vendredi 2 mars 2007
Lady Chatterley
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Trois ou quatre fois par an, nous allons au cinéma avec ma femme, ce qui me permet de remonter un peu mon quota de films français (assez faible il faut bien l’avouer). Avouons aussi que je le regrette rarement : si elle donne rarement dans le film américain, Valérie n’a pas non plus succombé au Film de Festival. Donc, ça tourne autour du pas mal, voire du bon « Fauteuil d’Orchestre », « Le Goût des Autres » et tutti quanti.
Cette année, la saison débute donc avec Lady Chatterley. Madame a regardé les Césars, et en est revenue très énervée*. Mais avec l’envie de voir des films, et pourquoi pas, le meilleur film de l’année : Lady Chatterley.
Je ne suis pas contre : j’avais beaucoup aimé le premier Ferran, Petits Arrangements avec les Morts, la critique était plutôt favorable, il y a Marina Hands, et va y avoir du cul.
Rappelons, avant de sonner la charge, que ce film, outre le César du Meilleur Film, a aussi obtenu Meilleur Actrice (Marina Hands), Meilleurs Costumes, Meilleure Adaptation, et Meilleure Photo.
Meilleurs Costumes, après tout, pourquoi pas ? On n’allait pas le donner à Ne le Dis à Personne, de toutes façons. Un césar pas très documenté néanmoins, parce que le garde de chasse arbore complaisamment une montre bracelet qui était pour le moins rare dans les années 20, mais passons.
Meilleur Actrice. Comment dire ? Certains platanes jouent pas mal dans le film… Des acteurs, je n’en ai pas vu beaucoup. Mais dire que Mrs Hands joue bien, c’est un peu fort de café ! Dire qu’elle joue, c’est déjà beaucoup. Au mieux, elle a suivi le Cours Tautou (virée au premier trimestre). Elle minaude, ses petits yeux s’embuent de larmes, elle lit son texte. Mais elle joue faux, si faux ! C’est atroce ; On dirait la petite du troisième qui prend son premier cours de violon ! En face, c’est pas mieux : le garde chasse qui dit « ouais » à tout bout de champ pour faire peuple !! Mais bon, au moins, il n’a pas eu de César !
Meilleure photo. Décernée par les chef op’ aveugles du cinéma français ? L’image est floue, saturée, limite 16 mm (c’en est peut être). C’est mal cadré (la plupart des plans coupent les têtes). C’est mal monté. Ca ressemble à un court métrage fait par des ados. C’est inadmissible, de donner un prix comme celui-là, l’un des plus objectifs possibles, à un film comme celui-là.
Vous comprendrez à ce stade que je ne comprends pas non plus le César du Meilleur Film. Mais finalement, cette livraison 2007 des Césars, cérémonie par ailleurs tout aussi inutile que les Oscars, est peut être le signe de la mutation tant attendue du cinéma français.
Auparavant, c’était systématiquement les Lady Chatterley qu’on récompensait à la petite remise de prix provinciale de George Cravenne. Mais cette année, c’est Ne Le Dis A Personne qui a failli tout rafler, et assez justement le César du Meilleur Réalisateur à Canet, et du Meilleur Acteur à Cluzet. Ne Le Dis A Personne : un film de genre. Un film basé sur un best-seller américain. Un film produit par Luc Besson, aka le Diable en personne ?
Finalement, j’aime bien ces Césars 2007.
* tout particulièrement par Lou Doillon, expliquant la difficulté du métier d’acteur, combien il faut travailler, et travailler sans cesse pour réussir… Venant de la fille de Jacques Doillon et de Jane Birkin, c’est vrai que ça ne manque pas de sel…
lundi 19 février 2007
Amy Winehouse
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]
Ce n’est pas vraiment du cinéma, mais bon ! J’ai découvert cette jeune fille vendredi, et je suis déjà amoureux. 24 ans, toutes ses dents, c’est comme si Diana Ross (période Supremes) et PJ Harvey (période Dry)avaient eu une fille ensemble, de quelques amours contre-nature. Une voix rauque, des mélodies soul puisées directement Motown, mais avec l’énergie et la méchanceté d’aujourd’hui.
