[ Les films ]



vendredi 5 janvier 2024


Autant en Emporte le Vent
posté par Professor Ludovico

Après s’être refait l’intégrale Ken Burns – The Civil War, Arte diffuse Autant en Emporte le Vent et l’envie de revoir la bête nous saisit. Vu il y a une trentaine d’années, l’objet nous avait laissé à peu près sans commentaire : froufrous, Technicolor, et « Tara ! Tara ! Tara ! »

Aujourd’hui, le film de Victor Fleming pique carrément les yeux. C’est non seulement une propagande éhontée pour le Vieux Sud, son art de vivre, ses robes à crinoline et ses esclaves si bien traités, et l’immense tristesse que tout cela disparaisse sous les coups de boutoir de ces vulgaires yankees…

C’est aussi l’éloge de personnages absolument détestables. Comment le livre, puis le film, ont pu avoir un tel succès (notamment auprès de la gent féminine) reste un mystère insondable. Scarlett O’Hara est une garce capricieuse, une insupportable manipulatrice, entièrement centrée sur elle-même. Rhett Butler, qui pourrait fournir un intéressant point de vue, est tout aussi détestable. Quand elle s’adoucit, il la frappe et la viole. Elle, si prompte à la vengeance, se réveille le lendemain matin plutôt satisfaite !

Le cinéma regorge de sociopathes de ce genre, mais il y a toujours un point de vue. Tony Soprano est une ordure, un tueur, un mauvais père, mais on sait pourquoi. Il est capable d’actions désintéressées, ce qui fait qu’on ne peut vraiment le détester. Mieux, on voudrait le protéger de lui-même. Garance, des Enfants du Paradis, fait tout pour survivre, quitte à sacrifier les hommes qu’elle aime : elle en paiera le prix cher. Barry Lyndon est un arriviste : d’abord aimé du spectateur qui l’ « aide » dans son ascension aristocratique, le voilà détesté au mitan du film pour son attitude envers sa femme… Chacun de ces personnages n’existerait pas sans l’empathie du spectateur, elle-même créée par le point de vue du réalisateur.

Mais le pire de Gone with the Wind reste à venir : la morale finale… Pour Scarlett (et pour Margaret Mitchell) rien ne compte plus que la terre. Elle a perdu père et mère, maris et amants, et deux enfants, le plus souvent par sa faute… Pas grave : il lui reste Tara, et demain est un autre jour ! Philippe Pétain ne disait pas mieux : « La terre ne ment pas »

Que reste-t-il alors : la technique. Un technicolor éclatant,  d’une beauté rarement égalée, des audaces visuelles, et des reconstitutions spectaculaires…

Et bien sûr, la punchline la plus célèbre du cinéma :

– « Que vais-je faire ? Où je vais aller ?
– Franchement, ma chère, c’est le cadet de mes soucis
! »

Autant en Emporte le Vent ? Frankly my dear, I don’t give a damn…   




jeudi 4 janvier 2024


Le Règne Animal
posté par Professor Ludovico

Voilà un film qui a mis le Professore Ludovico dans une immense colère, à la hauteur des attentes que Thomas « Les Combattants » Cailley pouvait susciter. Une colère morale, et une colère cinématographique.

Morale, car si l’art, et en particulier le cinéma, sont le reflet de la psyché d’un peuple, il y a de quoi s’inquiéter pour l’Occident. Le Règne Animal vient s’ajouter à la panique morale qui s’insinue dans un certain nombre de films qui procèdent de la haine d’elle-même de la civilisation occidentale. Après deux mille ans de christianisme centré sur la primauté de la vie humaine (pour le meilleur et pour le pire), le rejet de cette idée s’intensifie : la vie humaine n’est plus une valeur cardinale.

C’est ce qu’illustre Le Règne Animal, c’est aussi ce que disait en creux des films comme Titane (aimons les monstres, aimons la machine) ou The Creator (l’intelligence artificielle est une vie qui en vaut une autre), ou des séries comme Westworld, où les robots valent souvent mieux que les humains.  

Peu importe le degré d’intelligence – ou de stupidité – du message développé. Ici, l’idée est que la prochaine évolution serait une fusion avec l’animal (homme-oiseau, homme-otarie…), et que cela, quelque part, ne serait pas plus mal. Une idée qui cohabite parfaitement avec les préoccupations écologiques du moment, qui sont, elles, parfaitement justifiées…

C’est aussi l’idée, par ailleurs très américaine, que la Civilisation, la Cité, la Loi, c’est le Mal, et que le Bien réside à la campagne ou dans l’état de Nature.

