[ Les films ]



jeudi 18 avril 2024


13 Hours
posté par Professor Ludovico

13 Hours, c’est la démonstration mathématique – par l’absurde – du poison qu’est le BOATS ou le Biopic pour un cinéaste. Dans les mains d’un tâcheron, le poison fait des ravages (Le Discours d’un Roi, Bohemian Rhapsody, Moi, Tonya, etc.) Dans celle d’un auteur, au minimum, ils l’abîment.

C’est le cas de 13 Hours, où l’artiste Michael Bay ne peut donner que qu’il a, c’est-à-dire son talent inné de détruire des voitures et de filmer des fusillades. Car 13 Hours est le BOATS sur l’attaque en 2012 de la mission diplomatique de Benghazi. Six agents de sécurité vont défendre seuls ce Fort Alamo lybien contre les attaques répétées des milices djihadistes d’Ansar al-Charia.

Le film raconte ces treize heures, concluant comme il se doit (Masters of the Air, Band of Brotehrs, American Sniper…) d’un petit post scriptum final de jolies photos en noir et blanc nous rassurant sur le destin – heureux, forcément heureux – de nos héros : « John est retourné vivre dans l’Alabama où il cultive des carottes, entouré de sa femme et de ses filles, Melissa et Oggy. »

Si ce n’était pas un BOATS, ce serait un bon film de Michael Bay, un peu trop long (trop de de pan-pan et de boum-boum), mais il manque les aspérités habituelles qui font tout le sel de la tourte baysienne :  le-facho-pas-mauvais-dans-le-fond, le-petit-gros-sympa, la-fille-pointue-qu’a-pas-froid-aux-yeux …  Comme on parle de vraies gens, on n’y touche pas trop. Et il y a beau avoir de bons acteurs (sortis de The Office !), on s’ennuie ferme…

C’est ça le biopic.  




vendredi 12 avril 2024


Le Droit de Tuer
posté par Professor Ludovico

On l’a souvent dit, on regarde parfois des films pour de mauvaises raisons. Ici, Le Droit de Tuer, qu’on n’avait absolument pas eu envie de voir en 1996, parce qu’il promouvait sans vergogne la peine de mort.

Mais on tombe dessus sur Canal+, et ça sent bon les années 90 : les acteurs jeunes et sexy de notre génération (Matthew McConaughey, Sandra Bullock, Samuel L. Jackson, Kevin Spacey, Kiefer Sutherland, Oliver Platt…), et les films de procès. Tout y est : « motion denied », « overruled », « faites court, Maître »… ça se laisse manger comme des petits pains au lait, avec beurre salé et carrés de chocolat dedans.  

Tout le monde est au top, malgré pour ce scénario invraisemblable de conneries et/ou de perversité.  

Au cœur du Mississipi, deux rednecks commettent un crime atroce, le viol et la tentative d’assassinat d’une petite fille noire de douze ans, mais elle survit. Avant de passer en procès, son père (Samuel L. Jackson) les abat en plein prétoire. Procès, le père risque la peine de mort…

Intrigue maline, basé sur l’éternel motto des partisans de la légitime défense, si-on-violait-votre-fille-est-ce que-vous-feriez-pas-pareil ? Et qui s’opposerait des gens aussi sexy que McConaughey ou la Bullock ? Qui voudrait pencher du côté de Kevin Spacey ou de Kiefer Sutherland, déjà abonnés aux rôles de méchants ? Tout le monde veut que Jackson soit pardonné ! Tant pis si deux types sont morts au passage, même pas jugés coupables, que la petite fille n’est pas morte, et qu’un flic innocent est en chaise roulante…*

Bref : Le Droit de Tuer est complètement con, parfaitement débectant, et en même temps d’une délicieuse nostalgie. 

*Ne t’inquiète pas, CineFaster, il pardonnera aussi au légitime défenseur !




mercredi 3 avril 2024


Le Mans 66
posté par Professor Ludovico

On regardait le film de James Mangold depuis deux bonnes heures – vroom-vroom, vroom-vroom ! – et on se demandait ce que Notre Dame de Nazareth avait pu trouver à la morale de cette histoire. « Morale » prononcé, comme il se doit, avec le petit sourire sibyllin dont elle a le secret.