Nouvel Album, « Back to Black »
vendredi 9 février 2007
L’illusionniste
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
A croire qu’on n’apprend jamais. Le film à twist, ça marche pas ! Hitch vous a déjà expliqué ça vingt fois. Le public de fout du whodunnit ?, comme il se fout, ici, du howdidhedoit ? Et c’est triste, parce que L’illusionniste, c’est probablement le premier mauvais film de l’immense Edward Norton.
L’histoire, déjà, est invraisemblable : un illusionniste retrouve quinze ans après, dans l’Autriche du début du siècle, son amour de jeunesse. Pas de bol, elle va se marier avec l’héritier du trône. Comme ils s’aiment très fort, elle tente de s’enfuir, mais elle est assassinée par le méchant héritier. Pendant des années, notre héros va chercher à se venger, de-la-seule-manière-qu’il-connaisse : l’Illusion. Il crée un spectacle de magie où il fait parler les morts. Sa chérie apparaît et dénonce le prince héritier. Celui-ci, déboussolé, se suicide. Notre héros, le cœur serein, échappe à la police et rejoint, au fin fond du Tyrol, sa chérie…
– Euh ??? On peut rembobiner, là ? Je croyais qu’elle était morte.
– Ben, non, c’était une illusion…
– ??? Ben alors pourquoi il s’est vengé ???
– …
– Et pourquoi il passe des années à monter son spectacle pour dénoncer un crime qui n’existe pas ?? alors qu’il pourrait faire des chiards à Jessica Biel (la chérie) ?
– euh…
– Et le prince, alors, il s’est suicidé pour rien ?
– …
En plus de ça, le film se la joue carrément « clin d’œil – ironie dramatique » : on sait, grâce notamment au personnage du flic, qu’il y a une anguille dans le potage. Mais laquelle ? Au bout d’une petite demi-heure, on s’en fout. On attend. Parce que, de toutes façons, ça va venir, la révélation. Et on sait que ça sera nul…
Comme l’a théorisé mon ami Olivier B., ces films sont malhonnêtes (il prenait 9 reines en exemple, qui est pourtant d’un tout autre niveau) ; car il est facile d’embrouiller le spectateur. Le réalisateur a toutes les billes en mains, il peut faire ce qu’il veut ; il est le dieu omniscient de son univers. Le génie, c’est justement de laisser des indices et d’associer le spectateur à un personnage, pour lequel on se préoccupe, quelqu’un pour qui l’on vibre. Pour cela, il faut l’imminence d’un danger, la concrétisation d’un péril. Le principe de l’enquête ne marche pas au cinéma.
Il est 100 fois plus payant de craindre Dark Vador que de chercher qui est Dark Vador. Un excellent exemple de cette contradiction est fourni par la géniale de BD d’Alan Moore, From Hell : on sait qui est Jack L’Eventreur, et on tremble à chacun de ses actes, des mots qu’il prononce. Dans le film, on doit chercher qui il est (si on a lu la BD, c’est doublement raté). Le twist peut fonctionner comme accessoire, comme dans Usual Suspects, qui est un twist ironique : on cherche qui est Keyser Soze, alors qu’il est là, devant nous. Mais ça ne peut être le ressort de la relation si particulière qui unit le spectateur, son cul posé dans le noir si douillet de l’UGC Bercy, venu, selon la belle définition de David Lynch « mourir, passer un bout de temps à rêver, et revenir »…
vendredi 9 février 2007
Intégristes de tout poil
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]
Si vous avez raté le Libération/Charlie Hebdo de mercredi, votre erreur est double. Non seulement les deux journaux, faisant « Une » commune, se payaient la tête des intégristes musulmans (à l’occasion de cet improbable imbroglio politico-judiciaire de cet fin de règne chiraquien), mais en plus, un journaliste de Charlie Hebdo (Jean-Baptiste Thoret) laminait une autre forme d’intégrisme : le cinéphile à tendance festivalière. Dans une tribune libre*, il fustigeait le « Film d’Auteur Académique », baptisé FAA, dans une démonstration tout aussi impeccable qu’implacable.