Rien n’est plus faux, évidemment. La fourmilière a-t-elle des précautions écologiques ? Se soucie-t-elle de ne pas trop exploiter son écosystème ? Evite-t-elle de s’étendre pour laisser la place à d’autres fourmilières ? Le tamanoir devient-il vegan devant la possible extinction de l’espèce fourmi ? Bien sûr que non : la nature est sauvage, le plus fort mange le plus faible, et son plus grand prédateur, l’homme, s’est à la fois extrait de cette sauvagerie (par la religion, la civilisation, la loi) sans arriver à limiter complètement son avidité. C’est son dilemme, et c’est son destin.

Une colère cinématographique, ensuite… Thomas Cailley est un grand cinéaste, qui n’hésite pas à se revendiquer de Michael Bay, ce qui le rend immédiatement sympathique au CineFaster. Disons-le tout de suite, Le Règne Animal est un grand film, beau et spectaculaire. Mais c’est aussi un scénario ultra-convenu, où chaque scène est prévisible, où les clichés s’accumulent. Les gars de la campagne sont forcément des beaufs racistes, forcément chasseurs. Les jeunes sont sympas, sauf le blond. La Police, les militaires, sont forcément l’outil d’une répression implacable. On a avait connu un Cailley plus fin dans ses Combattants

Il y a là en vérité un problème de genre. Là où Michael Bay ou Steven Spielberg rendraient cette fable légère et divertissante, Thomas Cailley en fait un pensum tragique.  

On sauvera néanmoins la performance des jeunes acteurs, en particulier Paul Kircher, et le final, assez gracieux, qui retrouve une forme d’innocence et de beauté, quand le père rend sa liberté à son fils…




jeudi 21 décembre 2023


Les illusions perdues de Gérard Depardieu
posté par Professor Ludovico

Il y a une dizaine d’années, nous avions comparé l’étrange bienveillance dont bénéficiait Notre Plus Grand Acteur National, comparé aux footballeurs, voués aux gémonies dès la moindre incartade, steak en or de Ribéry, sex tape de Valbuena, ou… négociations salariales avec les sponsors de l’Equipe de France.

Aujourd’hui, force est de constater que cela a peu changé. Ce que fait Gérard Depardieu, tout le monde le sait depuis longtemps… Ce n’est pas l’avis du Président de la République, qui a cru bon se lancer – parmi mille autres arguties hasardeuses, celle-là bien plus graves – dans la défense de notre trésor national.

Hier dans C à Vous, Emmanuel Macron a rappelé la présomption d’innocence : il aurait dû s’arrêter là. Depardieu est accusé de viol. Il doit être jugé par la justice, et non par les médias, nous sommes d’accord. Le rôle du Président de la République n’est pas de l’accabler. Il ne doit pas le défendre non plus.

C’est pourtant ce qu’a fait Emmanuel Macron, longuement (3mn) : « C’est un grand acteur », « Il a fait connaître la France, nos grands auteurs, nos grands personnages dans le monde entier », « Il rend fière la France… »

Non, Monsieur le Président, il y a longtemps que Gérard Depardieu ne rend plus fière la France.




lundi 27 novembre 2023


Musicaline
posté par Professor Ludovico

« En 1975, Steven Spielberg rame avec la mise en scène des Dents de la Mer, faute de moyens financiers et techniques » Ainsi commence la chronique de Musicaline consacrée à John Williams, vendredi dernier sur France Inter.

Tout est dit sur la perception française du cinéma. Un pauvre réalisateur, Steven Spielberg, face à un criant manque de moyens, même aux États-Unis ! Un simple détour sur Internet vous apprend que le budget de Jaws s’élevait à 7 M$, ce qui est énorme à l’époque…*

Comment peut-on se fourvoyer encore à ce point ? Comment peut-on ne pas vérifier ce qu’on dit ? Le Professore Ludovico, qui n’est pas journaliste et fait ce magnifique site à temps perdu, jette toujours un œil sur Wikipédia, sur IMDb…

En réalité, les préjugés sont plus forts que tout. Aline Afanoukoe est convaincue que le cinéma, c’est le combat éternel du pauvre créateur contre le méchant producteur. Rien n’est plus faux, il suffit de lire Easy Riders Raging Bulls. Au contraire, Universal lui a confié ce film parce qu’ils avaient été très impressionnés par Duel. Hollywood vit par le fric, mais sait ce qu’est le talent.

