mercredi 14 janvier 2015


Sin City : J’ai Tué pour Elle
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Après avoir regardé Sin City dans l’unique but de voir celui-ci, et l’avoir trouvé très bien, il était intéressant de voir ce quoi s’était passé avec la licence en dix ans.

Bonne nouvelle : rien. C’est comme si les deux films sortaient à la suite, les acteurs n’ayant même pas vieilli. On pourrait donc décalquer la critique de l’autre Sin City : les deux sont aussi bons dans l’esthétique, l’hommage au film noir, le Gore mi-rigolo mi-tragique.

On est toujours loin du chef d’œuvre mais suffisamment près de ce qu’on attend d’une couple d’heure au cinéma, en résumant la phrase de David Lynch : partir, rêver, mourir et revenir.

Et c’est déjà pas mal.




lundi 12 janvier 2015


20 000 Jours sur Terre
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Oui. Bon. Bof. Ici, on aime beaucoup Nick Cave, mais ces 20 000 Jours sur Terre (piqué à Maurice Genevoix ou à Françoiz Breut ?) auraient pu être mieux.

On vous l’accorde, l’idée est intéressante : faire un documentaire qui ne serait pas un documentaire. Une sorte de performance : moitié doc, moitié fiction. Le vingt millième jour sur terre de monsieur Nick Cave. Ce qui aurait pu être l’exploration du monde onirique foisonnant des Bad Seeds, ses tueurs en série romantiques, ses éclairs de tonnerre bibliques au-dessus de Tupelo, ses chants de marins morts

Mais ça ne marche pas, quelque part à cause de Nick Cave lui-même. Héros de son film, il parle trop. La séquence chez le psy est rigolote, mais trop longue. Les interviews croisées dans la voiture sont sympas, mais trop convenus.

Il y a une idée au début du film qui dit ce qu’aurait pu être 20 000 Jours sur Terre : Nick Cave entre dans sa voiture, et l’autoradio se met en route : « Can’t get you out of my head, lalala, la-la-la.. ». Le chanteur des Bad Seeds éteint la radio d’un air rageur.

Et là le spectateur se met à gamberger. Est-ce une blague, les goûts musicaux de Cave étant assez éloignés de Kylie Minogue? Ou Nick Cave est-il en froid avec celle qui lui permit pourtant de décrocher son unique n°1 ? Ou encore, est-ce la réaction d’un amant frustré, la blonde l’ayant quitté ?

C’est ça la force de la fiction, et c’est à ça que nous, nous aurions aimé jouer.

* ou le jour où nous nous rencontrâmes, sur une route tortueuse de montagne, au détour de l’épisode Duane Barry des X-Files




samedi 10 janvier 2015


A Most Violent Year
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Après les vampires de la finance, les porte-containers, les mafieux… JC Chandor poursuit son exploration du capitalisme et des tréfonds de l’âme humaine. Pour lui, aujourd’hui, ces deux-là ne font qu’un. Qui suis-je dans ce monde de compétition féroce ? Qu’est-ce que je peux faire ? Comment survivre au naufrage quand on est dans le bateau (Margin Call) ? Quand on est LE bateau (All is Lost) ? Ou qu’on croit être le seul capitaine de ce bateau (A Most Violent Year) ?

Même si Margin call reste de la preuve la plus évidente du talent et du génie de JC Chandor, cette année très violente n’est pas mal non plus.

Pendant longtemps, on croit avoir affaire avec un de ces merveilleux films sur la mafia dont nous a gratifié le cinéma US depuis les années 70 : Le Parrain, les Affranchis, Scarface, Les Sopranos. Des hommes qui essaient d’échapper à leur destin criminel, mais qui sont condamnés à la violence.

