[ Les films ]



jeudi 30 novembre 2017


La Dame du Vendredi
posté par Professor Ludovico

Surprise dès le générique ! On vient de commencer le film d’Howard Hawks et on découvre que La Dame du Vendredi est la deuxième adaptation de la pièce à succès The Front Page, dont on a déjà vu la version 1974, l’hilarant Spécial Première de Billy Wilder (la version initiale, de Lewis Milestone, date de 1938). L’histoire est donc connue : Hildy est une jeune journaliste (Rosalind Russell) qui veut quitter à la fois son patron et son mari (qui n’est autre que la même personne, Walter Burns (Cary Grant)). Problème : c’est pour épouser un agent d’assurance ennuyeux qui, comme le dit Burns, ressemble à l’acteur Ralph Bellamy (normal, il est joué par Bellamy).

Problème : un homme est condamné à mort et le journal a décidé de lancer une campagne pour le sauver de pendaison, non pas pour des raisons humanitaires, mais purement politiques, pour attaquer le sénateur local. Burns espère donc reconquérir Hildy, la femme et la journaliste.

La Dame du Vendredi est unique, le prototype même de la screwball comedy. Hawks, trouvant que les dialogues étaient trop nombreux, décide de les faire se chevaucher. Cela donne évidemment un rythme effréné à His Girl Friday, et cela fera date. Tout comme son ton sarcastique, sa dénonciation de toutes les corruptions, journalistiques ou politiques, son humour noir alors que la guerre vient d’éclater, et le style toujours sexy de Hawks. On verra ainsi des mâles regarder avec insistance le derrière potelé de Mrs Russell. 70 ans après, His Girl Friday est toujours aussi pertinent, toujours aussi drôle et le talent de Howard Hawks toujours aussi éclatant.




mercredi 29 novembre 2017


Cuirassé Potemkine
posté par Professor Ludovico

Petit bijou connu que ce Cuirassé Potemkine, chef-d’œuvre des débuts du cinéma. On ne le découvre qu’aujourd’hui, à la faveur de la rediffusion de la version allemande sonorisée des années 30. En clair, on a rajouté des voix allemandes sur le film muet russe et… ça marche !

Pourtant, pas besoin d’explications car Cuirassé Potemkine, c’est du cinéma à l’état pur. L’impression même qu’il y a des dizaines d’idées dans chaque scène. Bien sûr, c’est un film de propagande et c’est son travail que d’incarner des idées. Mais quand il s’agit de représenter le peuple russe dans toute sa diversité, la sauvagerie cosaque dans la fameuse scène des escaliers, ou la grève, avec simplement des tables vides qui flottent avec le remous, il n’y a pas de concurrence pour Potemkine.

Un must-see, comme on dit.




samedi 25 novembre 2017


Borg-McEnroe
posté par Professor Ludovico

C’est un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Björn Borg jouait au tennis, et nous aussi. Nous l’aimions car il était cool, calme et gentil. Laurent avait sa coupe de cheveux et son bandeau, et Jean-François sa raquette. Moi, j’essayais d’avoir son revers. Quand à ce petit con de McEnroe, nous le détestions. Parce qu’il était odieux, vulgaire, colérique, et qu’à côté, il y avait le gentil Borg.

30 ans plus tard, le film de Janus Metz vient remettre les pendules à l’heure. Les gentils ne sont pas si gentils et les méchants, pas si méchants.

Ce jour-là, final de Wimbledon 1980, le match était tellement ennuyeux que nous avons pris notre vélo pour faire ce que fait le suédois dans le film : taper contre un mur. Parce que Borg était gentil, mais son jeu était chiant comme la pluie.

C’est le talent du film : se focaliser sur Borg tout en offrant un contrepoint intéressant en la personne de l’american brat. Sans McEnroe, le film ne serait qu’un ennuyeux biopic de plus. De plus, Metz casse un peu la statue. Björn Borg n’était pas calme, il l’est devenu. C’était un psychopathe ; McEnroe l’était aussi. Il faut l’être pour devenir numéro un mondial*. Ces deux animaux sportifs sont formidablement incarnés par Sverrir Gudnason et Shia LaBeouf, ce qui fait beaucoup dans la réussite du film. La partie tennistique reste peu passionnante, comme toutes les tentatives de filmer le sport au cinéma.

* Dans Libé de ce samedi, Noah raconte que Connors, très fair play lors d’un match, était venu le relever après qu’il soit tombé. Applaudissements du public. Puis, in petto, il avait demandé à l’arbitre de disqualifier le français, resté trop longtemps au sol selon lui… Dans le même genre le CineFaster pourra voir Jimbo, l’excellent doc sur Connors.




samedi 11 novembre 2017


Petit cours de décoration
posté par Professor Ludovico

Pour ceux qui pensent encore que le cinéma naîtrait, ex nihilo, du cerveau d’un seul cinéaste démiurge, que la beauté d’un plan, d’un costume, d’un décor serait le fruit du hasard, et pas l’exécution d’un travail planifié en amont, on se penchera sur trois minutes de Stranger Things.

