[ Les films ]



samedi 4 janvier 2025


Christine
posté par Professor Ludovico

Et si Christine était la meilleure adaptation d’un livre de Stephen King  ? Provocation, bien sûr ! Il y a Les Evadés, Misery, La Ligne Verte et… Shining ! Mais Christine a une place particulière dans le cœur du Professore Ludovico. Vu six fois en salle en français, en anglais, et là, à nouveau, grâce à Oqee, la plateforme gratuite de Free. Quarante ans après, le film n’a rien perdu de sa force terrifiante, son mauvais esprit, son cul débridé…

Car le film joue à fond la métaphore sexuelle : voiture=sexe. Sous-entendus graveleux*, pelotages appuyés, mais surtout une histoire d’amour terrifiante entre un jeune geek et une voiture. On y verra aussi une critique en règle de la famille américaine, oppressive et rigoriste.

Et pour une fois, c’est le Jock qui a le beau rôle : Dennis la quarterback (John Stockwell) tentera de sauver son ami Arnie le geek (l’inquiétant Keith Gordon), tâche impossible car il est tombé amoureux d’une voiture, et cette voiture s’appelle Christine**.

*She had the smell of a brand-new car. That’s just about the finest smell in the world, ‘cept maybe for pussy.

** Let me tell you a little something about love, Dennis. It has a voracious appetite. It eats everything. Friendship. Family. It kills me how much it eats. But I’ll tell you something else. You feed it right, and it can be a beautiful thing, and that’s what we have.




vendredi 3 janvier 2025


Apocalypse, Now, 14ème 
posté par Professor Ludovico

Quel meilleur film de Noël qu’Apocalypse Now ? Même si ce n’est pas notre premier voyage au Vietnam, c’est l’occasion de le montrer à d’autres, et de revisiter le temple Khmer de Coppola. Car nous sommes en possession d’une rareté : le coffret Blu-Ray avec la version d’origine, sans générique ni bombardement final. Bref, un morceau de la Vraie Croix.

Rien de nouveau sous le soleil de plomb du delta, mais l’opportunité – toujours – de découvrir de nouvelles choses…

Ainsi, nous n’avions pas remarqué ces motifs qui se répètent au début et à la fin. Si le Parcours du Héros est parfaitement documenté, the Rise and Fall du Capitaine Benjamin L. Willard, cette symétrie ne nous avait pas frappé. Or, que constate-t-on ? D’abord, l’un des premiers plans est aussi le plan de fin, cet admirable fondu enchaîné sur le visage de Willard / les statues de rois khmers. Symboles de la répétition de l’histoire, et de sa violence éternelle.

Il y en a d’autres. Au début, dans un accès de delirium tremens, Willard se barbouille de sang. Dans la scène finale, il est aussi barbouillé du sang, celui de son ennemi / son double, le Colonel Kurtz. D’ailleurs, il s’est fait un masque camouflage identique à celui de Kurtz, quelques scènes plus tôt.

On continue. Dans la première scène, des soldats viennent chercher Willard pour lui confier sa mission, ils montent des marches (Rise). Dans la dernière, sa mission accomplie, c’est lui qui descend des marches une fois sa mission accomplie (Fall). Comme il est dit, « Je voulais une mission, et pour mes péchés ils m’en donnèrent une* » et, à la fin, « Ils allaient me nommer Major pour ça, alors que je ne faisais plus partie de leur putain d’armée ** ».

Le chemin est accompli : Willard n’est plus un soldat des Forces Spéciales, mais il ne s’est pas transformé en Kurtz (comme les autres, ou comme il le craignait lui-même). Il n’est pas devenu ce Dieu du Chaos prêt à bombarder ses propres indigènes*** (comme dans le fameux happy end absent de la version originelle). Non, Willard est devenu le Roi. Le peuple de Kurtz ne s’y trompe pas ; ils rendent les armes et s’inclinent devant leur nouveau souverain. Willard descend les marches. Roi magnanime, il a dans les mains une épée (le Guerrier, la Justice) et un livre (les souvenirs de Kurtz) : la Loi.

