dimanche 9 juillet 2017
La Rivière Rouge
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
Des machos confrontés à des situations dantesques ? Le jeune qui doit remplacer le vieux ? Des femmes pointues, courageuses, qui n’ont pas leur langue dans leur poche et peuvent dire leur fait aux mâles environnants ? Ben oui, bien sûr, on est chez Howard Hawks ! La Rivière Rouge, un des plus grands films du maître, 1948.
Le pitch : des cowboys doivent convoyer le plus grand rassemblement de longhorns (9000 têtes), en partant du Texas qui produit trop de bétail, jusqu’au Missouri pour aller nourrir les grandes villes du Nord. Qui elles, n’ont pas assez de viande. Le western, c’est toujours plus ou moins l’histoire de l’Amérique.
A leur tête, Dunson (John Wayne) un chef acariâtre, usé par l’âge, le célibat forcé, et une forme de tyrannie tranquille. Accompagné de Matthew (Montgomery Clift), son fils adoptif, recueilli quinze ans plus tôt d’une attaque indienne qui emporta le seul amour de Dunson. Mais sa tyrannie finit par lasser tout le monde, même Groot (Walter Brennan, oui le vieux de Barbary Coast et Rio Bravo). Le fils putatif reprend alors la main, se dressant contre son père adoptif.
Même si le final est très faible – une happy end imposée par Hawks qui ne voulait pas que ses héros s’entre-tuent sans aucune raison valable – le reste est excellent : l’incroyable stampede de nuit (une semaine fut nécessaire pour filmer la débandade de centaines de vaches), John Wayne dans un rôle étonnamment ambigu, Montgomery Clift, l’intello homo newyorkais crédible en cow-boy taiseux, l’inévitable Walter Brennan, Joanna Dru, John Ireland…
Un classique vous dis-je !
jeudi 6 juillet 2017
Dix bonnes raisons de ne pas aller voir Valérian et la Cité des Mille Planètes
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
CineFast, toujours au service du cinéphile pressé, vous facilite la vie en vous offrant directement dix excuses – à utiliser comme bon vous semble – pour éviter le dernier Luc Besson.
1. Le dernier Luc Besson ? Si seulement c’était vrai !
2. Le dernier bon film de Luc, c’est Le Dernier Combat*…
3. Il a déjà massacré une bédé de votre adolescence, Adèle Blanc-Sec, il va pas en plus massacrer celle de votre enfance !
4. Le cast est horrible (Cara Delevingne en Laureline et Dane DeHaan en Valerian). Enfin, moches…
5. Avatar était déjà laid, on va pas recommencer avec les fleurs bleues…
6. Avouons-le maintenant : Valerian, c’est bien jusqu’à ce que Laureline s’habille un peu sexy, c’est à dire jusqu’au dyptique Métro Châtelet direction Cassiopée – Brooklyn station terminus cosmos ; après, ça devient peu n’importe quoi… les Shingouz… Hypsis, Ralph le Glapum’tien,…
7. La bande annonce donne envie de vomir, un peu comme l’attraction Armageddon chez Disneyland Paris…
8. Le score n’est pas d’Eric Serra ; Si c’est pas Serra, j’y vais pas.
9. Y’a pas non plus Jean-Marc Barr ni Rosanna Arquette…
10. Désolé, j’ai pas fini The Leftovers…
* Franchement vous avez revu récemment Le Grand Bleu** ?
** Et posez-vous la question : pourquoi Subway ne repasse jamais à la télé… ?
dimanche 2 juillet 2017
Phase IV
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
Phase IV, depuis vingt ans, faisait partie de la todo list du Professore ; un film de SF rare, sur l’invasion à venir des fourmis sur notre belle planète.
Rare, on comprend pourquoi ; Phase IV est une bouse innommable. Décors en cartons, musique sous-Pink Floyd, montage approximatif, et acteurs de seconde zone. On comprend aussi pourquoi c’était culte à l’époque : effet « spéciaux », musique angoissante, préoccupation écologiste, et surtout, impressionnantes images réelles de fourmis… Ce Microcosmos avant l’heure devait faire de l’effet en 1974. Pas un grand succès au box office, mais gagnant à la troisième édition du festival d’Avoriaz.
Saul Bass, designer de générique réputé (allez voir sur Wikipédia, ça fait peur, du Carmen Jones de Preminger à Casino de Scorsese) ne fera pas d’autres films. On comprend pourquoi. A mi-chemin entre La Chose d’un Autre Monde d’Howard Hawks (1951) et The Thing de Carpenter (1982), Bass ne sait rien tirer de ces scientifiques coincés dans leur base (en plus avec une jolie fille). Entourés d’ennemis, dont on sait depuis toujours qu’ils sont de l’intérieur.
