Sortant de l’excellent livre d’Anthony Beevor sur la bataille de Stalingrad, j’ai eu envie de me replonger dans Stalingrad, les films. L’occasion de les réévaluer, l’un à la baisse, l’autre à la hausse.
Stalingrad, de Joseph Wismaier
Sorti en 1993, ce film était déjà un petit événement en soi. Montrer, pour la première fois, le point de vue allemand sur une bataille devenue une image d’Épinal de la Seconde Guerre Mondiale. Montrer aussi la souffrance du soldat allemand, ce qui était révolutionnaire. Le début certainement d’une nouvelle génération d’allemands qui veulent sortir de la culpabilité automatique du nazisme (La Chute, par exemple). Quinze ans après, le film ne fait plus aussi forte impression. Certes, son point de vue est intéressant, mais il pêche par son manque de construction (on passe d’une scène à l’autre sans vraiment d’explication), et par sa naïveté : à force de montrer la souffrance des allemands, on finit par des scènes abracadabrantesques où les soldats se mettent à sauver des civils russes ! (Relire Beevor de toute urgence)
Enfin, un peu comme Dune, il fait partie des dernières superproductions sans effets spéciaux numériques : le film fait pauvre, avec ses trois T-34 et son Junker 52. Ce qui n’est évidemment pas le cas de Stalingrad, Ennemy at the Gates, qui nous en met plein les yeux…
Stalingrad, de Jean-Jacques Annaud
J.-J. Annaud, c’est tout ce que je déteste au cinéma : un pseudo concept, et pas de film derrière. Ce qui explique ma très mauvaise impression à la sortie de ce Stalingrad-là – très survendu comme d’habitude – et qui faisait à mes yeux pâle figure face à l’autre Stalingrad.
En changeant d’optique aujourd’hui, en regardant Ennemy at the Gates pour ce qu’il est – un film d’action et un mélo -, ça le fait. C’est bien filmé, bien construit, bien joué. Bon, c’est Hollywoodien en diable (le maquillage de Rachel Weisz, impeccable sous les obus de 88), c’est gentillet (les bons, les méchants), et ça va pas chier loin, mais on passe quand même un bon moment.
Mea culpa. Mea Maxima Culpa.
*Anthony Beevor, Stalingrad, Le Livre de Poche
posté par Professor Ludovico
Danielle Thompson est douée, dommage qu’elle soit aussi fainéante. Scénariste sous-évaluée, dans un cinéma français qui surestime les réalisateurs, hait stupidement les producteurs, et ignore les scénaristes.
A 24 ans, Mlle Oury fille signait déjà La Grande Vadrouille avec papa, puis une trentaine de scénarios : La Folie des Grandeurs, Rabbi Jacob, La Boum, La Reine Margot, Ceux Qui m’Aiment Prendront le Train…
Récemment jetée dans le bain de la réalisation (La Bûche, 1999), elle n’a signé que quatre films (Fauteuils d’Orchestre, Décalage Horaire Le Code A Changé).
Ici, c’est un scénario qui part bien : Karine Viard, vibrionnante avocate, réunit dans un dîner très parisien amis, famille, relations plus ou moins proches. Thompson décrit lentement la catastrophe à venir, en filmant les icebergs en formation (l’amant qui s’incruste, la fille qui refuse de revoir le père, l’épouse qui ne veut pas venir). C’est lent, mais bien installé : la soirée Titanic va couler, aussi sur que deux et deux font quatre. Autre belle idée, on interrompt le dîner à mi-parcours, pour retrouver les mêmes un an après. Façon intelligente de montrer l’évolution des personnages, après l’impact du fameux dîner, tout en évitant des longueurs inutiles. Bref, les dialogues sont percutants, les situations « à la française » s’enchaienent comme au champ de tir, on passe un bon moment.
Ou est le problème alors ? Et bien, avec un peu de travail, ça serait beaucoup mieux. Le casting est un peu raté (Karine Viard avocate, bof !), les acteurs n’ont visiblement pas assez répété et assurent le service minimum (Emmanuelle Seigner et Patrick Bruel sont ceux qui s’en tirent le mieux, c’est dire). Les décors font cheap, c’est mal éclairé, la fin n’est pas assez travaillée, etc.
Dommage (mais allez-y quand même)…