lundi 28 mai 2007


Titanic
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

La magie de la télé, c’est d’être là au bon moment. On a beau avoir le DVD prestige, les 130 heures de bonus, le commentaire du 3ème assistant réal’, quand ça passe sur TF1, même en VF, même avec les pubs, on regarde Titanic. Et le lendemain, on passe Céline Dion sur Europe 1.

Pourquoi re-regarder ? Comme pour les amours anciennes, il s’agit de vérifier que le cœur bat encore. Et il bat, c’est confirmé pour Titanic, le Cœur de l’Océan. En dix ans, le film a certes pris quelques rides, surtout du point de vue technique : on s’est habitué à la perfection en matière d’images de synthèse. Mais pour l’essentiel, Titanic reste ce chef d’œuvre populaire, notre Autant en Emporte le Vent de ces vingt dernières années. Perfection du scénario, perfection de l’adaptation de ce scénario à l’écran, Titanic brille d’autant plus qu’il est une accumulation de défis lancés par James Cameron, défis qu’il accomplit tous : film catastrophe, film romantique, film féministe, film social, film d’action. Tout y est, à sa juste mesure.

Mais pour l’anecdote il y a une autre chose qui m’a frappé hier. Titanic m’a conforté dans l‘hypothèse lancée dans ma chronique « Nice guy for a brit », à savoir la persistance du sentiment anti-anglais dans le cinéma américain. Dans Titanic, ça ne manque pas : les méchants (pourtant américains) sont de parfaits anglais, cul-serrés comme il faut. Ils se prennent « pour des rois », comme le dit Hockley, le futur mari de Rose. Des rois ? Une hérésie pour les américains, qui se sont débarrassés de la monarchie les premiers. A l’opposé, le héros vit à fond de cale, avec ses amis irlandais. La « vraie fête » à laquelle il invite Rose est une fête irlandaise, où l’on pratique un melting-pot et une ambiance décontractée, purement US, ce n’est pas les verres de Brandy qu’on déguste en première ! D’ailleurs nous rappelle-t-on, ce bateau est irlandais, construit à Belfast. Pendant le naufrage, un des amis de Jack insulte les stewards : « Salauds de britanniques ! ». Et la musique, si particulièrement mémorable : un thème irlandais omniprésent pendant tout le film.

Depuis, Cameron, tétanisé par le succès de son film, n’a plus fait que des documentaires, dont un sur le Bismarck. La thèse du documentaire était que le célèbre navire avait été sabordé par les allemands, et non coulé, ce dont s’enorgueillissait depuis 1941… les anglais.




mercredi 9 mai 2007


Sunshine
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Il y a une scène géniale dans The Player, de Robert Altman, très éclairante sur les mœurs hollywoodiennes en matière de scénario. Un jeune scénariste de talent obtient -enfin !- un rendez vous avec un ponte du Studio. Celui-ci lui demande de pitcher son film : « Tu as deux minutes ». Le scénariste pitche donc :
– « Vous avez aimé Alien ? Vous avez aimé Pretty Woman ? Imaginez l’histoire de Pretty Woman transportée dans l’univers d’Alien ! »

Au-delà de la blague, beaucoup de films peuvent être résumé à une simple équation. Et ce sont souvent de mauvais films, puisqu’ils ne sont que la somme de deux formules déjà rodées, et pas une nouvelle équation…

Sunshine peut se résumer ainsi :

Alien (8 astronautes, perdus dans l’espace, personne ne les entend crier)
+
2001 (ordinateur qui déraille, réalisme techno)
+
Solaris (version Soderbergh, pour l’esthétisme glacé)
=
Sunshine

Pourtant, Sunshine vaut mieux que ça, même s’il n’est pas exempt de défauts. D’abord c’est un film de SF sérieux. Rare. On y croit de bout en bout, alors que pourtant l’intrigue est un copier/coller de la production US : le soleil est entrain de mourir ; des astronautes doivent déposer une bombe nucléaire sur le soleil pour le faire « repartir ». Malgré cet argument scientifique épais comme une feuille de cigarette, bizarrement, on ne se pose pas la question de tout le film.

Ensuite c’est un film d’action sérieux. Moins rare, mais les rebondissements s’enchaînent avec plaisir, et on finit même par s’inquiéter pour eux.

Enfin, c’est un film européen (anglais pour être précis, dirigé par Danny Boyle), donc on nous épargne les traditionnels bons sentiments de rigueur dans ce genre d’entreprise.