Sa théorie est simple : s’il existe des films commerciaux, formatés pour plaire au plus grand nombre, il existe en face le FAA, tout aussi formaté. Le FAA s’acharnent, selon Jean-Baptiste Thoret, à se poser en négatif du film commercial, pour mieux séduire le Jury du Festival du Film de Séoul, Berlin, Venise, ou mieux, la Palme des Alpes Maritimes. Au final, le FAA est tout aussi formaté et ennuyeux : « le FAA, écrit-il, confond l’épure et le rien, l’abstraction et la pose, le vide et la raréfaction, la contemplation et l’ennui, l’enregistrement de la réalité et la vérité du réel, qui – on le sait depuis les frères Lumière – n’a de chance d’advenir qu’à condition d’en fabriquer la fiction (…) le FAA [refuse de] céder aux sirènes du plaisir, de la forme, du spectacle ; en bref, il témoigne d’une haine de la fiction. » Quel meilleur plaidoyer pour le retour du scénario, que nous appelons de nos vœux, ici sur CineFast ?
* à l’origine de cette tribune, un édito de Jean-Michel Frodon, rédac’chef des Cahiers du Cinéma (et non pas Porteur de l’Anneau, comme beaucoup semblent encore le croire), s’indignant que le CNC se plaigne de l’existence de plus en plus fréquente de « Films de Festival »
lundi 22 janvier 2007
Apocalypto
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Eh non ! L’apocalypse n’a pas eu lieu ! Apocalypto n’est pas le film outrancier, dément, raciste, qu’une certaine critique a cru voir*. C’est un bon film d’aventure, à l’intrigue plus que mince, et c’est tout ce qu’on peut lui reprocher : Patte de Jaguar vit dans la forêt (on ne saura jamais où exactement). Sa femme va bientôt accoucher. Mais le village est assailli par une autre tribu, qui massacre tout le monde et s’empare de Patte de Jaguar et de quelques autres comme esclaves. Sa femme y réchappe en se cachant dans un puits.
Conduit à la grande ville, les femmes prisonnières deviennent servantes, tandis que les hommes construisent des pyramides ou sont destinés, comme notre héros, à être sacrifiés rituellement. Mais Patte de Jaguar arrive à s’enfuir. Sauvera-t-il sa femme, à qui il a promis de venir la chercher ?
On le voit, ce n’est pas l’intrigue qui risque d’étouffer le film. A l’évidence, l’idée de Gibson est ailleurs : qu’est-ce que la barbarie ? Qu’est-ce que la civilisation ? Et il fait avant tout un film qui parle de l’Amérique : on retrouve dans le film l’éternelle question américaine qui oppose Nature (par essence bonne) à la ville (source de la civilisation, mais aussi du mal, de la décadence et de la corruption**). Cette interrogation, on la retrouve dans des films très différents (dans la comédie, comme Doc Hollywood, ou Cars, en passant par des films sérieux, comme chez Terrence Malick …)
Et surtout, il y a une question ultra-américaine qui sert de prélude même au film, au travers d’une citation de Will Durant (philosophe et écrivain américain) : « Une grande civilisation n’est conquise de l’extérieur que si elle est détruite de l’intérieur ». Qui a dit que l’Amérique n’était pas désormais le pays du doute ? On peut se poser la question, en sortant de films comme World Trade Center, ou Déjà vu.
Quant à la polémique, elle est tout bonnement ridicule. Mais répondons-y, point par point :
– le film est faux historiquement.
Ce n’est pas le premier ! Apocalypto n’a aucune vocation documentaire. Si vous voulez en savoir plus, lisez Jacques Soustelle ! Un film n’a pas de vocation pédagogique. Sinon c’est un documentaire. Un film doit raconter une histoire, un point, c’est tout.
– Apocalypto ne montre pas les grandeurs de la civilisation Maya ; il ne montre que des dégénérés.
Le film montre d’une part les indiens dans la forêt, et les indiens dans les villes. Il montre surtout une civilisation qui s’écroule. Et ça, c’est un fait historique ! Ces rites sanglants, qui nous paraissent tout à fait démesurés, sont d’ailleurs relativement bien expliqués dans le film. On en comprend la raison. Et ces rites ne sont pas une légende, on a retrouvé autour des temples des milliers de cadavres à la tête tranchée, comme dans le film. Gibson n’invente rien.
Cette polémique prend un sens tout à fait chrétien, celle de la parabole de Job, notamment traité dans la théorie du bouc émissaire de René Girard (je laisserai le Framekeeper développer cela). Mel Gibson est devenu le terrain de chasse de la critique, qui visiblement, n’a pas vu son film.
