[ Les gens ]



mardi 10 décembre 2013


Pensées Coeniennes
posté par Professor Ludovico

Dans l’excellent So Film de Novembre, il ne fallait pas rater une extraordinaire interview des frères Coen. Florilège.

« Le problème, c’est le gens nous prennent pour des cinéastes sérieux. Les critiques pensent que nous nous foutons de la gueule de notre pays. La vérité est plus simple : nous faisons partie de cette Amérique. »

« Les français sont connus pour vous transformer sont en artiste alors que vous n’avez rien demandé. C’est quand même le peuple qui trouve que Clint Eastwood est un génie, non ? Comme Woody. Vous avez vraiment une affection pour les mecs qui jouent du jazz ! »

Barton Fink : « Je ne sais pas si vous vous souvenez, mais l’année où on a eu la Palme, c’est Polanski qui présidait le jury. Et dans Barton Fink, on a quand même emprunté pas mal de gimmicks à son cinéma. Si on avait voulu draguer Polanski on n’aurait pas pu mieux s’y prendre… »

« On a eu le temps d’observer ces réalisateurs qui au début gagnent un peu plus de fric que prévu et se mettent à le dépenser n’importe comment. En payant notamment une armée d’agents et d’avocats… après ils achètent des bureaux hors de prix sur Melrose Avenue. Et puis un jour il faut qu’ils remboursent leurs prêts et paient leurs 13 attachés de presse. Alors ils sont prêts à réaliser n’importe quelle merde pour rembourser leur crédit.
Nous, on vient dans les bureaux des producteurs avec des vieilles baskets et des jeans pourris. Au moins ils savent que la négociation sera difficile
. »

Sur les Biopics : « On sait déjà tout sur Bob Dylan. C’est super Dylan, mais est-ce que sa vie est plus attirante que celle de Phil Ochs ? »

« On est restés très agnostiques sur la réussite. Est-ce que c’est mieux d’avoir un bon box office avec True Grit ? Est-ce que c’est mieux de gagner les oscars avec No Country for Old Men ? Ou est-ce que c’est mieux d’inspirer les gens, ici et là, avec un film sorti de nulle part comme The Big Lebowski ? Vaste question. »

Vaste question en effet, quand on a tout : le succès, des Oscars et une Palme d’Or !




dimanche 24 novembre 2013


13 channels of shit on the TV to choose from…
posté par Professor Ludovico

Incroyable Bob Dylan.

A 70 ans, il surprend encore. Pour lancer son coffret intégral, le voilà qui propose un clip de sa chanson-phare, Like a Rolling Stone, un clip tout simplement extraordinaire…

Ça se présente sous la forme d’une télé dont vous pilotez la télécommande. Sur la première chaîne, Dylan lui-même, dans sa période sublime, c’est à dire 1966, Blonde on Blonde, la tournée en Grande-Bretagne, le Royal Albert Hall, Don’t Look Back

Mais si vous zappez sur la chaîne suivante, vous tombez sur une chaîne de télé-achat. O surprise, la blondasse qui vend un aspirateur de table chante aussi Like a Rolling Stone ! Enfin, en play back, c’est toujours Dylan qui chante… mais en désignant l’aspirateur de son doigt manucuré : « How does it feel … », en passant l’aspirateur : « To be on your own … »

Zappez sur la 3 et la comédie dramatique fait de même « Like a complete unknown… » Et ainsi de suite, sur le match de tennis (Diotvesky-Plotnivich), l’émission de Télé Réalité, Le Juste Prix, etc.

L’effet est tout bonnement extraordinaire : la juxtaposition du texte de Dylan sur des images à chaque fois différentes les charge d’un sens nouveau.

Coup de génie aussi : comment mieux démontrer l’universalité de cette chanson, déjà considéré comme l’une des plus importantes de l’histoire du rock ?




dimanche 10 novembre 2013


Fétichisme
posté par Professor Ludovico

Nous sommes tous des fétichistes, et les cinéphiles font partie des pires, mais là n’est pas le propos.

Le fétichisme, c’est croire doté de pouvoirs magiques ce qui ne l’est pas, et Télérama, dans son édition du 9 novembre, tombe dans le panneau.

