lundi 22 janvier 2007


Apocalypto
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Eh non ! L’apocalypse n’a pas eu lieu ! Apocalypto n’est pas le film outrancier, dément, raciste, qu’une certaine critique a cru voir*. C’est un bon film d’aventure, à l’intrigue plus que mince, et c’est tout ce qu’on peut lui reprocher : Patte de Jaguar vit dans la forêt (on ne saura jamais où exactement). Sa femme va bientôt accoucher. Mais le village est assailli par une autre tribu, qui massacre tout le monde et s’empare de Patte de Jaguar et de quelques autres comme esclaves. Sa femme y réchappe en se cachant dans un puits.

Conduit à la grande ville, les femmes prisonnières deviennent servantes, tandis que les hommes construisent des pyramides ou sont destinés, comme notre héros, à être sacrifiés rituellement. Mais Patte de Jaguar arrive à s’enfuir. Sauvera-t-il sa femme, à qui il a promis de venir la chercher ?

On le voit, ce n’est pas l’intrigue qui risque d’étouffer le film. A l’évidence, l’idée de Gibson est ailleurs : qu’est-ce que la barbarie ? Qu’est-ce que la civilisation ? Et il fait avant tout un film qui parle de l’Amérique : on retrouve dans le film l’éternelle question américaine qui oppose Nature (par essence bonne) à la ville (source de la civilisation, mais aussi du mal, de la décadence et de la corruption**). Cette interrogation, on la retrouve dans des films très différents (dans la comédie, comme Doc Hollywood, ou Cars, en passant par des films sérieux, comme chez Terrence Malick …)

Et surtout, il y a une question ultra-américaine qui sert de prélude même au film, au travers d’une citation de Will Durant (philosophe et écrivain américain) : « Une grande civilisation n’est conquise de l’extérieur que si elle est détruite de l’intérieur ». Qui a dit que l’Amérique n’était pas désormais le pays du doute ? On peut se poser la question, en sortant de films comme World Trade Center, ou Déjà vu.

Quant à la polémique, elle est tout bonnement ridicule. Mais répondons-y, point par point :

– le film est faux historiquement.
Ce n’est pas le premier ! Apocalypto n’a aucune vocation documentaire. Si vous voulez en savoir plus, lisez Jacques Soustelle ! Un film n’a pas de vocation pédagogique. Sinon c’est un documentaire. Un film doit raconter une histoire, un point, c’est tout.

– Apocalypto ne montre pas les grandeurs de la civilisation Maya ; il ne montre que des dégénérés.
Le film montre d’une part les indiens dans la forêt, et les indiens dans les villes. Il montre surtout une civilisation qui s’écroule. Et ça, c’est un fait historique ! Ces rites sanglants, qui nous paraissent tout à fait démesurés, sont d’ailleurs relativement bien expliqués dans le film. On en comprend la raison. Et ces rites ne sont pas une légende, on a retrouvé autour des temples des milliers de cadavres à la tête tranchée, comme dans le film. Gibson n’invente rien.

Cette polémique prend un sens tout à fait chrétien, celle de la parabole de Job, notamment traité dans la théorie du bouc émissaire de René Girard (je laisserai le Framekeeper développer cela). Mel Gibson est devenu le terrain de chasse de la critique, qui visiblement, n’a pas vu son film.

*A ce titre, il est fascinant de lire les critiques qui parlent de viols filmés avec complaisance, alors qu’on n’en voit pas un seul dans le film

**Une image d’Apocalypto m’a particulièrement frappé : un enfant – probablement le fils de l’empereur – assiste aux massacres en riant. Il est obèse, comme beaucoup d’enfants américains




lundi 22 janvier 2007


L’Incroyable Destin de Harold Crick
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Il y a des films qui sont maudits. Certains le sont à cause d’obscurs employés du marketing, qui ont cru que L’Incroyable Destin de Harold Crick ferait un meilleur titre que Stranger Than Fiction. Mauvais choix puisque Harold Crick (en français) a fait pour le moment 70 000 entrées dans toute la France. Pourtant, il est HORS DE QUESTION de rater ce film. Peut-être ne l’aimerez vous pas, mais il faut l’avoir vu ! Pourquoi ? Comment ça, pourquoi ? Depuis quand vous faut-il des raisons pour aller au cinéma ? Et par là même, éviter La Recrue sur TF1, terrifiant navet avec Al Pacino ?

Des raisons, je vais vous en donner, moi. Pour aller voir L’Incroyable destin de Harold Crick, il suffit d’aimer les cookies. Ou de détester les contrôleurs du fisc. Ou d’aimer les Fender Stratocaster. Ou être fan d’Emma Thompson, ou de Dustin Hoffman ou encore de la craquante Maggie Gyllenhaal. Ou tout simplement aimer les bonnes histoires, qui s’installent douillettement dans votre fauteuil. Vous suivez l’intrigue, ça n’a pas l’air d’avancer fort, et puis la fin arrive et vous réalisez que cette histoire vous tient par les couilles !

Voici donc l’histoire d’Harold Crick, contrôleur du fisc, à la vie on ne peut plus banale. Jusqu’au jour où il se met à entendre la voix off (oui, celle que nous, spectateurs, entendons dans le film). Que fait cette voix ? Et bien c’est tout simplement celle d’un écrivain, en train d’écrire la lamentable histoire d’Harold Crick. Et cet écrivain cherche un moyen de le tuer, afin de terminer son livre. Heureusement pour Harold, l’écrivain en question (Emma Thompson), a perdu l’inspiration : impossible de trouver une fin. La vie d’Harold Crick est donc en sursis. Mais pour combien de temps ? Notre héros va donc prendre conseil chez son DRH, sa psy, son unique pote. Seul un écrivain pourra résoudre cette énigme. C’est donc Dustin Hoffman, prof de lettres, qui s’y colle, avec toutes les ressources de la fiction. Et en posant la question d’Italo Calvino, qui hante tout le film : « vivons nous une tragédie ? Ou une comédie ? Si c’est une tragédie, vous mourrez à la fin. Si c’est une comédie, vous finirez maqué avec la fille… »

L’Incroyable destin de Harold Crick est un film malin. Il garde le spectateur à distance de cette histoire invraisemblable, à la « Jour sans Fin ». Le héros n’en est pas un. Qui peut aimer un inspecteur des impôts, moche et falot ? Forcément une jeune pâtissière anarchiste ! Ajoutez à cela auteur névrosé, assistante tyrannique, prof de lettres barré, le tout filmé à bonne distance par Marc Forster – réalisateur de Neverland et A l’Ombre de la Haine – le cocktail se révèle progressivement détonnant, pour vous scotcher complètement sur votre siège à la fin. Malgré son titre, c’est donc probablement un des meilleurs films de l’année… alors qu’il reste encore 343 jours.