Mais ici, c’est plutôt le dilemme d’un Macbeth hispanique et new-yorkais. Abel Morales (Oscar Isaac) n’est pas encore le Thane de Brooklyn, mais il est sur un gros coup. Il est sur le point d’acquérir le terminal pétrolier au bord de l’East river, qui lui permettra de développer son entreprise de fioul livré aux particuliers. Mais voilà, nous sommes en 1981, a most violent year in New-York, et ses camions se font régulièrement agresser et dévaliser, probablement par la concurrence.

Pressés par sa femme, une Lady Macbeth frustrée (Jessica Chastain), et ses créanciers, Abel basculera-t-il dans l’illégalité ? C’est à ce cliché du film mafieux que s’attaque JC Chandor. Il préfère proposer un personnage qui veut à tout prix atteindre la réussite par le rêve américain, alliance de travail, de succès, et d’honnêteté. Mais autour, les autres immigrés (juifs, noirs et irlandais) semblent susurrer à l’oreille de ce Macbeth moderne, la leçon coppolio-scorsesienne : ce pays s’est construit dans le sang et la violence.

Si le film a tout pour être magistral (couple Davis-Chastain en or massif, les nouveaux Pacino-Pfeiffer, images sublimes, musique subtile), il manque juste le peu de muscle qui faisait la perfection de Margin Call.

Mais Chandor a tout d’un grand.




dimanche 4 janvier 2015


L’Evadé d’Alcatraz
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Voilà des années que je voulais voir L’Evadé d’Alcatraz, multi rediffusé à la télé, souvent le signe d’un bon film, ou au moins d’un film dont le succès ne se dément pas, c’est-à-dire, d’un bon film.

Et puis, L’Evadé d’Alcatraz, ça sent bon la GCA, style années soixante… Années soixante ? Après un petit tour sur IMDB, le Professore s’est bien emmêlé les crayons : le film se passe en 1962 et est sorti en 1979. Il faut dire qu’on croit toujours Clint Eastwood très vieux (il a 49 ans quand il joue et produit L’Evadé d’Alcatraz).

Mais surtout, le film lui aussi est horriblement daté. L’action avance à deux à l’heure avec des scènes très nunuches (le peintre)… heureusement qu’il y a Patrick McGoohan*…

Et ce que Wikipedia nous apprend (merci Internet !), c’est que L’Evadé d’Alcatraz, c’est un… biopic : la seule véritable évasion réussie d’Alcatraz. Enfin, on n’a pas retrouvé les évadés, donc réussie, on ne sait pas vraiment.

Bref, je vais aller me refaire The Rock, je crois.

* A chaque fois qu’il y avait une scène avec lui, je repassais en VF pour entendre la douce voix du Prisonnier




vendredi 2 janvier 2015


Bilan 2014 – Perspectives 2015
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

En début d’année, les entreprises réunissent leur personnel pour tirer le bilan de l’année passée et tracer les grandes lignes et les objectifs de l’année suivante. CineFast peinant à réunir ses 10 000 collaborateurs éparpillés à travers le monde, c’est par ce blog qu’il tente l’exercice. Et à vrai dire, c’est un triste bilan qu’il tire de 2014 : Le Professore n’aime plus le cinéma américain.

Ou plutôt, il n’aime plus la GCA. Ou plutôt encore, il n’a plus tant que ça envie – ou de bonnes raisons – d’aller au cinéma. Il reste les mauvaises raisons : illuminer les yeux du Professorino à coups d’Interstellar, ou aller jouer au script doctor sur Whiplash. Mais le vrai, véritable et sincère amour du cinéma a disparu. Le cinéma ne donne plus envie d’aller au cinéma.

Mélancolie de fin d’année ? Probablement pas, les chiffres de cette année sont cruels : Ludovico n’a vu que 3 films du Top20 France et en a descendu 2 (et il n’a même pas vu Transformers 4 !)

1. Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?
2. Supercondriaque
3. Lucy
4. La Planète des Singes L’affrontement
5. Le Hobbit : La Bataille des Cinq Armées
6. Dragons 2
7. X Men Days of Future Past
8. Rio 2
9. Le Labyrinthe
10. Samba
11. Hunger Games – La Révolte : Partie 1
12. Interstellar
13. Astérix Le Domaine des Dieux
14. Les Vacances du Petit Nicolas
15. Les Gardiens de la Galaxie
16. Babysitting
17. Transformers 4 L’âge de l’extinction
18. The Amazing Spider-Man : le destin d’un Héros
19. Les 3 Frères Le retour
20. Maléfique

Pire, il n’a vu que trois films du boxoffice US (les mêmes, mais l’un d’entre eux sera peut au Topten du Professore)

1. Les Gardiens de la Galaxie
2. Hunger Games – La Révolte : Partie 1
3. Captain America Le Soldat de l’Hiver
4. La Grande Aventure Lego
5. Transformers : l’âge de l’extinction
6. Maléfique
7. X Men Days of Future Past
8. La Planète des singes : l’affrontement
9. The Amazing Spider-Man : le destin d’un Héros
10. Godzilla
11. Les Nouveaux Héros
12. 22 Jump Street
13. Ninja Turtles
14. Interstellar
15. Dragons 2
16. Le Hobbit La Bataille des Cinq Armées
17. Gone Girl
18. Divergente
19. Nos Pires Voisins
20. Mise à l’épreuve

Mais le pire n’est pas là. Le pire, c’est quil a vu (et apprécié) 5 films du Top15 des lecteurs de Télérama

1. Mommy
2. The Grand Budapest Hotel 3. Winter Sleep
4. Ida
5. 12 Years a Slave
6. Gone Girl
7. Hippocrate
8. Les Combattants
9. Saint Laurent
10. Deux jours, une nuit
11. Magic in the Moonlight
12. Jimmy’s Hall
13. Léviathan
14. Une nouvelle amie
15. Bird People

…Et il serait bien aller voir 5 films du Top15 de la rédaction de Télérama

1. Winter Sleep
2. Mommy
3. Saint Laurent
4. Ida
5. The Grand Budapest Hotel
6. Only Lovers Left Alive
7. Bande de filles
8. Léviathan
9. Dans la cour
10. Eastern Boys
11. Eden
12. Une nouvelle amie
13. Under the Skin
14. Hippocrate
15. Au bord du monde

A vrai dire cette tendance n’est pas nouvelle ; je regarde plus en plus de films à la télé (43 films cette années, contre 30 en salles, c’était largement l’inverse avant) ; je regarde encore plus de séries. Cette année, Mad Men, Un village Français, Game of Thrones, et les petits nouveaux Friday Night Lights, True Detective, Girls, The Newsroom, Halt and Catch Fire, The Affair, soit plus d’une centaine d’heure de visionnage…

Quels objectifs, dès lors, se fixer pour 2015 ? le cinéma américain ne va pas changer pour le Professore. Il va s’universaliser encore plus (et donc perdre sa spécificité américaine), raconter encore plus d’histoires universelles qui pourront plaire aux chinois sans déplaire au moyen orient. Seule la télé aura encore quelque chose à raconter sur l’Amérique. Sur la Silicon Valley (Halt and Catch Fire), le couple (The Affair) ou le rock, via le fameux projet Scorcese Jagger pour HBO. Et le Trône de Fer, qui reste peut être la meilleure allégorie de cette amérique inquiète de son propre destin : un trône (un leadership) vacant, l’hiver (climatique) qui approche, et les barbares (arabes, chinois, et autres sauvageons) aux portes…

On restera donc bien au chaud devant la télé, à guetter la perle rare en salle…




mercredi 31 décembre 2014


Whiplash
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

On cherchait encore la définition de « gentillet ». Peut-être l’a-t-on trouvé avec Whiplash, le chef d’œuvre autoproclamé des fêtes de noël.

Gentillet, c’est tout simplement quand le spectateur, au lieu d’adopter le point de vue du « héros », ou au moins du personnage principal, préfère se ranger du côté du méchant.