This is The End : La musique des Doors, présente au début et lors du meurtre de Kurtz, s’est arrêtée : seul subsiste le calme de la pluie… La boucle est bouclée ; y’a-t-il un début, une fin à cette histoire ?

Ou simplement, éternellement : the horror, the horror…

*”Everyone gets everything he wants. I wanted a mission, and for my sins, they gave me one. Brought it up to me like room service. It was a real choice mission, and when it was over, I never wanted another.”

** “They were gonna make me a Major for this, and I wasn’t even in their fuckin’ army anymore.”

*** EXTERMINATE THEM ALL, écrit en rouge dans le récit de Kurtz




jeudi 2 janvier 2025


Le Train
posté par Professor Ludovico

Parmi les dizaines de films de guerre que le Professore a vu depuis les années 70, il manque toujours quelques icônes : Le Train de John Frankenheimer en fait partie. Et voilà que Prime Video nous annonce que le film va quitter la plateforme, et nous voilà comme qui dirait, obligé de le regarder.

Et là, le choc.

La carrière de John Frankenheimer ne nous jamais ébloui, c’est un de ces artisans talentueux d’Hollywood qui n’ont pas vraiment d’œuvre, ni même de coup d’éclat. Dans sa filmographie, on retient 7 jours en Mai, Un Crime dans la tête, Ronin

Rappelons l’argument de ce Train : 1944, la deuxième DB est aux portes de Paris, les Allemands fuient la capitale et Waldheim, un colonel allemand (Paul Scofield) se promène, de nuit, dans les couloirs du Grand Palais. Grand admirateur de peinture, il est venu voler ces toiles pour les emmener en Allemagne, au grand désarroi de la conservatrice (Suzanne Flon)… Celle-ci s’adresse à la Résistance, pour qu’elle bloque ce train pendant quelques jours, le temps que Paris soit libéré. Mais Labiche (Burt Lancaster), chef de la résistance cheminot, a d’autres chats à fouetter : stopper le ravitaillement des Allemands.

Faut-il sacrifier une quelconque humaine pour quelques tableaux ? Le film va poser cette question philosophique comme un fil rouge, sans jamais vraiment y répondre. Mais pour cela, il convoque tous les talents possibles du cinéma. Car, n’hésitons pas à le dire (à CineFast on ne fait pas dans la demi-mesure), ce film est parfait.

La photo d’abord. Un noir et blanc somptueux (dû à deux chef op français, Jean Tournier et Walter Wottitz) qui met en valeur les visages couverts de charbon de Michel Simon et de Burt Lancaster, deux genres de beauté, on en conviendra, très différents. Les cadrages sont magnifiques de précision : un premier plan avec des clous de rail saboté, et au fond, en flou, les bottes allemandes qui s’approchent. Le casting est parfait. Mélange d’acteurs français connus (Suzanne Flon, Michel Simon, Jeanne Moreau) et d’autres au visage connu (Jacques Marin, Albert Rémy, Charles Millot), appareillés à un Burt Lancaster minéral en résistant antihéros. En face, un couple illustrant deux visions de la défaite allemande Scofield en colonel jusqu’au-boutiste et Wolfgang Preiss en commandant désabusé.

La construction du film elle-même est un chef-d’œuvre d’accumulation d’enjeux : Pourquoi Michel Simon demande de la monnaie sur son billet de cinq francs ? Pourquoi Jeanne Moreau n’a pas très envie d’aider la résistance ? Pourquoi Labiche ne veut pas sauver les tableaux ? Tout cela s’empile comme la pyramide de Khéops, qui aboutit au chef-d’œuvre final, dans la mise en scène serrée de ce grand croyant dans le cinéma qu’est John Frankenheimer. Très peu de dialogues, aucune explication inutile, l’action est scandée par le montage, la discrète musique de Maurice Jarre, et les bruits diégétiques…

Comme cette locomotive à l’arrêt, dont les échappements de vapeur ponctuent le final.