*A ce titre, il est fascinant de lire les critiques qui parlent de viols filmés avec complaisance, alors qu’on n’en voit pas un seul dans le film
**Une image d’Apocalypto m’a particulièrement frappé : un enfant – probablement le fils de l’empereur – assiste aux massacres en riant. Il est obèse, comme beaucoup d’enfants américains
lundi 22 janvier 2007
L’Incroyable Destin de Harold Crick
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Il y a des films qui sont maudits. Certains le sont à cause d’obscurs employés du marketing, qui ont cru que L’Incroyable Destin de Harold Crick ferait un meilleur titre que Stranger Than Fiction. Mauvais choix puisque Harold Crick (en français) a fait pour le moment 70 000 entrées dans toute la France. Pourtant, il est HORS DE QUESTION de rater ce film. Peut-être ne l’aimerez vous pas, mais il faut l’avoir vu ! Pourquoi ? Comment ça, pourquoi ? Depuis quand vous faut-il des raisons pour aller au cinéma ? Et par là même, éviter La Recrue sur TF1, terrifiant navet avec Al Pacino ?
Des raisons, je vais vous en donner, moi. Pour aller voir L’Incroyable destin de Harold Crick, il suffit d’aimer les cookies. Ou de détester les contrôleurs du fisc. Ou d’aimer les Fender Stratocaster. Ou être fan d’Emma Thompson, ou de Dustin Hoffman ou encore de la craquante Maggie Gyllenhaal. Ou tout simplement aimer les bonnes histoires, qui s’installent douillettement dans votre fauteuil. Vous suivez l’intrigue, ça n’a pas l’air d’avancer fort, et puis la fin arrive et vous réalisez que cette histoire vous tient par les couilles !
Voici donc l’histoire d’Harold Crick, contrôleur du fisc, à la vie on ne peut plus banale. Jusqu’au jour où il se met à entendre la voix off (oui, celle que nous, spectateurs, entendons dans le film). Que fait cette voix ? Et bien c’est tout simplement celle d’un écrivain, en train d’écrire la lamentable histoire d’Harold Crick. Et cet écrivain cherche un moyen de le tuer, afin de terminer son livre. Heureusement pour Harold, l’écrivain en question (Emma Thompson), a perdu l’inspiration : impossible de trouver une fin. La vie d’Harold Crick est donc en sursis. Mais pour combien de temps ? Notre héros va donc prendre conseil chez son DRH, sa psy, son unique pote. Seul un écrivain pourra résoudre cette énigme. C’est donc Dustin Hoffman, prof de lettres, qui s’y colle, avec toutes les ressources de la fiction. Et en posant la question d’Italo Calvino, qui hante tout le film : « vivons nous une tragédie ? Ou une comédie ? Si c’est une tragédie, vous mourrez à la fin. Si c’est une comédie, vous finirez maqué avec la fille… »
L’Incroyable destin de Harold Crick est un film malin. Il garde le spectateur à distance de cette histoire invraisemblable, à la « Jour sans Fin ». Le héros n’en est pas un. Qui peut aimer un inspecteur des impôts, moche et falot ? Forcément une jeune pâtissière anarchiste ! Ajoutez à cela auteur névrosé, assistante tyrannique, prof de lettres barré, le tout filmé à bonne distance par Marc Forster – réalisateur de Neverland et A l’Ombre de la Haine – le cocktail se révèle progressivement détonnant, pour vous scotcher complètement sur votre siège à la fin. Malgré son titre, c’est donc probablement un des meilleurs films de l’année… alors qu’il reste encore 343 jours.
dimanche 7 janvier 2007
Déjà Vu
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Horreur ! Malheur ! Même Jerry Bruckheimer n’est pas fiable ! Disons le tout net : Déjà Vu postule déjà au titre de Nanard CineFast de l’Année 2006. Pourtant tout n’est pas à jeter !
