[ A votre VOD ]

Commentaires et/ou Conseils d’achat de DVD – Peut dégénérer en étude de fond d’un auteur



vendredi 9 juin 2023


Das Boot
posté par Professor Ludovico

Après une ultime revoyure – le Kapitän Ludovico ayant déjà tout vu : le livre, le film en salle, le film à la télé, la série télé (au moins deux fois), le director’s cut…), le bilan est toujours le même : Das Boot reste un chef-d’œuvre imputrescible, qui ne connait aucune corrosion. Acteurs parfaits, mise en scène parfaite, propos parfait… Rien ne vieillit chez le parangon du film de sous-marin.

Pourtant il est difficile d’imaginer le scandale à sa sortie : film fasciste, osant dire que les Allemands avaient eux aussi combattu de manière héroïque, et qu’il n’y avait pas que des nazis… La controverse fut intense, car Das Boot était le premier.

Selon le principe qui veut que l’histoire soit racontée par les vainqueurs, les Américains avait entièrement accaparé la narration de la seconde guerre mondiale, avec Le Jour Le Plus Long comme prototype… Un Pont Trop Loin, les Douze Salopards, L’aigle s’est Envolé, De L’or Pour Les Braves… tous ces films obéissaient au sacro-saint principe : les héros étaient américains, et les Allemands avaient le mauvais rôle… Il a fallu que le temps passe, et que l’Allemagne fasse son propre examen de conscience (pour reprendre le titre du plus beau livre d’August von Kageneck) pour que les jeunes cinéastes allemands ne se sentent plus responsables des erreurs de leurs parents, et se décident à explorer le grand drame du XX° siécle, vu de leur côté…

Il faut en tout cas bien être aveugle pour voir dans Das Boot un panégyrique nazi. Dès la première scène, un capitaine saoul se moque d’Hitler en fêtant sa décoration… Quand on embarque sur le U-96, seul un jeune « commissaire politique » est un authentique nazi, et il va vite perdre ses illusions…

Les autres membres d’équipage n’ont pas d’opinion, ouvriers au service d’une guerre sous-marine déjà perdue, qui ne cherchent qu’à survivre au milieu des vapeurs de mazout. C’est le génie de Petersen de filmer cette chair à canon aux visages blafards couverts de sueur et de graisse, sous des néons rouges et bleus*. C’est tout simplement l’humanité à l’os que filme le cinéaste ; son courage et sa lâcheté, sa détermination et sa peur.

Malheureusement, Wolfgang Petersen ne deviendra pas un grand cinéaste. Après L’Histoire sans Fin, il fera le voyage fatal Hambourg-Hollywood, passant de cinéaste-auteur à un bon faiseur de l’Usine à Rêves. Avec pas mal de bons films (Dans la ligne de mire, Air Force One, Troie), quelques nanars (Enemy, Troubles, Alerte ! Poséidon), mais sans nouveau coup d’éclat.

*Néons qui marqueront pour toujours Tony Scott (USS Alabama), et les ¾ de la production Simpson/Bruckheimer/Michael Bay …




vendredi 7 avril 2023


In the Mood for Love
posté par Professor Ludovico

Une pièce. Puis une autre, une chambre, un bureau plein de robes, des costumes, des cravates : In the Mood for Love tient à cela : des bouts de décor, des robes qui changent à chaque scène. On pourrait croire, à lire ce début de critique, que le Ludovico va se lancer dans une de ses diatribes dont il a le secret, contre l’esthétisme qui tient lieu de cinéma.

In the Mood for Love fait la démonstration inverse. Mettre l’esthétisme au service de l’histoire ; si ces costumes changent, c’est qu’ils ont un sens dans l’intrigue*. Ces décors petits mais magnifiques qui soulignent la promiscuité géographique et sociale du Hong Kong des années 50, qui ressemble à une prison plus qu’à autre chose.