De cette psychose qui gagne, du savant fou, de la jeune fille égarée, Bass ne fait rien. Les acteurs jouent donc en ligne droite, pieds nus sur des rails.
mardi 27 juin 2017
Hollywood ne répond plus
posté par Professor Ludovico dans [ Hollywood Gossip -
Le Professor a toujours quelque chose à dire... -
Les gens ]
Voilà un excellent petit livre pour l’été. Olivier Rajchman a en effet la bonne idée de faire le pont, au plein cœur de la crise de la Twentieth Century-Fox, entre trois films qui vont devenir légendaires pour des raisons extrêmement différentes. Cléopâtre, le chef d’œuvre que Mankiewicz va renier toute sa vie, Le Jour Le Plus Long ou la revanche de Darryl Francis Zanuck, et Something’s Got to Give le film avorté de Marilyn Monroe, quelques jours avant sa mort.
Entre les trois films, un point commun : la Fox, au bord du gouffre au début des années soixante, qui met en chantier le plus de films dans l’espoir de tirer au moins le gros lot qui permettra de la sauver.
Petit film, Cléopâtre ? C’est en tout cas l’ambition de départ ; reprendre une histoire connue, et un scénario maison ayant déjà fait l’objet d’un film en 1923. Et un tournage, sous les ordres de Robert Mamoulian, sur… les bords de la Tamise, pour profiter des subventions anglaises. Bizarrement, le temps n’est pas clément et on tourne au mieux deux minutes par jour. Mamoulian est viré, on engage un bon, le Mank’ (All about Eve, Soudain l’Eté Dernier, L’Affaire Cicéron), qui a l’heur de plaire à Miss Taylor, la petite jeunette qui vient de faire un carton, justement, dans Soudain l’Eté Dernier. C’est le début des ennuis, car on recrute aussi un certain Richard Burton, gallois au sang chaud, et comme on dit au Portugal, il faut éviter de mettre la bûche près du feu. Le tournage part en vrille, entre le scandale (les deux sont mariés), les caprices de madame, les beuveries de monsieur, et le scénario qui s’écrit… au fur et à mesure du tournage, une excellente solution pour dépenser beaucoup d’argent…
Les autres films ne sont pas en reste côté anecdotes ; Zanuck, vexé d’avoir été éjecté de la compagnie qu’il avait fondée puis dirigée, rachète les droits du best seller sur le D-Day. Il a une idée de génie pour son Jour le Plus Long : faire un casting… uniquement composé d’inconnus.
Quant à Marilyn, elle ronge son frein contre la petite brunette aux yeux violets qui lui vole la vedette, elle la déesse blonde horriblement âgée de trente-deux ans, et décide de reprendre l’initiative en chantant Joyeux Anniversaire à JFK. Problème, elle est officiellement en congés maladie quand Cukor la demande sur le plateau de Something’s Got to Give. Virée dans les semaines qui suivent, elle prendra la route mortelle de Brentwood, route parsemée de médicaments, d’entourage défaillant et de menaces du clan Kennedy.
lundi 26 juin 2017
The Night of
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
Quand on voudra analyser les années 2000, les historiens se pencheront sur HBO. Pour comprendre l’histoire des Etats-Unis post-11 septembre, ou de l’Occident en général, il suffira de regarder les Soprano, Sur Ecoute ou The Night Of. En huit épisodes, la série – sous le faux prétexte d’une enquête policière* – trace le plus précis des portraits de notre monde actuel. Un monde gangréné par la peur du terrorisme, la drogue, le racisme, et le fric.
En huit épisodes d’une subtilité incroyable (on est sûr que Nazir n’a pas tué la fille, alors qu’aucune preuve ne vient étayer cette idée ; la série va jouer avec ce préjugé), The Night of traitera tous ces sujets, la vidéosurveillance partout, les avocats des riches et les avocats des autres, Rikers’ Island, le dur boulot de flic ou de la procureure, miné par l’obsession du résultat, la médecine à deux vitesses, etc., etc.
Porté par le meilleur du casting d’HBO, John Turturro, qu’on ne présente plus, Riz Ahmed (Rogue One), Michael K. Williams (Omar de Sur Ecoute), Bill Camp (The Leftovers, Twelve Years a Slave), Peyman Maadi (Une Séparation, A Propos d’Elly), J.D. Williams (Sur Ecoute, Oz), chaque scène est un merveille de réalisme, de subtilité, d’intelligence, portée par des comédiens extrêmement sobres.