Mais pitchons, puisque je doute que vous perdiez quelque chose à connaître l’histoire : la scène se passe au bord du Mississipi, sur le ferry qui relie Algiers à La Nouvelle Orléans. Des militaires embarquent pour traverser le fleuve. Des enfants d’une école, des couples… Et boum, explosion. L’attentat tue 543 victimes. Très vite, un agent sympa (Denzel Washington, sympa ?) de l’ATF (les Douanes US) mène sa propre enquête, car on a retrouvé une victime de l’explosion avant l’explosion (Mmmh, se dit Denzel, c’est louche). Il est repéré par Val Kilmer et son équipe qui lui propose de mener l’enquête de manière révolutionnaire : le Gouvernement a conçu une machine qui permet de voir 4 jours dans le passé. Pas 3, pas 2, non : 4 jours. Une sorte de Google Earth en 3D spatiotemporel. Enfin, en super 3D puisqu’on peut carrément suivre une nana sous la douche ! La nana, ce n’est pas n’importe qui, c’est la future victime du tueur, qui, forcément est le terroriste qui a posé la bombe, vous me suivez ? Denzel en convainc Val Kilmer. Et c’est là qu’il réalise que ces salopards lui ont menti : c’est pas une machine à voir dans le passé, c’est une machine qui replie l’espace grâce au tunnel machin et la loi truc, et qui permet de voir le passé, en direct. Alors Denzel, il pète un câble : il casse même un écran LCD à 1299 $. Faut dire que ça fait déjà une bonne heure qu’on s’ennuie dans le labo avec les trois ingénieurs et leurs blagues vaseuses ! Alors ils décident d’envoyer un message à un coéquipier de Denzel. Pas de bol, il se fait écrémer par le tueur. Très en colère, Denzel sort une caméra spéciale qui permet de replier l’espace aussi et se met à poursuivre dans le présent – accrochez vous, ça se complique – le terroriste pour le filmer dans le passé. Ca donne une course-poursuite totalement ridicule avec une quinzaine de bagnoles fracassées plus tard (c’est pas pratique de regarder le passé d’un œil et de conduire de l’autre, surtout sur une autoroute à contresens) mais bref, on arrête le meurtrier. Fin du film. Eh non, parce que Denzel, il a la haine, il veut sauver la petite (on sent qu’il la kiffe un peu, surtout qu’elle a vingt ans de moins que lui). Alors il monte dans la machine a replier l’espace -si, si-, et là, il retourne dans le passé. En deux temps trois mouvements, il la sauve, lui raconte son histoire, elle le croit pas, puis si elle le croit, et puis évidemment ils arrivent à temps pour éviter que la bombe explose. The end.
Evidemment, on ressort assez abattu de ce genre de film. Pourtant il subsiste une drôle d’impression. Le début du film (avant l’attentat) est parfaitement réussi. La fin, très film d’action, aussi. La confrontation avec le terroriste* (et le toujours excellent Jim Caviezel) est un grand moment. Mais surtout, pendant tout le film, on ne peut s’empêcher de penser au 11 septembre.
Depuis l’attentat du World Trade Center, où sont passé les grosses conneries américaines ? Où sont les Maisons Blanches qui explosent, comme dans Independance Day ? Où est le New York détruit sous les météorites d’Armageddon ? Où est passé le cinéma de Jerry Bruckheimer ? Ce cinéma, bien évidemment, a disparu…
Quel peut être sa place aujourd’hui, ou celle d’un Roland Emmerich ? L’un s’est reconverti dans un cinéma plus familial (Pirates des Caraibes, ou la série Les Experts), l’autre est resté dans le film catastrophe, mais écologique (Le Jour d’Après).
Déjà Vu est raté parce que c’est probablement une tentative avortée de retourner vers ce cinéma d’action, avec explosions, voitures qui volent, etc. Mais le World Trade Center est passé par là. Et on ne peut pas s’y attaquer au comme ça. Ca fait trop mal. Il faudrait le faire sérieusement, et Jerry Bruckheimer ne sait pas faire. Donc, on tourne autour du pot, on passe par de la science-fiction, par un terroriste d’extrême droite plutôt que de parler de ce monde extérieur qui nous fait tant de mal, et puis l’action ne se passe pas à New York, ou à Los Angeles… Non, ça se passe à Nouvelle Orleans, ville doublement meurtrie par Katrina, et par l’incompétence de Washington à agir vite et bien. Le film est d’ailleurs dédié à la ville, et la scène de l’arrestation du terroriste se passe dans ses vraies ruines.
Et puis Déjà Vu est raté aussi parce qu’il y aussi cette optimisme, cette volonté de faire bien, si profondément américaines, cette confiance aveugle dans la technologie qui les hante et qui hante et leurs films… Cet optimisme, cette confiance, sont tellement anachroniques au moment où les milliards et la technologie de l’armée américaine ne parviennent pas à rétablir la paix dans un pays de 24 millions d’habitants…
« Et si on pouvait éviter ce drame, si on avait une machine qui replie l’espace, on voyagerait dans le temps et on empêcherait Mohammed Atta d’aller jeter ces avions sur nos tours … »
Comment ne pas penser que cette idée les hante toujours ?