Faut-il encore pitcher le sujet ? Vous avez dejà vu ItMfL, contrairement à ce snob de Professore, non ? Un homme et une femme emménagent en même temps. Pas ensemble, ils sont en couple chacun de leur côté. Mais on ne verra jamais le mari de Madame ou la chérie de Monsieur. Est-ce pour cela qu’ils vont tomber amoureux ? C’est que ce que suggère la musique-fatum qui ponctue le film et ramène le spectateur à chaque fois sur le chemin de la destinée.

Il y aura aussi un panoramique vertical sur une fumée de cigarette, des faux ralentis**. Au service d’un film court, qui semble aller très vite alors qu’il va très lentement.  

Du cinéma à tous les étages, vous dis-je.

* Qui vont par exemple déterminer qui trompe qui.
** L’image ralentit, mais pas le son
.




samedi 24 décembre 2022


Jackie Brown
posté par Professor Ludovico

On sait ce qu’on pense ici de la filmographie de Quentin Tarantino. On peut néanmoins la résumer en quelques mots, pour les newbies. Quentin Tarantino refait, pour des millions de dollars, des films qui en ont couté quelques centaines de milliers. QT est probablement le plus grand cinéphile de tous les temps, mais il ne fait que recopier, avec un immense talent, les films de série B. qu’il a aimés. Par ailleurs, son cinéma n’a rien à dire. Combien de fois faudra-t-il le répéter : une œuvre d’art est là pour dire quelque chose : même Flashdance, même Doctor Strange in the Multiverse of Madness, même La Grande Vadrouille… Au contraire, le cinéma de QT est creux, il ne dit rien d’autre que les rêves de gamin de Tarantino, Quentin : un cinéma fait par un enfant, avec ses jouets fétiches : voitures, Cowboys et Indiens, Gendarmes et Voleurs.

Mais de cette filmographie minimaliste émerge, un film, un seul : Jackie Brown. Comme par hasard, le seul film qui n’est pas un scénario original de QT. Le seul film tiré d’un livre (Punch Creole, d’Elmore Leonard). Un livre. Un livre, ce jouet des adultes.

La période des fêtes est souvent l’occasion de revoir les vieux films. Jackie Brown n’a pas vieilli, il a même embelli. D’abord, on a rarement vu autant d’amour projeté sur une actrice à l’écran. Quentin Tarantino est fou de Pam Grier, et ça se voit. Il colle littéralement à son visage, et ne se lasse jamais de la filmer. Cela pourrait être une embarrassante démarche voyeuriste à la Hitchcock, une pure pulsion sexuelle, mais Jackie Brown est beaucoup plus. C’est George Cukor qui filme Audrey Hepburn dans Sylvia Scarlett, Vadim qui filme Bardot, Carax qui filme Binoche. Pour la première – et la dernière – fois de sa carrière, Tarantino a de l’empathie pour son personnage, et évidemment, ça en crée pour le spectateur. Pas pour n’importe qui, pas pour une blonde aux jambes de 2,50 m qu’il affectionne (Uma Thurman, Margot Robbie …) Non, pour une femme fatiguée, humiliée, qui sait que le meilleur est derrière elle. Cette femme c’est Jackie Brown, mais c’est aussi Pam Grier. En 1997, Grier a quarante-huit ans, elle sort d’un cancer, et n’a tourné que des navets mettant en avant sa poitrine. Elle est au bout de sa – toute petite – carrière. Ça tombe bien, Jackie Brown aussi. Elle a déjà fait de la prison pour son ex-mari et travaille comme hôtesse de l’air sur une compagnie merdique. Elle est harcelée par deux flics débiles (dont Michael Keaton, génial) qui se servent d’elle pour faire tomber un marchand d’armes minable, Ordell Robbie (Samuel L. Jackson). Ordell est un idiot, mais un idiot dangereux ; il vient de tuer de sang-froid un type qui pouvait le balancer. Comment va-t-elle sortir ? Comment va-t-elle embobiner tout le monde, flics et voyous ?

