dimanche 9 février 2014


Le Naufrage du Costa Concordia
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Truer than fiction. C’est le nom d’un festival de documentaires ; ce pourrait être aussi le sous-titre de ce documentaire, à mi-chemin entre Cloverfield et Titanic. Son principe : raconter le naufrage du Costa Concordia, à base d’images filmées par les passagers.

Le résultat est tout bonnement extraordinaire. L’effet de réel, stupéfiant. Comme dans l’épopée mélo de James Cameron, on commence par La Croisière s’Amuse ; les passagers s’extasient, tout en le filmant avec leur smartphone les dimensions du moloch dans lequel ils ont embarqué*. Oh la belle salle de bal ! Oh les ascenseurs de dix étages ! On voit même le capitaine Francesco Schettino, sablant le champagne lors du traditionnel Dîner du Capitaine.

Puis on bascule dans le naufrage. Les lumières qui s’éteignent dans la salle de restaurant, les premiers rires gênés qui fusent. Le personnel, comme chacun sait, essentiellement philippin ou vietnamien, qui ne comprend pas bien, car pas bien formés, pas bien informés… et le bazar qui s’installe.

Pire, quelqu’un filme dans la cabine de pilotage. Le dialogue devient alors surréaliste. Les secours de l’île de Giglio disent avoir été alertés par un membre d’équipage, qui parle d’une éventration de la coque sur cinquante mètres. La réponse qui fuse pourtant avec plein d’assurance :

– « Non, pas de problème ! Il s’agit juste d’un problème de générateur. Nous vérifions et nous repartons. »

Giglio insiste, mais le Costa Concordia, sûr de repartir, va ainsi perdre une heure avant que le capitaine ne donne l’ordre d’évacuer. Une évacuation très particulière : en commençant par sa propre personne. Entendons-nous, ce n’est pas la faute d’un homme, même si celui-là atteint un niveau rarement constaté**, mais bien celui d’un système : celui de Costa, le croisiériste, tout à sa vocation disneyenne – garder sourire figé en permanence, pour ne pas gâcher la fête. Tout comme la White Star et son titan incoulable, cent ans plus tôt, comme le raconte si bien Joseph Conrad.

Quand la décision est prise, c’est la panique, le bateau gîte dangereusement, mais l’humanité, pareille à elle-même, danse sur le volcan : des touristes penchés à 45 degrés, mais se filmant quand même sur leur iPhone, rigolards… Que dire aussi de ce quinquagénaire, caricature de touriste avec sa caméra perpétuellement en bandoulière, filmant sa croisière jusqu’au bout façon reportage de M6 ?

C’est d’ailleurs le plus étonnant : au milieu de la panique, on continue de filmer. Ce qui avait semblé un peu ridicule dans Cloverfield, était en fait totalement prémonitoire. Le jour de l’Armageddon, il y aura toujours quelque un pour filmer l’astéroïde percutant l’Atlantique.

Dernier moment incroyable : le fameux échange entre les secours de Giglio qui somment le capitaine de remonter sur son bateau pour coordonner les secours. La plupart des 4000 passagers a été évacuée avec beaucoup de difficultés. S’il y a assez de canots cette fois ci, manœuvrer les bossoirs est toujours aussi compliqué quand un bateau n’est pas droit.

Mais il reste des passagers bloqués sur le flanc. Pourtant, le capitaine élude. Il fait nuit… On n’y voit rien. La capitainerie finit par lui hurler dessus. « Vous n’êtes plus capitaine !! vous avez abandonné votre navire ! Maintenant c’est moi qui commande ! Je vous ordonne de retourner sur le bateau !! »

Le film se termine sur les passagers, réfugiés dans une église, se partageant quelques malheureuses couvertures.

Titanic, toujours.

*Le Costa Concordia fait 11m de plus que le Titanic.
** Le Capitaine est réglementairement obligé de quitter son navire en dernier. Ce n’est pas seulement une tradition.




dimanche 9 février 2014


La Playlist de Février
posté par Professor Ludovico dans [ Playlist ]

Musique : Knee Play 4, extrait d’Einstein On The Beach de Philip Glass
Série : Friday Night Lights Saison 2
Livre : La Guerre du Péloponnèse, Thucydide
BD : Cesare vol. 7, de Fuyumi Soryo