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Commentaires et/ou Conseils d’achat de DVD – Peut dégénérer en étude de fond d’un auteur



lundi 19 mars 2012


Le Pont de la Rivière Kwai
posté par Professor Ludovico

Avec le temps, une GCA multi-oscarisée devient un film d’auteur. On se gargarise aujourd’hui avec David Lean, mais ses films étaient des superproductions Hollywoodiennes, les vrais auteurs de l’époque (Welles entre autres) essayaient d’imposer des films autrement plus difficiles.

Mais Le Pont de la Rivière Kwai, c’est justement l’exemple de la GCA qui a bien tourné, comme d’autres films le feront un jour, ceux de Spielberg par exemple.

Le revisionnage de cette madeleine familiale le confirme (Le Pont de la Rivière Kwai fait partie de la petite dizaine de films que j’ai pu voir en salle avant d’avoir 15 ans)

Ça commence comme une GCA, un film où l’héroïsme a le beau rôle, et le héros semble s’appeler Alec Guiness. Le colonel Nicholson, en effet, résiste au méchant colonel japonais Saïto, qui le détient prisonnier dans un camp de Birmanie. Saïto tue ses prisonniers à petit feu en leur imposant la construction d’une voie de chemin de fer, et d’un pont sur la rivière Kwai. Mais Nicholson (Guiness) ne fléchit pas : les officiers ne doivent pas travailler, la Convention de Genève l’exige.

En contrepoint, Shears, un capitaine de frégate américain, réussit à s’évader. Il manque de mourir mais finit par être recueilli par l’armée anglaise. Une fois sur pied, on lui demande de retourner sur la rivière Kwai, pour détruire le pont. Mais Shears est un lâche, il fait tout pour se soustraire à cette tâche, et pourtant, paradoxalement, devient le héros du Pont de la Rivière Kwai. Car entre temps, le colonel Nicholson a gagné, et pété les plombs. Non content d’avoir soustrait ses officiers au travail forcé, il veut donner une leçon à Saïto, sur la supériorité occidentale : il va bâtir le pont, et le bâtir bien. Malgré l’opposition de son médecin-chef, qui tente de lui faire prendre conscience du risque de collaboration avec l’ennemi.

C’est là le génie du film de David Lean. Il réussit quelque chose de rare ; nous faire changer de point de vue au milieu du film. Tandis que Shears apparaît de plus en plus héroïque, Nicholson incarne l’absurdité de la guerre, et également, l’absurdité anglaise. Car évidemment, comme dans toute bonne GCA, les « méchants » sont anglais, et les « gentils » sont américains (Shears), écossais (le medecin-chef) ou canadiens (le jeune commando héroïque). Une vérification supplémentaire du brit-bashing en vigueur à Hollywood.

La scène de fin est de toute beauté, vingt minutes de silence absolu pendant le sabotage du pont, une technique osée mais qui nous met dans l’eau, avec les commandos. Et un final ambigu, qui laisse la part belle à l’interprétation : rédemption du colonel Nicholson ou simple hasard ? En tout cas le pont saute et tout le monde meurt.

« Madness ! Madness! » Le film s’achève comme il avait commencé, par un oiseau, et des morts.




vendredi 16 mars 2012


Jurassic Park 2, Le Monde Perdu
posté par Professor Ludovico

S’il devait rester un seul film pour démontrer le génie de Steven Spielberg, ce serait sûrement celui-là. Car Jurassic Park, 2ème du nom, n’a a priori rien pour lui : pas de background historique qui vous pose un homme (La Liste Schindler, Amistad, Munich), pas d’acteur-phare consensuel (Tom Hanks dans Il Faut Sauver le Soldat Ryan), pas de concept-hero qui déchire (Indiana Jones), ou de magie de l’enfance (E.T.), pas de suburb américaine (La Guerre des Mondes) ou de monstres captivants (Rencontres du 3ème Type), pas de révolution technologique (la 3D de Jurassic Park) ; non, Le Monde Perdu n’a rien pour lui. Juste une volonté : faire du pognon, vendre des jouets, sucer la moelle de la franchise jusqu’à l’os.