Arrive l’autre personnage attachant du film, interprété par Robert Forster dans son plus grand rôle : Max Cherry, chargé de caution quinqua à la ramasse, mais avec un sens inné de la décence et de la justice. Max tombe instantanément fou d’elle, comme le spectateur : au cinéma, ça s’appelle un point de vue.

C’est dans Jackie Brown qu’on voit à quel point le talent de Quentin Tarantino est gâché dans ses autres films. Il a ici un personnage de femme forte. Et c’est ce qu’il filme, précisément. Il ne filmera jamais la plastique, pourtant spectaculaire, de Grier, mais uniquement son visage, son sourire mystérieux, son profil de pharaonne. Il filme le cerveau d’une reine…

Il a un propos : qu’est-ce que la vie nous fait ? Et en particulier, qu’est-ce que la vie, qu’est-ce que les hommes, font aux femmes ? Et Tarantino va tenir ça pendant 2h27 dans un polar crispé, alors que trois malheureux coups de feu seront tirés, on ne verra même pas de sang. La tension dramatique est uniquement transmise par ses fantastiques acteurs, ses dialogues brillants, ce qui, reconnaissons-le, est toujours formidable chez Tarantino. Samuel L. Jackson, tendu comme jamais, De Niro à contre-emploi en nounours pataud, Bridget Fonda en surfeuse blonde énervante dans tous les sens du terme…

Et Tarantino se permet même un fin douce-amère, une rareté chez lui. Une histoire d’amour qui finit mal entre Jackie et Max, dans une dernière scène sublime.

Il faut voir Pam Grier, au bord des larmes, chantonnant du bout des lèvres Across 110th street…. Puis esquissant, quand même, parce que la vie continue, ce léger sourire en coin… 

Been down so long, getting up didn’t cross my mind
But I knew there was a better way of life, and I was just trying to find…




mercredi 21 décembre 2022


Indiscrétions (The Philadelphia Story)
posté par Professor Ludovico

Indiscrétions était l’un des derniers chefs-d’œuvre de George Cukor qui manquait à la collection du Professore, donc merci OCS ! Réputé être LE parangon de la comédie de remariage (où un couple séparé finit par se remarier) on se jette doublement dessus. Evidemment, chef d’œuvre en vue : Cukor et sa muse Katharine Hepburn, Cary Grant, James Stewart, et des seconds rôles pas mauvais non plus (Ruth Hussey (la photographe) et Virginia Weidler (la petite sœur))…

Indiscrétions, c’est Hollywood 1940, c’est à dire à son sommet : dialogues en dentelle, méchants et plein de sous-entendus pour se jouer du code Hays, rythme effréné mais totalement maitrisé, casting parfait, et en état de grâce…

L’intrigue elle-même est raffinée, elle suit une pièce de 1938 qui relança la carrière de Katherien Hepburn. Tracy Lord, riche heritière de la Phildadelphia Main Line, la haute bourgeoise locale, s’est séparée il y a deux ans déjà de C. K., son playboy de mari (Cary Grant). Nous sommes à la veille de son remariage avec George Kittredge, un homme du peuple qui a réussi et veut briller en politique. Mais ce mariage haut de gamme intéresse au plus haut point Spy (le Closer local) qui dépêche un couple de journalistes mal assorti : l’écrivain raté Macaulay Connor (James Stewart) et Liz Imbrie, une photographe sarcastique et fataliste (Ruth Hussey).  

Car l’ex-mari a décidé de se venger en donnant accès à ce mariage au magazine Spy. Il a en effet un moyen de pression sur son ex-belle famille : la preuve que le père s’amuse avec une danseuse, en Europe.   

Voilà toute une meute de chiens dans un jeu de quilles pas tout à fait stable : Tracy veut-elle vraiment épouser Kittredge ? C. K. était-il un si horrible mari ? Et Tracy, une épouse exemplaire ? Se marie-t-elle pour donner une leçon au père défaillant ?