Un nouveau personnage très excitant, Maxine, est venu enrichir la bande de copains de la fresque nostalgique des frères Duffer. Maxine est rousse. Dans l’épisode six, il y a un exemple parfait de la nécessité de stylisation que décrivait Hitchcock : « On découvre que deux personnages portent le même costume, et de fait, on ne sait plus qui est le méchant… »

La stylisation, c’est ce qui permet de caractériser le personnage d’un seul coup d’œil, car le spectateur a autre chose à faire : comprendre l’intrigue, écouter les dialogues et surtout, ressentir des émotions.

Donc, Maxine. Toutes les filles rousses vous le diront, ce qui leur va le mieux, c’est le vert. Parce que le vert, c’est la couleur complémentaire de l’orange, la couleur qui crée dans votre œil le plus fort contraste possible. Quand on est décorateur, costumier, on a appris ça à l’école.

Et on le met en pratique, dans cette scène très simple de la maison de Maxime. Il y a de l’orange partout dans cette maison : les vitraux de la porte, le papier peint, les coquillages dans le bocal… Mais il y a aussi du vert, le linteau de la cheminée, le bocal de coquillages, les rideaux… Ce n’est pas innocent, même si ce n’est pas fait de façon appuyée*.

Ces choix créent une ambiance : on est dans la maison de Maxine, vous savez, la petite rousse en survêtement vert. Dans le final de la saison, elle porte un masque de plongée comme les autres … mais le sien est orange ! Tous les masques de plongée des années 80 sont en plastique noir, sauf celui de Maxine : on la reconnaitra du premier coup d’œil. Dans Mad Men, Matthew Weiner faisait de même avec Joan Holloway ; Christina Hendricks se pavanait dans des robes vertes incendiaires. Mais il n’est pas besoin d’être aussi stylé que les années 50 pour faire ce travail de stylisation…

* Au contraire de Légion, ou de Kingsman qui cherchent, eux, à créer un univers ultrastylisé, type BD.




dimanche 29 octobre 2017


Vietnam : Un Adroit Mensonge
posté par Professor Ludovico

Luc Besson disait qu’il faut voir plein de mauvais films pour en faire des bons ; Hitchcock et Kubrick prétendaient eux qu’il ne fallait jamais adapter un chef-d’œuvre. Démonstration conjointe dans le complet ratage qu’est Vietnam : Un Adroit Mensonge, le biopic de Terry George sur John Paul Van, conseiller militaire au Vietnam, et adaptation du très grand livre de Neil Sheehan, L’innocence Perdue.

L’histoire de Vann est édifiante : conseiller militaire en 60, il dénonce les errements de la politique américaine, notamment les « hameaux stratégiques » qui braquent les paysans vietnamiens contre les USA et arment le viet-cong. Obligé de quitter l’armée, le chien fou revient en 1965 comme conseiller civil, pour mettre en pratique ses recommandations. Mais il est trop tard, le Vietnam est déjà perdu. Le livre bascule à mi-parcours, révélant un terrible secret pesant sur Vann.

Le film, lui, est l’exemple à ne pas faire : un cinéma illustrant de la manière la plus plan-plan qui soit les grandes étapes de la vie de Vann. Chaque scène est incroyablement ridicule, et le film confine au nanar. Les personnages entrent dans les scènes comme un décor de théâtre. Le tout filmé comme un court-métrage amateur. Si vous voulez voir du non-cinéma, il faut regarder Un Adroit Mensonge. Mais vous devriez plutôt lire le très grand livre qu’est L’Innocence Perdue.

* Pourtant, Terry George est le réalisateur du très bon Hotel Rwanda, et scénariste d’Au Nom du Père




dimanche 29 octobre 2017


Sully, deuxième
posté par Professor Ludovico

Deux actionnaires de CineFast avec minorité de blocage, Ludo Fulci et le Rupélien, représentant chacun 18,6% des parts, ont exigé – contre la promesse de de me reconduire au poste de Chef Exécutive Officier – que je revienne sur certains films et que je revoie mon propos.

N’ayant pas de tâche plus excitante en vue que de défendre le cinéma américain et de vilipender le Film de Festival, je m’exécute. Sans trop me forcer : j’adore Dangers dans le Ciel et donc je reregarde Sully, en tout cas le bout qui passe en ce moment sur Canal. Et force est de constater qu’ils ont raison.