Michael Ardnt, annonce le magazine, a quitté le navire Star Wars VII. Ce n’est donc pas le scénariste du surévalué Little Miss Sunshine qui écrira la suite des aventures de Luke Skywalker. Qui donc, alors ?

Et Télérama de s’enthousiasmer : JJ Abrams et… Lawrence « L’Empire Contre Attaque » Kasdan. Magie de la marque. Kasdan a fait le meilleur Star Wars, il va bien nous pondre un bon épisode 7.

C’est oublier que Kasdan, cinéaste adulé du Professore (Les Copains d’abord, Grand Canyon, La Fièvre au Corps), est à la ramasse depuis 1991. Avoir été bon dans les années 1980 ne veut pas dire être bon aujourd’hui. Kasdan a changé (il a 64 ans aujourd’hui), le public de la saga a changé, et nous avons changé, nous aussi.

Mais bon, voilà les fétichistes de Star Wars rassurés…




samedi 9 novembre 2013


« J’ai de la peine pour mes personnages »
posté par Professor Ludovico

Picoré ce matin dans le podcast conseillé par le Professor Mortimer de Mantes-La-Ville « Pendant les travaux le cinéma reste ouvert », sur France Inter, cette petite citation de Martin Scorsese.

L’auteur des Affranchis vient de voir Reservoir Dogs et on lui demande son avis.

– « Moi, J’ai de la peine pour mes personnages, et je crois que Quentin n’a pas de peine… »

Quelle meilleure définition du cinéma vide de QT ? A part l’excellent Jackie Brown (qui démontre en creux cette théorie), Tarantino n’a pas de personnages, il a des jouets et il les filme. Gangsters, grosses voitures, esclaves noirs ou soldats US, Barbie Mariée et Barbie Karateka : ses personnages ne sont pas de personnages, mais des poupées GI Joe qu’il met en scène avec un talent certain.

Mais sans âme.

A contrario, le cinéma de Scorsese, tout aussi violent, propose systématiquement un point de vue. A l’époque de Casino, le réalisateur expliquait que les scènes de violence inouïes du film étaient nécessaires parce qu’elles correspondaient à la réalité de la mafia, mais qu’elles devaient aussi provoquer le dégoût du spectateur, sans quoi son film serait raté.

Tout le contraire d’un film de Tarantino, en somme.




mercredi 18 septembre 2013


Gods and Generals
posté par Professor Ludovico

Gods and Generals fait partie de ces films, nanars improbables, qui hantent la collection mentale – en existe-t-il une autre ? – des cinéphiles, comme des péchés inavouables.

Il sera difficile d’oublier Gods and Generals, ce pantagruélique hamburger sudiste de 3h20. 3h20 de troupes confédérées marchant en ligne vers l’ennemi, de la gauche de l’écran vers la droite de l’écran, 3h20 de troupes de l’Union marchant en ligne vers l’ennemi, de la droite de l’écran vers de la gauche de l’écran, 3h20 de sous-titres indiquant le nom du régiment , 3h20 de bigoteries du général sudiste « Stonewall » Jackson, implorant Dieu de le rappeler à lui dès aujourd’hui, si tel est son destin (je vous rassure, c’est son destin), 3h20 de citations historiques utilisées comme dialogue (« Il a perdu son bras gauche, j’ai perdu mon bras droit »), 3h20 de personnages noirs jouant à l’Oncle Tom (l’esclavage c’est mal, mais nos maîtres sont drôlement sympas), 3h20 de drapeaux, de coups de fusil et d’explosions, 3h de reconstitutions de batailles (Bull Run, Fredericksburg, Chancellorsville). Mais 3h20 sans la moindre histoire, sans le moindre personnage, sans le moindre enjeu.

Comment un tel film a pu se monter ? Par le caprice d’un seul homme, Ted Turner, qui dépensa de sa poche les 56 millions de dollars nécessaires. Comme tous les Civil War buffs, Ted Turner est passionné par les batailles, les drapeaux, les uniformes, (qui sont tous authentiques, comme il tient à le préciser dans l’intro du DVD), son seul désir de film étant « qu’on se sente comme revenu à cette époque ». Du cinéma de petit soldat de plomb, donc, comme ces collectionneurs napoléoniens qui s’amusent à aligner les figurines de la bataille d’Austerlitz. Ici, c’est une collection à 56M$, entièrement au service des de la cause sudiste (Ted Turner, né dans l’Ohio, est un Georgien de cœur). Tout le monde est héroïque, courageux, dévoué à sa famille, sa terre, à Dieu et évidemment, personne n’est raciste (sauf un personnage yankee, tiens tiens…)