Ils n’ont pas fini de nous hanter…




mercredi 1 janvier 2025


Nosferatu
posté par Professor Ludovico

Bien sûr, Nosferatu, c’est magnifique… Les décors, la musique, les acteurs : tout est au sommet. Pour 50 millions de dollars, encore heureux… C’est la nouvelle vague du cinéma d’horreur, non plus les série B de notre jeunesse cinéphilique, bricolées avec peu de moyens par John Carpenter, Joe Dante, Sam Raimi, ou Wes Craven, mais les très grosses productions de Jordan Peele (Get out, Nope)  ou, ici, Robert Eggers (The Witch, The Lighthouse). Une volonté de faire des films soignés, esthétisants, réalistes, avec les moyens afférents…

Mais autant Jordan Peele a quelque chose à dire sur l’Amérique, le racisme, le capitalisme, autant Eggers ne dit rien avec son cinéma. A-t-on peur ? Non. Y’a-t-il des enjeux, des personnages intéressants ? Non plus. Y’a-t-il un message politique, sociétal, féministe ? Il est bien caché. Modernise-t-il le mythe vampirique, comme peut le faire, chacun à son échelle, The Vampire Diaries ou Entretien avec un Vampire ? Toujours pas.

Eggers ne filme pas Nosferatu, il le refilme. Qu’apporte-t-il de plus que la version de Murnau (1922) ou celle de Herzog (1979) ? Rien.  

C’est donc le retour du cinéma de décorateur, celui de Ridley Scott, ou, d’une autre manière, celui de Quentin Tarantino : refaire ses films fétiches, mais avec tous les moyens du monde.

Ce n’est pas de l’art. C’est du modélisme ferroviaire.




lundi 23 décembre 2024


Leni Riefenstahl, La Lumière et Les Ombres
posté par Professor Ludovico

Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. Cinéma sans morale n’est que ruine de l’âme, également. Voici donc la tragédie de Leni Riefenstahl, qui, si elle était morte en 1938, ou simplement exilée à Hollywood, serait devenue l’une des plus grandes icônes du cinéma mondial. Danseuse, skieuse, alpiniste, magnifique actrice, géniale réalisatrice : voilà ce qu’on aurait retenu de Leni Riefenstahl.

Mais non, elle est restée auprès d’Hitler puis a prétexté qu’elle n’y pouvait rien. La Lumière et les Ombres démontre le contraire, évidemment. Ses contradictions et ses mensonges, et, au cœur, l’égo incommensurable d’une star ; une Kim Kardashian des Années Trente. Leni Riefenstahl ne peut pas à la fois être un génie et n’avoir rien compris de ce qui se passait autour d’elle.

Le film le montre très malignement, à base d’interviews d’après-guerre non coupés (montrant une Riefenstahl colérique et soucieuse de son image), d’extraits de talks-shows, de photos issues de ses archives personnelles, et de making of jamais vus jusque-là. Le documentaire découvre (comme on ôte un voile) le portrait d’une femme obsédée par l’Art et la Beauté, qui ne réfléchit jamais plus loin. On l’interroge sur le message du Triomphe de la Volonté, son panégyrique du congrès nazi de 1933 ? Il n’y en a pas, moi je filmais simplement ce que je voyais : je filmais le congrès, je filmais les Jeux olympiques, je filmais la Pologne en guerre…

Mais c’est comme par hasard sur ce dernier reportage inachevé qu’elle démissionne. En 1939, elle suit la Wehrmacht dans sa campagne de Pologne. Pour la première fois, elle est confrontée non plus à la beauté, mais à la réalité. Des soldats, des civils se font tuer. Et parfois même, selon ce documentaire, à cause d’elle. Suite à une directive de la cinéaste « Je ne peux pas filmer, avec tous ces juifs qui sont dans le plan », s’ensuit une méprise. Et une fusillade.

Le film se termine par un plan grotesque, mais qui résume sa personnalité. Presque centenaire, on l’installe dans un fauteuil pour une interview. Grande professionnelle, elle se préoccupe du cadre, des éclairages… Alors qu’elle y voit à peine, elle décèle une ride sur son visage (qui en compte des dizaines), mais cette ride-là, il faut absolument l’effacer au maquillage…

Filmer la beauté, la perfection. Jusqu’au cauchemar.




dimanche 15 décembre 2024


Le Successeur
posté par Professor Ludovico

Le cinéma, c’est compliqué. Avec Le Successeur, on se dit pourtant que c’est dans la poche, vu qui est aux commandes : Xavier Legrand, le très bon réalisateur de la duologie sur les violences familiales Avant que de Tout Perdre / Jusqu’à la Garde, où Legrand avait démontré un sens inné du thriller.