Si le film est toujours plombant dans son propos (Le-Héros-Américain-Seul-Contre-la-Bureaucratie-Tentaculaire), il est tout de même très bien fait. Même là où ça gratte. Sully est notamment très efficace à créer des personnages, loi numéro un de Ludovico.

Sully, formidablement joué par Tom Hanks, est une statue sculptée par Eastwood à petits coups de burin. Sully est normal, Sully est sympa, Sully boit un peu de vin de temps en temps, mais pas quand il vole. Eastwood ponce cette statue de True American Hero de l’extérieur, par les personnages secondaires, le chauffeur de taxi, la patronne de l’hôtel… Certes, ses sculptures du Mal sont plus caricaturales : l’ingénieure (déjà odieuse Mrs White de Breaking Bad, la pauvre Anna Gunn serait-elle condamnée à jouer les mégères moches ?), et les autres inquisiteurs du National Transportation Safety Board, tous pas sympas, bas du casque, etc.

Mais c’est la scène du crash, rejoué trois fois, et particulièrement la dernière, la plus complète qui va jusqu’au sauvetage par les autres american heroes (pompiers, marin des ferries…) qui est formidablement maîtrisée, mélange de film catastrophe réaliste et d’héroïsme spielbergien dont Tom Hanks est la figure de proue.

Là, on ne peut qu’admirer l’artisan à l’œuvre.




mardi 24 octobre 2017


Halt & Catch Fire, saison 4, épisode 7
posté par Professor Ludovico

C’était l’autre soir ; on regardait Halt & Catch Fire, cette quatrième et dernière saison. Et l’émotion nous a saisi à la faveur d’un plan (volontairement) artificiel : on a compris qu’on aimait ces personnages depuis toujours.

Halt & Catch Fire n’est pas une grande série. C’est le Mad Men du pauvre. Qui échangerait ces magnifiques costumes trois pièces contre un survêtement Tacchini ? Mais même en deuxième division, si vous vous intéressez à ces histoires de serveur, de PC, de jeu vidéo en réseau, bref tout ce qui fait nos vies depuis 1980, cette série est pour vous. Malgré ses personnages hésitants, ses comédiens pas toujours parfaits, et ses scénarios un peu faibles, H&CF fait le boulot.

Adieu les amis.




dimanche 22 octobre 2017


Relire Dune
posté par Professor Ludovico

Comme si nous n’avions que ça à faire, on s’est remis à lire Dune. Oui, le livre de nos quinze ans, déjà lu une fois en français, une fois en anglais, une fois en français, à des âges différents.

Alors, non, Dune n’est pas le plus grand chef-d’œuvre de tous les temps de notre adolescence, mais ce n’est pas non plus un sous-produit littéraire. Après le film, après la série télé, on peut le regarder avec peut-être un peu plus d’objectivité. Et trouver quelques points faibles, comme par exemple ces intellectualisations mal digérées de théorie jungienne.

Mais aussi, on peut s’émerveiller devant la profondeur et la multiplicité des thèmes abordés : la politique, la religion, le sexe, l’économie. Mais ça nous l’avions déjà perçu, dès le départ. Ce qu’on voit aujourd’hui, c’est la qualité de la dramaturgie. D’abord la structure, en trois actes. La précision des décors, de la langue, des accessoires, à la fois abscons et paradoxalement compréhensibles, qui nous immerge dans ce monde magique qu’est Arrakis. Enfin, des personnages passionnants, épais, multifacettes, ce que n’avaient pas réussi à rendre la manichéenne adaptation de de Laurentiis, avec ses gentils Atreides et ses méchants harkonnen.

C’est donc plein d’espoir que nous attendons le travail de Monsieur Villeneuve. Il aura de l’argent, du temps (plusieurs films), un sens graphique ; il lui faudra construire de beaux personnages. Mais il n’aura, comme on le dit juste avant, qu’à illustrer Dune, disposant déjà d’un scénario en béton, et de personnages construits**. 

Jan, jan, jan !*

* en avant !
** Belle théorie empruntée à Karl Ferenc Scorpios




mardi 17 octobre 2017


Blade Runner 2049
posté par Professor Ludovico

Celui qui marche dans les pas de l’autre ne laisse pas de traces : jamais ce proverbe ne s’est autant révélé exact que dans Blade Runner 2049, où Denis Villeneuve cherche à donner des preuves de filiation à tout bout de champ : les murs en plâtre défoncés comme dans Blade Runner, la prostituée blonde punk de Blade Runner, les reflets de l’eau sur les murs à la Blade Runner, la musique de Vangelis réinterprétée par Hans Zimmer, ou le marchand africain qui vend de la technologie dans la rue : ce fan service est tout simplement insupportable. Comme si la science-fiction, maintenant qu’elle a de l’argent, avait perdu toutes ses idées.