Dans 2012, grand film gentillet par excellence, on est du côté d’Hades, le méchant conseiller de la Maison Blanche. Nous pensons comme lui qu’ « il y a un problème » quand le héros préfère sacrifier la vie de dizaines de milliers de personnes pour sauver un pauvre type coincé sur un engrenage.

Dans Whiplash, c’est pareil, on est du côté du méchant. D’autant que c’est J. K. Simmons, le prof de batterie, déjà génial et terrifiant Vernon Schillinger dans Oz. Le « gentil », le « héros », c’est Andrew (Miles Teller), un jeune batteur doué qui a intégré le prestigieux conservatoire Shaffer. Va commencer un terrifiant face à face entre le batteur et son mentor, qui le pousse dans ses derniers retranchements, humiliations comprises, pour l’amener à l’excellence.

C’est là que le bât blesse car on peine à comprendre où va le scénario. Si l’objectif – affiché – est de faire d’Andrew le meilleur des batteurs, alors c’est la methode Fletcher qui est la bonne. Penser le contraire, c’est mal connaitre le monde artistique. Quiconque a, un jour, ambitionné de faire de la musique sait le niveau d’abnégation obsessionnelle qu’il faut pour atteindre les hautes sphères. Que l’on soit au Philarmonique de Berlin ou chez Oasis, quel que soit le niveau technique, il faut travailler beaucoup. A l’Opéra de Paris, on « casse » des générations entières de Petits Rats pour obtenir le meilleur ballet possible. Chez les Rolling Stones, on élimine les maillons faibles (Dick Taylor, Brian Jones, Mick Taylor, Bill Wyman, pas forcément les pires techniciens), tout simplement pour survivre.

C’est donc une illusion toute américaine que poursuit Whiplash. L’idée, séduisante, qu’il faut aider les enfants à grandir en étant uniquement bienveillants à leur égard. C’est ainsi que l’on éduque les enfants américains. Faites l’expérience : quand un enfant américain parle, les parents s’arrêtent et écoutent ce qu’il a à dire. Quand un enfant français parle, on lui apprend à ne pas interrompre les adultes*.

C’est cette idée un pêu gnangnan que refuse Terence Fletcher (J.K. Simmons) : ce n’est pas en tapotant Andrew dans le dos (avec un « good job ! » de circonstance) qu’il aidera son élève à devenir le nouveau Buddy Rich. Et malheureusement, le spectateur est un peu d’accord avec lui, d’autant que … ça marche !

Car dans un final abracadabrantesque, Damien Chazelle fait basculer son film dans le ridicule, pour le simple plaisir d’un twist totalement inattendu ; une épreuve supplémentaire qu’on inflige au héros et qui lui permet de prouver l’étendue de son talent. Une épreuve, un défi, qui démontre, par la plus grande absurdité possible, que la méthode Fletcher était la bonne.

Il est dommage que Damien Chazelle ait les idées si peu claires, car le reste de son cinéma est excellent : acteurs, mise en scène, façon de filmer la musique au plus près des instruments : Chazelle a tout d’un grand. Reste la bonne idée à incarner.

* A 18 ans, la tendance s’inverse, l’enfant américain est désormais responsable de son destin et doit remercier (en réussissant) les efforts de ses parents. En France, on continue à les aider longtemps après.




lundi 22 décembre 2014


Le Hobbit : La Bataille des Cinq Armées
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Que dire ? Les bras nous en tombent. Nous sommes consternés, comme devant le PSG qatari qui fait match nul au Parc contre Montpellier… Autant d’argent, de talent, d’énergie, pour aboutir à un si petit résultat.

Dans La Bataille des Cinq Armées il y a tout, et il n’y a rien. Des armées d’orcs, d’elfes, de nains. Un dragon qui crache le feu. Une ville en ruine, une deuxième, une troisième. Des batailles interminables. Des duels interminables. Un méchant devenu une victime, censé apporter une touche comique, pas drôle du tout.