C’est là que l’incroyable talent de Spielberg se manifeste, en magnifiant cette feuille de route vaste comme un ticket de métro. Un talent omniprésent, de la mise en scène au scénario (signé David Koepp), des acteurs principaux (Jeff Goldblum) aux seconds rôles (Julianne Moore, Pete Postlethwaite, Peter Stormare…)

Commençons justement par les acteurs. Dans Jurassic Park, Goldblum jouait le rôle du sidekick de luxe. Dans Le Monde Perdu, il devient le héros, doté lui-même d’une sidekick, son improbable fillette, noire (Vanessa Lee Chester), d’une épouse (Julianne Moore, qu’il n’embrassera pas une seule fois, Spielberg a décidément un problème avec le sexe), d’un reporter de guerre activiste écologique (sic, Vince Vaughn dans un de ses premiers blockbusters), et d’un scientifique craintif (Richard Schiff, pas encore notre Toby A La Maison Blanche).

Goldblum est parfait, comme d’habitude, mais il est parfaitement parfait dans ce Jurassic Park-là ; car il faut toute sa décontraction classieuse pour participer à cet horrible projet de sequel et s’en moquer en même temps. Ainsi selon l’une de ses premières répliques, Spielberg parle en direct au spectateur. « Je sais que tu es venu voir encore des dinos, semble nous dire le réalisateur, des types qui se font bouffer, des gamins qui hurlent et des bagnoles qui explosent ; ne t’inquiètes pas, j’ai tout ça dans ma besace ! » À un personnage qui s’extasie devant les premiers gentils stégosaures, Jeff Goldblum se fait alors le porte-parole du programme Spielbergien : « Oooh! Ahhh! That’s how it always starts. Then later there’s running, and screaming… »

Ce programme va être déroulé pendant deux heures à un rythme de plus en plus soutenu, entièrement basé sur le principe hitchcockien de l’ironie dramatique (les spectateurs savent, et nos héros ne savent pas), et enchaîner perf sur perf : la scène du camping-car, le safari, la pause pipi, la poursuite dans la brousse, la scène finale à San Diego. Pas une minute, Spielberg ne lâchera le morceau : du hamburger, mais cuit à la bonne température, avec juste ce qu’il faut de ketchup et de cheddar. C’est bien pour ça qu’on retourne chez McDo, non ? Retrouver toujours le même BigMac.

Spielberg se paie même le luxe d’ajouter quelques subtilités (dialogues understatement, personnage atypique du chasseur malheureux, et cet aveu, tellement gros qu’on ne peut imaginer une seule seconde qu’il ne soit pas autobiographique, issu de la bouche de la fille de Jeff Goldblum : « Tu aimes les enfants mais tu n’aimes pas être avec eux ! »

Ce Spielberg sarcastique, nous l’avons malheureusement perdu de vue depuis ses « grands films ». On aimerait retrouver ce Spielberg-là, dans un projet léger, fun, une nouvelle franchise à deux balles, et pas dans Cheval de Guerre ou Terra Nova, dont on est sûr qu’il n’a écrit aucune ligne…




jeudi 8 mars 2012


Network
posté par Professor Ludovico

Ça faisait très longtemps que je voulais voir Network, après l’avoir raté lors de ses multiples rediffusions télé. Mais grâce à TCM, le paradis du cinéphile, c’est chose faite. J’ai enfin vu le brûlot anti media de Sidney Lumet.

Le pitch : dans les années 70, le présentateur vedette de la chaîne UBS est remercié. Lors de son dernier 20h, il annonce qu’il va se donner la mort. Cynique, le dirigeant du groupe audiovisuel UBS (Robert Duvall) et une jeune directrice des programmes (Faye Dunaway), décide d’exploiter le filon et le laisse à l’antenne. Carton d’audience, évidemment. Malgré les appels à la prudence du directeur de l’information (William Holden), le show va dégénérer en téléréalité délirante, allant jusqu’à intégrer The Mao Tse Tung show, qui diffuse des images d’actions terroristes.

Même si le film est très marqué 70’s (acteurs hystériques, contexte politique post-68, et sexualité omniprésente alors que l’intrigue ne le réclame pas,..) Network est très réussi. Critiquant la société américaine et ses outrances (les TV people cyniques y sont renvoyés dos à dos des spectateurs bovins, dépourvus de tout discernement), et mettant en parallèle, les grandes corporations et les organisations terroristes : AT&T ou l’Armée Œcuménique de Libération, c’est du pareil au même.




jeudi 1 mars 2012


Kick-Ass
posté par Professor Ludovico

« Faire les choses sérieuses avec légèreté, et les choses légères avec le plus grand sérieux » : voilà une profession de foi qui me convient.