*Un moment très Bruckheimerien, d’ailleurs. Caviezel joue l’un de ces terroristes d’extrême droite, qui sont, comme toujours, bien traités dans les films de ce producteur. C’est d’autant plus étonnant que les productions Bruckheimer se caractérisent aussi par une forte sympathie avec la communauté et la culture noire. Ils ont été les premiers à confier à un noir la tête d’un blockbuster (Le Flic de Beverly Hills), ont parsemé la bande-son de leurs films de musique noire (alors que les hits parades aux Etats Unis sont encore très marqués noir, blanc, ou latino). Cependant, les méchants Bruckheimeriens sont souvent des fachos, mais il est difficile de ne pas sympathiser avec eux au final. Il suffit de se rappeler le colonel rebelle de The Rock (Ed Harris) , ou le commandant borné de USS Alabama (Gene Hackman). Ce sont toujours des soldats perdus, qui se battent pour une bonne cause (lutter pour la liberté, contre la tyrannie de Washington) mais avec de mauvais moyens.
jeudi 4 janvier 2007
La polémique pour la polémique…
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Avant qu’il ne soit sorti, Apocalyptico fait déjà couler beaucoup d’encre (à défaut de faire couler beaucoup de sang, ce qu’il fait parait-il, dans le film).
Je me refuse à lire les critiques avant d’aller voir un film, pour mieux les déguster après. Je ne lirais donc rien de cette polémique et je me sens peu à même d’en parler. Mais, je ne sais pas pourquoi, – peut-être un vieux sentiment de charité chrétienne – me dit qu’il y a quelque chose qui cloche dans cette lapidation publique.
Certes Mel Gibson a beaucoup de chose à se reprocher : un film parait-il douteux (La Passion du Christ, pas vu), une fascination assez glauque pour les armes à feu, les punitions corporelles, l’alcool et, en même temps, un retour au catholicisme trop violent pour être honnête, le tout saupoudré de déclarations antisémites plus ou moins voilées…
Ici, à CineFast, on s’intéresse aux réalisateurs, aux producteurs, et à déceler dans l’oeuvre un peu de la psychologie de ses créateurs. Pour autant, on aime bien juger les films sur pièce. C’est donc ce qu’on fera.
En salle.
jeudi 4 janvier 2007
Casino Royale
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Que ce soit bien clair : je déteste James Bond ! Je n’ai jamais compris cet enthousiasme, à la fois planétaire et intergénérationnel, pour l’espion le plus ridicule que la terre n’ait jamais porté. Moi, j’aime l’espionnage, mais version La Maison Russie, L’Espion qui Venait du Froid, L’Armée des Ombres, La Mémoire dans la Peau… Mais imaginer qu’on va résoudre le terrorisme international en gagnant cent millions de dollars au tournoi de poker du Monténégro, même Patrick Bruel n’y avait pas pensé !
Pourtant, cette haine est incompréhensible : par exemple, je ne vois pas où le scénario de The Rock n’est « pas crédible » ; rien ne me choque dans les aliens de Star Trek Genesis (oui, Star trek 10, celui avec Whooopi Goldberg !!!)… Pourtant les extraterrestres de Star Wars m’ont toujours consterné, et les invraisemblances des scénarios bondiens, idem. Tout cela n’est pas affaire de raison, et je crois simplement qu’on se définit tout aussi bien par ses haines que ses passions. Mon anti-bondisme est juste une façon de me définir…
Bref, mes amis m’ayant enjoint, pour une fois, à aller voir ce James Bond « ré-vo-lu-tion-naire », je me suis laissé tenté. Et j’avoue avoir été à moitié déçu, ou à moitié satisfait… Côté déception, l’aspect révolutionnaire de la chose. Ca a sûrement un sens pour ceux qui se sont tapés les vingt trois films de la série. Pour moi, qui en ait vu trois, dont Casino Royale avec Woody Allen, et qui m’avait bien plu (et pour cause, c’était une parodie !), la révolution était toute relative. Autre déception : le réalisme de l’opus en question vanté par mes petits camarades. Encore une fois, c’est tout relatif. Casino Royale version martin Campbell est certes plus réaliste que Roger Moore en navette dans Moonraker, mais est-ce un bon critère ? L’intrigue de fond est à pleurer de rire, mais comme on est pas là pour ça, on s’abstiendra.