Les acteurs sont bons, vus ailleurs : Michelle Yeoh (Tigre et dragon), Cillian Murphy (Red Eye), Chris Evans (4 fantastiques)

Un défaut néanmoins. Comme tous les réalisateurs de sa génération, Boyle est dépassé par sa tentation clipesque. Au bout d’un moment, ça suffit. Ca finit même par obscurcir l’intrigue. On ne voit plus rien, donc on ne comprend plus rien.

Mais pour le reste, c’est à voir…




mardi 1 mai 2007


Next
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

On est aussi dans le registre de la GCA (Grosse Connerie Américaine). Mais là, c’est très mauvais. Nicholas Cage est mauvais. (Et en plus il est moche, avec une perruque hallucinante). Julianne Moore est mauvaise. Le scénario ne tient pas debout (normal, on est chez Philip K. Dick, mais ses autres adaptateurs avaient fait au moins un effort de traduction)

Mais surtout, Next est incompréhensible : un groupe de terroristes français veulent faire sauter une bombe atomique à LA (on ne sait pas pourquoi). Julianne Moore, du FBI, veut engager un magicien qui voit le futur (2 minutes dans le futur, exactement). Lui refuse, et s’enfuie (on ne sait pas pourquoi). A la fin, il accepte de collaborer (on ne sait pas pourquoi).

Ce genre de film est toujours mystérieux à Hollywood. On a du mal à comprendre comment Next a pu passer à travers les mailles du filet – d’habitude ultra serré – de la production. Personne n’a vu qu’on allait dans le mur, dès le scénario ?

A voir uniquement pour le sourire de Jessica Biel.




mardi 1 mai 2007


Shooter (Spécial dédicace Virginia Tech)
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Hasard malheureux de la programmation, ce film sort au moment du massacre sur le campus américain. Pour tous ceux qui hurlent avec les loups, qui jubilent d’incompréhension devant le « lobby des armes aux USA », sans chercher à comprendre la profonde (et tragique) spécificité US dans ce domaine, ce film apportera un étonnant éclairage.

Disons-le tout de suite, Shooter poursuit la tendance du retour à la GCA, (Grosse Connerie Américaine). Et on est servi ! Mélange de Rambo, de Sniper, Commando, le scénario frôle le grotesque en permanence. En deux mots : Bob Lee Swagger, ancien sniper US qui a perdu son pote en Ethiopie (normal, il venait lui montrer la photo de sa fiancée, qui veut devenir infirmière (dans ces cas là, on se dit : « Toi mon pote, tu vas mourir dans les 30 secondes »)

Après ça Bob Lee Swagger démissionne de l’armée. Il vit dans son chalet au cœur de la montagne, avec son chien qui boit de la bière (authentique) qui s’appelle Sam (re-sic, Oncle SAM, vu l’allusion ?)

Mais il se retrouve mêlé à un assassinat du président des Etats-Unis. Immédiatement accusé, on tente de le tuer, il est blessé, et il se disculper avec l’aide d’un agent du FBI et l’ex-femme de son pote, (qui est infirmière, pour ceux qui ne suivent pas). Il se disculpera évidemment avec subtilité (à coup de chargeurs de 5.56mm et de pains de C4).

Ce qui est étonnant c’est que le film passe de l’extrême gauche (la dénonciation du pillage de l’Afrique, des politiciens véreux, des massacres dans les pays en développement cachés par l’administration US, à l’extrême droite (droit de porter une arme, de se faire justice soi-même, « tous pourris », etc.)

Vous l’aurez compris, c’est néanmoins assez réjouissant : scènes d’action rigolotes (hélicoptères, napalm, FBI) ; coups de feu dans tous les sens ; allusions (obligatoires) à l’assassinat JFK ; mais surtout dialogues cultes ! Avec probablement la meilleure réplique de l’année :
Viens, Bob, laisse tomber !
– Mais tu comprends pas, c’est sérieux ! ILS ONT TUE MON CHIEN !




vendredi 6 avril 2007


Pitch de la « Théorie restreinte du Cinéma » (à paraître)
posté par FrameKeeper dans [ Les films ]

Allez, on se lâche… il fait beau.. on peut manger dehors, l’hiver qui n’est pas sorti de sa tanière passe son tour et on s’attaque enfin aux grands sujets.. qu’est ce que le Cinéma ? et accessoirement qu’est ce que l’Art puisque traditionnellement le Cinéma n’est que le 7ème du genre ? Dommage qu’on soit pas à la télé parce que je risque d’avoir un peu trop de temps pour traiter le sujet…

Mais bon, soyons clair, comment envisager de publier, même sur un site confidentiel (et nous en sommes fiers), des critiques de cinéma sans définir en creux une théorie même restreinte du 7ème Art donc….