Eh oui, quand le Professore utilise le Mot en M, le mot maudit, tout le monde se crispe. Pourtant l’art c’est ça, depuis Esope : « Tant va les Tuche à l’eau, qu’à la fin ils se cassent »…

On commençait pourtant à voir où James Mangold – le La Fontaine de Detroit – voulait en venir : la lutte éternelle du petit entrepreneur contre la méga corporation américaine  (les méchants Ford), contre les règlements chafouins de la FIA, le combat titanesque de nos David du V8, entourés heureusement d’une femme aimante et d’un petit gars bien choupinou fier de son papa… Des clichés à la truelle, mais filmés avec élégance (notamment les courses automobiles parfaitement réussies) et avec des acteurs qualité hollywoodienne (Christian Bale, toujours extraordinaire, et Matt Damon). Bref une très bonne réalisation, ennuyeuse à souhait.

Et puis voilà, dans le dernier virage – juste après les Hunaudières – Mangold nous a pris par le colback avec deux fins (et donc deux morales), totalement inattendues.  Une fin douce-amère qu’on n’attendait pas plus du faiseur qu’est devenu James Mangold*. Pendant cinq minutes, nous avons retrouvé l’auteur, celui de Copland.

Elle avait raison, la Dame de Nazareth. On ne savait pas ce que Ludovico allait penser du Mans 66. Le Professore non plus.

* Walk the Line, 3h10 pour Yuma, Wolverine, Logan, Indiana Jones et le Cadran de la Destinée




vendredi 29 mars 2024


Ambulance
posté par Professor Ludovico

Le continent Bayien, pourtant parfaitement cartographié, réserve toujours quelques surprises. Certes, dans Ambulance, on retrouve les figures de style chères à Michael Bay. Une idée d’œuvre Bayienne qui commence à faire son chemin (et qu’on défend ici depuis 2005, au tout début de CineFast*) : Thomas Cailley se réclame de l’immarcescible auteur de Bad Boys, des livres sortent – en français** ! -, et même des émissions sur France Culture

Ambulance est donc une partie prenante de cette œuvre-là : on y retrouve le duo viril qui a fait les grandes heures de Bad Boys ou The Rock, le gars sérieux et son sidekick drôle, fou, ou les deux (ici Jake Gyllenhaal) ; la fille au nez pointu et au regard clair, dotée d’une grosse paire d’ovaires… Mais aussi les tropes bayiens habituels : le soldat perdu dans une Amérique peu reconnaissante ; la nostalgie de l’enfance, si jolie au ralenti…

L’intrigue est toujours totalement invraisemblable : course poursuite façon OJ Simpson avec un braqueur de banque réfugié dans une ambulance (Jake Gyllenhaal), assisté de son copain d’enfance, soldat revenu d’Irak qui n’en peut mais (Yahya Abdul-Mateen), flanqués de deux otages : une jeune infirmière (Eiza González) et un flic abattu par le braqueur, mais qu’il veut maintenir en vie contre toute logique. Ledit braqueur se faisant aider d’un gang de latinos particulièrement violents, qu’il exterminera à la fin pour un mot de travers sur son père – qu’il semble pourtant détester – le tout poursuivi pour un nombre invraisemblable de voitures de police qu’on va casser en petits morceaux. Assaisonnez à cela des dialogues piquants et référencés (où on parodie Bad Boys et The Rock***, et vous avez Ambulance.

Mais il y a toujours des surprises chez Bay. Les flics (deux services concurrents comme d’habitude (le LAPD contre l’Etat Centralisateur, le FBI)). Le LAPD est dirigé par notre chouchou psychopathe (Garret Dillahunt, vu dans Deadwood mais surtout une flopée de chefs d’œuvre****), le flic du FBI est dirigé par… un homosexuel, (Keir O’Donnell, vu dans Fargo). Première concession inclusive de l’auteur d’Armageddon, où les homos étaient plutôt sujet de moquerie. La conclusion douce-amère (il faut de l’argent volé pour qu’un héros décoré paye un traitement contre le cancer dans l’Amérique d’aujourd’hui) est aussi une rareté de l’œuvre Bayienne.  

