[ Documentaire ]



vendredi 7 juin 2019


Formula One: Drive to Survive
posté par Professor Ludovico

Un combat éternel. Des prétendants casqués, sur de puissants destriers qui crachent le feu, et qui se battent pour un trône en fer. Une lutte à mort pour le pouvoir, et des intrigues de palais.

Recommandée par l’ami Belphegues, c’est la série la plus excitante du moment et c’est sur Netflix. Et, non, ce n’est pas le Trône de Fer mais bien Formula One : Drive to Survive. Ce documentaire, formidablement monté, raconte la saison 2018 de Formule 1 en dix épisodes de trente minutes, racés comme une McLaren.

Un doc choc, sans la langue de bois habituelle du documentaire sportif : à cause, (ou grâce) au casting constitué uniquement d’underdogs. Pas de grosse écurie, type Ferrari ou Mercedes. Pas de Hamilton, pas de Bottas. On ne parle pas chez ces gens-là, on gagne le Championnat du Monde. Non, dans F1: DtoS, les héros c’est ceux qui se battent pour la 3ème, la 4ème, la 5ème place : Force India, Renault, Red Bull, Mc Laren …  Nico Hülkenberg, Kevin Magnussen, Carlos Sainz, Romain Grosjean…

Et la bagarre n’en est que plus intense, car ça se bouscule, derrière, et pas seulement sur la piste. Il s’agit tout simplement, comme le dit le titre, de survivre en Formule 1. On verra ainsi les vacheries que s’échangent les patrons : Christian Horner (Red Bull) et Cyril Abiteboul (Renault), s’invectivant live en conférence de presse, le premier quittant le motoriste, le second lui piquant son pilote, Daniel Ricciardo. On comprendra aussi que son pire ennemi, c’est son propre coéquipier, un véritable duel à mort pour garder son siège la saison suivante. Et ça ne se règle pas que sur la piste. Sergio Pérez (Force India) n’hésite pas à balancer son propre équipier Esteban Ocon dans le décor du Grand Prix d’Azerbaïdjan. Mais c’est lui qui garde son siège, car il attire de meilleurs sponsors que le pauvre Ocon, meilleur pilote, mais fils de garagiste…

Une fois de plus, sous l’argent, le champagne, les grid girls, les salaires stratosphérique, perce la peur, la frustration, et la détresse inhérents au haut niveau. Depuis l’enfance, ces gamins passent leur week-end sur les circuits de karting. La famille a tout investi dans la carrière du petit (Esteban Ocon), ou, au contraire, c’est un choix paternel : Lance Stroll, fils d’un milliardaire qui finit par… racheter Force India pour que son fils ait un siège en 2019…

C’est toute la beauté de ce documentaire, par ailleurs remarquablement écrit. Un exemple de reverse screenplay (on connait la fin, y’a plus qu’à écrire le scénario) : chaque épisode a son lot de cliffhangers, et ses arcs narratifs ne trouvent leur résolution qu’à la fin de la saison.

 A recommander, même au pire contempteur de la F1.




lundi 15 avril 2019


The Civil War
posté par Professor Ludovico

Il est rare de revoir un documentaire, a fortiori un documentaire de neuf épisodes et 11 heures… Mais il ne s’agit pas de n’importe quel documentaire, c’est The Civil War, la Guerre de Sécession vu par l’immense Ken Burns (The War, Prohibition, etc.).

Certes, cette guerre parait lointaine aux européens, qui n’en ont vu que quelques westerns, lu quelques BD, et qui n’en gardent le plus souvent qu’une idée fausse (les gentils démocrates contre les méchants républicains esclavagistes).

Au contraire, il s’agit d’un pays qui se déchire entre ceux qui veulent rester dans l’Union (plutôt le Nord, plutôt les républicains) autour de Lincoln, et ceux qui ont décidé de quitter cette union, (plutôt le Sud, plutôt les démocrates), et qui défendent le droit souverain des états contre une union centralisatrice. En ces temps de Brexit, ça devrait nous rappeler quelque chose…

L’esclavage – qui n’est que l’un des sujets – va être pourtant l’élément déclencheur : quand on rajoute un nouvel état (Le Kansas, par exemple), doit-il être esclavagiste ou non esclavagiste ? Cette question va achever de couper le pays en deux.

