Si l’on cherche un exemple de tragi-comédie, Orange is the New Black fait très bien l’affaire. Le Cid (version lesbiennes en prison), on aurait bien aimé ça pour le bac français de 1982.
Qu’a-t-on appris de la tragi-comédie à Louis Bascan, Rambouillet,YV ? Ce qu’était une litote (« Va, je ne te hais point ! ») Mais encore ? Que la tragi-comédie, c’est une tragédie qui se termine bien. Comme le Cid. Pourtant, Orange is the New Black, ça commence mal, comme une mauvaise sitcom un peu niaise, avec petit couple sympa, et gentille blonde, conne de service.
Mais tout ça est fait exprès, une tactique pour tromper le pauvre spectateur : si tout est rose au début, c’est pour mieux voir comment la série vire au noir ensuite. Après le couple rose bonbon, la prison, le new black.
Ce splendide effet de contraste permet d’esquisser le propos d’Orange is the New Black ; la description d’un univers, la prison, sans en faire des tonnes. « On n’est pas dans Oz » prévient un des personnages dès le pilote*. La prison, ce n’est pas l’enfer, mais c’est un cauchemar. Le passage d’une vie normale (copain gentil, parents pas affectueux, courses bio) à l’univers carcéral (copines pas très sympas**, gardiens trop affectueux, jambon-purée)…
C’est ce qui est remarquablement rendu, notamment par Taylor Schilling qui joue l’héroïne WASP, gentille petite blanche moyenne qui tombe au milieu de cette triste réalité américaine où la plupart des détenus sont noirs.
Ensuite la deuxième couche d’Orange – et probablement la plus intéressante – c’est cette grande fresque de la féminité. La plupart des personnages sont féminins, les seuls hommes étant des gardiens et le chéri de l’héroïne.
Le portrait de ces femmes aux destins très divers – de la restauratrice russe à la transsexuelle noire -, montre la diversité de la population carcérale, du délit mineur (blanchiment) au crime le plus abject. Mais il montre aussi toutes les manières d’être une femme : précieuse, coquette, autoritaire, butchy, grosse, mince, effrayée, amoureuse, manipulatrice, patronne, servile, born again christian, bouddhiste, hétero, lesbienne, ou ne-sait-plus-trop…
Dans un univers souvent loin du test de bechdel et le plus souvent péniblement politiquement correct, ce simple portrait, cru et frontal, sérieux et drôle, et servi par des dialogues excellents, est extrêmement rafraîchissant …
* Une série qui cite Oz et Mad Men dans ses deux premiers épisodes ne peut pas être totalement mauvaise…
** Il y aussi le grand plaisir de retrouver Laura Prepon, la Donna de That 70’s Show…
posté par Professor Ludovico
J’ai longtemps renâclé devant Utopia. Pourquoi ? Parce que le Professore Ludovico est raciste : il a un très fort préjugé contre les films esthétiques. La beauté formelle cache souvent le vide de la pensée. Or c’était l’argument principal de vente d’Utopia. De très belles images, aux couleurs acidulées, cadrées arty, et une ambiance à nulle autre pareille… Sous l’amicale pression de l’Homme à la Barbe, qui m’a d’abord laissé, tel le dealer lambda de The Wire, un échantillon de la came Utopia « Regarde juste un épisode, tu me diras si tu veux la suite… » Ah, le ladre !
Mais, as I say, après avoir renâclé pendant des mois, j’ai fini par insérer le premier DVD dans le lecteur. Et là, surprise, surprise, Utopia est un délicieux mélange de terreur sucrée et d’humour glacé, le tout arrosé de la sauce à la menthe chilienne de Cristobal Tapia De Veer, dont le tango deep house sert de thème musical…
Le pitch, in two words : cinq personnes qui ne se connaissent absolument pas échangent sur un forum au sujet d’Utopia, leur bédé conspirationniste préférée (grippe aviaire et expériences génétiques), et la sortie imminente du tome 2 : un trader, un enfant pauvre, une jeune femme gironde, un survivaliste pakistanais et un timide informaticien. Mais cette BD a l’air toute particulière, car elle est aussi activement recherchée par un duo de tueurs étranges et ultraviolents : un rocker à chaussures bicolores qui semble sortir d’Eraserhead et un gros apathique informe (qui, lui, sort de Trainspotting) et ne fait que répéter la phrase culte : « Where is Jessica Hyde ? »
On le voit, on n’est pas dans Esprits Criminels, mais plutôt chez Twin Peaks et Danny Boyle, dans une Angleterre aux forts accents cockney. Mais avec une couche de Lost, car il y a non seulement une idée désopilante par plan, mais aussi un rebondissement énorme par épisode.