Tout ça est un peu long mais pas déplaisant. Ce n’est plus du grand Michael Bay, mais c’est quand même pas mal du tout…

* Armageddon, ou le goût de l’Amérique

** « Michael Bay : La Fin de l’innocence », de Robert Hospyan

*** Officer Mark: You remember when Sean Connery said, ‘Losers whine, winners get to fuck the prom queen’?
Officer Zach: Mmm. That’s… super aggressive. No, I don’t remember that.
Officer Mark: The Rock?
Officer Zach: The Rock. Yeah, he’s an actor. Was a wrestler first.

**** No Country for Old Men, L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, Looper, Twelve Years a Slave




dimanche 17 mars 2024


Autant en emporte Lincoln, ou la cathédrale Spielbergienne
posté par Professor Ludovico

Il était exactement 21h07. Le Professore, épuisé, venait de supporter les quatre heures de propagande sudiste d’Autant en Emporte le Vent. Après autant de racisme et de vilenies, il fallait un remède de cheval, un feelgood movie qui nettoierait les taches de gras de Victor Fleming, de ce salopard de Rhett Butler et de Scarlett la vipère .

Quoi de mieux pour rester dans le sujet que de revoir Lincoln, la formidable hagiographie de Steven Spielberg ? On a déjà visité le monument, qui fait quand même 2h30. Mais Lincoln, c’est l’occasion s’émerveiller devant la cathédrale Spielberg, ce temple du cinéma où on considère que le cinéma est un art…

On s’attardera juste sur une scène, la victoire finale des abolitionnistes. Pendant de longues minutes, Spielberg égrène les noms et les votes « Yeaman ? Oui ! Pendleton ? Non ! » Quoi de plus inintéressant ? Quoi de plus indigeste ? Mais voilà, c’est Steven Spielberg aux commandes : il filme chaque sénateur de manière différente, ajoute une touche comique, ou tragique à chaque réponse.

Puis arrive le décompte. Un tâcheron filmerait l’explosion de joie… Mais non, cut ! Retour sur Lincoln, qui joue à la Maison Blanche avec son fils. Le président est dans l’obscurité, et il attend silencieusement. Comme le spectateur. Spielberg laisse volontiers traîner ce plan sans intérêt. Une cloche finit par tinter dans le lointain. Lincoln se lève, jette un œil à la fenêtre. La caméra n’a pas bougé, son fils le rejoint et il entre littéralement dans la lumière : métaphore#1…

Ce n’est pas fini. On retourne à la salle, les voilà les chants et les cris de joie. Au milieu, un homme ne triomphe pas, et pourtant c’est lui qui a gagné. Thaddeus Stevens, l’abolitionniste, l’extrémiste qui a machiavéliquement décidé de faire un compromis avec ce Lincoln qu’il abhorre, alors que son camp exigeait qu’il n’en fasse pas. Qui a saisi l’opportunité de faire avancer la cause de la pire manière qui soit : en se reniant. En refusant l’égalité des races, son combat d’une vie.

Il est là au milieu de l’écran, il ne bouge pas mais on ne voit que lui, car tous les autres bougent. Puis il repart, à contre-courant de la foule qui se dirige vers le Capitole, métaphore #2… Un homme seul, face à la foule – l’homme au-dessus des autres – qui rentre chez lui, et là, surprise ! Thaddeus Stevens est accueilli par une servante. Noire…  Aurait-il une esclave ?? Ou quelque chose qui s’en approche ?? Impossible. Le spectateur est pris à froid. Stevens (formidable Tommy Lee Jones) tend à cette femme l’acte d’émancipation… qu’il a volé, pour une journée, aux États-Unis d’Amérique. Le 13ème Amendement… Il dépose sa perruque (métaphore#3). Le voilà au naturel, chauve, et… en pyjama ! Il se glisse dans le lit. La caméra panote et on découvre que cette femme n’est pas sa servante mais bien sa maîtresse. Et il demande à cette femme qu’il aime de lui lire, encore une fois, le 13ème Amendement : « Ni esclavage ni servitude involontaire, si ce n’est en punition d’un crime dont le coupable aura été dûment condamné, n’existeront aux États-Unis ni dans aucun des lieux soumis à leur juridiction. » » Depuis 2h30, Spielberg ne nous a jamais lu un seul mot de ce texte, qui est censé être le sujet du film, et que le réalisateur traite comme un McGuffin.