Cela va donner lieu à de nombreux quiproquos et surtout à d’innombrables combinaisons amoureuses entre les protagonistes… Mais surtout, et c’est toute la profondeur – et la force – du film, à une prise de conscience de chacun.  Pourquoi est-on réellement aimé ? Pour notre argent ? Notre beauté ? Notre statut social, et les opportunités, le confort qui en découlent ? Existe-t-il d’ailleurs un amour véritable ? C’est la question que pose Indiscrétions, tout à la fois comédie romantique et charge féroce, portée par les meilleurs acteurs, et l’un des plus grands réalisateurs, de cette génération…




mardi 20 décembre 2022


Le 7ème continent
posté par Professor Ludovico

Bienvenue – si l’on peut dire – dans l’univers glacial de Michael Haneke, l’homme qui a hérité de la Chaire d’Entomologie Stanley Kubrick.  Dans ce premier film, qui fut à l’origine un téléfilm refusé par la télévision autrichienne, tout le talent clinique de Haneke est déjà là.

Description robotique de la vie quotidienne en Occident – métro-boulot-nettoyage auto – on suit la vie d’un jeune couple qui a l’air normal et heureux… Le mari en pleine ascension professionnelle, la femme ophtalmologiste qui travaille avec son frère et une petite fille charmante, mais qui un jour, simule l’aveuglement en classe.

Une fille d’ophtalmologiste ? L’aveuglement ? Les Hanekiens savent à quoi s’en tenir : la catastrophe est en route. On ne déflorera pas la suite (atroce, comme d’habitude) parce que le talent de l’autrichien est toujours de filmer ce que William Burroughs aurait appelé le festin nu, c’est à dire la réalité toute crue. Ici, l’implosion, l’effondrement, est rendu d’autant plus abominable qu’il est lent, inexpliqué, et calculé. Aucune explication psychologique ne viendra sauver le spectateur, lui fournir un quelconque exutoire. Haneke filme tout, de manière répétitive. Cela pourrait être gênant, pénible ou tout simplement chiant. C’est justement pour cela que l’autrichien insiste. Là où les cinéastes traditionnels caressent les spectateurs, Haneke les prend par le col, leur brise les cotes, et leur plonge la tête dans la boue glacée en les obligeant à rester les yeux ouverts.

On peut vouloir ne pas être brutalisé au cinéma, mais c’est rater quelque chose, car seul Haneke a cette franchise-là…  




vendredi 16 décembre 2022


Le Narcisse Noir
posté par Professor Ludovico

Il ne fallait pas rater Le Narcisse Noir, car c’est le film culte du parrain du Queens, Martin Scorsese : pour lui, le plus grand film érotique qui soit. Normal, il y a des bonnes sœurs, un gars torse nu et un monastère himalayen bâti sur un ancien harem. On en fait plus, des films comme ça !

Sous la supervision de la jeune Clodagh (Deborah Kerr, la fixette de Michael Powell), une demi-douzaine de sœurs sont chargées de reprendre ce harem pour en faire un monastère chrétien sur les hauteurs de l’Himalaya. Sur place, elles devront gagner la confiance de la population locale, calmer les chaudasses (Jean Simmons), et se calmer elles-mêmes, devant le torse poil du bellâtre local (David Farrar)…

Evidemment, pas de sexe, on est en 1947 et il n’y a rien à l’écran, mais comme il est dit dans Mathieu 13:13 : « que ceux qui aient des oreilles entendent ! » Chez Powell, on est dans la sensualité bondage, tout en refoulement. Un regard qui dérape sur un torse, un stylo qu’on caresse, des lèvres qui tremblent…

Chaud comme la braise, on vous dit…  




jeudi 15 décembre 2022


Colonel Blimp  
posté par Professor Ludovico

Voilà un drôle de film, maintenant ! Qui commence comme une comédie sur la Seconde Guerre Mondiale avec une trépidante course-poursuite. 2h43 plus tard, Colonel Blimp se sera révélé une tragique réflexion sur l’amour, la mort et l’écroulement de l’Europe.