Au point de départ de l’aventure CINEFAST, un constat: l’art au cinéma n’est pas là où la plupart des critiques le cherchent…

Le cinéma dit d’auteur est mort, tombés sous les coups concertés d’une part des réalisateurs imbibés du mythe de la caméra stylo et persuadés que l’on ne peut faire de bons films que sur la déchirure d’un couple à Saint Germain des Prés ou la découverte de son homosexualité en Corse du Sud, d’autre part des petits malins d’Hollywood et désormais d’Asie du Sud Est qui ont compris que l’on pouvait captiver une salle et même dire tout plein de choses passsionnantes sans le faire exprès dans un bon thriller, action movie, slash movie ou même gore movie…

D’où le postulat n°1, empirique, de la Théorie restreinte: l’art n’est pas dans le sujet et dans l’absolu un film sur un extra-terrestre à tête de phacochère chasseur de barbouzes dans la jungle amazonienne pourrait un être un parfait chef d’oeuvre..  d’ailleurs c’est le cas….

 la suite si vous y tenez au prochain épisode…

 Biz

 

 

 

 




vendredi 6 avril 2007


Petit traité Théorique (part 2) Aujourd’hui : l’Enjeu
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

Qu’est-ce qu’un enjeu ? Pourquoi est-ce important de poser « l’enjeu », puis de le « résoudre » ? Un enjeu, c’est ce qu’on pourrait simplement résumer par une question que se pose le spectateur durant le film, et surtout, auquel il souhaite voir apporter une réponse. Dans Titanic, par exemple, l’un des principaux enjeux, c’est « Jack le Pauvre » va-t-il séduire « Rose la Riche » ? C’est d’ailleurs le coup de génie du film : avoir mis au premier plan la love story sur fond de catastrophe archiconnue, plutôt que l’inverse, cliché classique du film catastrophe : love story annexe sur fond d’intrigue catastrophe.

Cet enjeu est posé très vite, dès la première partie du film, et ne va cesser d’être confronté à des antagonisme, indispensables à la progression du film. Barrières sociales, psychologiques, physiques (les classes du bateau) vont empêcher l’enjeu – provisoirement – de se réaliser, jusqu’au moment où le héros triomphe, enfin, de tous ces obstacles.

Titanic, qu’on aime le film ou pas, est un excellent exemple de la magie du cinéma, cette incroyable « contrat tacite » qui lie le cinéaste à son spectateur. Car dans Titanic, le spectateur sait 1) que le bateau va couler 2) que Jack va mourir 3) que l’histoire d’amour va se nouer quoiqu’il arrive. Pourtant, il accepte de faire comme s’il ne savait pas, pour jouir tranquillement du spectacle. Il finit par oublier ces événements pour se laisser glisser dans l’intrigue.

C’est que James Cameron a bien fait son travail, en posant clairement les enjeux de ses personnages, en aidant le spectateur à se poser rapidement ses questions, et en y apportant régulièrement des réponses excitantes….




vendredi 6 avril 2007


Petit Traité Théorique (Part 1)
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

A force d’agiter un peu les mêmes idées sur le cinéma américain, il a paru important au Pr Ludovico -qui, on le sait, dirige une chaire de « cinéma de divertissement comparé » à l’université de Burbank (Californie) – de poser quelques concepts qui fondent, somme toute, l’unité des Cinefasteurs, de Colombes à Houilles en passant par Paris XVIII°.

Qu’est ce qu’un film ? Pourquoi les genres sont-ils importants ? Pourquoi nous bassiner avec ces histoires d’enjeux, de personnages, de chutes desquelles on se contrefout ?

C’est à ces quelques questions que nous souhaitons répondre.

Aujourd’hui : qu’est-ce qu’un film ?

Un film c’est d’abord une forme : comédie, drame, comédie-dramatique, tragi-comédie, etc. Ces formes, héritées du théâtre classique, sont encore pertinentes aujourd’hui, n’en déplaise à une critique jeunetophile, tendance Ridleyscottienne.

Une comédie, ça se finit bien (Retour vers le Futur). Un drame, ça se finit mal (Titanic). Une comédie dramatique est rigolote, mais se finit mal (Les Copains D’abord). Une tragi-comédie se finit bien, même si c’est un peu triste. (Le Cid).