Il lui réserve cette scène-là, totalement iconoclaste. Un vieux chauve en pyjama, qui lit l’un des textes les importants d’Amérique.

Du grand art.




vendredi 15 mars 2024


Fiction à l’Américaine
posté par Professor Ludovico

On fait souvent au Professore le reproche d’exiger du cinéma actuel d’être aussi bon qu’une série. Dune, pour ne pas le citer, n’a pas le temps, en deux heures, de développer ses personnages, ses arcs, ses enjeux.

Foutaise ! répond l’Imam Caché de UCLA. Cela reviendrait à dire serait avouer que Rio Bravo n’a pas d’arc, Star Wars n’a pas de personnages, que Le Juge Fayard ou Garde à Vue n’ont pas d’enjeux…

Non, il est possible en deux heures de raconter une histoire, c’est le cas d’American Fiction, petit film Prime Video dont la réputation augmente de jour en jour depuis qu’il a décroché un Oscar (meilleur scenario d’adaptation).

Le pitch est intéressant plus d’un titre : un écrivain noir (le toujours très bon Jeffrey Wright) en a assez de voir les afro-américains cantonnés dans les clichés raciaux*. Monk est un bourgeois, fils de bourgeois. C’est un romancier doué, qui écrit sur son expérience de bourgeois américain. Mais ses manuscrits sont régulièrement refusés. Pourtant ce qui marche, c’est une littérature de Blaxploitation qui met en avant le côté le plus obscur (et néanmoins juste) de l’expérience afro-américaine : la violence, le ghetto, la prison, le racisme…

A bout de nerfs – et sous l’emprise de l’alcool – il décide par pure provocation, d’écrire un livre gangsta sous pseudonyme. Evidemment, comme dans toute bonne comédie, le piège se referme sur lui. Son manuscrit est accepté.

Le talent du film n’est pas là, mais il prouve en deux heures qu’on peut parler des noirs, des gays, des vieux et du racisme, sans être woke, créant ainsi une forme raccord avec le propos.

Mais surtout, il crée une galerie de personnages avec leurs enjeux, en vingt petites minutes de mise en place : un sourire, un haussement de sourcil, un plan large, un travelling…

Il lui reste 100 minutes pour les développer – et les résoudre.

Ça s’appelle le cinéma.

*  « You’re not fed up with it? Black people in poverty, black people rapping, black people are slaves, black people murdered by police, whole soaring narratives about black folks in dire circumstances who still manage to maintain their dignity before they die.I mean, I’m not saying these things aren’t real, but we’re also more than this. »




vendredi 8 mars 2024


Dune, deuxième partie  
posté par Professor Ludovico

« Yom asal, yom basal »
Un jour du miel, un jour des oignons

Le cinéphile dunien erre dans le désert depuis 1965, à la recherche d’une bonne adaptation de Dune. Un jour, il mange du miel, le lendemain, des oignons. La suite tant attendue arrive sur les écrans : Dune : Deuxième Partie, la bien nommée. Le Professorino crie au chef d’œuvre. Son père, le Naib Ludovico, n’est pas content et parle d’idiot cinématographique. C’est en réalité une cause perdue. Le Professore est un de ces fondamentalistes, comme dit Villeneuve, qui traquent l’hérésie dans chaque plan – tu ne prononceras pas le nom de Muad’Dib en vain !