Paradoxalement c’est ce qui pêche ici. Le Successeur est un film-cerveau, extrêmement bien structuré, où la construction des enjeux semble planifiée par un tableur Excel. Mais il manque un tout petit détail, un simple réglage qui va faire tomber l’échafaudage.

Rappelons le pitch. Au début du film, Ellias (Marc-André Grondin*), vient de réussir sa première collection de haute couture, et va devenir directeur artistique d’une grande maison parisienne. Mais le voilà obligé de retourner au Québec pour organiser les funérailles de son père qu’il n’a pas vu depuis 25 ans, et visiblement, qu’il déteste. Ce n’est pas l’avis du voisinage, qui aimait cet homme bon et généreux. En fouillant la maison paternelle, Ellias fait une découverte qui bouleverse son existence.

Ce qui cloche alors, c’est l’attitude avec laquelle réagit notre protagoniste. Pour dire les choses simplement, Ellias est présenté de manière plutôt positive. C’est ce qu’on appelle en dramaturgie un « héros » ; on est avec lui. Mais il fait alors quelque chose, dramatiquement parlant, d’« antihéroïque ». Ce geste qu’il entreprend dans le second acte du film n’a aucun sens, par rapport au personnage présenté jusque-là.

Si Legrand avait montré ce personnage sous un angle un tout petit peu plus négatif (odieux, carriériste, égocentrique…), cette chronique n’aurait pas lieu d’être. Le réalisateur a bien laissé quelques indices dans le premier acte, mais ces signaux sont trop faibles pour être perçus par le spectateur. C’est comme si le volume « odieux connard » était réglé trop bas…

A partir de là, on va s’interroger sur cette incohérence (gars sympa/parfaite saloperie**) et quitter mentalement le film. Film qui construit pourtant un parfait échafaudage de montées en pression propres au thriller (voisins, maison de couture, pompes funèbres…)

Problème : notre héros est devenu quelqu’un dont n’a plus rien à foutre…

*Peut-être une erreur de casting, parce qu’il est immédiatement sympathique

** Pour ceux qui ont vu le film, l’autre solution aurait pu être de partir de l’accident de l’escalier, qui rendait son attitude plus réaliste…  




samedi 14 décembre 2024


The Substance
posté par Professor Ludovico

Chez les copieurs, il y a les copieurs de génie, et les autres. Un copieur de génie, par exemple, c’est Martin Scorsese. Il n’a jamais caché – n’ayant pas fait d’école de cinéma – donner à ses équipes consigne de copier une idée dans son immense cinéphilie : « Je voudrais une musique intimiste, un peu comme chez Fellini, des couleurs éclatantes, comme chez Michael Powell… », etc.

Et puis il y a Coralie Fargeat, qui a elle aussi absorbé toute la cinéphilie du monde. Avec The Substance, elle est tombée sur un filon, un sujet d’époque, un sujet magnifique. La possibilité de créer un double, meilleur que soi-même, mais avec qui on doit partager sa vie : une semaine pour toi, une semaine pour moi. Belle fable à l’heure d’Instagram, de la téléréalité, du Male Gaze et de la chirurgie esthétique, The Substance tombe juste, Portrait de Dorian Gray moderne. Le temps qui passe, l’obsession de la beauté et de le jeunesse, Hollywood la machine qui bousille tout, et notre irrémédiable propension à l’autodestruction.  

Mais ce qui cloche, c’est la forme. A trop vouloir copier, trop vouloir citer, on finit par ne plus savoir où est la cinéaste Coralie Fargeat. Ici encore, on a une cinéaste qui ne pense pas. Ou plutôt qui ne pense qu’à l’image qu’elle veut réaliser, au lieu de penser à l’idée que cette image doit véhiculer.

Au milieu des innombrables citations (2001, Shining, Elephant Man, Mulholland Drive…), le film se perd, le film est trop long. Fargeat a beau avoir deux très grandes actrices aux commandes, Demi Moore et Margaret Qualley (qui accomplissent toutes deux des performances exceptionnelles), elle a beau invoquer une direction artistique et une musique parfaite, elle ne fait jamais confiance à son public, ou a son cinéma. Tout est expliqué, réexpliqué, souligné, stabiloté.