Pour le reste, c’est quand même très positif, et – vous l’aurez compris – on passe un bon moment. Les poursuites sont agréables (parfois ridicules et manquant totalement de sens dans le scénario, mais bon), Eva Green joue très bien, Daniel Craig est un excellent James Bond, teigneux, musclé, désobéissant. Ce sont les points forts du film. Les méchants sont pas mal du tout, et des retournements de situation plutôt inattendus dans ce genre de film.
A voir, donc.
mercredi 3 janvier 2007
« Nice guy for a brit »
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]
C’est par cette phrase, assénée à ma compagne lors d’une fête aux Etats-Unis, que j’ai compris la haine tenace qui liait les américains aux anglais. Dans le contexte, il s’agissait juste d’étudiants, et l’étudiant anglais, finalement, était un nice guy… Mais ici, on parle de cinéma et particulièrement de cinéma américain. La question n’est pas innocente, puisque le cinéma, ce n’est juste que l’extension visible de nos psychés nationales, de nos problèmes du moment, ou de nos névroses d’hier. Le cinéma français est bourgeois, et ce n’est pas pour rien. Le cinéma US, lui, ne veut pas parler de son histoire, mais le fait indirectement, au travers de son cinéma le plus commercial.
S’impose alors une évidence toute simple : l’ennemi, c’est l’anglais. Pas l’ennemi physique (aucun film ne se propose d’envahir la Grande Bretagne et de venger les persécutés du Mayflower !). Non, il s’agit de l’ennemi intérieur, le brit qui est en nous.
Donc, la conséquence sur la production US est simple, l’ennemi sera… joué par des anglais. Un exemple récent, Pirates des Caraïbes , illustre parfaitement ce propos : les héros sont joués par des américains (Johnny Depp, Orlando Bloom), les méchants par des anglais (Christopher Norrington, Jonathan Pryce). Les héros, l’un gentil, l’autre gentil-roublard, sont en butte aux persécutions permanentes des anglais. Pourtant, ils se comportent « bien » : ils tentent de sauver une jeune fille, de trouver des solutions, etc. Bref, ils sont dans l’action, constructifs, américains. Les anglais sont lâches, idiots, velléitaires. Européens.
Quelques exemples : Johhny Depp vient de sauver sa fille (« Tuez le ! » dit le gouverneur, peu reconnaissant). Orlando Bloom se propose de partir à la poursuite des pirates qui l’ont enlevé « Vous n’êtes ni marin, ni militaire, monsieur Turner, vous n’êtes qu’un Forgeron ! ».
Cette phrase d’apparence anodine révèle toute l’opposition des deux cultures. Les USA se prétendent société sans classe : le plus riche des PDG se balade en jean et aime bien manger son burger. En Europe, au contraire, on vient d’une société de castes. Nous avons eu la noblesse, et la différenciation que cela suppose. On admet donc que les classes sociales existent, et même, on crée des conventions qui régissent ces classes*. Ainsi, le pirate Barbossa convie la jolie Keira Knightley à dîner avec lui. D’ascendance noble, elle pique précautionneusement avec sa fourchette le bout de poulet qu’on lui tend. Mais quand Barbossa lui dit qu’il n’y a personne à impressionner ici, que les conventions sont inutiles, elle se met à dévorer gloutonnement, à pleines mains, sa cuisse de poulet. Prouvant, par là, qu’elle est une vraie héroïne. Américaine. Le reste du film est ainsi parsemé d’humiliations anti-britanniques diverses, ou les Habits Rouges se prennent trempe sur trempe, tout en se ridiculisant à chaque fois.
Mais Pirates des Caraïbes n’est pas un exemple isolé : Alan Rickman a joué le méchant dans Die Hard, Robin des Bois et Harry Potter. Dans Star Wars, l’empereur est joué par Ian McDiarmid, un acteur écossais. Ian McKellen joue le méchant dans X-Men, et Da Vinci Code, etc.
On le voit, cela ne touche que la production à grand spectacle, mais c’est bien celle qui touche le plus les américains.
* c’est d’ailleurs tout l’exercice de déconstruction auquel se livre Borat, notamment dans la scène du repas.