Le génie de Ken Burns est de raconter tout cela au travers de petits personnages ; en suivant, plutôt que des généraux et des présidents, des petites gens, des simples soldats, Sam Watkins, Elisha Hunt Rhode, ou une bourgeoise confédérée qui voit son univers s’écrouler, Mary Chesnut. Le tout entrecoupé de quelques éclairages de spécialistes (Shelby Foote, Barbara J. Fields…)

La mise en scène est aussi austère que splendide ; des milliers de photographies noir et blanc, enluminées d’un simple effet de zoomage / dézoomage*, et le réalisateur nous amène à découvrir un détail ou, au contraire, à prendre de l’altitude. Dans tous les sens du terme.

Que vous vous intéressiez ou non au sujet, The Civil War  est immanquable.

*Un effet devenu si célèbre qu’il apparait sur des outils de montage vidéo comme Final Cut Pro, sous le nom de Ken Burns effect)




samedi 1 décembre 2018


L’Origine du Christianisme
posté par Professor Ludovico

Plus compliqué, mais tout aussi passionnant, L’Origine du Christianisme poursuivent l’œuvre entamée par Corpus Christi : comment, après la mort de Jésus, le christianisme est né à partir de l’an 50. Un débat, non pas contradictoire, mais en revanche bourré d’incertitudes, dans lequelles Jérôme Prieur et Gérard Mordillat tentent de mettre de l’ordre. Comment Saint-Paul, celui qui ne croyait pas, est devenu le plus grand prosélyte ? Comment une religion, issue de Judée, et dont les principaux prophètes étaient juifs, a accusé les juifs de tous les maux pour mieux convertir les romains ? Comment une religion naissante, en interdisant aux non-juifs du prêcher à Jérusalem, leur a paradoxalement offert l’opportunité de prêcher dans l’ensemble du pourtour méditerranéen ? Comment l’exclusion des premières hérésies, a permis à la religion de se définir ?

Tout cela en dix heures ardues, mais toujours passionnantes.




dimanche 10 juin 2018


Corpus Christi
posté par Professor Ludovico

27 intervenants. 7 ans de travail. 2 ans de montage. Tout ça pour étudier le texte plus connu du monde occidental, le récit de la crucifixion dans l’Evangile selon Saint-Jean*. C’est le projet fou de Corpus Christi, le documentaire en douze parties réalisé par Jérôme Prieur et Gérard Mordillat** et diffusé sur Arte en 1997. A CineFast, (dont personne n’ignore les origines finchero-chrétiennes, depuis l’AG fondatrice des quatre apôtres dans la crypte de Colombes), nous sommes depuis toujours sous la pression du Framekeeper: « T’as vu Corpus Christi ? T’as fini le Girard ? Quand est-ce que tu commences Les Origines du Christianisme ? »

Aussi, quand le Rupelien s’est mis à nous harceler sur le même ton, nous nous sommes sentis obligés de nous y atteler.

L’an dernier.

Car il faut bien un an de travail pour regarder attentivement ces 12 heures, à vrai dire assez ardues, pour ne pas dire monastiques. Des témoignages sur fond noir (que viennent égayer des chemises Desigual et des pull à motifs plutôt inventifs), tout cela pendant douze heures, il faut s’accrocher. On peut passer par exemple une heure sur le mot Judas. Est-ce un prénom ? une origine (« de Judée ») ? une métaphore : Judas, le double noir de Jésus ? En face, c’est pas moins de 27 chercheurs, théologiens ou laïcs, juifs, chrétiens, français, allemands, anglais… qui s’escriment sur un mot.

Si l’on a affaire à des spécialistes, chacun est capable de mettre sa foi de côté pour reconnaître qu’on en sait peu sur la vie de Jésus. Le sujet de Corpus Christi n’est pas là. Le documentaire vise plutôt à reconstituer la période, entre la mort de Jésus (30, 31, 32, 33 après JC ?) et la rédaction probable de ces textes (40 ans plus tard). Pourquoi par exemple, accuser les juifs sous domination Romaine de la condamnation de Jésus ? Ponce Pilate gouvernait la Judée, nous explique Corpus Christi. Il est donc peu probable qu’il ait laissé la décision à des juifs qu’il tenait sous son joug. Mais quarante ans plus tard, quand le christianisme commence à se répandre en Grèce et dans l’empire romain, il semble difficile d’accuser ceux que l’on veut convertir de la mort du prophète. Corpus Christi foisonne de ces débats, de ces contradictions, et son génie est de ne pas essayer de les résoudre, mais bien d’amener le spectateur à y réfléchir.