Le soldat héroïque, courageux, dévoué à sa famille, à sa terre mérite mieux (La Ligne Rouge) ; la Guerre de Sécession mérite beaucoup mieux (The Civil War).




lundi 19 août 2013


Hatfields et McCoys
posté par Professor Ludovico

C’est une histoire peu connue de ce côté-ci du Pecos*, l’affrontement terrible qui opposa deux familles pendant près de quarante ans, le long de la Tug Fork, une rivière qui délimite la frontière entre le Kentucky et la Virginie Occidentale.

Ces Horaces et ces Curiaces US, c’est tout simplement – selon Kevin Costner – l’histoire de l’Amérique elle-même : la lutte entre le bien et le mal, la religion et la laïcité, l’esprit pionnier (qui se meurt) et l’Etat (qui se construit). Deux amis courageux partent défendre le Sud pendant la Guerre de Sécession, mais vont en revenir ennemis à jamais. Anse Hatfield (Kevin Costner) déserte une guerre ingagnable qui n’est plus la sienne, et bâtit un empire dans l’exploitation du bois ; son ami Randall McCoy (Bill Paxton) revient en héros, mais brisé par la guerre et la trahison. De l’assassinat d’un « traître » de la famille McCoy passé Nordiste, à un vol de cochon, va naître la plus grande vendetta des Etats-Unis.

C’est ce que propose de raconter le biopic fleuve Hatfields & McCoys, une mini-série de 5 heures qui a cartonné sur la chaîne History** et co-produite par le revenant Kevin Costner. L’ex wonderboy des années 85-95 s’est trouvé une forme de reconversion dans une exploration revisitée du western. Avec Open Range, puis aujourd’hui via Hatfields et McCoys.

La bonne nouvelle, c’est qu’il s’est réconcilié avec Kevin Reynolds, son meilleur ami devenu meilleur ennemi sur le naufrage Waterworld. Kevin Reynolds, ce n’est rien de moins que le plus grand gâchis de l’histoire récente d’Hollywood. Deux premiers films peu connus mais géniaux (Fandango, La Bête de Guerre), un carton Hollywoodien (Robin des Bois : Prince des voleurs), une des plus belles séquences de Danse Avec Les Loups (les bisons), et puis plus rien. Idem pour Kevin Costner, le plus grand acteur de sa génération, héros des plus gros succès de la décennie 1985-1995***. Deux hommes détruits par un seul film, Waterworld, un bide abyssal que méritait le film mais sûrement pas les deux intéressés.

Les revoilà donc aux affaires, plutôt en forme dans leurs métiers respectifs (acteur et réalisateur). Mais si Hatfields et McCoys passionne pour l’Histoire avec un grand H, la série est ratée côté dramaturgie : l’histoire des deux familles est tellement connue aux USA que Costner et Reynolds ne font qu’en illustrer les images d’Epinal : l’amitié virile, au temps de la Guerre de Sécession, le retour difficile, après la guerre, le meurtre de Harmon MacCoy, la vengeance de la mort de Harmon, la vengeance de la vengeance de la mort de Harmon, etc. Auquel s’ajoute cette fâcheuse mode americana du moment. Les acteurs passent ainsi leur temps à cracher leur chique et à imiter un accent redneck du plus bel effet (Ain’t gonna be my time, sir ! For sure !) L’équivalent de nos reconstitutions médiévales ampoulées de la télé française… La même obsession misérabiliste de montrer « qu’à l’époque c’était comme ça. »

On préférerait que Hatfields et McCoys s’attarde sur les personnages, construise des enjeux, un destin, mais on sait que le biopic castre rapidement ces commandement scénaristiques.

Hatfields et McCoys reste néanmoins hautement regardable, notamment pour la toile de fond qu’elle propose ; rien de moins que la fin de l’ère « sauvage » des Etats-Unis, la fin de la conquête de l’Ouest et de la Destinée Manifeste. Derrière ces gars lourds, taillés à la serpe, défendant leur propriété à coup de Winchester, c’est un nouveau monde qui apparaît : la loi, l’état, la justice fédérale… Un pays en train de se construire.