Et pas de mise en scène. Pas de dramaturgie. Pas d’actes. Pas d’enjeux. Pourtant, un enjeu magnifique, shakespearien en diable, traîne entre deux scènes : ce roi devenu fou par l’or des nains, et qui se retourne contre sa communauté. Mais l’acteur – Richard Armitage, excellent – ne peut rien quand le texte est mauvais.

Et l’on ne peut s’empêcher de penser que, comme les dialogues, tout sonne creux : ces pierres sont en polystyrène, ces épées en plastique et cette couronne en carton. Même les elfes ont des têtes d’acteurs de série télé (Halt & Catch Fire, Lost)…

On ressort épuisé de ces neuf heures de saga. Ce long roller coaster ininterrompu, cette reconstitution en stuc et en plastique, cette pornographie de la violence permanente, auront réussi à détruire l’œuvre de Peter Jackson : rendre plausible l’idée même d’heroic fantasy. Ce que Le Seigneur des Anneaux avait réussi, Le Hobbit le détruit en réduisant l’œuvre de Tolkien à un pitoyable péplum de série B condamné aux poubelles de l’histoire.




mercredi 17 décembre 2014


The Affair s01e08
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Pour en finir avec ... -Séries TV ]

Pourquoi s’embêter à aller au cinéma ? Pourquoi s’embêter, en effet, quand vous avez, dans votre canapé, un film par semaine de la qualité de The Affair ? Car c’est bien de cela dont il s’agit : un drame d’une heure, intelligent – européen, oserait-on dire – filmé avec goût, esthétique et formidablement joué.

Un film chaque semaine qui traite des errements de l’amour, de la difficulté de vivre, de la vie et de la mort, des parents et des enfants, et qui rappelle les meilleures heures de Téchiné, Sautet, ou tout simplement de Six Feet Under ?

Pendant ce temps, que nous propose-t-on pour dix euros ? Les mêmes comédies rances du cinéma français, ses drames bourgeois, ses polars irréalistes, ou le recyclage infernal du patrimoine (Petit Nicolas et autres Benoit Brisefer).

Hollywood, en vérité, ne propose pas mieux. L’usine à rêves a renoncé aux adultes ; elle ne présente que la version aseptisée, infantilisée, des thèmes de The Affair. Rapport père/fille traité en mode balourd dans Interstellar, dilemmes psychologiques abracadabrantesques dans les films de superhéros. Le grand écart post moderne entre une prétendue modernisation de ces sous-genres et le vide criant de l’ambition affichée. Nous voilà revenus aux mauvaises séries B des fifties, mais maintenant, les séries B coûtent 200M$.

Quoi d’autre ? Le recyclage tout aussi infernal de l’animation 3D à base de pingouins, de zèbres, d’avions et de voitures anthropologiques, répétant à l’infini le scénario insupportable du roman d’apprentissage et de la rédemption. Sans parler, last but not least, de la sortie cette semaine du massacre, numérisé à la truelle, du plus grand conte de fées de tous les temps.

Je préfère passer l’hiver à Montauk.




dimanche 14 décembre 2014


Hard Eight
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Hard Eight, c’est le premier film de l’immense PT Anderson. Dans ce film de débutant, aussi appelé Sydney ou Double Mise, tout le talent du réalisateur est en germe. Toutes ses obsessions aussi : les pères absents, les fils et les filles perdues, l’Amérique des losers, le sexe et la violence.

L’intrigue est simple. Un homme âgé, Sydney (Philip Baker Hall) prend sous son aile un jeune homme un peu paumé, John (John C. Reilly). Nous sommes dans le Nevada, ce no man’s land de l’Amérique, entre Reno et Las Vegas. Déserts, motels, diners, et casinos.

Ce couple, père et fils de substitution, nous semble dès lors très étrange. Pourquoi Sydney consacre tant de temps (et d’argent) à aider ce parfait inconnu, cet abruti de John ? Court-il en fait après sa petite amie, la délicieuse Clementine (Gwyneth Paltrow) ? Et que vient faire dans ce trio Samuel L. Jackson, le trouble Jimmy, mi-maquereau, mi-chef de la sécurité du casino ?