La mise en scène est au diapason : jamais spectaculaire, totalement au service du scénario. La base du cinéma, tout simplement : show, don’t tell. Un regard, et Turturro décide d’aider ce gosse perdu dans sa cellule du 21th precinct. Le visage fermé du flic remplissant sa déclaration de retraite : pas besoin d’une ligne de dialogue pour comprendre qu’on ne met pas trente ans de boulot aussi simplement aux archives. Ou la transformation visuelle de Nazir qui vient jeter l’ambigüité sur le personnage et nous obligent tout à coup, peut-être, à réviser nos préjugés sur l’innocence du héros.
The Night of est simplement l’une des plus grande séries de ces dernières années…
* Un jeune américain d’origine pakistanaise a-t-il ou non sauvagement assassiné son coup d’un soir ? Le spectateur comprend vite que ce n’est pas le sujet de The Night of…
samedi 24 juin 2017
HHhH
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
« Ça fout pas les poils ! » Le jugement définitif de Karl Ferenc Scorpio, qui s’y connait en histoires tchèques, fait parfaitement l’affaire pour définir HHhH, l’adaptation speedée et inutile du formidable livre de Laurent Binet sur l’opération Anthropoid, et l’assassinat d’Heydrich à Prague en 1942.
HHhH, le film, est certes bien fait, respectueux du livre comme de l’histoire*, mais on n’éprouve ni peur, ni peine**, à cette déchirante et terrifiante histoire. La faute à Cedric Jimenez qui balade sa caméra à l’épaule en permanence, même quand il visite un poulailler (celui d’Himmler, sic !). A force de s’agiter tout le temps, les moments forts ne ressortent pas, comme l’attentat, ou le siège final de l’église Saints-Cyrille-et-Méthode.
Jimenez a des idées, mais il ne les mène jamais loin. Heydrich serait un jeune homme bizarre, mais rien ne vient l’étayer***. Heydrich aurait été humilié par son renvoi de l’armée ? Jimenez ne pousse pas cette idée. C’est Lina, sa femme, la vraie nazie, la grande inspiratrice ? Cette intention, un peu plus poussée par Rosamund Pike, s’arrête en rase campagne tchèque. Quant à la réelle utilité de l’attentat, qui va déclencher les plus terribles représailles, ce débat est torché en une seule scène, alors qu’elle est au coeur du livre…
Quand on ne sait pas vraiment ce qu’on veut dire, on se contente d’illustrer la Grande Histoire, qui fait office de scénario. Malédiction du biopic. Mais sans point de vue, pas de cinéma.
Tout cela est bien dommage parce qu’il y a beaucoup de talents et beaucoup d’argent dépensé, mais non, HHhH ne fout pas les poils…
* Même s’il renonce à ce qui faisait l’originalité du livre, c’est à dire la voix de Binet, et son analyse de sa propre subjectivité face à la grande Histoire.
** A quelques exceptions près ; l’attentat lui-même, très bien mis en scène, et le suicide du père et du fils résistant.
*** pas aidé par Jason Clarke (Everest, Zero Dark Thirty) bien pâle, peu ressemblant, et sans ambiguïté dans le rôle de Heydrich
lundi 19 juin 2017
Missions
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
Bonne nouvelle : les Français se mettent à la série TV SF. Mauvaise nouvelle : les Français se mettent à la série TV SF. Bah oui, comme d’habitude, c’est très beau : générique splendide, décors incroyables (les images de Mars, on ne sait pas où ils les ont tournées*) et les vaisseaux en 3D, parfaits. La musique techno, French touch, magnifique.
Qu’est-ce qui cloche, alors ? Comme d’habitude : le moins cher. Les dialogues, écrits par une classe de cinquième. Et les acteurs qui les jouent : une classe de quatrième**. C’est dommage parce que les idées sont bonnes, à savoir une sorte d’anthologie-clin d’œil de tout ce qui fait la SF depuis 100 ans.
* dans le désert marocain, merci internet.
** malgré le génial Mathias Mlekuz, disparu depuis Nos Enfants Chéris
dimanche 18 juin 2017
Twin Peaks, s03 e1234
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
On aurait dû s’en douter quand on a appris, en mai, qu’à la projection des deux premiers épisodes, David Lynch avait été ovationné à Cannes. Les mêmes ayant probablement poussé des cris d’orfraie en 1990 contre La 5 et le pouvoir destructeur de la télé, qui venait d’absorber le plus grand cinéaste de sa génération. Cannes se trompe toujours d’une guerre.
Donc si elle applaudit le reboot Twin Peaks « 25 years later », c’est qu’il y a un problème. Et il y a un problème. Ce que les Alpes Maritimes applaudissent aujourd’hui, c’est la veine auteuriste de David Lynch. Et c’est tout ce qui ne va pas dans Twin Peaks.
