samedi 10 juin 2017


Westworld
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Ce Mondwest défie l’analyse. Passionnant mais pas émouvant. Intéressant, mais sec comme un coup de trique. Surprenant mais sans cliffhanger. Cette série-là prend son temps, ne semble pas s’intéresser aux émotions du spectateur, mais pourtant on ne s’ennuie jamais. Westworld installe patiemment son puzzle et attend les derniers épisodes pour en révéler les contours.

Mais en même temps, elle offre trois mises en abîmes passionnantes, sur notre besoin de fiction, nos addictions aux jeux vidéos, et sur la psychanalyse.

Résumons. Westworld, c’est un parc d’attractions pour ultrariches (il y est dit que la journée y coûte 40000 dollars), où l’on peut faire absolument ce que l’on veut avec des robots ultraréalistes. Évidemment, les touristes ne font que deux choses : les tuer et les baiser.

Sur notre irrépressible besoin de fiction, le spectateur est indirectement confronté là-dessus, au travers de dialogues à double sens posés aux visiteurs du parc : « C’est bien ce que vous voulez vivre, non ? des aventures ? découvrir votre véritable vous-même ? » Une question qui pourrait être posée directement du showrunner au spectateur venu visiter, via HBO, le « parc d’attractions du sexe et de la violence », les arguments marketing de la chaîne depuis ses débuts*. Des questions qui sont posées en fait au spectateur ? Une vieille technique que J.J. Abrams a utilisé dans Lost et qu’il réutilise aujourd’hui.

N’est ce pas là la définition d’une œuvre d’art ? Faire réfléchir. Faire rêver. Faire vivre autre chose, par procuration ? Le sexe, la violence, l’exotisme ?

Mais c’est la deuxième partie de la phrase « découvrir votre véritable vous-même » qui est le fond de Westworld. La critique du jeu video est assez anecdotique, plutôt clin d’œil au gamer que critique en profondeur ; les niveaux, le « labyrinthe », comme boss de fin de niveau, etc. C’est sur la psychanalyse que Westworld est passionnante.

La série propose en effet cette figure de style régulière : un concepteur face à une de ses créatures, comme par hasard toujours nue (ne dit-on pas « se mettre à poil »?). Les concepteurs demandent au robot de « baisser le niveau d’émotions », ou les enjoint à passer en mode « analyse ». La créature (comme on parle de créature de Dieu**) doit alors faire le bilan de l’action qu’elle vient de décrire, dans une perspective mécaniste : « je me suis mis en colère parce que j’ai improvisé sur une des lignes de mon script ». Encore une fois, mélange de la fiction et du psy.

Qui suis-je ? D’où viens-je ? Mes perceptions sont-elles réelles ? Suis-je vivant ? Êtes-vous morts ? Les vieilles questions métaphysiques sont omniprésentes dans la série, et l’empreinte de Philip K. Dick, toujours royalement présente.

Ces questionnements éternels de l’humanité, Westworld y apporte des réponses, parfois troublantes. Au-delà de la formidable cathédrale romanesque qui se construit devant nous (et n’est visible qu’à la toute fin du dernier épisode), c’est bien ça qui passionne.

* HBO a commencé par être une chaîne de boxe puis est devenue, selon la légende, la seule chaîne où on pouvait dire « fuck » à la télé.
** Les robots étant programmés pour croire que les humains sont des dieux, et les moments où ils sont analysés / réparés, des rêves.




mercredi 7 juin 2017


La 317e Section
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Ça faisait un bout de temps que le DVD (Collection « Le Monde ») traînait sur la commode, et que le Lieutenant Jeg, du 3ème Cuir, me tannait pour que je regarde le « meilleur des films de guerre ».

Voilà c’est fait, et cette réputation n’est pas usurpée. On connaissait évidemment le cinéma particulier de Pierre Schoendoerffer (Le Crabe Tambour, L’Honneur d’un Capitaine) mais cette 317e Section nous avait, bizarrement, longtemps résisté. Et c’est vrai que c’est un choc.