Le projet lui-même est étrange. Adapté d’un comic strip parodiant les vieux officiers anglais, Michael Powell transforme ce personnage iconique des valeurs anglaises en une histoire d’amitié anglo-allemande au long cours. La structure déroute tout autant. Le film commence par un jeune officier qui fait prisonnier, lors d’un exercice, le Colonel Blimp. Son argument : à la guerre comme à la guerre. Si les nazis trichent, les Anglais doivent aussi tricher pour gagner la guerre. Tout le contraire de ce que pense le Colonel Blimp : seules les valeurs traditionnelles de l’Angleterre : honneur, probité, respect de l’ennemi permettront de l’emporter.

On croit alors que le jeune homme est le héros du film, mais par une ellipse étonnante, le Colonel Blimp plonge dans la piscine du sauna et réapparait, quarante ans plus tôt, en jeune et fringant officier début de siècle. On ne suivra désormais que lui. Parti déjouer un complot anti-anglais en Allemagne, Blimp affronte en duel Théo, qui devient son ami. A tel point que Blimp le jette dans les bras de son amie Edith : les voilà mariés !  

On va suivre alors leurs différentes rencontres, alors que la guerre enflamme l’Europe : sur le front de 14, dans un camp de prisonniers en 1919, puis en réfugié du nazisme en 1939. Dans le même temps, une histoire d’amour, perverse et contrariée, irrigue le film. Edith, dont Blimp a compris trop tard qu’il était follement amoureux, et qu’il n’aura de cesse de se réincarner dans d’autres femmes (une infirmière, une épouse, une jeune militaire, toutes interprétées par Deborah Kerr…)

Film à la fois très conservateur et très sexuel, Colonel Blimp est ce drôle de mélange : une ode à l’Angleterre Eternelle, et un long poème fétichiste à Deborah Kerr, tout en étant également crypto-gay.

Si avec ça, vous n’avez pas envie d’y jeter un œil, c’est à désespérer de CineFast




lundi 28 novembre 2022


Pleasure
posté par Professor Ludovico

Rares sont les bons films sur la sexualité, et encore moins sur la pornographie. Depuis Day One, le cinéma exploite le corps nu (des femmes, évidemment !) et rame beaucoup sur le sujet. Il y a bien sûr Boogie Nights, le chef-d’œuvre Altmanien de Paul Thomas Anderson, incroyable chassé-croisé dans le Los Angeles des années 70 : un très grand film assurément.

Mais maintenant, il y a Pleasure de Ninja Thyberg. Un film radicalement différent, qui raconte pourtant la même histoire : une jeune arriviste débarque dans la Cité des Anges et rêve de percer dans le porno. D’abord bercée par la sororité de quelques copines sympas qui y travaillent déjà, elle comprend vite qu’il faudra faire beaucoup plus pour arriver au sommet, ce fameux carré VIP des pool parties qui détermine qui fera fortune dans le business. Pour cela, il faut tout accepter : le sexe et la violence. Et Bella est prête à tout…

Au lieu de travailler le sujet avec délicatesse, Ninja Thyberg l’attaque frontalement, sans chichi. Visuellement, il y a peu de différence entre son film et un véritable porno.

Mais voilà : celui-ci n’a rien d‘érotique, il est glacial et glaçant, notamment grâce à son actrice, Sofia Kappel, formidable monolithe blond de vingt ans qui prête son regard vide (et calculateur) au personnage de Bella.

Mais aussi parce que la réalisatrice maintient de bout en bout la distance exacte qu’il faut pour traiter ce sujet. Zéro préjugés, et zéro complaisance.




jeudi 17 novembre 2022


First Cow
posté par Professor Ludovico

Pour des raisons totalement inexplicables, nous n’avons jamais parlé de First Cow, le plus grand film de Kelly Reichardt, son cours marxisto-cinématographique sur la création de valeur et la naissance du capitalisme vers 1820, au fin fond de l’Oregon.