Avec le jeu des acteurs, qui passe du minimaliste Philip Baker Hall, au jeu outré de Samuel L. Jackson, avec la perfection graphique de chaque plan, P.T. Anderson installe ce qui va devenir une œuvre, de Boogie Nights à The Master.

Mais ce qu’on peut néanmoins regretter, au visionnage de Hard Eight, c’est la complexification inutile – et semble-t-il, irréversible – de l’œuvre andersonienne. Après des débuts limpides (Hard Eight, Boogie Nights), Paul Thomas Anderson semble vouloir de plus en plus faire l’auteur. Ses films sont de plus en plus magnifiques (There Will Be Blood), mais aussi de plus en plus arides (The Master). Ses personnages nous touchent moins, le propos est moins clair.

C’est peut-être plus arty, mais c’est moins parfait.




mercredi 10 décembre 2014


Interstellar
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Il n’y a rien de pire que le génie sous-exploité. Comme si Léonard de Vinci avait consacré sa vie à dessiner Largo Winch, Michel-Ange à la poterie et Victor Hugo au Club des Cinq

Le talent de Christopher Nolan est indiscutable. C’est un grand metteur en scène, un grand directeur d’acteurs. Ses films sont magnifiques (Le Prestige, Insomnia), la musique y est formidable. Mais il semble faire carrière à l’envers : après un premier film excellent (Memento), Nolan, comme le héros de son film, est en train d’échouer à rebours. Ses films sont de plus en plus adolescents, de plus en plus débiles (au sens de du manque de force) sur le fond, tout en étant de plus en plus sublimes sur la forme.

Car Interstellar est magnifique : tout y est indéniablement parfait : acteur, musique, photo. Mais c’est un nanar. Un effroyable et sublime nanar. Tout en squattant une des grandes idées de la science-fiction (dans La Guerre Eternelle, Joe Haldeman pose déjà la question de revenir sur Terre plus jeune que ses enfants), Nolan gâche le travail par son incroyable prétention. Ce qui n’est pas une nouveauté puisque sa série Batman, unanimement salué ici et là, n’est qu’un indigeste pudding où l’on peine à découvrir l’intention artistique, malgré, encore une fois, l’accumulation de talents (Bale, Caine, Ledger).

Le cinéma de Nolan pose, une fois de plus, l’éternel problème de l’ambition artistique. Que veut faire l’Artiste ? Sculpter la plus belle pietà de tous les temps ? Ou faire une statuette pour votre jardin ? L’Artiste est toujours jugé à l’aune de l’ambition affichée. S’il en a peu, on le louera toujours s’il la dépasse (Scott, tendance Tony). Mais s’il dit vouloir faire son Grand Film (Scott, tendance Ridley), il a vraiment intérêt à le réussir.

C’est ce que semble nous dire Nolan dans les vingt premières minutes – remarquables – d’Interstellar. La Terre se meurt, sous les effets du réchauffement climatique. L’Homme refuse de l’accepter, espérant toujours « la prochaine récolte » qui viendra le sauver. Ce début magnifique pose la question ontologique de notre présence dans l’espace infini. Que faisons-nous là, au milieu de « ces noirs océans d’infinitude » selon la belle formule de Lovecraft ? Que se passera-t-il à la fin des temps ? Ou ira l’humanité quand la terre disparaitra ?

