Voilà une petite controverse qui aurait pu passer inaperçue, au cœur du trou noir Noël-Jour de l’An. Mais c’est la période des bilans, et Le Parisien a ouvert le bal avec un article sur les tops/flops de l’année, tout en dégonflant quelques baudruches : oui, La Vérité Si Je Mens est 4ème est un succès en nombre d’entrées (4,6M), mais c’est quand même une déception pour ses auteurs, car le film, ayant coûté 25M€, espérait bien plus (le deuxième de la franchise avait fait 7M€).
Car la règle d’or dans ce business, ce n’est pas les entrées (qui reste néanmoins le critère du public et des médias), mais bien le ratio recettes/investissements. Ainsi Paranormal Activity, Le Projet Blair Witch restent des résultats marquants, car pour des budgets minuscules (15 000$ et 60 000 $), ils ont rapportés énormément d’argent (107 M$ et 140M$). Ce qui n’empêche pas, évidemment, d’investir énormément, dans l’espoir de gagner encore plus.
Ce qui nous amène à la controverse du jour : comme le signale cruellement Le Parisien, « Les grosses stars hexagonales n’ont pas fait recette » : ni Adjani (David et Madame Hansen, 100 000 entrées), ni Gad Elmaleh (Le Capital, 400 000), ni Dany Boon, ni le casting all-stars des Seigneurs (2,7M). Et Fabrice Leclerc, de Studio Ciné Live, un magazine peu réputé pour être un histrion de la contre culture, de conclure : « Contrairement aux américains, nombre de réalisateurs français ne bossent pas suffisamment leur scénario » ; encore un qui lit CineFast !
Mais l’assaut le plus sournois ne vient pas des odieux médias, ou des horribles critiques (ces réalisateurs frustrés), non, l’attaque vient de l’intérieur, via une charge destroy dans Le Monde datée du 28 décembre (et aimablement indiqué par l’ami Fulci). Cette charge ne vient pas de n’importe qui : Vincent Maraval, patron de Wild Bunch, un des plus gros distributeurs français The Artist, Le Discours d’un Roi, Le gamin au Vélo, Polisse, Old Boy, La Chambre du Fils, etc.
Maraval parle carrément de « désastre »*. Reprenant le bilan du Parisien, il constate que tous les gros films français se sont plantés cette année. Pire, même les gros succès commerciaux perdent de l’argent. Moralité : les films français sont tout simplement trop chers.
Et d’indiquer la source du mal : les stars françaises, surpayées. Et de balancer des chiffres, qui malgré l’inclination naturelle du Professore, l’ont que même cloué sur son siège : les films français ont le deuxième budget moyen après les USA (bizarre, pour une production peu orientée sur le blockbuster à effets spéciaux). Ensuite, les cachets des acteurs : 3,5M€ pour Dany Boon dans Un Plan Parfait, une somme qui n’est pas couverte par les entrées du film ! et 1M€, pour quelques minutes dans Astérix… Ou Vincent Cassel, qui demande 226 000€ pour Black Swan et 1,5M€ pour Mesrine : dix fois moins de recettes que le film de Darren Aronofsky, cinq fois plus de salaire ! Et de multiplier les exemples avec des stars internationales comme Benicio del Toro, ou Soderbergh, qui gagnent moins que… Marylou Berry ou Philippe Lioret.
Il n’y aurait aucun mal à cela si ces chiffres étaient produit par le marché : Depardieu vaut 2 parce qu’il va rapporter 20. Le Professore, citoyen d’honneur de Los Angeles, California, est évidemment est pour le marché, et n’a jamais trouvé scandaleux le salaire des footballeurs, par exemple. Pourquoi ? parce que le salaire des stars, les primes de match, c’est l’argent des mécènes (le Qatar, Abramovitch, Aulas) ou celui des sponsors. Ils font ce qu’ils veulent de leur argent, parce qu’ils pensent que ça va leur rapporter quelque chose, de l’argent ou de l’image.