Deux femmes se promènent, de nos jours, sur les rives d’un fleuve. Un cargo passe au loin. Elles découvrent deux squelettes. C’est l’introduction sèche de First Cow, qui ne sera qu’un immense flash-back pour raconter comment ces squelettes se sont retrouvés là.

On découvre, deux cent ans plus tôt, ces trappeurs qui font commerce, en plein territoire indien, de la fourrure de raton laveur. Le Far West n’existe pas encore, les Etats-Unis sont une petite nation peuplée essentiellement à l’Est. Otis Figowitz est un jeune juif d’Europe centrale, qui va rencontrer King-Lu, un jeune chinois avec qui il se lie d’amitié. Les deux compères vont s’associer pour survivre dans ce monde brutal. Au-delà du symbole (l’Amérique est la fusion des peuples du monde entier) First Cow raconte rien de moins que la naissance (et la brutalité) du capitalisme.

Les deux jeunes gens, qui obtiennent immédiatement la sympathie du spectateur, vont « voler » le lait de l’unique vache de la colonie pour fabriquer de délicieux gâteaux. D’abord très appréciés, le duo va vite être démasqué.

A partir de ce tout petit argument, d’un décor minimaliste (un coin de forêt, la colonie, son pré, une vache), Kelly Reichardt crée comme d’habitude des personnages attachants, du suspens, et de l’émotion. Le B.A.-BA du cinéma. Mais elle fait aussi de la politique, sans faire du pontifiant.

Du grand art, vous dis-je.

NB : Tous les Kelly Reichardt passent en ce moment sur OCS. Vous n’avez pas d’excuse.




mercredi 2 novembre 2022


The Batman
posté par Professor Ludovico

Pour regarder sereinement The Batman, il faut faire fi – comme pour tous les films super-héros d’ailleurs – de l’inanité du propos. A savoir un justicier qui règle seul les problèmes dont la police est censée s’occuper ; les problèmes en question étant en réalité la corruption endémique de ladite police Gotham City ; et que, pour résumer, il s’agit d’un justicier solitaire associé à une police corrompue qui fait taire des gens qui dénoncent cette corruption ; tout cela sans autre forme de procès qu’un bon coup de poing dans la gueule…

Cherchez l’erreur. Si souvent, les méchants de cinéma veulent juste dominer le monde (ou le détruire), les antagonistes de Batman sont souvent des redresseurs de torts : The Riddler veut dénoncer le trafic de drogue, la maltraitance des enfants de l’orphelinat, Harvey Dent, la corruption de la police, Ra’s al Ghul veut sauver la planète et Bane veut s’attaquer au capitalisme boursier…

Ce qui fait des films parfaitement bancals, où l’on soutient les méchants (en désapprouvant un peu leurs méthodes expéditives, tout en ayant peu d’empathie pour le soi-disant héros (qui ne fait pas d’efforts pour être aimable), mais dont on finit par accepter les méthodes extrêmement expéditives pour arrêter les méchants, devenus trop méchants… et finalement soutenir le pouvoir en place.    

Si l’on accepte de faire fi de tout cela, alors oui, The Batman est un très bon film de genre. Matt Reeves, déjà brillant auteur de Cloverfield, de Let Me In et de deux Planètes de Singes, développe ici à la fois une telle esthétique visuelle et une telle maestria qu’il est difficile de ne pas rester en admiration, comme devant une toile de maître. Le film est long et bourré d’idées, mais son cinéma est au service de ces idées, et de ses (bons) acteurs. La narration est fluide, pas encombrée des affèteries nolaniennes… De sorte que ce Batman-là est un pur moment d’entertainment. Que demander de plus ? Le Professorino avait raison : il fallait voir ce Batman-là.




avril 2024
L M M J V S D
1234567
891011121314
15161718192021
22232425262728
2930