* Quoique Lucky Luke s’en soit emparé avec les O’Hara et les O’Timmins, dans Les Rivaux de Painful Gulch
** En ce moment sur Canal+, bientôt en DVD/VOD ?
*** Allez, on ne résiste pas : Fandango Silverado, Les Incorruptibles, Sens Unique, Danse avec les Loups, Robin des Bois, Prince des Voleurs, JFK, Bodyguard, Un Monde Parfait…




lundi 12 août 2013


Karen Black
posté par Professor Ludovico

Il était une fois Karen Black, une magnifique jeune femme qui jouait remarquablement les gourdes bien gaulées, dans le chef d’œuvre de Bob Rafelson, Cinq Pièces Faciles, dans le Nashville de Robert Altman, ou dans Easy Rider.

En dehors de ces trois films célèbres, elle a aligné les séries B à Z, et les rôles à la télé. Elle vient de mourir à 74 ans, horriblement botoxée.

That’s Hollywood, guys.




mardi 30 juillet 2013


Où sont les stars ?
posté par Professor Ludovico

Vanity Fair fait partie des lectures obligées du CineFaster. Sans prétendre y être abonné, le Professore y a fait ses plus belles découvertes, notamment les extraits d’High Concept (le fameux Box office de Charles Fleming). Bien écrits, avec du contenu, les articles de Vanity Fair tranchent avec l’habituelle soupe des autres magazines. Il ne faut pas rater l’annuel « Hollywood issue » qui donne la tendance pour l’année, qui est in, qui est out.

Voilà en tout cas le premier numéro de la toute nouvelle édition française, avec déjà un dossier sur les blockbusters de l’été… Et sur leur nouveau modèle économique : pas de star, surtout pas de star…

Comme l’explique Simon Kinberg (chef scénariste des futurs Star Wars), l’Hollywood des années 2010 est désormais basé sur les franchises (X-Men, Spiderman, Star Wars). En gros, 5 films par an qui rapportent 20% des 10 milliards de dollars réalisé par les 600 films produits par Hollywood dans l’année. « Coller des stars dans le cast de ces franchises reviendrait à faire affronter des marques concurrentes, i.e. « Brad Pitt » vs « Batman«  ». C’est pour cela qu’on n’y trouve plus aucune star, mais des jeunes pousses venues de la télé, qui coûtent beaucoup moins cher et ne vampirisent pas le produit.

Ce nouveau paradigme est né, paradoxalement de l’immense succès de Minority Report : une fois payé Spielberg, Cruise, et les droits des produits dérivés, la Fox réalisa qu’elle n’avait fait aucun bénéfice ; une conclusion s’imposa à tous : plus jamais ça ! On prendra désormais des acteurs jeunes, pas chers, et sans pourcentage sur les recettes. La fin du système inauguré par le Batman de Burton, qui rendit Jack Nicholson si immensément riche. D’où les casts pour le moins suprenants des plus grosses machines de l’été : Zachary Quinto (Star Trek), Andrew Garfield (Spiderman 2), Henry Cavill (Man of Steel), Idris Elba (Pacific Rim). Qui serait capable de les citer de tête ? D’évoquer une quelconque filmographie ?

Mais surtout, où sont passés les stars ? Dans des films (un peu) plus ambitieux qu’ils coproduisent le plus souvent. World War Z (Brad Pitt), Oblivion (Cruise), Elysium (Matt Damon), After Earth (Will Smith). Vanity Fair, malicieux, note que c’est à chaque fois, le même scénario : un homme seul, un soldat, combat pour la survie de l’humanité sur une terre post apocalyptique. Un thème universel, sans références américaines, sans ennemi identifié (russkof, arabe, chinois), sans humour connoté, et sans sexe : le meilleur moyen de partir à l’assaut d’un marché de plus en plus globalisé…




mercredi 17 juillet 2013


Guy Debord cinéaste
posté par Professor Ludovico

Le Professore a cette douteuse spécialité : aller voir les expos à la bourre, et donc en parler quand c’est trop tard. Guy Debord, l’Art de la Guerre, expo à la Bibliothèque François Mitterrand, vient donc de s’achever, et Ludovico peut vous en parler.