Cette évocation réaliste, quasi-documentaire, de cette vie de section (une vingtaine d’hommes) qui retraite depuis Diên Biên Phu, on aurait dû la voir depuis longtemps au cinéma.

Le réalisme, ce n’est pas la question du bon bruitage d’un son de fusil, de la taille de costumes parfaitement raccords avec l’époque, ou de décors somptueux. C’est d’abord une question de personnages. Et là, il y en a deux, archétypes du jeune chef de section (Jacques Perrin) et du vieil adjudant (Bruno Cremer) qui en a vu d’autres.

Pierre Schoendoerffer n’en fait pas des tonnes sur le sujet. Parce que, comme lui (dans un contexte autrement moins dangereux), nous avons passé un an dans l’armée française, il fallait que cette évocation soit réaliste, sur ce microcosme bizarre qu’est une section de soldats, mélange éternel de camaraderies et de violences, de courages et de faiblesses.

C’est ce que réussit précisément Schoendoerffer. Il n’est pas le seul, ni le premier soldat-écrivain-cinéaste (Céline, Giraudoux, Jünger, Füller, Stone), mais sa réussite est particulière. Parce que l’on s’attache à la réalité de ses personnages, à leur véracité émotionnelle, on les suit sans difficulté dans leurs pérégrinations dans la jungle, et pas l’inverse. Le cinéma s’attache souvent à l’histoire, au détriment des motivations de ses personnages, souvent réduits à un cliché (le sergent cruel-mais-juste, le soldat-objecteur-de-conscience-mais-courageux).

Ici, pas de rédemption, mais quelques instants dans la vie de soldats traqués et défaits, mais qui reste des hommes. Malgré le harcèlement des Vietminh, reste l’espoir de s’en sortir, la possibilité de porter soi-même des coups à l’ennemi, la violence et la peur.

Le film se terminera abruptement comme se termine une guerre, comme se termine une vie. Cinquante ans après, le film n’est pas pris une ride sur ce plan-là. Qu’on ait fréquenté ou non l’armée française, il faut voir ce film.




mardi 6 juin 2017


That Thing You Do
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Quand on cherchera la définition d’un film qui n’est pas gentillet, on pourra toujours tomber sur film de Tom Hanks. That Thing You Do, un film d’époque où le mot gentillet semble pourtant le plus adapté : les fifties, jolies filles, belles bagnoles, Coca-Cola et rock’n’roll. Mais Tom Hanks voit plus loin que ça. That Thing You Do est une histoire de one hit wonders, ces chanteurs qui, malgré un premier hit, ne deviendront jamais des stars.

One hit wonder, c’est la réalité économique du showbiz. Un producteur, comme un éleveur de pur-sang, doit avoir des dizaines de chevaux dans son écurie, et tous ne peuvent pas gagner l’Arc de Triomphe tous les ans… pour un Rolling Stone, un U2, un Téléphone, combien de The Tornados (Telstar), Dexys Midnight Runners (Come on Eileen), ou de Patrick Coutin (J’aime regarder les filles) ?

Et comme le dit le vieux musicien de jazz, trois choses peuvent venir casser ta carrière ; les filles, l’argent et l’alcool. Ou les trois. That Thing You Do filme cette démonstration ; chacun des personnages y succombera. Et cette belle histoire qui semblait partie pour une happy end années 50 se terminera, pas forcément de façon dramatique, mais en tout cas par l’échec de cette proposition.

Tom Hanks filme cela très basiquement mais très efficacement, en se donnant le rôle du méchant : le pragmatique producteur des Oneders.




dimanche 4 juin 2017


Légion
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Après un départ tonitruant et un pilote qui restera dans les annales, Légion peine à tenir la distance.