Une grande œuvre.

* « Ils prirent donc Jésus. Et il sortit portant sa croix, et vint au lieu-dit du Crâne – ce qui se dit en hébreu Golgotha – où ils le crucifièrent, et avec lui deux autres : un de chaque côté, et au milieu Jésus. »
** Tous deux absolus athées.




lundi 7 mai 2018


Cosmos
posté par Professor Ludovico

C’était les années 80. Il n’y avait pas beaucoup d’émissions scientifiques à la télé, à part les débats, le lundi soir, de l’Avenir du Futur, une sorte de Dossiers de l’Ecran SF avec un film et un débat, des gars de Science et Vie qui baragouinaient derrière. Et puis tout d’un coup, il y eu Cosmos, une émission américaine présentée par Carl Sagan. Elle débarqua sur Antenne 2 et tout devint limpide.

De l’autre côté de l’Atlantique, un jeune homme, Neil deGrasse Tyson, regardait comme nous, mais lui devint astrophysicien. Et comme Keith Richards payant ses dates à Chuck Berry dans Hail, Hail Rock’n’roll, Tyson paie les siennes. Avec le producteur Seth MacFarlane, il refait Cosmos avec les moyens d’aujourd’hui : les trous noirs en CGI, c’est presqu’aussi beau que Les Gardiens de la Galaxie. Et c’est non seulement magnifique, c’est aussi passionnant. Neil deGrasse Tyson a le sens de la pédagogie (superbe épisode sur l’apparition des yeux dans l’Evolution des espèces), il a aussi beaucoup d’humour : « Qui est curieux, n’est pas stupide. Les gens qui ne posent pas de questions demeurent ignares tout au long de leur vie. »

Ça fait du bien, dans ces temps où certains pensent que la terre est plate et que les dinosaures n’ont pas existé, vu qu’il n’y a pas une ligne sur Jurassic Park dans la Genèse…




samedi 3 février 2018


Auschwitz Project
posté par Professor Ludovico

Comment démontrer qu’aucune image – même dans le documentaire – n’est objective ? Que le choix des angles de caméra, la profondeur de champ, la focale, tout cela est plus qu’un métier, mais bien un art, tout ce que justement nous défendons ici ?

Auschwitz Project, le documentaire d’Emil Weiss qui passe en ce moment sur Arte, le démontre.

S’attaquant à ce sujet ultra rebattu, Weiss veut le traiter journalistiquement sur un autre angle, et propose donc autre chose à voir. Filmé entièrement par drone, à haute altitude au-dessus des rocades de la ville d’Oświęcim, ou au raz du sol, dans les couloirs barbelés d’Auschwitz I, sa mise en scène tient parfaitement le propos.

Ce n’est pas un documentaire de plus sur l’Holocauste, mais comme son nom l’indique sur le « projet » Auschwitz. Un projet à la fois militaire, industriel et idéologique. Car Auschwitz n’est pas seulement la camp d’extermination de million de personnes, c’était aussi une caserne militaire, des fermes, des étangs piscicole, des laboratoires scientifiques, et un vaste complexe pétrochimique IG Farben (où travaillai Primo Levi). Ce point de vue, qu’on appelle God’s eye en cadrage est parfait pour comprendre à la fois l’ampleur géographique et l’ambition totalitaire du projet nazi.

Cette vue d’en haut, planante et silencieuse comme la mort, est tout aussi éducative que terrifiante.

Auschwitz Project, d’Emil Weiss
Sur Arte en replay




jeudi 4 janvier 2018


American Epic
posté par Professor Ludovico

Petit bijou de documentaire (avec quelques longueurs*), si on aime la musique américaine, la vraie : le blues, la country, le jazz, le gospel, le hillbilly, le tex-mex.

Dans les années 20, l’essor des gramophones créé un véritable marché qui ne peut être absorbé par la variété traditionnelle, ou le jazz de la côte est. Les compagnies de disques vont donc chercher à enregistrer la musique là où elle est faite (le centre du pays), pour la vendre ensuite là où elle n’est pas encore diffusée (le centre du pays).