La fatwa fera l’objet d’une prochaine chronique. Essayons donc de regarder ça uniquement sous l’angle cinématographique : là aussi, le compte n’y est pas. Rendons grâce néanmoins à Denis Villeneuve d’avoir quelques réussites. Le film a un point de vue, ce qui est rare dans les adaptations de bestsellers. Le cinéaste de Premier Contact déploie ici un débat dialectique entre la vraie foi (incarnée par Stilgar) et un athéisme post-moderne, où la religion n’est qu’un outil de domination des masses (un outil utile pour Jessica, ou scandaleux pour Chani). Villeneuve lance le débat à peu près correctement, mais dans la dernière ligne droite, son propos ne devient plus très clair (Paul, d’abord contre, devient pour).

Autre avantage, Villeneuve injecte un peu d’humour dans Dune, ce qui n’est pas vraiment le point fort du roman. Et puis visuellement, Dune est toujours aussi fantastique. Villeneuve filme le désert comme personne : ergs, couchers de soleil, récoltes d’Epice, ou combat d’arène en noir et blanc.

Beau, oui, mais con à la fois…

« Lourde est la pierre, et dense est le sable.
Mais ni l’un ni l’autre ne sont rien à côté de la colère d’un idiot. »

Qu’est-ce qu’un idiot de cinéma ? C’est quelqu’un (acteur, réalisateur, décorateur) qui ne réfléchit pas à son métier. Ses idées sont un flux de conscience, qui impriment directement la pellicule. À ce titre, Villeneuve est un idiot de cinéma. Prenons tout de suite les précautions d’usage : par bien des égards, Denis Villeneuve est notre frère. Il a notre âge, il vénère le même panthéon cinématographique (2001, Apocalypse Now!, Persona, Blade Runner), et c’est un fan sincère de Dune. Depuis l’adolescence, Villeneuve rêve de « faire » Dune. Il a même storyboardé le livre de Frank Herbert à l’âge de 13 ans. Et voilà, à 54 ans, qu’on lui donne la chance de le faire. On peut comprendre que l’aboutissement de ce rêve soit un achèvement.

Mais un cinéaste ne peut pas être qu’un fanboy. Filmer sa vision n’est pas du cinéma. Qu’est-ce que ce film veut dire ? Qu’est-ce que le spectateur va comprendre ? Ça, Denis Villeneuve n’y réfléchit pas. Est-ce que cela a de l’importance, si les images sont belles, si les acteurs sont bons, si les décors sont grandioses* ? Pour un film à gros budget, il n’est pas très compliqué de réunir les meilleurs talents. Les faire travailler ensemble à une grande œuvre est une tout autre affaire.

Un exemple : la maison de l’Empereur Shaddam IV. Une jolie scène bucolique, un petit pavillon en béton dans un coin de verdure… Mais l’Empereur est la personne la plus puissante, la plus riche de l’univers. Les Harkonnens et les Atreides sont ses vassaux. Pour le lecteur de Dune, pas de problème : il décode, il interprète. Mais pour le spectateur lambda, Christopher Walken est un être faible qui vit dans une petite maison : contresens !

Ensuite, l’Empereur arrive sur Arrakis dans un vaisseau magnifique, une immense boule métallique**. Il s’installe sur la planète et déploie un immense palais, argenté lui aussi. Contradiction : pourquoi le gars qui vivait dans une petite maison possède un si grand palais ?  

La confrontation a lieu. Grâce à sa ruse et ses vers géants, Paul écrase ses ennemis. Voilà l’Empereur réduit à se retrancher dans le palais. Ses fidèles Sardaukar forment le dernier carré, faisant rempart de leur corps. Mais Paul pénètre dans le palais comme dans un moulin. Passe devant les Sardaukar. Se dirige vers le Baron Harkonnen. Et le tue, sans que personne ne s’interpose… Cette salle du trône, elle est dans l’obscurité, comme TOUTES les pièces de TOUT le film. Pourquoi l’homme le plus puissant de l’Univers habite dans l’ombre ? Pourquoi la déco (portes rondes, pièces obscures) est la même partout ? Pourquoi ses gardes ne combattent-ils pas ? Pourquoi cet homme, qui possède tout, habite dans un pavillon mal jardiné de Villeneuve-la-Garenne ? Tout cela pollue – consciemment ou inconsciemment – l’esprit du spectateur…

Soit on résout ces questions, comme le pense Kubrick, qui dit qu’on peut filmer n’importe quelle idée, à condition d’arriver à l’incarner correctement*** . Soit on évite au spectateur de se poser ces questions, comme le préfère Hitchcock****. Or ces contradictions montrent qu’il ne s’agit pas d’une volonté de Villeneuve, mais bien d’un oubli, d’un manque de réflexion. Il n’y a pas réfléchi, comme il n’y réfléchissait pas, déjà, dans Sicario.