L’ordonnance de la Substance ? On la reverra sous toutes les coutures. L’héroïne prend une aspirine ? Coup de tambour ! Elle saigne du nez ? Musique dramatique ! Son patron est un connard ? Fish eye sur Dennis Quaid qui enfourne des crevettes. Pour l’intelligence du spectateur, sa capacité à formuler le film dans sa tête, on repassera.

Quant aux dialogues – qui semblent écrits par Luc Besson – tout y est caricatural*. Le portrait des hommes en particulier est gratiné : veules, obsédés sexuels, crétins : pas un gramme de nuance là-dedans. On n’écrirait pas une telenovela autrement*.

Le body horror, ce n’est pas pour tout le monde. Le grand prêtre du genre, David Cronenberg, a réussi parfois (Videodrome, Faux Semblants), mais aussi échoué (EXistenZ, Le Festin Nu). Le sous-genre exige à la fois des transgressions ultimes et des subtilités paradoxales.

The Substance cite encore un film pour finir (le Carrie de Brian de Palma), mais trop c’est trop, on n’en peut plus, la réalisatrice nous a perdu en route avec un final catastrophique et grand guignolesque. D’abord parce que les effets spéciaux, jusque-là parfaits de réalisme, semblent soudain sortis du plastique des années 80 de The Thing. Ensuite, parce que ce final n’a aucun sens. Gore, ensanglanté, démesuré, il fait sortir The Substance des rails du réalisme clinique où il naviguait depuis deux heures, avec la mâle assurance d’un TGV…

C’est dommage, parce qu’il y a un grand film caché sous The Substance, qu’on aperçoit parfois ; il fallait être plus court, plus léger, et surtout, plus subtil.

*Mais Palme d’Or 2024 du scénario




vendredi 29 novembre 2024


Arcane saison 2
posté par Professor Ludovico

De certaines séries, on souhaite parfois qu’elles ne soient pas si diluées. Lost n’aurait dû durer que quatre saisons. Seinfeld aurait été meilleure si elle s’était arrêtée au départ de Larry David. La première saison d’Orange is the New Black était parfaite, etc., etc.  Mais Arcane, c’est différent, on voudrait une saison de plus.

La formidable entreprise de Riot Games/Fortiche se termine au bout de ce formidable dix-huitième épisode. Si la saison 1 a ravi la moitié de la planète, la saison 2 laisse un goût de trop peu. Multitude de personnages, arcs à conclure, mystères à résoudre, il fallait plus de 360 minutes pour savoir ce qu’il allait advenir de Vi et Jinx, et de tous les autres fabuleux personnages issus de League of Legends.

Qui trop embrasse mal étreint ? Peut-être. En tout cas, Arcane a beaucoup embrassé, et on en veut plus.

Quelque part, cette saison 2 est ivre de son talent, et de son succès. Elle déploie encore une fois une ambition scénaristique, politique, philosophique rarement vues dans une œuvre de genre. Sans parler de l’esthétique : la barre a été mis tellement haut qu’on souhaite bon courage à la concurrence.

Mais à force de rajouter des personnages, des storylines, des flash-backs, des concepts, on est perdu car la narration doit de se résoudre à des sauts narratifs incessants entre les personnages : l’épisode n’a pas le temps de déployer toutes ses ailes. Il doit faire appel à des ellipses complexes qui perdent le spectateur.

Il aurait fallu peut-être renoncer à quelques éléments supplémentaires (le personnage d’Isha par exemple), ou, au contraire, se donner les moyens de faire plus : une saison supplémentaire, ou trois/quatre épisodes additionnels.

Il n’en reste pas moins qu’Arcane reste un diamant parfaitement taillé et poli. Un miracle inexplicable, ou la preuve même de l’existence de Dieu.

La démonstration en tout cas qu’une œuvre, tirée d’une aussi grosse licence, ne doit pas forcément être écrite par une intelligence artificielle/une direction marketing, mais par des gens qui ont un cœur.