De sorte que des scouts se mettent à sillonner l’Amerikana, ce cœur de l’Amérique et enregistrent la musique locale : les Appalaches (The Carter Family), le Mississipi (Charley Patton, Mississipi John Hurt, Howlin’ Wolf), le Tennessee, la Caroline du Sud, l’Alabama, le Texas (Lydia Mendoza)…

Les disques vont alors se répandre dans toute l’Amérique des années trente, être oubliés, puis redécouverts (notamment lors du Folk revival par Bob Dylan). Puis, par importation, jusqu’en Angleterre, ils vont tomber dans les oreilles toute ouïe des Rolling Stones, d’Eric Clapton, d’Alexis Korner et du british blues

Si on aime l’Amérique, la musique, ou les deux, American Epic est un indispensable.

* Et encore, c’est la version courte que propose Arte… mais on aurait pu se passer des commentaires hagiographiques des descendants de ces musiciens célèbres, et avantageusement les remplacer par des musiciens actuels.

American Epic
En replay sur Arte jusqu’au 8 janvier 2018




samedi 16 septembre 2017


Vietnam
posté par Professor Ludovico

Oyez, oyez braves gens ! Le cirque Burns est en ville avec son nouveau spectacle, Viet-NAAAAAM ! Neuf heures d’amusement, de frayeur, et de rires pour toute la famille ! Découvrez les rives enchanteresses de la Nang River, le Siège de Khe San, la bataille d’Hamburger Hill ! Photo dézoomées, témoignages austères, gros plan sur des casques Born to Kill et joint de marijuana !!! Le Grand Orchestre du Cirque Burns est dirigé par Messieurs Trent Reznor et Atticus Ross !!

Ne manquez pas le spectacle ! Le Cirque Burns sera en ville à partir de mardi 20 heures jusqu’à jeudi, dernier délai, pour trois heures de spectacle formidables par jour !

Rentrez chez vous braves gens ! Allumez votre téléviseur ! Et regardez !!!

Vietnam, un documentaire de Ken Burns et Lynn Novick
Arte, du 19 au 21 septembre à 20h50




jeudi 28 juin 2007


Kings of the world
posté par Professor Ludovico

Splendide. Voilà un film qui fait honneur au cinéma français*, et au cinéma documentaire. Un film que devraient voir tous les anti-américanistes primaires, n’ayant que le mot « Bush » à la bouche, en évitant ainsi toute autocritique.

« Nous ne sommes pas ce que nous prétendons être » : Tout est dans l’affiche, et dans les cinq premières minutes du film. On y voit effectivement un texan débiter, dans une laverie, un condensé de tout ce qui nous fait détester l’Amérique : oui, heureusement que l’Amérique est là, oui, nous sommes la police du monde. Vous les européens, vous êtes bons pour critiquer, mais pour aller libérer l’Irak, y’a plus personne ! On se dit qu’il va être difficile de supporter ça pendant deux heures. Mais miracle, on n’est pas Michael Moore, c’est-à-dire pas dans la comédie, le plan coupé court, la chute façon sitcom. Non, ici on est chez Rivette, le plan séquence. Et le type continue à parler, pendant cinq minutes. Et ce qui est terrible, quand on laisse les gens s’expliquer, c’est qu’ils ont tout à coup un discours plus construit… Et si à la fin on n’est pas d’accord avec lui, il a exposé, un point de vue, qui, ma foi, se tient.

On n’est pas au bout de nos surprises : plan suivant, l’autoroute baigné de chaleur, de la Californie. A la radio, les news. Ca parle de quoi, les news ? De la mort de jacques Derrida. Et le speaker d’expliquer l’importance de Derrida, philosophe français, qui a si bien pensé les USA…Le film est lancé, et va alterner le chaud et le froid, « Amérique, terre de contrastes ! » Le film navigue ainsi, à l’occasion de la campagne Bush-kerry, dans l’Utah, le Nevada, la Californie. Paysages splendides, et rencontres : des mormons sexistes, un danseur, des intellos de gauche, des cowboys, des indiens…
Ou cet aumônier, vétéran des droits civiques, qui conclura de façon terrible : « J’aurais quand même voulu dire quelque chose de positif. Ce pays est grand. C’est très grand ! C’est très beau. C’est … dommage. »

Pour ne pas oublier qu’il existe un pays avec 125 millions d’opposants à Bush, et qui s’appelle les Etats-Unis. Le pays de The West Wing, The Wire, de Syriana à La Ligne Rouge, de Soderbergh et Clooney, Susan Sarandon et Tim Robbins, et Sean Penn.

* un film de Rémi Rozié, Valérie Mitteaux, et Anna Pitoun




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