Le génie de la série en 1990 était d’injecter au sein du format ultra classique du soap opéra, le poison d’un auteur, et pas n’importe lequel, le plus freak d’entre eux, l’homme d’Eraserhead et des courts métrages The Alphabet ou The Amputee. Le poison était dans la machine, et allait changer la machine pour toujours.
Aujourd’hui la télé a bien changé, mais elle reste toujours un média relativement conformiste. Lynch voit bien le parti qu’il peut tirer de ce retour tant attendu ; faire ce qu’il veut sans le moindre contrôle de la chaine. C’est à dire le contraire de 1990 où le rapport de force était inversé ; Lynch était à la ramasse, business-wise, et se remettait péniblement de l’échec dantesque de Dune, tout en conservant une aura critique (Blue Velvet, Sailor et Lula).
Aujourd’hui, il n’a plus rien à prouver, ne fait plus de cinéma, et donc peut se permettre n’importe quoi. Il a imposé ses choix à Showtime, menaçant de partir s’il n’était pas entendu. Il sait qu’il a des millions de fans derrière lui. Et Showtime s’en fout ; Twin Peaks ne booste pas l’audience, mais les abonnements, et c’est ça qui compte.
Lynch peut donc s’amuser avec les trucs de mise en scène expérimentalo-sixties de ses vingt ans. Tant pis pour le fan, tant pis pour le spectateur. Quatre premiers épisodes interminables, filmés à l’envers, gags étendus à l’extrême (« heeellllooooo ! »), drame raté (Bobby revoyant l’image de Laura à vingt ans), pas un plan de Twin Peaks, la ville. Pas de Badalamenti, qui a tant fait pour la série. Pas une goutte d’humour, pas une goutte d’amour.
Que du poison.
samedi 17 juin 2017
Girls, saison 5
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
Problème de poils dans le dos, d’aisselles mal rasées, de canon esthétique « blanc / chrétien » pour un mariage : vous l’avez compris, les Girls sont de retour. Comme à chaque fois, on hésite avant de s’y remettre ; la peur d’être déçu par nos amoureuses, Hannah, Marnie, Jessa et Shoshanna.
Mais voilà, trente secondes après, le talent de Lena Dunham est toujours là. Personnages au cordeau, qui évoluent dans le chaos vers la vie d’adulte, description de la boboïtude newyorkaise ou des incompréhensions intergénérationnelles, tout est dans Girls.
Il faut dire que la série n’est pas seulement portée par des dialogues brillants, mais surtout par les comédiens incandescents, jusqu’au moindre petit rôle, qui les portent. Ainsi, Zosia Mamet venait de nous convaincre que transplanter au Japon le petit lapin Shoshanna était parfaitement génial ; il a suffi qu’elle se retourne face caméra, deux simples larmes dans les yeux, pour nous persuader du contraire.
Il ne manquait plus que la musique de David Bowie pour nous dire que Girls était la meilleure série du monde, parce qu’elle nous parlait, nous qui ne sommes ni filles, ni newyorkais, ni twentysomething, tout simplement de nos étranges vies.
Life on Mars.
mercredi 14 juin 2017
Le Serment
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
Fascinés par les premiers épisodes de ce Serment, nous sommes allés voir sur IMDb pour y trouver le nom du réalisateur : Peter Kosminsky. Bon sang, mais c’est bien sûr, l’homme de Warriors, le chef d’œuvre sur les casques bleus en Bosnie, qui nous avait pris aux tripes en son temps. La définition même du cinéma pas gentillet.
Ce Serment est pareil, six heures de pédagogie décoiffantes sur la Palestine 1946, la naissance d’Israël et les Britanniques qui n’en peuvent mais. Le tout habilement mêlé, du moins au début, à une intrigue contemporaine. Une jeune britannique découvre le journal de son grand père aux portes de la mort, et son rôle dans cette histoire moyen orientale. Elle profite d’une invitation de sa meilleure amie israélienne qui part faire son service pour découvrir le pays. Les contradictions d’aujourd’hui étant évidemment celles d’hier, les deux histoires pinpongent plutôt bien jusqu’à la dernière heure, où, comme une bonne blague juive, on commence à se demander si ce n’est pas notre héroïne qui porte la poisse, tant l’inétgralité du conflit israélo-palestinien semble retomber sur ses épaules.
C’est la partie la plus artificielle du film. On voit bien que Kosminsky est plus attaché à transmettre son message qu’à s’intéresser à ces viles péripéties, love stories et autres problématiques Best Friend Forever.
Que cela ne vous décourage pas de découvrir ce serment-là…