Denis Villeneuve n’aurait pas dû faire Blade Runner. Comment un véritable artiste peut vouloir se lancer à l’assaut d’un chef d’œuvre ? Faire la suite d’un film pareil ? On n’imagine pas Kubrick faire la suite du Faucon Maltais sous prétexte qu’il peut le faire en couleur ! Ou Desplechin refaire Jules et Jim… En se jetant dans ce piège grand ouvert du film-hommage, Villeneuve sombre. Il étale au passage ses faiblesses, déjà entrevues dans Sicario ou Premier Contact, au grand jour. Il n’y a pas de personnages. Il n’y a pas d’émotion. L’intrigue tient sur un une fiche A5 (celle de Blade Runner aussi, d’ailleurs). Mais la force de l’original, c’est un personnage antipathique auquel on tient, parce qu’il est humain. Et on finit par s’attacher aux seconds rôles robotiques (Pris, Batty), parce qu’on découvre peu à peu – question métaphysique du film – c’est qu’il n’y a pas loin d’un humain à un réplicant. Et plus on avance, plus la question se pose avec acuité, jusques et y compris dans le précipice final, la flèche de la cathédrale Blade Runner.

Mais ici, on ne peut pas s’attacher pas à K (Gosling), parce qu’on sait que c’est un robot. Et on ne peut pas s’attacher à un robot, même si on a de la compassion pour lui. Le racisme dont il fait l’objet, ses love story en 3D, tout cela nous touche, mais ça ne va guère plus loin. Jusqu’à une certaine révélation, trop tardive, qui fait décoller l’intérêt pour le personnage.

Et c’est là l’autre problème de Blade Runner 2049, tout est trop long. Dans l’objectif que s’est fixé Villeneuve depuis son chef d’oeuvre Prisoners – revisiter le blockbuster en lui apportant une vision arty – dont Blade Runner 2049 est l’apex pénible. Sans contrainte, Villeneuve étale sa vision, ses obsessions (images jaunies, femmes dans des sacs plastiques, conditions météo extrêmes) sans se préoccuper de mise en scène efficace. Gageons qu’un director’s cut avec 30 mn en moins améliorerait grandement le film.

Car BR2049 est magnifique bien sûr, mais ces images somptueuses ne sont rien d’autre que la mise en image d’un fabuleux story board, le sens inné du cadrage de Villeneuve et la photographie de son compagnon de toujours, le génie Roger Deakins. Tout est extraordinairement beau, cadré au cordeau, référencé (Apocalypse Now, le Sacrifice de Tarkovski, Kubrick, etc.) Mais contrairement à ce que professait ce dernier (qui n’a pas fait, à la revoyure, des films si parfaitement esthétiques), Villeneuve a du mal à incarner une idée. Il enchaîne les beaux plans, les uns après les autres, mais ne cherche pas à raconter quelque chose. Contrairement à un Nolan, dont on n’aime pas tout ici, mais qui se rapproche beaucoup d’un cinéaste, c’est à dire quelqu’un qui utilise l’art spécifique du cinéma pour produire un effet.

Ici, c’est comme si Villeneuve illustrait Blade Runner. Et, malédiction éternelle, devenait, comme son illustre prédécesseur, un cinéaste décorateur.




samedi 16 septembre 2017


Harry Dean Stanton
posté par Professor Ludovico

Dès notre première rencontre, dans les soutes du Nostromo, nous sommes tombés amoureux de lui. Lui, le Brett d’Alien négociant par monosyllabes ses primes avec Ripley, nous avait doublement convaincu. Prolo crédible d’un futur habituellement peuplé de permanentés en pyjamas blancs et de princesses en jupettes, Stanton était aussi un comédien incroyable. Avec son air de chien battu, il explosa véritablement dans Paris Texas, rôle quasi mutique.

Pourtant Harry Dean Stanton n’était pas un débutant, il a joué dans 200 films depuis les années 50. Western, SF, films d’auteur, séries, Stanton a tout fait : Les Mystères de l’Ouest et Rintintin, Big Love, Dans la Chaleur de la Nuit et De l’or pour les Braves, Le Parrain et Missouri Breaks, L’Aube Rouge et Rose Bonbon, Sailor & Lula ou La Ligne Verte. Mais il n’a jamais vraiment percé.

À chaque fois qu’on le recroisait, comme dernièrement dans Twin Peaks – The Return, c’était comme un vieux tonton de province qui passait à la noël. On embrassait ses vieilles joues mal rasées, et on reparlait des bonbons au caramel, et des parties de pêche dans la rivière.

Adieu, tonton Harry.




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