Légion fait partie de ces films adolescents qui énervent le professeur. Adolescent, c’est-à-dire des films qui semblent partir de très haut (la Vie, l’Univers, et le Reste), où la technique est très ambitieuse (réalisation ultra léchée, musique haut de gamme), les dialogues pointus (une punchline par personne et par scène) mais qui, en réalité, ne sont que des divertissements futiles et enfantins.

Et qui n’assument pas, donc.

Après un pilote époustouflant, mêlant références pop (Kubrick, Pink Floyd, les Who), mise en scène virtuose et narration ambitieuse (réalité, ou schizophrénie), Légion n’a plus avancé d’un pouce. Elle s’est contentée, façon Matrix, d’empiler les univers comme des poupées russes ; le rêve dans la réalité qui est dans les rêves, sauf que c’est peut-être la réalité. Rapidement, le spectateur ne fait plus d’efforts pour tirer le vrai du faux.

Cette fausse complexité ne permet pas de camoufler longtemps la simplicité du propos ; un gars découvre ses pouvoirs, une fille l’aime, des méchants veulent s’emparer de lui. Utiliser sept heures pour ne dévoiler que ça, c’est trop peu.




samedi 3 juin 2017


Get Out
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Qui n’est jamais parti, bourré d’angoisse, pour un premier week-end chez ses beaux-parents? Imaginez maintenant, dans la riante Amérique de Donald Trump, que vous êtes noir et que votre copine est ravissante, mais blanche (la parfaite Alison Williams de Girls). Et qu’elle n’a pas souhaité les prévenir de votre couleur de peau ? Parce que ses parents sont d’authentiques libéraux, obamalâtres de la première heure ?

Au début, ce gentil postulat semble se vérifier, mais les parents richards, certes gentils (Catherine Keener et notre Bradley Whitford de The West Wing) sont quand même un peu bizarres. Sans parler du frère, des voisins, du jardinier, etc.

Le week-end va tourner au vinaigre, mais pourquoi ? A cause de ce petit coin d’Alabama, ou parce que le héros, Chris Washington (Daniel Kaluuya), est parano ?

Toute l’ambiguïté – et tout l’intérêt, à vrai dire – de Get Out est là. On se demande longtemps si on est dans le thriller horrifique ou la comédie psychologique. Quand cette ambigüité, à la fin, sera levée, on verra que Get Out a tutoyé le chef d’œuvre, mais a finalement opté pour la série B.

Une série B d’une excellente facture. Get Out a notamment le mérite de mettre à jour tous les clichés, en les inversant : cette fois-ci, le noir ne peut pas mourir à la fin.

Le problème est en fait inversé : ici, ce sont les blancs qui sont caricaturaux. S’il avait été un tout petit peu plus subtil, Get Out n’était pas loin du très grand film.




mardi 30 mai 2017


Mulholland Drive
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

« On meurt, on passe un bout de temps à rêver, et on revient… »

Si un film de David Lynch devait s’appliquer à cette citation du Maître de Missoula, ce serait bien celle-là. D’ailleurs, il n’est pas recommandé de revoir ses films, l’expérience initiale étant souvent la meilleure. Ses films sont des rêves, et on ne fait jamais deux fois le même rêve. David Lynch a toujours voulu – comme Hitchcock – s’adresser aux émotions du spectateur ; Mulholland Drive est l’achèvement total de cette ambition.

Après Twin Peaks, après un séjour à Los Angeles, l’an dernier, il fallait néanmoins emmener la Professorinette voir Mulholland Drive, pièce ultime du puzzle Lynch.

Et même si, à cette relecture, on gagne en compréhension ce qu’on perd en rêve, le film conserve sa magie intacte. Mulholland Drive reste le diamant noir dans la carrière de Lynch, indubitablement son meilleur film.

