou des prochains…

Nouvelle pierre démontée de l’édifice, et non des moindres, le Goncourt, le livre que votre belle-mère vous offre chaque année. En 1932, belle-maman vous aurait probablement offert Les Loups, de Guy Mazeline, Goncourt de l’année où paraissait un petit livre appelé… Voyage au Bout de la Nuit !

* Anecdote tirée de l’excellent livre de Jérôme Garcin sur les écrivains pendant l’Occupation, Des Mots et des Actes  




lundi 10 février 2025


Twickenham, le retour du refoulé
posté par Professor Ludovico

Ce week-end, la France du rugby s’est ridiculisée à Twickenham. Ce n’est pas la première fois, ni la dernière… Twickenham, c’est la chapelle du Rugby, les Anglais ont inventé ce sport, et ils le font savoir à chaque fois que c’est possible. C’est l’antre de la Bête, que chacun rêve de terrasser.

Mais samedi, les bookmakers anglais avait prédit une défaite du XV de la Rose. Ces petits anglais en pleine reconstruction n’avaient brillé qu’une mi-temps en Irlande. Et c’est peut-être la meilleure équipe de France qu’ils allaient affronter, depuis de très très nombreuses années. Avec un génie du jeu, Antoine Dupont, mais aussi des génies dans la plupart des postes. La France devait gagner ce match, même face à une Angleterre qui a beaucoup à prouver.

Mais voilà, accumuler inexplicablement les fautes de mains, et laisser – de façon totalement inadmissible – les Anglais relever la tête dans la dernière ligne droite, leur a autorisé une courte victoire d’un point.

Quel rapport avec CineFast ? Il n’y en a pas. Le Professore Ludovico, qui tient également une Chaire de Psychanalyse à l’Università Cesare Borgia de Florence, y voit autre chose : le retour du refoulé.

La Fédération Française de Rugby avait pourtant très bien géré les affaires Jegou/Auradou (présomption de viol), immédiatement mis au rencard en attendant que justice soit faite. Les deux jeunes joueurs étant innocentés par la justice argentine, ils pouvaient potentiellement réintégrer l’Equipe de France.

En termes d’efficacité, probablement oui. En terme moraux, absolument pas ! Comme à l’école, quelques mois au coin n’auraient pas fait de mal.

C’était compter sans Fabien Galthié, qui se croit depuis trop longtemps sur le toit de monde. Le sélectionneur a réintégré les deux bagnards sans se poser de question.

Le Professore pense, pour sa part, que le reste du XV de France s’est posé ces questions pendant quatre-vingt minutes, sur la verte pelouse de Twickenham.




vendredi 7 février 2025


Les Enfants du Paradis en salle
posté par Professor Ludovico

Oyé Oyé, peuple parisien de CineFast : Les Enfants du Paradis, l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma est disponible en salle, et c’est une rareté…

Ce qui est rare est cher. Donc précipitez-vous dans le cinquième arrondissement, éternel refuge de la cinéphilie, pour suivre les aventures de Garance sur le Boulevard du Crime, car « Paris est tout petit, pour ceux qui s’aiment comme nous d’un aussi grand amour. »

Filmothèque du Quartier Latin,
9, rue Champollion

mais aussi à Asnières-sur-Seine, à L’Alcazar
1, rue de la Station




samedi 1 février 2025


Denis Villeneuve le cinéphile
posté par Professor Ludovico

Nous avons dit beaucoup de mal de Denis Villeneuve récemment, le qualifiant d’Idiot de Cinéma. Et du bien, aussi. En tout cas, nous avions signalé aussi que c’était un frère de cinéphilie. Et voilà que Konbini, dans cette amusante séquence de la vidéothèque, invite le réalisateur des bientôt 3 Dune.

Eh bien oui, c’est un frère. Car voilà un garçon qui aime exactement tout ce que nous aimons : Apocalypse Now, mais pas les versions Redux « On ne devrait jamais refaire un film, parce dès qu’il est fini, il appartient aux spectateurs, et j’aimerais le dire à Coppola », Persona, Blade Runner, 2001, etc.

Bref, le Professore, qui est aussi mathématicien à ses heures, est bien obligé d’arriver à la conclusion suivante.

Si Ludovico = Villeneuve, et que :

Villeneuve = mauvais cinéaste,

alors cela veut dire que Ludovico aurait fait un très mauvais cinéaste.

CQFD.




lundi 20 janvier 2025


Sic semper tyrannis
posté par Professor Ludovico

« Le plus effroyable des tyrans est celui qui se considère comme un bouffon.
Et que le monde entier n’est qu’une vaste bouffonnerie… »

Richard III




vendredi 17 janvier 2025


David Lynch, la mort du poète
posté par Professor Ludovico

David écarta le rideau de velours rouge et découvrit la pièce, dallée de noir et blanc et nimbée d’une musique douce. Esquissant quelques pas de danse, un nain élégamment vêtu s’approcha, et posa à David La Question :

– Iev at ed tiaf sa ut euq ec tseuq ? 
– J’ai rêvé, répondit David en souriant…
Alors, tu peux entrer.

***

Pourquoi la mort de David Lynch nous rend si triste ? Nous ne le connaissions pas. Il ne faisait pas partie de notre famille, ni de nos amis. Il avait l’air sympathique ; l’était-il vraiment ? On ne sait.