La forme n’est pas une fin en soi, et on peut même dire que le jeu subtil avec la forme est un critère pour juger un film. C’est en effet en jouant avec ses contraintes qu’une œuvre peut devenir grandiose, ou commune. Michel Ange sculptant son David ne fait que s’inscrire dans une tradition éprouvée de la sculpture gréco-latine, qui magnifie le réalisme, et la proportion. Mais en sculptant cette main de David légèrement disproportionné, il joue avec les limites de son art.

Au cinéma, c’est pareil, un film est défini par un genre : western, film d’horreur, péplum, film noir, etc. Là aussi, on distingue les bons des mauvais : Alien est le croisement génial du film d’horreur avec le film de SF. Blade Runner est le fils caché du film noir et de la SF. Alien devient un chef d’œuvre parce qu’il dépasse sa forme initiale, le film d’horreur. Comment ? Par exemple en imposant au spectateur d’incroyables décalages de tempo : quand Ripley cherche le chat dans la soute du vaisseau : le spectateur sait alors que la bête n’est pas loin (un classique du film d’horreur). C’est pourtant à contretemps qu’Alien surgira. A l’opposé, un ratage, c’est souvent l’utilisation éhontée des ficelles du genre (Dans Un Long Dimanche de Fiançailles*, Jeunet tire tellement la ficelle des films antimilitaristes, qu’elle finit par casser : « le méchant sergent », « la Bretagne battue par le vent », « la tranchée pleine de boue » « l’ouvrier anarchiste qui ne voulait pas aller à la guerre », etc. On peut utiliser des stéréotypes, mais on ne peut pas les utiliser tous. Un bon exemple de cela, c’est Full Metal Jacket. On a vu beaucoup de film sur le Vietnam (la jungle, la boue, la pluie), et Kubrick n’hésiate pas à utiliser certains des clichés du film de guerre : « l’officier qui ne sait pas se faire obéir », « la section qui venge la mort du chef », mais c’est pour mieux les détourner. Et Full Metal Jacket est le seul film sur le Vietnam qui se déroule…… en ville)

*titre édité aux bons soins de James Malakansar : j’avais écris « Amélie Poulain » : lapsus révélateur !




samedi 31 mars 2007


300
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

300 est un OVNI. Ce qu’on appelle amicalement, à CineFast, mais aussi chez les gens de bon goût, une « Grosse Connerie Américaine ». Amicalement, et même en se pourléchant les babines ; car une GCA, c’est tout de même ce qui fait l’essentiel de nos sorties cinématographiques depuis notre plus tendre enfance. Les Canons de Navaronne, Le Jour le Plus Long, Alien, The Thing, Indiana Jones, Star Wars, tout ça c’est des GCA qui ont été- depuis – élevés au rang de chefs d’œuvre.

Donc, une Grosse Connerie Américaine, c’est en général bon signe. Mais en sortant, on peut trouver que c’est VRAIMENT une grosse connerie américaine, mais avec les majuscules qui ont disparu, et le ton de la voix qui a changé, délestée de 10€.

300 est entre les deux. 300 est vraiment très con, mais très con ! D’un côté les gentils spartiates qui se sacrifient pour faire triompher la paix et la démocratie, de l’autre, des salauds de pacifistes, la plupart lâches et veules, d’autres envieux, et achetés par l’ennemi. L’ennemi, quel ennemi ? Mais les perses voyons ! Qui ne sont pas gâtés : leur chef semble être un gigantesque transsexuel SM, les perses sont fourbes et cruels … arabes, quoi ! En ces temps d’amitié franco-iranienne, ça ne fait pas dans le détail.

Les scènes à Sparte sont d’un ridicule achevé, et la machine à remonter le temps est grippée : 300 ne remonte pas jusqu’en -480, mais plutôt en -47, c’est-à-dire à Maciste contro i cacciatori di teste (1960). Hommes en jupette, femmes nichons à l’air, monstre à deux balles en plastique, le tout tourné en studio, dans l’appartement de la grand-mère de Zack Snyder. Ce qui, paradoxalement, fait son charme, alors que le film a quand même coûté 60M$…

Mais en même temps, les scènes de combat sont superbes, les dialogues plutôt rigolos. J’en suis sorti le sourire aux lèvres, et l’envie, après tant de testostérone, de me voir un petit Téchiné. Pour ces deux dernières choses, un peu honteux sous ma cape, je ne suis pas sûr qu’il me sera beaucoup pardonné…




mardi 13 mars 2007


La catastrophe du jour
posté par Professor Ludovico dans [ Hollywood Gossip ]

C’est plein de larmes que nous avons fini l’article de Libération.fr : oui, vous avez bien lu : Salma Hayek est enceinte de François-Henri Pinault, PDG du groupe de luxe et de distribution Pinault-Printemps-Redoute (PPR).