Tout y est : l’éloge ténébreux de Los Angeles, ville-labyrinthe dont on verra la substantifique moëlle : Winkie’s diner, Pink’s hotdog, les studios de la Paramount et les bureaux des producteurs mafieux, Howard Hughes en cravate à motif damas, ranch dans les canyons et villa de beautiful people sur les Hills, palmtrees sur Rodeo Drive, Downtown L.A. et Hancock Park, et même un duo de flics… tout cela sans le moindre establishing shot*. Los Angeles est grand, mais c’est une prison étouffante pour ceux qui s’y perdent.

Mulholland Drive est aussi un hymne au dark side d’Hollywood, la corruption inhérente à l’Usine, où les rêves fracassées d’une petite blonde de l’Ontario championne de jitterbug échoue dans les contre-allées des lot des studios, condamnée à observer de loin les autres réussir. Tel Janus, on en verra les deux visages montés en juxtaposition ; Betty répétant une scène ringarde dans sa cuisine, puis en offrant une interprétation exceptionnelle** devant des patrons de studios juste après. A Hollywood comme ailleurs, il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne…

Le film est aussi la formidable description du dédale des sentiments, les mystères de l’amour et ceux de la jalousie. Pendant deux heures, un grand cinéaste ne cessera pas de faire confiance au spectateur, l’incitant à débrancher le cerveau (qui essaie de comprendre quelque chose à ce déluge de personnes, de situations, de lieux) et à ouvrir grand son cœur pour, enfin, ressentir.

Il n’y a pas de plus grand film sur ce plan-là. Mulholland Drive, comme Twin Peaks, parle directement à vos émotions ; la peur et l’effroi, le rire et l’amour, le désir et les larmes.

Non, il n’y a pas de plus grand film sur ce plan-là. Mulholland Drive s’adresse directement à votre âme.


* Si ce n’est la classique vue de nuit, avec les lumières de La Brea av, qui indique, comme les cailloux du Petit Poucet, la direction prise par Rita dans la nuit angelino.
** Tout aussi exceptionnelle que la performance de Naomi Watts dont le film fit décoller, à 33 ans, la carrière.




dimanche 28 mai 2017


Combien d’emplois générés par la Joconde ?
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

Il y a avait déjà cette mauvaise manie du générique au cinéma. Quel autre art en effet se sent obligé de remercier tout le monde ? Philip K. Dick remerciait certes son épouse « sans le silence de laquelle » il n’aurait pu écrire Le Maître du Haut Château. Mais il ne remerciait pas le linotypiste, l’imprimeur, le correcteur, l’éditeur, la secrétaire à l’accueil de Putnam Press, et tutti quanti …

Le cinéma, lui, remercie le moindre chauffeur. Peut-être parce qu’il connait le pouvoir d’attraction du 7ème art, qui fait que tout s’arrête dans une rue quand on y pose une caméra, qu’on aperçoit Tom Cruise en train de faire une cascade, ou qu’on met ses mains dans celles de Marylin, devant le Man’s Chinese Theater. Qui n’a pas été flatté de voir son nom à la fin d’un court métrage, parce qu’il avait prêté son appartement ?

Mais voilà maintenant la mauvaise manie de dire que le film a généré de l’emploi. Ainsi, à la fin de Star Trek Beyond, on apprend que le chef d’œuvre a dépensé $69 millions en Colombie Britannique et crée 3 925 jobs. Idem pour Alien Covenant, mais on n’a pas retenu les chiffres…

Imagine-t-on un panneau sous la Joconde indiquant que le tableau a couté 4 années de travail, 1300 mozzarella et 350 jambon-beurres (Vinci l’a fini en France), ce qui a généré 12 emplois à Florence et 2 à Amboise ?

On peut se demander ce qui motive cela. Si le cinéma veut montrer qu’il a une forme d’utilité sociale, c’est vraiment le commencement de la fin.

