mardi 31 décembre 2013


Casse-Tête Chinois
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

1,2,3, Casse-Tête Chinois ! Que penser du dernier opus de Klapisch ? que dire, sinon qu’on est comme devant le collier de nouilles que votre petit dernier vient de vous offrir… Car il faut bien l’avouer, le meilleur film de Klapisch reste son premier : Riens du Tout, en 1992 : Luchini et un casting de futures stars (Viard, Darroussin, Soualem..), chargés de relancer les Grandes Galeries. On ajoutera aussi Un Air de Famille, même si le scénario est de Bacri-Jaoui. Après, Klapisch a réalisé de bons films (Chacun Cherche son Chat), a changé de genre avec un polar honnête (Ni Pour, Ni Contre (Bien au Contraire)) et a raté ses grandes œuvres, Peut Etre et Paris. Il reste surtout associé à l’immense succès de sa trilogie L’Auberge Espagnole, Les Poupées Russes et ce récent Casse-Tête Chinois.

Certes, c’est une bonne idée que de suivre plusieurs personnages éminemment sympathiques de la vingtaine à la quarantaine. On peut imaginer que ce sera encore exploitable dans deux ou trois autres films. Mais si le premier est un bon film assez saignant, le deuxième est seulement correct, et le troisième qui nous occupe aujourd’hui, Casse-Tête Chinois, très moyen.

Comme dans une sitcom, Klapisch se contente d’y développer la logique de ses personnages : la lesbienne est en couple, elle veut – évidemment – un enfant ; La nunuche est nunuche, mais cadre sup dans l’import-export de thé et fait des affaires avec la Chine (ce qui est aussi peu crédible qu’Audrey Tautou dans un vrai rôle un de ces jours). Et notre héros – romancier à succès – divorce à nouveau et se voit séparé de ses enfants. Sauf s’il accepte de changer de vie et d’aller s’installer à New York où vit désormais son ex. C’est la partie la plus sympa du film, visiblement bien documentée, et donc crédible. De plus, Klapisch filme New York comme on l’a rarement vu, c’est-à-dire sans carte postale : un New York des quartiers, réel et quotidien, au ras du bitume.

Mais pour le reste c’est assez banal ; les péripéties s’enchainent avec comme seul lien une voix off omniprésente. Il est triste que le quinqua Klapisch n’ait rien à nous dire de plus que, si on veut refaire sa vie, on peut ! Qu’il suffit de faire preuve de souplesse, d’abandonner un peu de confort bourgeois (son héros accepte des petits boulots et un appart crasseux pour vivre à New York près de ses enfants). Ok, mais à part ça ? Que le don de sperme, c’est pas si simple ! Ok mais encore ?

Tout cela laisse l’impression qu’hormis l’envie (très bankable) de donner une suite à ces personnages sympathiques, il n’y avait pas de matière. Car il est évident que Cédric Klapisch ne sait que faire de son histoire. Qu’il n’a rien à dire, rien à faire passer sur les problèmes de la quarantaine… Ce qui laisse la douloureuse impression, pour revenir au début de cette chronique, que Cedric Klapisch, en tant qu’artiste n’a plus grand-chose à dire…

Dommage.




mardi 31 décembre 2013


Virtuosité
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

Il y a quelque chose de mystérieux dans le rock, si on n’essaie pas d’analyser cette musique populaire. Pourquoi les virtuoses n’y percent pas ? Joe Satriani ? Jeff Beck ? Jimi Hendrix, dans une moindre mesure ? Pourquoi des mauvais réussissent ? Keith Richards ? les Sex Pistols ?

Pour revenir à notre règle du « TTC », Talent – Travail – Chance, peut-être que les premiers manquent de chance, mais c’est surtout le mot talent qu’il faudrait redéfinir. Le talent, ce n’est pas juste jouer de la guitare dans son dos, ou d’aligner 125 notes par minute. Non, le talent, c’est cette chose magique que possèdent les « mauvais » susnommés… il suffit parfois de quelques notes très espacées (celle de la Sonate au Clair de Lune, par exemple) pour susciter une incroyable émotion.

Ce débat, en fait, irrigue l’art : les peintres pompiers sont d’excellents techniciens, mais inspirent-ils autant d’émotions qu’un Van Gogh ? Et dans le cinéma, c’est la même chose. Il ne suffit pas du plan parfait pour emporter l’adhésion du spectateur. Spécificité du cinéma, il faut déjà agréger plusieurs talents dans la même image : acteur, photo, musique, dialogue, déco… Mais surtout, il faut se garder d’en faire trop : l’acteur qui surjoue, l’image trop léchée, la musique trop bonne qui enterre le film*, le bon mot de trop, le décor trop luxueux… n’est-ce pas Mr Hitchcock ?

Une fois qu’on a réussi tout ça, il faut encore que la scène soit au service du film, et pas l’inverse.

Les virtuoses au cinéma courent souvent le même risque que les guitaristes de heavy metal : en faire trop dans le solo nuit au morceau. Fincher dans ses premiers films, Ridley Scott ou Coppola, le Scorsese de Hugo Cabret… Mais aussi les jeunes loups d’aujourd’hui comme Zack Snyder (Man of Steel), Michel Gondry, Paul Thomas Anderson (The Master), Christopher Nolan (Les Batman, Inception), James Gray (La Nuit Nous Appartient) qui tuent leurs films sous une forme de perfection graphique

Evidemment quand ça marche, on n’est jamais loin du chef d’œuvre : Wes Anderson (Moonrise Kingdom), Steve McQueen (Shame, Hunger), Nicolas Winding Refn (Drive), Lars von Trier (Melancholia)…

La différence, c’est que la virtuosité de ces films-là n’est que le résultat d’un véritable geste artistique, pas une fin en soi.

*Demandez à Barbet Schroeder, obligé de couper dans les compositions du Pink Floyd pour More : « la musique était trop bonne, elle mangeait le film ! » Pas rancunier, il les rengagea pour La Vallée.