Donc : non, elle ne se mariera pas avec vous. Oui, elle a l’air très heureuse avec l’héritier du coupeur de bois et catalogueur de La Redoute…

Toutes nos condoléances…




mardi 13 mars 2007


Lettres d’Iwo Jima
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Le cinéma reste décidément quelque chose de très mystérieux. Comme le dit David Lynch : « on meurt, on passe un bout de temps à rêver, et on revient ». Tout ça pour dire que Lettres d’Iwo Jima est un mauvais film. Un film fait à l’ancienne, dans le mauvais sens du terme : les gentils sont exagérément bons et souriants ; les méchants stupides et grimaçants. Tout est souligné et surligné. Tout ça est agaçant.

Pourtant on ressort d’Iwo Jima conquis, comme à la sortie de Mémoires de nos Pères. Impossible d’oublier ces films. Alors qu’est ce qui se passe ? Comment un film mal fait réussit à nous séduire ?

Il faut croire ici que le sujet emporte tout. Iwo Jima, c’est leur Verdun à eux : 22 000 soldats japonais, 1000 survivants. Le pragmatisme démocratique US face au fanatisme Jap. Sur le papier, c’est simple.

Mais Clint Eastwood est un rebelle. Derrière son cinéma de papy (et ses 77 ans au compteur), Eastwood est resté un voyou. Un renégat. Qui tape où ça fait mal. Dans Million Dollar Baby, sur les white trash. Dans Mémoires de Nos Pères, sur la propagande américaine. Dans Lettres d’Iwo Jima, sur les Marines, qui n’hésitent pas à abattre des prisonniers*.

Le film, pour le coup mieux construit (ou moins dé-construit) que son prédécesseur, s’attache donc à suivre deux personnages opposés. Le jeune boulanger qui préfère vivre, plutôt que mourir pour l’empereur, et le Général à qui l’on a confié le soin de mourir sur place avec ses 22 000 troufions, pour défendre le sol sacré du Japon. Au lieu de les opposer, Eastwood les rapproche. Deux composantes, finalement, du véritable héroïsme : tout faire pour survivre, ou tout faire pour combattre, et se défendre. Mais en aucun cas, mourir bêtement en criant Banzaï.

Eastwood s’attache à cette démonstration, alignant les scènes cultes (suicide à la grenade, menace de décapitation, flashbacks lourdement explicatifs), mais c’est là où le film pêche, par trop d’ambitions. Il lance ses filets de pêche, mais ne ramasse pas les poissons. Il y avait beaucoup de chose à dire sur le fanatisme japonais, engendré par 50 ans de dictature fasciste dévoyant à son profit l’idéal samouraï. Il y avait un autre film à faire, sur l’étrange fascination du Général pour les USA, pays qui l’avait accueilli comme attaché militaire avant le conflit 39-45. On s’attendait aussi à vivre, comme dans Mémoires de nos Pères, aux cotés des japonais, enfermés dans ce volcan-sanctuaire jusqu’au bout. Mais Eastwood lance toutes ses perches, et puis il les lâche, ce qui donne ce côté inabouti au film.

De même, on espérait voir se croiser, d’une manière ou d’une autre, les protagonistes du premier film. A part deux coïncidences, le film évitera cela, et c’est peut être –finalement – le vrai message du film. A la guerre, malgré les apparences, on ne se rencontre pas. On se voit à distance. On se tire dessus. Au contact, on s’égorge à la baïonnette. Mais c’est la méconnaissance totale qui prévaut, sous le voile de la propagande. Il y avait déjà cette idée en suspens dans Mémoires de Nos Pères (qui sont ces Japs que nous combattons ?), mais ici, c’est LE sujet. Une scène très artificielle (mais très belle) vient rappeler aux japonais abasourdis que les américains aussi ont des mamans ! Comme si après deux heures de film, nous nous soyons tellement éloignés de l’Amérique qu’il faille nous le rappeler…

*Rappelons au passage que cette scène fait écho à la même scène dans Il Faut Sauver le Soldat Ryan (réalisé par S. Spielberg) et Band of Brothers (produit par S. Spielberg) ; Lettres d’Iwo Jima étant co-produit par le même Spielberg)