Elle semble convenir parfaitement à Kick-Ass, un film important déguisé en pochade pour ado.

Je n’aime pas les films de super héros, mais je dois convenir qu’une vague de modernisation de ce concept souffle depuis quelques années. BD d’Alan Moore (Watchmen, Promethea, Topten), films déconstructivistes (Incassable, Hancock, Spiderman) et maintenant, Kick-Ass.

Le film part d’une idée simple : comment apparaissant les super héros ? Probablement du cerveau d’un ado puceau, fan de comics, rêvant de vivre les aventures pour de vrai, et d’émerveiller ainsi une petite amie potentielle… Un tour chez Mr Bricolage, et voilà un joli costume jaune et vert, du meilleur effet. Ajoutez-là une (vaine) tentative d’interposition lors d’une bagarre, filmée évidemment sur Smartphone par la foule en délire (qui ne vient pas à l’aide de notre infortuné héros , scène-clef du film), puis Twitto-Facebookée, et voilà notre héros mondialement connu. Malin, Matthew Vaughn joue la carte de la dérision sur ce versant-ci : pas besoin d’une mère tuée par quelque gangster, ou d’une enfance sur Krypton, ou d’une araignée radioactive pour devenir super héros. Mais Vaughn ajoute bientôt un autre versant, où il reprend toute cette thématique, au sérieux cette fois-ci. Big Daddy et Hit Girl, le père et la fille, sont des vigilantes plus traditionnels ; leur femme/mère a été tuée par le parrain local, et ils veulent se venger. Bientôt les deux intrigues vont se lier, pour le plus grand bonheur du spectateur. Car le film mélange avec soin la parodie (Nick Cage en Batman, père de famille modèle et fan de la NRA), la tragédie (le fils du parrain qui veut devenir parrain mais n’en a pas réellement les « qualités »), la love story teen movie (et son lot de problématiques crypto-gays), les références pop (« This Town Ain’t Big Enough for Both of Us » des Sparks, Lost, Batman, Superman…), le film d’action (des fusillades à couper le souffle), le tout dans un New York nimbé de lumière, mi-réaliste, mi-fictionnel.

Et sous cette couche d’entertainement, coule une rivière glacée, politique, un portrait en creux d’une Amérique surarmée, fascinée par le pouvoir des armes et la violence, en quête d’un homme providentiel pour la sauver, plutôt que de faire le premier geste civil qui pourrait tous nous sauver.

Ne ratez pas les prochains films de Matthew Vaughn, ni de sa tripotée d’acteurs, tous aussi doués les uns que les autres…




jeudi 16 février 2012


The People vs George Lucas
posté par Professor Ludovico

Le titre est mensonger : The People vs George Lucas laisse entendre une gentille parodie de ces Class Actions qui ont fait les grandes heures du cinéma américain des années 80-90, Erin Brockovich, par exemple. Bref, en loi américaine, unir ses forces pour s’attaquer à une grosse multinationale.

C’est le cas ici : le Peuple Star Wars, avec leurs yeux de 7 ans (en 1977) attaque la Mega Corporation George Lucas Inc.

Les chefs d’accusation, vous les connaissez :

– Haute Trahison (modification des films initiaux en 2004 sous prétexte de les lifter graphiquement)
– Trafic de Drogue en Bande Organisée (pléthore de licences Star Wars, de la figurines en epoxy au slip D2R2 en coton, amenant les Fanboys à une dépendance heroïnomaniaque )
– Escroquerie Caractérisée (La Menace Fantôme, L’attaque des Clones, La Revanche des Sith)
– Atteinte à la Sûreté de l’Etat (Jar-Jar Binks)

Malheureusement, si The People vs George Lucas reste distrayant, il est aussi assez brouillon, monté façon Menace Fantôme (un plan par seconde), et ressemble à une seule et longue liste de récriminations. C’est dommage, car The People… aurait pu appliquer plus méthodiquement la méthode préconisée par son titre : le procès de George Lucas, avec un procureur, un avocat, des arguments à charge et à décharge.