On pense – et on espère – qu’il s’agit plutôt de compenser l’effroi devant les budgets faramineux des films en question. Est-il bien raisonnable de dépenser 185 millions de dollars pour Star Trek ? Et, partant, 6 millions de dollars pour chacun de ses deux comédiens attitrés ? Une question comminatoire posée aux footballeurs et qui commence à s’immiscer au cinéma (cf. la polémique Maraval en 2012)…




vendredi 26 mai 2017


Twin Peaks, saison 3
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Voilà. Il est de retour, le fils prodigue. 25 ans d’attente et Twin Peaks, « comme promis* », revient sur les écrans. Mais le CineFaster, un peu âgé, a gagné en sagesse. Et même s’il a décidé de regarder Twin Peaks en temps réel (traitement de faveur réservé uniquement au Trône de fer), s’il a bloqué tous ses jeudis à partir de 22h25, s’il a débranché les téléphones, éteint toutes les lumières et obtenu un silence de cathédrale dans le salon, le CineFaster n’est pas dupe. Il sait que ce retour a beaucoup plus à voir avec le business qu’avec l’art, même si l’un n’empêche pas l’autre. Par sécurité, le cinéphile expérimenté se prépare toujours à être déçu.

Mais ces deux premiers épisodes sont, à ce titre, assez étonnants. David Lynch semble vouloir faire de la contrainte une opportunité, ce qui donne souvent de bonnes choses**. En reprenant la quasi intégralité de son casting, Lynch prend le parti de les filmer dans leur jus, c’est-à-dire vieillis, comme nous tous. Que sont-ils devenus ? Norma est-elle enfin heureuse avec Ed ? Shelly et Bobby sont-ils toujours ensemble ? Et James ? Et les frères Horne ?

Lynch a toujours fait ça, filmer les gens comme ils sont, moches, sales, ou magnifiquement beaux. Il va même ici jusqu’à filmer la Femme à la Buche en chimio, comme la comédienne dans la vraie vie.

La grande question de ce retour de Twin Peaks, c’est de savoir si le chef d’œuvre peut accoucher d’un nouveau chef d’œuvre. La foudre ne tombant jamais deux fois au même endroit, on peut en douter. Twin Peaks, premier du nom, est né d’un incroyable concours de circonstances. Des chaines pas prêtes, un réalisateur auréolé d’une image « arty » acceptant de « déchoir » à la télé, des jeunes comédiens en état de grâce, et un script sur les derniers jours de Marilyn recyclé à la hâte, avec son intrigue resituée dans l’état de Washington.

Aujourd’hui, on imagine Showtime calculer sur cinq ans le retour sur investissement : quel potentiel commercial à ressortir l’agent Cooper du placard, à confier une saison à un showrunner qui n’a rien tourné depuis dix ans, et mettre à l’écran des beautés de 47 ans (Madchen Amick), 50 ans (Sherilyn Fenn) ou 71 ans (Peggy Lipton) ? ***

Ces deux épisodes, en tout cas, ne jouent pas la carte de la nostalgie. A part le générique, pas de musique de Badalamenti. De nouveaux personnages, un nouveau Cooper, de nouveaux mystères et une ambiance qui lorgne plus vers Lost Highway que vers le mélo, ce qu’on pourra regretter.

Le nouveau Twin Peaks fait peur, le nouveau Twin Peaks intrigue, mais pour le moment, il ne fait ni rire ni pleurer.

La suite nous dira si cela suffit pour signer le grand retour.

* Dans le dernier épisode de la saison 2, Laura Palmer donnait rendez-vous à l’agent Cooper dans 25 ans. Promesse tenue, donc.

** Les épisodes 123 de Star Wars sont un bon exemple de l’art « sans contrainte »

*** le raisonnement d’ailleurs, doit être tout autre : une série de prestige, à la Mad Men ou West Wing, qui ne fait pas forcement beaucoup d’audience mais qui fait une bonne audience en termes de CSP+.




jeudi 25 mai 2017


10 Cloverfield Lane
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

 
C’est la bonne surprise du mois. 10 Cloverfield Lane est une excellente série B servie par d’excellents acteurs, dont l’inusable John Goodman. Le pitch : une jeune femme, après un accident automobile, se retrouve enfermée dans une cave. Elle se croit prisonnière d’un serial killer, mais son geôlier lui tient un autre discours : il l’a sauvée de l’apocalypse qui s’est déclenché pendant qu’elle était dans le coma. La voilà en tout cas condamnée à vivre avec ce gros type bizarre dans son abri antiatomique de survivaliste redneck.