Mais là, c’est votre argent qu’il s’agit. Car si ce système existe, c’est dû au fameux fonctionnement du cinéma français. La fameuse exception culturelle dont on nous rebat les oreilles, et qui génère un régime très particulier et extraordinairement déficitaire (l’intermittence : 223 M€ de cotisations pour 1 276 M€ de paiements, et aucun chômage). Mais aussi un système extrêmement vicieux de financement**, via le CNC, Canal+ et les chaînes de TV, ce qu’explique très bien Vincent Maraval : les acteurs célèbres permettent au film de se faire, uniquement sur leur nom. Dès lors, ils disposent d’un droit de vie ou de mort sur le film, qu’ils monnayent à prix d’or. Au final, que le film ait coûté cher ou pas, qu’il ait du succès ou pas, qu’il fasse un bon score ou pas à la télé, ne change rien. Les chaînes sont obligées d’acheter des films et d’en diffuser, donc tout le monde vit bien avec ça.
Sauf le contribuable.
Moi je veux bien financer Arte, même si je la regarde rarement. Mais ça m’embête de financer Dany Boon dans Astérix.
Vraiment.
* A lire également, la réfutation par Jean-Michel Frodon, qui n’est pas n’importe qui non plus, et qui relativise en partie le propose de Maraval, notamment le « désastre ».
** qui a une seule vertu : les gros films (français et étrangers) financent les plus petits
posté par Professor Ludovico
Depuis 48h, la rédaction de CineFast est assaillie de demandes d’interview exclusive. Du monde entier, du Magyar Nemzet de Karl Ferenc, de l’Osservatore Romano de Ludo Fulci, on souhaite recueillir l’avis du Professore.
Ses assistantes, Magenta et Columbia, prennent les appels, mais ne savent que répondre : le Professore est injoignable. Il travaillerait à un livre-somme sur Starship Troopers ou à une analyse détaillée de l’influence de Kubrick sur l’art de l’origami au Japon.
La vérité oblige à dire qu’il n’en est rien. Le Professore s’en fout.
Comme de son premier pyjama Star Trek, de ses DVD de San-Ku-Kaï, ou de son 45t de Capitaine Flam dédicacé par Richard Simon.
From day one, le Professore n’aime pas George Lucas. Ce petit voleur à la tire de la SF sans talent, qui a construit son œuvre, tel le Facteur Cheval, en accumulant des bouts du travail des autres (Dune, Flash Gordon, les films de guerre aérienne des années quarante, les Chevaliers de la Table Ronde) pour écrire son petit univers minable de gentils et de méchants galactiques qui a, à notre grand désespoir, conquis la planète, tandis que les chefs d’œuvres de la SF croupissent dans les tiroirs d’Hollywood, attendant une adaptation*…
George Lucas est un escroc. Un bon producteur (Star Wars, Indiana Jones), mais un réalisateur lamentable (Star Wars, le film), un scénariste pitoyable (Star Wars 1-2-3). Les meilleurs Star Wars ont été réalisés par d’autres (Irvin Kershner) et scénarises par d’autres (Lawrence Kasdan).
George Lucas n’a rien fait d’autre après. THX 1138 est intéressant, American Graffiti pas mal, mais en dehors de ça ?
Donc, si vous voulez mon avis (et que vous n’êtes pas encore allez vous réfugier sur Oth, comme toute racaille Rebelle qui se respecte), le rachat par Disney est une BONNE nouvelle. Même pour vous, les lucasseux ! Cette franchise de produits dérivés va enfin produire de vrais films, les premiers depuis L’Empire Contre Attaque. Ça sera toujours aussi sirupeux et passionnant que les amourettes galactiques de Luke Skywalker, mais au moins il y aura une début, une fin, trois actes, des comédiens dirigés, des effets spécieux lisibles, et une musique audible.
Bienvenue dans le cinéma professionnel !