Et comme c’est court (2 saisons de 6 épisodes), on a non seulement pas le temps de s’ennuyer, mais encore moins de se poser les questions habituelles de réalisme qui plombent, au hasard, Wayward Pines.
Highly recommendable, donc, you fucking twats!
dimanche 20 septembre 2015
Wayward Pines, season finale
posté par Professor Ludovico
C’est l’heure de faire le point sur ces presque dix heures de Wayward Pines à l’heure où son producteur, M. Night Shyamalan, avoue n’être pas sûr qu’une saison 2 existe et qu’en même temps, la fin de la saison 1 laisse à croire qu’il y aura une suite. Ou pas.
C’est ça Wayward Pines, à moitié brillant et à moitié foiré et complètement à l’ouest. C’est réussi parce qu’il y a une vraie idée, très originale, derrière ce show et un sous-texte qui pose les bonnes questions : doit-on, pour son bien, cacher la vérité au peuple ? Toute forme de répression est-elle envisageable contre le terrorisme ? Et plutôt raté, parce que, comme d’habitude dans la SF US, littéraire ou cinématographique, les idées très originales ont du mal à tenir debout.
Sans rien révéler, on peut simplement se demander comment le postulat qui tient derrière le village de Wayward Pines peut simplement exister. Comment se ravitaille-t-on en essence, par exemple ? Comment répare-t-on les véhicules ? Et pourquoi cette petite banlieue américaine dans les circonstances où se déroule la série ? Est-ce possible techniquement ? Il est évident que non. Et c’est sur cet unique défaut que tout l’édifice Wayward Pines s’écroule.
Car malgré ce que dit Hitchcock sur ce qu’il appelle avec mépris « nos amis les vraisemblants », il ne faut pas interrompre dans une œuvre la suspension consentie de l’incrédulité, ce tour de magie qui permet au spectateur de croire aux hobbits ou à Mary Poppins.
Ici toute l’attention du spectateur était concentrée sur l’intrigue, les personnages ; là voilà soudain distraite par cette impossibilité ontologique. Une fois que le spectateur a compris, il ne pense plus qu’à cela : comment est-ce possible ? Et évidemment, si ce n’est pas possible, comment croire aux autres aspects de l’histoire, qu’ils soient d’ordre sentimental, familial ou social ?
C’est bien dommage car si les créateurs de la série ne s’étaient pas comportés comme des escrocs, en proposant par exemple une solution un peu plus réaliste, un peu plus cohérent avec le postulat de base, on se serait volontiers accroché.
En l’occurrence, c’est confirmé : il n’y aura pas de saison deux est notre prédiction initiale était exacte : si Canal programmait Wayward Pines à la fin de l’été, c’est que ça ne valait pas tripette, et il n’y avait pas que les français pour le penser…
mardi 15 septembre 2015
True Detective saison 2
posté par Professor Ludovico
« The war was lost, the treaty signed.
I was not caught, I crossed the line.
I was not caught, though many tried.
I live among you well disguised.
I had to leave my life behind;
I dug some graves you’ll never find.
The story’s told, with facts and lies.
I had a name. But never mind.»
Et voilà, la petite musique de True Detective va encore traîner dans la tête pendant quelques années encore… Intrigue béton, quoiqu’un peu compliquée (mais a-t-on jamais reproché cela au Grand Sommeil ?), quatuor d’acteurs Farrell-Vaughn-McAdams-Kitsch extraordinaires (sauf Kelly Reilly, vraiment en-dessous), mise en scène au cordeau, générique qui tue, et photographie parfaite, prenant une nouvelle fois à rebrousse-poil les clichés d’une région tout en l’esthétisant à mort : cette fois-ci, la Californie, comme True Detective première itération avait arraché les costumes folkloriques de la Louisiane.
Ce qui est étonnant dans cette série, c’est sa capacité à frôler la faute de goût tout en se rattrapant à chaque fois à quelques millimètres du précipice. On se dit que cette réplique-là ne va pas passer, que cette intrigue-là ne sert à rien ; que cette scène d’action est too much pour être crédible (c’était déjà le cas du drug bust de la saison 1), mais à chaque fois, Nic Pizzolatto retombe sur ses pieds.