Dit-il toute la vérité ? C’est tout l’objet de 10 Cloverfield Lane. À partir de ce canevas classique de film d’horreur, le film tresse un scénario beaucoup plus subtil que la production habituelle. Dans les liens entre la « prisonnière » et son « geôlier », le film fournit des rebondissements ou des variations étonnantes, que nous tairons bien évidemment ici. 
 
Une authentique série B, intelligente et sans esbroufe, divertissante mais subtile : ça mérite d’être noté.




dimanche 14 mai 2017


Alien Covenant
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Il n’y a rien de plus triste au monde que de voir un artiste détruire sa propre œuvre. Leonard de Vinci revenant au Louvre rajouter du eyeliner à sa Joconde, avec un peu de gloss, pour faire plus moderne… (en parlant de la Joconde, on y reviendra dans une prochaine chronique). Ou simplement piétiner le fabuleux jardin à l’anglaise* qu’est Alien, comme le fait ce sequel de Prometheus et ce prequel du film mythique qui lança la carrière du frère de Tony Scott pour le meilleur (Blade Runner) et pour le pire (à peu près tout le reste)…

Ridley Scott, Botticelli moderne, vient brûler Alien aux pieds de son Savonarole à lui : Hollywood ? Le Public en transe ? Personne ne vient obliger le pauvre septuagénaire à faire une suite à son chef-d’œuvre. Et surtout, de la signer. Car comme Prometheus, Alien Covenant ferait une très bonne série B, produite par Mr Scott… si on enlevait la mythologie Alien. Mais ça ne se vendrait pas pareil.

Bizarrement, Alien Covenant est à la fois meilleur et pire que Prometheus… Là où le truc est plus intéressant, c’est qu’il propose une forme de conclusion à l’ensemble : d’où viennent les aliens ? Qui les a conçu ? Qu’est-ce que la Création ? Qu’est-ce qu’un androide peut penser de tout ça ? Cela donne quelques scènes plaisantes avec Michael Fassbender, mais, dans le même temps, ça ôte au passage toute la poésie et la force de l’Alien, premier du nom, un pur « extra-terrestre » : « un survivant… dénué de conscience, de remords, ou des illusions de la morale... »**

Le reste d’Alien Covenant, par contre, est un immense et consternant décalque des grands moments du film initial : poursuite dans le couloir, beep-beep, avec l’équipage principal du vaisseau qui descend régler les problèmes sur une planète inconnue comme un seul homme (à la Star Trek), puis qui se séparent (entre parenthèses : n’ont-ils pas vu Alien, ce film célèbre il y a une centaine d’années ? ; il ne faut JAMAIS se séparer). Puis, ces personnages, à qui Ridley Scott n’a donné aucune âme, parce qu’il n’en a plus lui-même en tant qu’artiste depuis 1983, ces personnages iront combattre dans le garage, il y aura des chaines et de la pluie qui tombe, etc.

Bref c’est une grosse déception, mais pourquoi y aller ? Pour entendre la musique inégalée de Jerry Goldsmith, pour revoir encore une fois les merveilleuses créatures de Giger, ou un petit mobile en plastique – en forme de pivert – laper l’eau d’un verre oublié.


* qui vise, comme chacun sait, à la redécouverte de la nature sous son aspect sauvage et poétique (cf. Wikipedia)
** La tirade de Ash, avant d’être … réduit en cendres par Ripley : « A survivor… unclouded by conscience, remorse, or delusions of morality. »