Ce que le film fait, finalement, dans le désordre. De plus, il y a quelques bonnes idées, qui peinent à être développées : l’extraordinaire impact de la culture Star Wars sur les créateurs du monde entier (ciné, graphisme, musique…), et cette autre idée, défendue par son ex-ami Francis Ford Coppola : l’œuvre détruisant, à la manière de Frankestein, son Créateur*.

Moi, qui me tamponne de Star Wars comme de l’album Bretonne de Nolwenn Leroy, j’avoue avoir été ému à ce moment-là.

*Une thèse défendue par George Lucas lui même dans Time Magazine : « J’ai toujours eu un problème avec l’idée d’être George « Star Wars » Lucas. Je ne me suis jamais reconnu dans cette définition. Mais après toutes ces années, j’ai fini par m’y habituer : ce n’est pas si douloureux, finalement.»




dimanche 22 janvier 2012


Back at Twin Peaks
posté par Professor Ludovico

Il aura suffi que la musique retentisse, et que le visage de Laura Palmer apparaisse, pour que les larmes se mettent à couler. Bien sûr, Twin Peaks est un drame, et un mélo, mais c’est également une nostalgie. 1991, La Cinq, tous les lundis soir scotchés devant notre télé à écran pas plat, le répondeur débranché (pour les plus jeunes, le répondeur était une sorte de Facebook des nineties) et 50 mn de bonheur intégral, sans compter les heures de discussion le lendemain : qui a tué Laura Palmer ? Bobby ? Leo ? Josie Packard ? Catherine Martell ? Et qu’est-ce qu’il y a dans cet escalier à ventilateur ? Pourquoi les lampes clignotent ? Qu’y a-t-il exactement dans la Red Room ? Et quelle Twin Peaks girl préfères-tu ? Donna ? Audrey ? Norma ?

La professorinette a bientôt 16 ans : elle a l’âge de découvrir Twin Peaks. Une histoire d’ado, mais qui parle à tout le monde, n’est-ce pas la définition du chef d’œuvre ? En tout cas, le pilote est magnifique : la découverte du corps de Laura, et ce que cela implique pour toute un chacun, est une leçon de mise en place : ce moment crucial, qui en une heure, doit placer dans la tête du spectateur les enjeux principaux de la série, les personnages, les lieux, mais aussi le ton.

Le ton, c’est sûrement ce qui distingue Twin Peaks de tout ce qui suivra (X-Files, Lost…), car ce ton si particulier est placé sous l’influence géniale de David Lynch : un mélange inédit de drame et de comédie, de fantastique et de réalisme provincial, mélangeant, à l’instar de l’agent du FBI Dale Cooper, ironie et thriller dans la même phrase.

C’est aussi une brochette de comédiens et de comédiennes tous plus sexy les uns que les autres, utile contrepoint à l’horreur qui rode (meurtre, drogue, prostitution et affairisme…) On reconnaîtra l’auteur de Blue Velvet précisément ici : sous les tulipes jaunes vif, une oreille coupée se fait dévorer par des fourmis…




mardi 17 janvier 2012


Fair Game
posté par Professor Ludovico

On oublie parfois à quel point Naomi Watts est une très grande actrice. Géniale dans Mulholland Drive, parfaite dans King Kong, elle vole ici la vedette à Sean Penn dans Fair Game, le film de Doug Liman sur l’affaire Valerie Plame.

On oublie (et on a eu du mal à s’en rendre compte à l’époque) à quel point cette affaire fut un des plus grands scandales de l’Amérique de Bush. Comment un gouvernement pouvait se permettre de dénoncer ses propres agents secrets, voilà qui était absolument inouï.

Mais en période de guerre, nos consciences s’étiolent. L’Amérique en en Irak, en Afghanistan… Les boys qui reviennent en body bags, et les irakiens qui meurent par dizaines de milliers… On ne va pas s’apitoyer sur une belle blonde qui perd son emploi !

Pourtant, l’affaire Plame reste une ignominie incroyable, même au sein de l’ère Bush. Des gouvernants ont souvent sacrifié leurs serviteurs, mais toujours au nom de la raison d’état, et souvent face à l’ennemi. Mais là, donner le nom d’un agent secret pour discréditer politiquement son mari démocrate, c’est inouï.

Rappelons les faits : le mari de Valerie Plame, Joseph Wilson, ancien ambassadeur des États-Unis, accepte une mission au Niger. Objectif : trouver les preuves d’un trafic de Yellowcake, un composant des bombes nucléaires. Il revient sans ces preuves, et la CIA fait son travail : elle le dit dans son rapport à l’administration Bush.