Et un cœur qui bat très fort.




mardi 5 novembre 2024


Jerry Maguire
posté par Professor Ludovico

Jerry Maguire, film de 1996, bénéficie – de façon assez inexplicable – d’une bonne réputation, trente ans après.

Quand on découvre le film aujourd’hui, c’est plutôt pénible à regarder*. Eternelle histoire de rédemption d’un crétin friqué qui rencontre La Femme. Tom Cruise incarne un agent sportif qui, grâce à une gentille nunuche (Renée Zellweger) et son petit garçon tout mignon (Jonathan Lipnicki), comprend le Sens de la VieTM.  

Si le postulat de départ est originalement traité (Cruise devient un born again agent dès le générique, écrivant en pleine nuit une mission statement censée redéfinir le métier de l’Agence « moins d’argent, plus d’humain (sic) » et se faisant virer illico), la suite est assez horrible.

Voilà Jerry Maguire quasi seul, avec un misérable (et irascible) client, Rod Tidwell, footballer sur la pente descendante. Seule la petite comptable de l’Agence (Renee Zellweger, déjà folle amoureuse) accepte de suivre Mr Mission Statement, quoi qu’il arrive.

Les deux mâles (Cruise et Cuba Gooding Jr**) jouent sur stéroïdes, Zellweger minaude, Lipnicki est tout choupinet, et, au cas où vous ne sauriez pas où pleurer, une petite musique folk signée Nancy Wilson (Mme Crowe à l’époque) accompagne le tout. On passera donc toutes les étapes de la Romcom (le rendez-vous raté, le bisou sur le pas de porte, la grande sœur qui dit « si tu lui fais de la peine, je te tue »). Le propos humaniste prend quand même un coup dans l’œil quand l’agent et le wide receiver délivrent (sous coke ?) la citation la plus célèbre du film « SHOW ME THE MONEY !!! ».

On ressort épuisé, 139 minutes plus tard, devant tant de coke et de guimauve mélangées.

*Ce n’est pas une question d’époque : en 1996, c’est l’année de Fargo, The Rock, Une Nuit en Enfer, Mission: Impossible…

** Qui gagnera tout aussi inexplicablement un Oscar du meilleur second rôle…




jeudi 31 octobre 2024


Anora
posté par Professor Ludovico

Sean Baker nous a encore pris par surprise. Après Tangerine, errance angeleno sur iPhone avec les travelos de Los Angeles, il récidive avec Anora, un film qui vous glisse des mains comme une carpe.

Anora, ça commence comme un documentaire sur le lap dance : dans son gentlemen’s club newyorkais, une jeune stripteaseuse, Ani (qui n’aime pas qu’on l’appelle Anora), est orientée vers un très jeune client, Vanya, parce qu’elle parle un peu russe. La lap danseuse fait son show, Vanya en redemande. L’argent coule à flot et bientôt, le jeune russe lui propose une girlfriend experience. Ani sera sa petite amie officielle : elle emménage dans la luxueuse mansion du garçon, visiblement très riche… Le film bascule alors dans une comédie romantique, avec demande en mariage à la clef… Mais voilà que débarquent les gros bras. Et le film devient une parodie scorsesienne, façon Affranchis.

Sean Baker va ainsi déjouer toutes les attentes. A chaque fois que le film frôle l’ennui, Baker repart. Un rebond de l’intrigue, un changement de genre, une métamorphose de la mise en scène, servie par des acteurs inconnus mais excellents…

Dans Tangerine, le trash talk des travestis de Los Angeles révélaient des vérités plus profondes sur les protagonistes, et les coulisses peu reluisantes de la Californie. Dans Anora, il en va de même. Derrière la vulgarité évidente de son sujet, Sean Baker cache un propos bien plus pénétrant.

Ani – qui n’a pas sa langue dans sa poche non plus – dit en creux la colère des petits contre les riches, jusqu’à ce qu’une fin magnifique lui révèle des vérités plus profondes sur elle-même.

Derrière la fable, le film de Baker cache une satire marxiste sur la lutte des classes et les ultrariches. Et en dernière extrémité, tout au bout de la comédie, une interrogation sur la profonde tristesse de nos vies…




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