Denis Villeneuve est un idiot de cinéma.

*C’est ce que semble penser le public, qui fait un triomphe à cette Part Two. On peut aussi penser que Dune touche un public habitué à bien pire (Marvel) et qu’il trouve enfin dans le film de Villeneuve quelque chose d’intelligent et mature.

** Comme Mitterrand, Villeneuve aime les formes simples : triangle/rond/carré.

*** « Hélas, les idées ne font pas les bons films. Il faut des idées dans les bons films, mais cela demande beaucoup de créativité artistique pour incarner fortement une idée… »

**** « Je retrouve ces erreurs partout : [le spectateur] découvre soudain qu’on a changé de lieu, sans explication, ou deux personnages portent le même costume, et de fait, on ne sait plus qui est le méchant… »

Chronique publiée également sur PlanetArrakis




lundi 12 février 2024


Iron Claw
posté par Professor Ludovico

Le Professore Ludovico aurait-il perdu sa légendaire vista? Voilà quatre cinéastes indie qu’il conseille à Notre-Dame-de-Nazareth : quatre échecs, quatre déceptions. Kelly Reichardt (Showing Up), Radu Jude (N’attendez pas trop de la fin du monde), Jonathan Glazer (La Zone d’Intérêt) et maintenant Sean Durkin (Iron Claw)… C’est comme si on ne pouvait plus faire confiance à l’étiquette de la bouteille, comme si un Romanée-Conti produisait du Beaujolais nouveau…

Mais comme le vin, certains cinéastes ne vieillissent pas bien. C’est le cas de Sean Durkin, qui nous avait ébloui avec son coup d’essai-coup de maître Martha Marcy May Marlène, et dont le niveau avait un peu baissé avec The Nest, néanmoins toujours mystérieux et terrifiant.

Iron Claw est toujours sur la marotte du réalisateur, l’emprise, celle d’un père sur ses fils dans le milieu du catch des années 80. Mais c’est comme si l’on avait confié à Durkin un film grand public sur un sujet indie. Et dans les faits, c’est le cas : des 600 000€ de budget de MMMM, Durkin passe à 15M$ pour cet Iron Claw. Le voilà obligé de faire recette.

Au-delà de l’aspect business, l’explication tourne une fois de plus autour de la première phrase du film : « inspiré d’une histoire vraie ». Le film parle d’une famille dont l’un des membres (Kevin) est encore vivant, et qui a probablement, d’une manière ou d’une autre, participé à la production de ce film. Le final ne peut donc être complètement tragique. Et ça ne rate pas : après avoir démontré consciencieusement que le père von Erich avait détruit cette famille de fond en comble pour cause de frustrations personnelles, le film se termine par l’habituel carton BOATS : « Kevin Von Erich vécut heureux au milieu de ses enfants et petits-enfants, et la famille von Erich est considérée comme l’une de plus grandes familles du catch ». Ça valait le coup, donc ?

S. Durkin semble avoir perdu la main. Si l’on reconnait sa capacité à filmer la beauté de la campagne américaine, où est passée le dialoguiste ? On a rarement vu dialogues aussi plats. Quand il y a quelque chose à décrire, et bien, le dialogue le dit. Le père veut devenir champion de catch ? le père dit « je veux devenir champion de catch ! »  

Le soir même, la comparaison avec les derniers épisodes de Fargo, saison trois, était cruelle. Pour montrer la folie gagnant Emmit Stussy(Ewan McGregor), l’épisode lui offrait des monologues incompréhensibles, des bouts de phrases sans queue ni tête, tandis que son tourmenteur, l’infâme V.M. Vargas (et génial David Thewlis !), pérorait sur la nourriture ou la décadence de l’Occident pour signifier sa totale mainmise sur le précédent.