Mais celle-ci a tellement besoin d’une bonne raison d’envahir l’Irak qu’elle passe outre, et profite du caractère secret de ces rapports pour écrire sa propre version dans le discours du Président Bush sur l’état de l’Union, en janvier 2003. Le sénateur Wilson sort de ses gonds. Dans une interview au New York Times, il révèle être l’auteur de l’enquête au Niger, que celle-ci a fait chou-blanc, et donc que l’administration Bush se sert de mauvais prétextes pour envahir l’Irak. Les républicains contre attaquent par un déluge de calomnies, en révélant notamment l’identité de l’épouse de Wilson, Valerie Plame, et sous-entendant qu’elle a intrigué pour que l’on confie cette mission à son mari.

Beaucoup de biopics se sont cassés les dents sur ce genre de sujet, soit parce qu’ils étaient trop empathiques avec leur(s) sujet(s), soit parce qu’ils étaient lourdement démonstratifs. La force de Fair Game, c’est d’éviter ces deux écueils ; d’être submergé par une dramaturgie trop lourde, et d’éviter une empathie lourdingue en ayant deux comédiens subtils à sa disposition. Penn et Watts sont plein de légèreté, de finesse, ils ne sont pas parfaits (elle est engluée dans son respect de la parole donnée, il est incapable de faire des compromis), mais ils incarnent tous les deux cet idéal américain, pétri de patriotisme et de valeurs familiales, cette sainte horreur du mensonge.

Mais ils arrivent aussi à incarner une idée : la conviction américaine très forte : la Démocratie est l’œuvre de tous, et pas seulement des dirigeants, ou de l’opposition. Pour le rappeler, un très beau plan circulaire sur Sean Penn à bout de nerfs sortant d’un taxi, se termine sur le Sénat. The House on the Hill, cette Jérusalem céleste que les colons s’étaient jurés de ne pas bâtir au ciel, mais bien ici et maintenant, sur ce nouveau monde dont ils prenaient possession.




vendredi 13 janvier 2012


Generation Kill
posté par Professor Ludovico

Un jour, on parlera de la Décennie Simon : The Corner, Sur Écoute, Generation Kill, Treme. Un portrait en coupe, balzacien, de l’ère Bush. C’est la puissance des séries sur le cinéma : leur ampleur (à vue de nez, une centaine d’heures de fiction sur la période 2000-2010). En clair, se donner le temps d’aborder la drogue, la police, l’éducation, la politique, l’économie, la crise, Katerina, la Guerre en Irak… ce qu’aucun film ne peut réussir en un, ou même dix films.

La Guerre en Irak est l’objet de Generation Kill, une mini-série en 7 épisodes. Une compagnie de reconnaissance des Marines, va participer à la grande œuvre militaire de George Bush Jr, la destruction massive des armes de destruction massive. Ça commence comme Full Metal Jacket (mystique, esprit de corps, dialogues orduriers façons Lee Ermey…), mais ça n’y ressemble pas du tout.

D’abord parce qu’il y a peu de combats. Même en pointe de l’offensive sur Bagdad, le First Reconnaissance Battalion rencontre une très faible opposition. Ensuite parce qu’à l’instar des autres œuvres de David Simon et Ed Burns, Generation Kill est une œuvre chorale, avec une trentaine de personnages, qu’on a, au début du moins, du mal à identifier. Du sergent taiseux, au lieutenant idéaliste, de Captain America l’officier pistonné, à Ray le conducteur fan de country, de Godfather le général ambigu, à Evan le journaliste embedded*, tout le monde finit par se ressembler. Mais c’est la technique Sur Écoute, déstabilisant au début, mais on s’y fait. On s’attache, au contraire, à ces hommes qui n’ont pourtant rien d’idéalisé : racistes, homophobes, paumés, ils sont le soldat de base, le grunt, perdu en Irak pour de mauvaises raisons (décrocher la nationalité américaine, par exemple, ou oublier les soucis du pays natal…)

Cet étalage de caractères finit par tourner à la comédie : personne n’est tué, et les péripéties s’enchaînent. C’est à ce moment précis, au milieu de la série, que Generation Kill vous prend à la gorge. Car si les Marines ne meurent pas, les irakiens si. Victimes des bombardements très lourds, opérés sans le moindre discernement, victimes de l’arbitraire des décisions, ou des hasards de la guerre, les civils meurent les uns après les autres** devant les yeux décillés de nos antihéros. Qui réagissent chacun à leur manière : passivité, fatalisme, fascination, indignation.