La fin (ratée car trop rapide en saison 1) est mieux cette fois-ci, mais ce n’est pas pour cela que l’on regarde True Detective. L’intrigue on s’en fiche, ce qu e l’on veut c’est des personnages faits de chair et de sang comme on en voit rarement dans le séries. Des trajectoires de vie esquissées sur deux décennies, avec les désillusions et les tragédies que cela implique. C’est pour ce qui semble être l’obsession fictionnelles de Nic Pizzolatto que nous attendons de pied ferme True detective 3. Et tout autant l’adaptation de son très bon polar Galveston par Janus Metz.
vendredi 4 septembre 2015
Wayward Pines
posté par Professor Ludovico
Voilà donc la fameuse séééériééévéénement, bizarrement lancée par Canal fin août ; ça doit pas être si bien que ça. Mais bon, le cocktail est dosé pour le CineFaster : M. Night Shyamalan aux commandes, ambiance Twin Peaks et Lost mâtinée de Prisonnier, avec, en prime, une ancienne sweetheart : Carla Gugino, ex girlfriend de Michael J. Fox dans Spin City, ex Spectre Soyeux dans les Watchmen. Plus le beau ténébreux Matt Dillon, ça doit faire le plat pour saucer.
La première couche est cependant un peu bizarroïde car dans ce premier épisode, tout sonne faux, à commencer par le décor de la petite ville proprette de Wayward Pines. Mais on se dit que soit c’est raté, soit c’est fait exprès.
Et le fait est que le pilote ne fait pas de chichi sur les mystères de l’intrigue : Ethan Burke (Matt Dillon) est agent des services secrets, et il a eu un grave accident de voiture. Il se retrouve hospitalisé dans un étrange village de l’Idaho, Wayward Pines, où les habitants se comportent bizarrement. Pendant ce temps, les services secrets cherchent activement leur agent. Mais on comprend vite que quelque chose ne tourne pas rond, entre les précédentes crises d’amnésie du personnage principal, les tons de comploteurs des villageois, sans parler des paradoxes temporels qui pointent leur nez. De plus, la solution de l’enquête de Burke est là devant ses yeux ; il cherchait son collègue disparu, le voici en cadavre dans une maison abandonnée. Tout ça en 41mn.
M. Night Shyamalan se la joue donc postmoderne ; on ne va pas passer une saison à vous expliquer tout ça, on vous le dit tout de suite. Evidemment, la vérité doit être ailleurs, comme dirait l’autre.
Le problème, c’est plutôt Shyamalan lui-même. Le réalisateur wonderboy s’est enfermé tout seul depuis quinze ans dans le-film-à-twist. Après le coup de génie Sixième Sens, le très bon Incassable, la carrière du Spielberg de Pondichéry n’a fait que décliner : Signes, Le Village (qui montre des similitudes avec Wayward Pines, par ailleurs) et le désastre Phénomènes. Au-delà de la faiblesse d’une partie de ces films, c’est plutôt le réflexe pavlovien de guetter la « surprise » Shyamalanienne finale qui a gâché ces films. Savoir qu’il y a toujours une surprise, ce n’est plus de surprise du tout.
Evidemment, tout cela est dans la tête du spectateur à l’orée de Wayward Pines. Mais pour le moment on est suffisamment accroché à l’originalité du personnage principal, formidablement campé par Dillon, pour une fois loin de ces rôles de bellâtre qui ont fait sa fortune. Il est ici aussi à rebours des habituelles victimes du ce genre de conspiration (le Jack de Lost, pour n’en citer qu’un). Au contraire, Ethan est un flic hardboiled, prêt à te péter la gueule si tu ne le laisse pas téléphoner. Il rappelle à cet égard les meilleures scènes de Patrick Mc Goohan dans le Prisonnier.
Donc on va s’accrocher un peu, même si on guette le twist.
jeudi 30 juillet 2015
Halt & Catch Fire, saison 2
posté par Professor Ludovico
Dommage que ce soit si mal fait, Halt & Catch Fire…
Avec ses intrigues, certes intéressantes, mais mal construites, mal amenées, au déroulement tellement téléphoné… Parce que, pour le reste, la série sur nos programmeurs texans des eighties est passionnante.
Comment, tout simplement, quelques ringards à barbichettes, stylos dans la poche de chemisette, ou ados boutonneux / T-Shirt Star Trek, ont transformé nos vies du fond de leur garage ? Les jeux vidéo, la communication en réseau, les forums, CompuServe, Usenet, les PCs à la carte, les interfaces graphiques, les modems, le first person shooter, le RPG en ligne : tout ce qui, aujourd’hui, n’est rien de moins que notre quotidien.
Et au-delà de la pastille nostalgique, (musique, vêtements, coupe de cheveux, et le doux babillement d’un clavier de Commodore 64), Halt & Catch Fire vaut quand même le détour.