Mais voilà, c’est ça, le cinéma. Un virus, un parasite qui se niche dans notre lobe frontal, et devient une partie de notre âme. Ce n’est pas la disparition de David Lynch qui nous fait de la peine, c’est la perte des cellules Lynchiennes imbriquées dans notre cerveau depuis que nous sommes nés, c’est-à-dire depuis que nous sommes devenus cinéphiles.

Si cette chronique est si dure à écrire, c’est que nous sommes submergés de souvenirs. De la première émotion mélodramatique, à quinze ans, avec Elephant Man, à la passion amoureuse pour les filles de Twin Peaks. De l’effroi à l’apparition de Frank Booth ou Bobby Peru (Blue Velvet/Sailor et Lula), à l’affection pour Alvin Straight, le grand père d’Une Histoire Vraie. Et des rêves, des rêves à foison ; le ciel étoilé d’Elephant Man, le radiateur d’Eraserhead, les feux rouges de Twin Peaks, le ranch de Mulholland Drive, l’oreille coupée de Blue Velvet, le couloir sombre de Lost Highway, la main ensanglantée de Dune

Hubert Reeves se trompait, nous ne sommes pas de la poussière d’étoiles, nous sommes des atomes de David Lynch.

Rares sont les cinéastes qui arrivent à nous émouvoir, nous effrayer, et nous faire rire.

Kubrick est cérébral, Hitchcock, excitant, Spielberg, émouvant. Lynch est tout cela à la fois, car il délaisse l’efficacité de ses collègues au profit de la matérialisation de ses rêves, sans chercher à y réfléchir. C’est l’un des rares authentiques poètes du septième art. Même Dune, son film raté, honni, banni de sa cinématographie officielle, et dont tout le monde s’accorde à dire que c’est un mauvais film, a marqué l’imaginaire de tous ceux qu’ils l’ont vu, et reste un film culte…

Que dire de plus ? Un seul mot.

Silencio.




vendredi 3 janvier 2025


Apocalypse, Now, 14ème 
posté par Professor Ludovico

Quel meilleur film de Noël qu’Apocalypse Now ? Même si ce n’est pas notre premier voyage au Vietnam, c’est l’occasion de le montrer à d’autres, et de revisiter le temple Khmer de Coppola. Car nous sommes en possession d’une rareté : le coffret Blu-Ray avec la version d’origine, sans générique ni bombardement final. Bref, un morceau de la Vraie Croix.

Rien de nouveau sous le soleil de plomb du delta, mais l’opportunité – toujours – de découvrir de nouvelles choses…

Ainsi, nous n’avions pas remarqué ces motifs qui se répètent au début et à la fin. Si le Parcours du Héros est parfaitement documenté, the Rise and Fall du Capitaine Benjamin L. Willard, cette symétrie ne nous avait pas frappé. Or, que constate-t-on ? D’abord, l’un des premiers plans est aussi le plan de fin, cet admirable fondu enchaîné sur le visage de Willard / les statues de rois khmers. Symboles de la répétition de l’histoire, et de sa violence éternelle.

Il y en a d’autres. Au début, dans un accès de delirium tremens, Willard se barbouille de sang. Dans la scène finale, il est aussi barbouillé du sang, celui de son ennemi / son double, le Colonel Kurtz. D’ailleurs, il s’est fait un masque camouflage identique à celui de Kurtz, quelques scènes plus tôt.

On continue. Dans la première scène, des soldats viennent chercher Willard pour lui confier sa mission, ils montent des marches (Rise). Dans la dernière, sa mission accomplie, c’est lui qui descend des marches une fois sa mission accomplie (Fall). Comme il est dit, « Je voulais une mission, et pour mes péchés ils m’en donnèrent une* » et, à la fin, « Ils allaient me nommer Major pour ça, alors que je ne faisais plus partie de leur putain d’armée ** ».

Le chemin est accompli : Willard n’est plus un soldat des Forces Spéciales, mais il ne s’est pas transformé en Kurtz (comme les autres, ou comme il le craignait lui-même). Il n’est pas devenu ce Dieu du Chaos prêt à bombarder ses propres indigènes*** (comme dans le fameux happy end absent de la version originelle). Non, Willard est devenu le Roi. Le peuple de Kurtz ne s’y trompe pas ; ils rendent les armes et s’inclinent devant leur nouveau souverain. Willard descend les marches. Roi magnanime, il a dans les mains une épée (le Guerrier, la Justice) et un livre (les souvenirs de Kurtz) : la Loi.

This is The End : La musique des Doors, présente au début et lors du meurtre de Kurtz, s’est arrêtée : seul subsiste le calme de la pluie… La boucle est bouclée ; y’a-t-il un début, une fin à cette histoire ?

Ou simplement, éternellement : the horror, the horror…

*”Everyone gets everything he wants. I wanted a mission, and for my sins, they gave me one. Brought it up to me like room service. It was a real choice mission, and when it was over, I never wanted another.”

** “They were gonna make me a Major for this, and I wasn’t even in their fuckin’ army anymore.”

*** EXTERMINATE THEM ALL, écrit en rouge dans le récit de Kurtz




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