Qui est Guy Debord ? Un pas-très-connu, dont le nom résonne vaguement dans les têtes, et dont pourtant l’influence fut considérable. Surtout par un petit livre, baptisé La Société du Spectacle, paru en 67. L’année d’après, le livre de Debord inspirait Mai 68, mais ne rendit pas son auteur plus célèbre.

Dans son formidable Lipstick Traces, Greil Marcus trace les influences de Debord, les Dadas, les Lettristes, les Surréalistes et montre qu’il inspire à la fois Mai 68, la gauche radicale, le mouvement Punk. Auteur de quelques formules cultes : « Ne travaillez jamais » « La société est une accumulation de spectacles », Debord écrira d’autres livres, créera de multiples organisations à but intello-révolutionnaire, mais passera beaucoup trop de temps à exclure les membres desdites organisations pour faire vraiment la révolution…

Guy Debord aimait Hegel et Machiavel, la stratégie et le Quartier Latin, mais aussi ce qui nous intéresse ici : le cinéma. Il réalisa un certain nombre de films, tous expérimentaux, basés sur ses écrits. Dans Hurlements en Faveur de Sade (1952), Debord alterne des plans uniquement noir ou blancs, sur lequel il colle des bouts du code civil. Scandale à la première projection, évidemment. La Société du Spectacle (1973), consiste en un montage de vieux films Hollywoodiens, de publicités de la presse magazine, de détournement de Comics, tandis qu’en voix off, Debord ânonne de sa voix si caractéristique La Société du Spectacle, le livre.

Bref un cinéma très loin des paysages habituels CineFastiens, parsemé de météores, d’hélicoptères en flammes, et de romance sur fond d’iceberg, mais qui méritent de figurer dans la filmothèque du parfait honnête homme.




jeudi 20 juin 2013


Get yourself a gun…
posté par Professor Ludovico

James Gandolfini est mort. Si vous n’avez jamais vu les Sopranos, ça ne vous dira pas grand’ chose. Pourtant, vous avez déjà vu James Gandolfini, la plupart du temps dans des rôles de connard odieux. Où il était parfait : le lieutenant raciste d’USS Alabama, c’est lui. Le tueur dépressif, amateur de putes de Cogan, c’est lui aussi. Le directeur de la CIA de Zero Dark thirty, le général US d’Into the Loop, c’est encore lui. Une tripotée de films où James Gandolfini a joué les utilités.

Mais le grand rôle de sa vie, et peut-être le plus grand rôle de l’histoire de la télé américaine, c’est Tony Soprano.

Quand la série débarque sur HBO en 1999, c’est tout de suite un immense succès, et pour cause. Ce gangster de banlieue qui se met à la thérapie, ce n’est rien de moins que le portrait de l’Amérique que David Chase se met à peindre. Une Amérique obèse, sûre d’elle-même, dominatrice, à la limite du gangsterisme Bushiste, mais une Amérique qui se met soudain – après deux cent ans d’optimisme béat limite naïf – à douter d’elle-même.

Derrière des histoires simples (les petits trafics des Sopranos, les histoires d’amour et de cul, les problèmes du quotidien), c’est le tableau implacable de la corruption du pouvoir, de la déliquescence de la famille, de la décadence de la société consumériste. La mafia (à front renversé de l’opéra en 3 actes qu’est Le Parrain), n’est qu’un accessoire dans Les Sopranos : un simple décor pour d’autres aventures. La Famille, métaphore de la famille. On ne verra dans Les Sopranos que peu de coups de feu, et encore moins de morts. Mais s’y installe une violence bien plus terrible : l’intimidation quotidienne, née de quelques coups de poings ou de simples menaces. La vérité, tout simplement.

Bien sûr, les scénarios étaient excellents, le cast , absolument incroyable (jusqu’aux enfants, qui ont grandi pendant six ans devant nos yeux ébahis). Bien sûr, la série, c’est avant tout un sans-faute, pas un seul épisode à jeter, et une fin grandiose, ce qui caractérise la série chef d’œuvre, comme nous l’expliquions ici.

Mais pour le spectateur, la série restera celle de Tony, et James Gandolfini, un immense acteur qui a su offrir à David Chase une palette extraordinaire de sentiments, de nuances, de la déprime à l’exaltation, de la bonhomie à la violence la plus brutale, de l’abjection pure à un sens rural de la justice.




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