C’est à ce moment que Generation Kill bascule dans l’exceptionnel, parce qu’il sort de tous les chemins balisés du film de guerre : pas d’exploit héroïques, pas de gloire acquise dans la douleur, pas d’explication finale du sens de la vie, pas de rédemption. Juste des problèmes de logistiques, d’huile et graissage qui manque, et de ferme bombardée avec femmes et enfants…

Autre innovation, Generation Kill filme, au plus près des visages, mais sans chichi et sans pathos, l’effet de la guerre sur ces garçons de vingt ans qui partent, fleur au fusil, et chansons rap dans la tête, et prennent en pleine figure la réalité de la guerre. Comme l’explique Maurice Genevoix « La guerre est une expérience incommunicable, car si elle l’était, il n’y aurait plus jamais de guerre. » C’est probablement pourquoi Generation Kill n’a pas de générique, ou de musique** : il n’y a pas à guider le spectateur dans ce qu’il va voir et chacun se fera sa propre opinion.

*Generation Kill est basé sur le livre d’Evan Wright, journaliste à Rolling Stone.
** 4800 morts côté coalition, 165 000 morts irakiens
***Juste une seule, magnifique, à la fin du dernier épisode : The Man Comes Around, de Johnny Cash. Pourtant, le Caporal Colbert avait prévenu : No country !

« Hear the trumpets, hear the pipers.
One hundred million angels singin’.
Multitudes are marching to the big kettle drum.
Voices callin’, voices cryin’.
Some are born an’ some are dyin’.
It’s Alpha’s and Omega’s Kingdom come. »




jeudi 12 janvier 2012


Fanboys
posté par Professor Ludovico

Fanboys a tout pour réussir, mais pourtant déçoit. Il repose pourtant sur une idée de départ formidable : en 1998, un geek fan de Star Wars, est atteint d’une maladie incurable. Il n’a que trois mois à vivre, ce qui va l’empêcher de voir le nouvel opus de Georges Lucas,La Menace Fantôme, que la planète Star Wars attend depuis Le Retour du Jedi. Ses amis décident de l’emmener en Californie, de s’introduire dans le Skywalker Ranch, et de dérober une copie du Graal Jediesque à l’ermite barbu créateur de wookies.

Cette histoire, qui peut se jouer à plein de niveaux ; mélo, nostalgie, clin d’œil, reste pourtant au raz des pâquerettes faute d’ambition, façon humour indé américain (Zack et Miri Tournent un Porno) ou American Pie. Les gags sont convenus, les dialogues et les situations sont manufacturées, et horriblement prévisibles : le malade reproche à son pote d’avoir abandonné ses rêves de jeunesse (la BD) pour travailler comme vendeur de voitures. Évidemment, le pote retournera, à la fin de Fanboys, à ses premières amours…

Il aurait fallu faire Fanboys plus sérieusement, comme un vrai mélo. Il aurait fallu une équipe plus sérieuse (Cameron Crowe (Almost famous) à la réalisation, des acteurs moins caricaturaux, et la finesse d’un John Hughes au scénario…

Il aurait fallu surtout, ne pas se moquer des trekkies !




jeudi 29 décembre 2011


Tron Legacy
posté par Professor Ludovico

Quel gâchis ! Assembler autant de talents : Jeff Bridges, Michael Sheen, Tron v.1.0, Daft Punk, des graphistes, des animateurs … Pour aboutir à une bouse pareille…

Incompréhensible scénario. Personnages inconsistants. Décalque, juste lifté, des éléments du décor 1.0.
Ne subsiste que des images splendides, des combats magnifiquement chorégraphiés, et l’excellente musique de nos deux Dafteurs, qui font même une apparition casquée…

Il y avait tellement à faire avec Tron, tellement à faire avec l’évolution des technologies, et du videogaming !

Disney avait raté Tron, elle se paye le luxe de rater le reboot.

Petit P.S. ironique et symbolique du déclin d’Hollywood : le jeu vidéo Tron 2.0 est sûrement le meilleur opus de la série. 




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