* Je fournis une liste personnelle, au cas où Bob Iger jetterait un coup d’œil à CineFast, une fois fini la lecture de Variety : Chroniques Martiennes, Les Monades Urbaines, La Ruche d’Hellstrom, Croisière sans Escale, Babel 17, L’Orbite Déchiquetée, Ubik, La Grande Porte, Demain les Chiens, Martiens go Home, Les Voyages électriques d’Ijon Tichy , La Guerre Eternelle, Radix, et, en heroic fantasy : Terremer, Le Cycle des Épées, Elric le Necromancien, L’Ombre du Bourreau, Les Neuf Prince d’Ambre…
vendredi 31 août 2012
Le vrai visage de Clint Eastwood
posté par Professor Ludovico
Clint Eastwood est républicain. Ce n’est pas une tare en soi, beaucoup de gens talentueux à Hollywood le sont : Zack Snyder, Jerry Bruckheimer…
Mais, hier, le grand Clint est monté à la tribune de Tampa Bay pour soutenir Romney-Ryan, probablement le ticket le plus réactionnaire depuis la candidature de Barry Goldwater en 1964. Ces braves gens réclament (en gros) la peine de mort partout et l’avortement nulle part. Clint ne s’est pas contenté de faire une apparition, il s’est fendu d’un discours particulièrement démago, et anti-Obama.
C’est son droit.
Ce qui est cocasse là-dedans, c’est surtout l’admiration sans borne qui règne en France autour d’Eastwood, et tout particulièrement dans la presse de gauche*. A l’instar de Woody Allen (à l’autre bord politique), tout ce que fait le grand Clint est « le nouveau chef d’œuvre de Clint Eastwood » (on notera l’aspect unique du « le », dont la répétition année après année ne cesse de faire sourire).
Bref, Eastwood a fait des bons films, voire des très bons (Un Monde Parfait, Sur la Route de Madison, Million Dollar baby, Mémoires de Nos Pères**). Depuis, il vit sur ce capital de sympathie et enchaîne, il faut bien l’avouer, des nanars (L’Echange, J. Edgar, Gran Torino).
Espérons que le discours droitier de Eastwood Clint fera ouvrir les yeux sur l’œuvre de Clint Eastwood au trio Télérama-Libé-Inrocks.
* dans la même dimension, 24, la série la plus fascisante qui soit recueille aussi l’admiration du même type de presse
**Je ne suis pas un fan d’Impitoyable
lundi 20 août 2012
Tony Scott, un ouvrier à Hollywood
posté par Professor Ludovico
Triste nouvelle ce matin en ouvrant Internet : Tony Scott est mort. Pire, il s’est suicidé, en se jettant d’un pont de San Diego.
Tony Scott, frère de Ridley, était un pilier de l’analyse CineFastienne. Réalisateur de 26 films, dans la grande tradition des faiseurs d’Hollywood, producteur de films et de séries, publicitaire renommé, il s’était fait connaître par Les Prédateurs, et son célèbre trio vampirique Sarandon-Bowie-Deneuve.
Immédiatement repéré par les Simpson-Bruckheimer, il enchaînera avec eux pendant quinze ans quelques joyaux de la GCA (Top Gun, Le Flic de Beverly Hills II, Jours de Tonnerre, Revenge, True Romance, USS Alabama, Ennemi d’Etat).
La décennie 2000 verra son talent s’émousser, trop marqué par ce style coloré des productions Bruckheimer, désormais partout, et repris par ses propres disciples (Michael Bay).
Pendant ce temps, Don Simpson mourrait et Jerry Bruckheimer assurait un tournant plus familial à ses productions.
A partir de là, Tony Scott tournera surtout avec Denzel Washington (Man on Fire, Domino, Déjà Vu, L’attaque du Métro 1 2 3, Unstoppable) ; il produira aussi des séries (Numb3rs, The Good Wife, Les Piliers de la Terre…)
Son cinéma était efficace, puissant, toujours au service de ses histoires. Il n’a jamais eu la prétention des œuvres de son frère Ridley, ce qui explique qu’il n’a réalisé aucun chef d’œuvre, mais aussi qu’il a échappé à la vindicte des déçus.
Le cinéma de Tony Scott était dans la pure tradition Hollywoodienne.