Noah Hawley ne cherche pas, lui, à expliciter quoi que ce soit par des dialogues. Il sait que le spectateur, au contraire, jouit de ce puzzle, et que l’intrigue avance d’elle-même, sans les dialogues.

Mais il est vrai que Fargo n’est pas un BOATS, car comme chacun sait : « Ceci est une histoire vraie. Les événements ont eu lieu dans le Minnesota en 2006. À la demande des survivants, les noms ont été changés. Par respect pour les défunts, tous les faits ont été racontés tels qu’ils se sont produits. »




mardi 6 février 2024


La Zone d’Intérêt
posté par Professor Ludovico

A priori, les astres étaient alignés. Jonathan Glazer, le formaliste ultra doué de Under the Skin semblait le parfait écrin pour quelque chose d’aussi indicible que la Shoah. Le parfait adaptateur également du très drôle, et très pénétrant, livre de Martin Amis.

Mais voilà, Glazer n’adapte pas La Zone d’Intérêt, mais plutôt La Mort est Mon Métier de Robert Merle. Le romancier français y biographiait/psychanalysait Rudolf Höss, le commandant d’Auschwitz.

Martin Amis, lui, sait – règle numéro un du Biopic réussi – qu’il faut s’écarter du sujet pour mieux le cerner. Il transformait Höss en Paul Doll, un commandant falot auquel il adjoignait deux co-narrateurs : Angelus Thomsen, officier nazi dragueur qui se rapprochait de la femme de Höss, et Szmul Zacharias, un Sonderkommando juif, pris tragiquement au cœur de ce trio d’opérette. Avec un humour ravageur, sans jamais tomber dans le mauvais goût (autant dire une performance sur ce sujet), Amis montrait la racaille nazie dans toute son incommensurable bêtise, et dans toute sa veulerie.

Ici, Glazer se contente de filmer sérieusement la famille Höss (Monsieur, Madame, la belle-mère et les enfants) comme une sorte d’installation d’art contemporain qui pourrait s’appeler Nazis Love Their Children Too.  

Vouloir montrer la banalité du mal (les enfants jouant dans la piscine tandis que les crématoires tournent à plein régime), ou l’avidité revancharde (se « venger des juifs » dont ils étaient la boniche, comme le dit la belle-mère, en volant leur manteau de fourrure, leurs bijoux et leur rouge à lèvres…), ne suffit pas à faire film.

On est plutôt devant des tableaux (des enfants qui jouent, une mère qui jardine, un père qui administre…), tableaux d’une exposition qui aurait pour fond sonore l’extermination. Si l’exhibition du mal est parfaite, si le propos est glaçant, cela n’apporte pas grand-chose à son sujet.

Une heure et quarante-cinq minutes plus tard, nous sommes toujours dans la zone d’inintérêt…




vendredi 19 janvier 2024


Les Galettes de Pont-Aven
posté par Professor Ludovico

Qu’est-ce que vous avez tous avec Les Galettes de Pont Aven ? Film culte ? Chef-d’œuvre de l’humour 70s ? Faut voir.

Après de nombreuses tentatives ratées, on finit par l’enregistrer et le regarder en intégralité. A vrai dire, petit bout par petit bout, car le film est non seulement bricolé avec trois francs six sous – ambiance court-métrage amateur – mais il est surtout parfaitement abscons et inintéressant. L’histoire d’un représentant de commerce, obsédé sexuel mais frustré par sa femme, qui devient peintre à Pont-Aven par amour, sombre dans l’alcool et retrouve le goût de la vie avec une gamine qui vend des pommes d’api.

À part quelques répliques salées (dont le célèbre « Ah quel cul ! » qui deviendra la signature de Jean-Pierre Marielle, il n’y a rien. Tout cela devait être gentiment clivant dans les années 70. Aujourd’hui, il n’en reste rien.  Seulement le goût amer d’une blague grivoise de fin de repas, racontée par un vieil oncle qui a forcé sur l’armagnac.




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