Lui ne se paye pas de mots…

* La même année, La Kermesse des Aigles coûte 5 millions, Rollerball, 6 millions, Barry Lyndon, film en costume de trois heures, 11 millions. Pour l’anecdote, les pages françaises Wikipédia n’ont pas le budget des films, et celle en langue anglaise les ont.




mercredi 22 novembre 2023


As Bestas
posté par Professor Ludovico

Un chef-d’œuvre cinématographique, c’est facile à détecter… Ça se voit dès les premières images, magnifiques, ce ralenti sur des paysans empoignant un cheval pour le dompter, pour le maîtriser… Mais ça se juge surtout à la fin, quand on espère secrètement, dans son fauteuil UGC, dans son canapé, que le film se termine là, maintenant ! C’est le cas d’As Bestas. Rodrigo Sorogoyen, son metteur en scène, fait ici fait preuve une telle maestria cinématographique, d’une telle maîtrise que c’est à en pleurer. Le sujet, l’ambiance, ont déjà été traités mille fois : des citadins débarquent à la campagne, font tout pour s’intégrer, et sont mal accueillis. Histoire éternelle… Ici, un couple de français a tout quitté pour monter une ferme dans un village perdu de Galice. En face, leurs voisins espagnols qui vivent là depuis des siècles les envient, les jalousent, les méprisent…  Le drame va se nouer, mais très lentement, sans jamais utiliser le moindre cliché. Même les grands films en utilisent, pour caractériser un personnage ou pour faire avancer l’action. Il y un chien ? Il va se faire tuer… La fille du patron arrive ? Elle va se faire agresser…

Rodrigo Sorogoyen ne saisira aucune de ces perches,  filmera son intrigue dans une grande économie de moyens. Ses plans sont sublimes, et tout sera au service de son cinéma. On n’est pas prêt, par exemple, d’oublier le très léger travelling sur une partie de dominos, qui fait monter la tension comme jamais, tout en haussant au même rythme lancinant la colère des personnages. Pour cela, il faut de très grands acteurs : inoubliable Marina Foïs, très grand Denis Ménochet, mais surtout excellent Luis Zahera, l’acteur espagnol qui interprète le terrifiant voisin, sans le réduire à son cliché.

Recommandé à la fois par les Services Secrets hongrois (Karl Ferenc) et la Section République de l’Amicale Parisienne du Stade Toulousain (Notre Dame de Nazareth), AS Bestas est la révélation CineFast du mois.




mercredi 15 novembre 2023


Country Music, L’Amérique face à l’Holocauste, et Rétrospective Ozu
posté par Professor Ludovico

Bon ça n’a pas grand-chose à voir, mais trois bonnes nouvelles à la fois, ça ne fait pas de mal en ce moment…

Deux Ken Burns pour le prix d’un : le tout nouveau, et toujours passionnant L’Amérique face à l’Holocauste mais aussi la reprise de Country Music Une Histoire Populaire des États-Unis, un documentaire éclairant sur cette musique méconnue (et donc méprisée), qui vient pourtant du métissage européano-africain qui a fait l’Amérique. Loin du cliché du cowboy qui chante son camion en panne, en tout cas…

Et si l’envie vous prend d’attaquer un porte-avions américain, il reste toujours la possibilité de choisir dans les dix films de Yasujirō Ozu. Le Professore Ludovico n’en a vu que trois, mais vous pouvez toujours vous adresser au Framekeeper !

Bonjour
Voyage à Tokyo
Fin d’automne
Printemps tardif
Fleurs d’équinoxe
Été précoce
Crépuscule à Tokyo
Le goût du saké
Printemps précoce
Le goût du riz au thé vert

Tout cela est sur Arte est c’est gratuit !




vendredi 10 novembre 2023


Killers of the Flower Moon
posté par Professor Ludovico

« Des hommes on peut dire ceci, qu’ils sont ingrats, changeants, simulateurs et dissimulateurs, fuyards devant les périls, et avides de gains…»

On ne sait pas si Martin Scorsese a lu Nicolas Machiavel mais ces Tueurs de la Lune aux Fleurs ne raconte que ça :  comment l’humanité ne change pas, comment l’humanité ne changera jamais…

Quand on va voir un Scorsese, on sait qu’il y a un style Scorsesien : montage virevoltant, violence débridée (mais non dénuée de morale), et Gimme Shelter à un moment ou à un autre…

Mais ici, on va de surprise en surprise : Martin Scorsese semble avoir pris son temps pour raconter cette histoire d’indiennes Osages épousées, puis assassinées méthodiquement, afin de s’emparer de leurs terres…

Non seulement le film est long (3h30), mais le rythme aussi. Pourtant on ne s’ennuiera pas une seconde. La violence, cantonnée à sa clinique description, n’en sera que plus atroce, et plus surprenante à chaque fois. C’est comme si Martin avait littéralement laissé tomber son costume de Scorsese. Sans aucune affectation stylistique, se cantonnant à de simples champs-contrechamps, à des plans fixes, rien ne viendra contrarier la description, lente mais implacable, de l’avidité et de la bêtise*.