Nolan ajoute alors un deuxième enjeu fantastique (le « fantôme » communiquant avec la fille du héros, Cooper, l’astronaute devenu fermier (Matthew McConaughey) … en morse (sic). Et c’est là, en à peine vingt minutes, que Nolan « saute le requin ». Car sans rien révéler, le morse décodé met le père et la fille sur la piste d’une mystérieuse base secrète. Voilà nos héros arrêtés, mis au secret et conduits devant le Grand Patron (Michael Caine, of course) : « Ça tombe bien, nous cherchions à vous contacter… » (resic)

C’est là, vous l’avez compris, que ça devient du Cinéma Adolescent. Interstellar va se couvrir de comédons en quelques minutes. Car le Cinéma Adolescent, c’est le cinéma que l’on peut faire à quinze ans, et à quinze ans seulement : un cinéma qui ose tout, sans recul, sans perspective, sans sagesse, sûr de lui et dominateur, qui se croit tout permis parce qu’il est jeune et beau…

Nolan, c’est cela, un adolescent mégalo à qui Hollywood a confié les clefs de la Mustang sans vérifier s’il avait le permis. Comment lui reprocher ? Le wonderboy rapporte des zillions de dollars avec ses Batman fichus à l’as de pique. Si le petit Christopher veut jouer avec une maquette de Navette Spatiale, on va quand même pas l’en priver…

C’est donc parti pour le Grand Huit interstellaire : Nolan a envie de tout et Hollywood lui donne tout : théorie de la relativité, fermiers dustbowl au bord de la crise de nerfs, temps qui passe, réchauffement climatique, voyage spatial, virée dans le champ de maïs, relation père-fille (x2), paradoxes temporels, explorations planétaires, civilisation extraterrestre en dimensions (reresic)… On mélange tout et ça devient un horrible cake aux fruits indigeste. Après un quart d’heure de ce traitement indigne d’un spectateur adulte, on décroche et on se met alors à chercher à retenir, cruels que nous sommes, les phrases cultes, dites sans rire par des acteurs formidablement bons*.

Le plus drôle restant évidemment les cours de physique quantique, Nolan découvrant les brouillons des frères Bogdanoff** et les filmant tels quels : deux heures cinquante de dialogues abscons qui feraient passer Matrix pour du Labiche. C’est le deuxième indice du pouvoir de Nolan à Hollywood. Qu’aucun producteur ne lui ait demandé de couper dans son salmigondis pseudo-scientifique est tout à fait remarquable.

Le troisième indice de sa mégalomanie galopante est malheureusement assez fréquent à Hollywood : c’est la mégalomanie Kubrickophile. A quarante ans, si t’as pas fait 2001, t’as raté ta vie. Nolan veut faire son Kubrick ; il veut faire son 2001. Mais là où Kubrick (au même âge) invente tout et ne s’embarrasse pas d’explications scientifiques quand il ne peut pas en donner (la Porte des Etoiles, les Extraterrestres, le Monolithe), Nolan surexplique : le Tesseract. Le Trou Noir. Le Trou de Ver. La gravité dans la cinquième dimension au carré de la puissance. Et pompe allègrement dans le répertoire 2001. Un robot intelligent (mais drôle cette fois-ci) qui s’appelle TARS (hé hé, quatre lettres écrites en majuscule)… en forme de monolithe. Ça serait juste pathétique si ce n’était pas l’une des créatures visuellement les plus ridicules de ces dix dernières années (une sorte de Rubiks cube habillé par Paco Rabanne qui se déplie. C’est indescriptible, il faut aller voire Interstellar juste pour ça). Et on passera sur les plans silencieux dans l’espace, le souffle haletant, et tutti quanti

Autre mégalo Kubrickophile, Spielberg devait initialement réaliser Interstellar ; il y a finalement renoncé. Car Spielberg a beaucoup de défauts, mais il sait ce qu’il peut faire, et ce qu’il ne sait pas faire. Il sait jusqu’où faire l’Artiste, et quand il faut s’y arrêter, sous peine de ridicule. Il sait aussi quel âge il a, et quel âge il faut avoir pour faire un film. Qu’il faut avoir trente ans pour faire Les Dents de la Mer et soixante ans pour faire Munich. Et qui comprend à coup sûr que celui qui marche dans les pas de l’autre ne laisse pas de traces.

* Au hasard : « The bulk beings are closing the tesseract »
** En fait le film est co produit par Kip Thorne, un physicien expert de la théorie de la relativité