C’est un Leonardo DiCaprio des grands jours qui arrive, la mâchoire serrée, à Fairfax, Oklahoma. Ernest, vétéran de la Guerre 14, a l’air bête à manger du foin, mais son oncle King Hale (De Niro) est intelligent pour deux ; il l’accueille et le conseille sur son intégration dans cette communauté si particulière, où les Indiens sont ultra riches et les blancs, pauvres, travaillent pour eux…

Scorsese va alors lentement déployer son complot criminel. La bêtise d’Ernest devient tragique. L’avidité de King Hale, cachée derrière une apparente bienveillance, se révèle, et l’on est pris par surprise, comme Mollie, l’épouse Osage d’Ernest, et nous nous mettons à vivre dans la peur…

Or le cinéma, c’est justement vivre ce que les personnages ressentent. Rarement Scorsese aura atteint ce niveau d’empathie. Il le tiendra jusqu’à la fin, et révèlera, en clin d’œil, à quel point il est tombé amoureux de son sujet…*

Un de ses plus grands films, assurément.

* Soulignée par la très belle musique – omniprésente mais discrète – de son ami de toujours, feu Robbie Robertson, ex-leader de The Band

** Qui est pour moi un des rares ratés du film, car il fait sortir le spectateur du film…  




mercredi 8 novembre 2023


Army of the Dead
posté par Professor Ludovico

Zack Snyder est un indécrottable adolescent, même quand il fait un film pour les enfants de douze ans. Son Army of the Dead a tout pourtant pour séduire le CineFaster. Scénario débile à souhait (20 000 000 de dollars à aller chercher dans un coffre-fort, dans un Las Vegas infesté de zombies), une bande de casseurs bien stéréotypée, la fille du héros qui vient mettre le binz dans le plan bien huilé, et le traître de service.

Mais Zach Snyder n’a pas dait de bon film depuis dix ans… Sucker Punch (et on est gentils…)

Là où sur le même canevas, Michael Bay tisse The Rock ou Simon West Con Air, Zack Snyder arrive à tout foirer. Il n’a même pas l’air de savoir que son film est une comédie, puisqu’il termine ça en tragédie parfaitement ridicule.

Une fois de plus, Netflix gâche son argent en donnant carte blanche à des cinéastes… qui mériteraient d’avoir un vrai producteur à leurs côtés…  




mercredi 8 novembre 2023


Seuls les Anges ont des Ailes… sur Arte
posté par Professor Ludovico

Le chef-d’œuvre de de Howard Hawks passe sur Arte, ne le manquez pas !

Arte
Prochaine diffusion : 27 novembre à 13h30




mardi 31 octobre 2023


Tel-Aviv on Fire
posté par Professor Ludovico

Sur le conseil de Notre-Dame de Nazareth, nous regardons Tel-Aviv on Fire. Ça détend de BFM TV/France Info que nous regardons en ce moment, ou de Fauda, que nous binge-watchons également. Autant Fauda est sombre, une sorte de 24/Bureau des Légendes/Homeland ultra violent et pas toujours réussi, autant Tel-Aviv on Fire est léger et drôle, mais beaucoup plus profond peut-être.

L’argument pourrait sortir d’une comédie italienne des meilleures années, ou d’un Roberto Benigni bonne période : Salam est un proto-scénariste palestinien qui travaille à Ramallah, mais qui vit à Jérusalem. Il passe donc le checkpoint tous les jours. Mais quand Asi, son capitaine israélien, croit comprendre que Salam est le scénariste attitré du soap opéra préféré de sa femme, « Tel-Aviv on Fire », voilà Salam embrigadé dans un chantage sans fin. Soit il modifie le scénario selon les desiderata du capitaine, soit il ne passe plus, et reste coincé à Jérusalem.

De cette situation, Sameh Zoabi tire l’essentiel comique. A sa disposition, un très bon acteur, Kais Nashe. Bafouilleur, hésitant, gaffeur, indécis, il semble n’avoir aucune présence, mais de fait occupe l’écran.

Car au-delà de la comédie gentiment entrelacée de love story, d’oncle et de cousins encombrants, et de scénaristes patauds, Tel-Aviv on Fire travaille quelque chose de puissant sur les Israéliens et les Palestiniens. Ces deux-là sont pareils, écoutent la même musique, mangent la même nourriture, aiment les mêmes femmes, mais n’écoute pas le même dieu, qui leur dit pourtant grosso modo la même chose…

De leur inévitable mariage – métaphorique – naîtra  quelque chose, mais quoi ?




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